« Le mythe grec allemand » (Griechenmythos), un mythe fondateur de l’identité culturelle et nationale allemande
1La recherche actuelle autour du philhellénisme allemand doit beaucoup aux travaux de Manfred Landfester, décédé en février 2024, portant sur le Griechenmythos, le « mythe grec allemand ». Dans son essai Humanismus und Gesellschaft im 19. Jahrhundert (1988) puis dans l’article « Griechen und Deutsche: der Mythos einer “Wahlverwandtschaft”1 », qu’il écrit moins de dix ans plus tard, l’historien analyse la reconstruction idéalisée dont la Grèce antique a fait l’objet dans un contexte de profonde rivalité entre l’Allemagne et la France, au tournant des xviiie et xixe siècles. Cette réappropriation du passé grec par les Allemands dans un contexte national bien spécifique est devenue un objet de recherches à part entière, étudiée dans ses dimensions littéraires et politiques. Si les travaux de Manfred Landfester ont donné lieu à une importante production critique, ils s’inscrivent eux-mêmes dans la continuité de plusieurs écrits historiques interrogeant cette notion de Griechenmythos2. Les essais d’Elizabeth M. Butler3 et de Walther Rehm4 examinent la place de l’hellénisme allemand dans la seconde moitié du xviiie siècle pour mettre en exergue les dangers potentiels de ce rapport idéalisé à l’Hellade, qui s’abstrait des réalités concrètes de la Grèce et de son passé. Au milieu des années 1980, les analyses historiques de Walter Rüegg5 et du philologue et traducteur Mandred Furhmann6 montrent les liens entre réception de l’Antiquité et élaboration d’une identité et d’une conscience nationales allemandes à la fin du xviiie siècle. À la même période, Manfred Landfester met au jour ces phénomènes dans Humanismusund Gesellschaft im 19. Jahrhundert (1988), une étude historique s’intéressant à la place des études grecques dans la société et l’éducation allemandes, du xviiie à la fin du xixe siècle7. L’historien souligne la spécificité allemande de la référence hellénique, qui constitue, selon lui, une « voie particulière » (sonderweg8), au fondement de la « formation nationale » (Nationalbildung9) et de la culture des élites cultivées (Bildungsbürgertum). Dans son article « Griechen und Deutsche: der Mythos einer “Wahlverwandtschaft” » (1996), il retrace les différentes étapes de la formation du « mythe grec allemand » dans le contexte politique et culturel de l’Allemagne de la fin du xviiie siècle.
2En nous appuyant sur cet article et sur la production critique qu’il a suscitée10, nous reviendrons sur cette spécificité allemande, qui fait du mythe grec européen un mythe grec national, au fondement de la culture, de l’éducation et d’une véritable science de l’Antiquité (Altertumswissenschaft) en Allemagne, au tournant des xviiie et xixe siècles. Ces réflexions nous conduirons plus généralement à nous interroger sur la place de la référence antique dans la constitution d’une culture nationale et / ou supranationale.
Du mythe grec européen au mythe grec allemand : les modèles antiques au cœur des rivalités culturelles et politiques
3Dans quelles circonstances et selon quels mécanismes le « mythe grec allemand » (griechenmythos) apparaît-il dans l’histoire allemande ? Manfred Landfester souligne le caractère fondateur de l’ouvrage de Johann Joachim Winckelmann (1717-1768) dans la constitution de cette pensée. Ses Réflexions sur l’imitation des œuvres grecques dans la sculpture et la peinture [Gedanken über die Nachahmung der griechischen Werke in der Malerey und Bildauerkunst] constituent une pièce maîtresse de la réflexion sur l’art en Allemagne. Cet essai marque le début du néo-classicisme, en introduisant un paradigme nouveau, l’art grec, inaugurant une tradition qui, de Goethe à Nietzsche, allait devenir constitutive de la culture germanique : « L’unique moyen pour nous de devenir grands [...] est d’imiter [...] les Grecs » (« Der einzige Weg für uns […] groß […] zu werden, ist die Nachahmung […] der Griechen11 », p. 201). L’historien attire cependant notre attention sur l’ambiguïté du pronom personnel « nous » (uns) dans cette célèbre citation, qui renvoie moins aux Allemands qu’aux Européens : « Le paradigme grec de Winckelmann n’était pas pensé comme national, mais comme supranational et européen » (« Winckelmanns Griechenparadigma war nicht national, sonder übernational europäisch gedacht », p. 201). Dès sa parution en 1755, l’ouvrage rencontre d’ailleurs un succès immédiat en Europe12 où la « fièvre grecque » (« Griechenfieber », p. 202) se répand par-delà les frontières. D’après Anthony Andurand, qui s’appuie sur l’article de Manfred Landfester, la pensée de Winckelmann « prolonge la querelle des anciens et des modernes et s’insère encore dans une réflexions sur les rapports entre antiquité et modernité européenne13 », en déplaçant cependant l’objet des débats esthétiques : l’essai est centré sur la peinture et la sculpture, et non plus seulement sur la littérature, au cœur des nombreux débats qui ont alimenté la « querelle d’Homère » dans la France du début du xviiie siècle14.
4Il n’en demeure pas moins que la contribution de Winckelmann fut décisive dans l’élaboration d’un mythe grec national, fondé sur une « affinité élective » entre Grecs anciens et Allemands modernes. Manfred Landfester insiste sur le tournant que constitue la Révolution française dans l’élaboration d’un griechenmythos, se construisant par opposition au « mythe romain » (« Römermythos », p. 207) qui nourrissait la rhétorique républicaine française. Pour le peuple français, il s’agissait alors moins d’une « affinité élective » avec la Rome antique que de la « récupération d’un héritage symbolique sur le mode militaire et national15 », selon Sandrine Maufroy. L’expression « mythe romain », utilisée par Manfred Landfester, a cependant pu paraître excessive aux yeux de certains chercheurs qui ont par exemple souligné l’importance du modèle spartiate dans les discours révolutionnaires, modèle d’une démocratie parfaitement égalitaire auquel l’historien fait brièvement référence dans son article16. La prédominance de la référence à l’Antiquité romaine en France a eu d’importantes conséquences sur la constitution en Allemagne d’un mythe grec inédit, spécifiquement national. « Alors qu’en France et en Angleterre, c’est la réception de l’Antiquité romaine qui joua le rôle principal dans la consolidation de la conscience nationale, en Allemagne, écrit Sandrine Maufroy, c’est la Grèce antique, devenue le symbole de valeurs comme la liberté, la beauté et la raison, qui fonctionna comme un modèle d’identification pour la société et contribua à la formation de l’idéologie nationale17 ». Cette spécificité, que Manfred Landfester désigne comme « la voie particulière allemande » (« deutscher Sonderweg18 »), a d’ailleurs contribué à aviver en Allemagne l’intérêt pour l’histoire de la Grèce moderne et a favorisé dans les années 1820 l’émergence d’un mouvement de sympathie et de solidarité envers les Grecs révoltés contre les Ottomans, un mouvement philhellénique qui perdurera jusqu’en 184819 (p. 214).
5Le mythe grec européen, tel qu’il semble promu par Winckelmann, parvient encore à se maintenir jusque dans les dernières années du xviiie siècle, notamment à travers les œuvres de Goethe et de Schiller qui, s’inspirant des Grecs, cherchent à atteindre un idéal esthétique et moral universel pour faire advenir une « littérature mondiale » (« Welt-Literatur20 ») (p. 203-204). Cependant, la dimension supranationale de cette littérature s’accompagne aussi, chez les deux poètes, d’un enjeu plus national, comme le souligne Sandrine Maufroy :
la Grèce antique devenait ainsi à la fois une référence universelle indispensable à la formation esthétique, morale et politique des citoyens du monde et un modèle à imiter pour renouveler la culture allemande et la soustraire à la tutelle française21.
6Si les thèses de Winckelmann sont de nature principalement esthétiques, elles ne sont pas dénuées d’une dimension politique et sociale22, dont se ressaisissent les penseurs de l’identité nationale allemande.
Griechenmythos et éducation allemande (Nationalbildung) : un mythe au service de la construction d’une identité nationale
7Mandred Landfester souligne le rôle majeur joué par Wilhem von Humboldt (1767-1835) dans l’avènement d’un mythe grec spécifiquement allemand dans les années 1790. S’inspirant des idées de Winckelmann, celui-ci postule l’existence d’une parenté idéale entre Grecs anciens et Allemands modernes, d’une « affinité » (« verwandtschaft ») entre ces deux peuples, reprenant ainsi à son compte un concept issu du domaine de la chimie et de la physique qui en est venu à désigner les relations humaines après le succès rencontré par le roman de Goethe, Les Affinités électives (1809) (p. 198). Avant de désigner le rapport particulier de l’Allemagne à l’Hellade, Anthony Andurand rappelle que le thème de la verwandtschaft était utilisé pour décrire le rapport d’un auteur de langue allemande avec les Grecs : « de Winckelmann à Schiller, le thème de la parenté avec les Grecs, avec l’“esprit” hellénique, s’affirme comme topos parmi les représentants de la littérature allemande23 ». De ces rapprochements, Humboldt, mais aussi Schlegel, tirent l’idée d’une proximité « naturelle » entre le caractère national grec et le caractère national allemand au point que les Allemands puissent être considérés, selon eux, comme les Grecs de l’époque moderne (p. 208-209). La prééminence accordée aux Grecs est liée, selon ces penseurs, au fait que la nation grecque, répartie en de multiples cités, présentait une grande richesse de formes, ce qui avait contribué à son épanouissement artistique et littéraire, au développement le plus complet et le plus harmonieux des potentialités humaines. Les Allemands se reconnaissaient dans cette diversité culturelle et politique à laquelle les Grecs devaient leur supériorité. En opposant la diversité de la culture esthétique allemande à l’uniformité française, Humboldt mais aussi, avant lui, Klopstock, Herder et Schiller contribuèrent, selon Sandrine Maufroy, à « confirmer l’idée que les allemands détenaient la supériorité culturelle du fait de leur apparition tardive dans l’ensemble des nations européennes. […] Il s’ensuivait que la spécificité de la nationalité allemande, comme de la nationalité grecque, allait de pair avec son universalité24 ». Ces penseurs établirent ainsi la primauté culturelle des Allemands sur les autres nations européennes, en particulier la France, pour affirmer une identité nationale singulière, comme le souligne Manfred Landfester dans son article (p. 209-210) et dans son essai historique Humanismus und Gesellschaft im 19. Jahrhundert :
Die Deutsche Nation wurde jetzt zur auserwählten modernen Kulturnation, die aufgrund ihrer Verwandtschaft mit der griechischen Nation eine kulturelle Überlegenheit gegenüber den anderen europäischen Nationen erreichen konnte […]. Dabei wurde die politische Organisation Deutschlands in der Regel als eine notwendige Voraussetzung für die Überlegenheitange sehen, denen sie forderte – wie in Griechenland – den Wettbewerb und damit die kulturellen Anstrengungen und Leistungen. Man war gerne bereit, zugunsten der kulturellen Überlegenheit Deutschlands auf die politische nationale Einheit zu verzichten, da man glaubte, beides nicht gleichzeitig verwirklichen zu können. Dieser neue Gedanke von der Verwandtschaft der Griechen und Deutschen überlagerte nun die ältere Vorstellung, nach der eine bedeutende moderne deutsche Kultur […] nur durch Anknüpfung an die Griechen erreichbar sei25.
La nation allemande est devenue la nation culturelle moderne élue qui, en raison de sa parenté avec la nation grecque, pouvait atteindre une supériorité culturelle par rapport aux autres nations européennes […]. L’organisation politique de l’Allemagne était généralement considérée comme une condition nécessaire à cette supériorité, car elle favorisait – comme en Grèce – l’émulation et donc les efforts et les performances culturelles. On était prêt à renoncer à l’unité politique nationale au profit de la supériorité culturelle de l’Allemagne, car on pensait ne pas pouvoir réaliser en même temps ces deux objectifs. Cette pensée nouvelle de la parenté entre les Grecs et les Allemands s’est superposée à l’idée plus ancienne selon laquelle une culture allemande moderne importante […] ne pouvait être atteinte qu’en se rattachant aux Grecs.
8L’« affinité » entre Grèce et Allemagne n’était pas seulement culturelle, elle était aussi, selon certains auteurs, linguistique, ce qui justifia la place centrale de l’apprentissage des langues anciennes dans l’enseignement néohumaniste. Cette éducation fondée sur l’étude de la Grèce antique, promue par Humboldt, devint ainsi l’instrument privilégié du projet identitaire et de la formation de la Kulturnation allemande. La croyance selon laquelle les Allemands seraient les dépositaires de l’héritage grec « établissait entre la paideia hellénique et la Bildung allemande, par-delà la distance historique qui les sépare, une manière de continuité idéale26 ». Cet âge d’or de l’enseignement du grec ancien prend fin avec la réforme du lycée entreprise par l’empereur Guillaume II dans les années 1890‑1900 (p. 214).
La rencontre du passé grec et de l’Allemagne du présent par l’exégèse des sources antiques
9Le griechenmythos et son instrumentalisation dans l’enseignement ont été déterminants dans la constitution, au début du xixe siècle, de l’Altertumswissenschaft, d’une science consacrée à l’Antiquité, destinée à ressusciter le passé grec afin de révéler ses potentialités pour une nation allemande en devenir27. L’« affinité » entre l’Hellade et l’Allemagne investit ainsi les philologues allemands de cette mission particulière, devenue presque sacerdotale, selon Anthony Andurand :
les croyances inscrites au principe du mythe grec allemand fondent la tâche de la science de l’Antiquité (comme projet de présentification du passé hellénique) et la vocation du philologue (comme médiateur entre l’esprit allemand et l’esprit grec). Elles révèlent, dans le même temps, la dimension propre spirituelle, la ferveur quasi religieuse qui entourent la mission de l’Altertumswissenschaft et du philologue28.
10Le chercheur s’appuie notamment sur les écrits de Friedrich August Wolf, maître de Humboldt et auteur des Prolegomena ad Homerum (1795) et de la Darstellung der Altertumswissenschaft29 [Présentation de la science de l’Antiquité] (1807). Dans cet essai, il revient sur le rôle que doit jouer le philologue, un rôle de médiateur entre l’esprit grec et l’esprit allemand, un rôle d’exégète et d’artisan de la rencontre entre Grèce ancienne et Allemagne contemporaine30. En effet, il ne s’agit pas seulement pour le philologue d’exhumer et de reconstituer les sources antiques mais aussi d’en donner des clefs d’interprétation afin de définir une sorte d’identité collective des élites prussiennes à partir du modèle de la culture grecque : « [c’est] ce passage de la philologie d’une technique à une forme d’identité collective [qui a été] sommairement désignée par le terme de Bildung31 ». Ce contexte national a été propice à la redécouverte des textes antiques, et en particulier à la résurgence des tragédies grecques dans des mises en scène « archéologiques » s’attachant à la reconstitution de l’hellénisme théâtral32. L’Œdipe de Sophocle a par exemple fait l’objet de nombreuses traductions33 et son Antigone a été mise en scène par Goethe au théâtre de Weimar en 1809 puis par Ludwig Tieck, d’après la traduction établie par Johann Jakob Christian Donner en 1839 et sur une musique de Felix Mendelssohn34. Les traductions des pièces Antigonä et Ödipus der Tyrann (1804) par Hölderlin, qui s’inscrivent dans ce contexte d’affirmation du Griechenmythos, marquent cependant une rupture avec ce modèle, en creusant la distance entre l’Athènes du ve siècle et l’Allemagne moderne pour souligner la radicale altérité du passé grec35. En 1872, la définition du « mythe grec allemand » connaît une inflexion majeure avec La Naissance de la Tragédie (p. 217). Si la tragédie grecque a atteint une forme de perfection culturelle, c’est, selon Nietzsche, parce qu’elle constitue l’expression absolue de la « pulsion dionysiaque » (« dionysischen Triebes »), pulsion universelle pouvant ressurgir dans d’autres époques et d’autres lieux. Or, d’après Nietzsche, le peuple allemand a lui aussi atteint cette « perfection » culturelle, comme en témoigne l’œuvre de Richard Wagner, acte de « renaissance de la tragédie » (« Wiedergeburt der Tragödie »). L’influence de La Naissance de la Tragédie est considérable chez des écrivains de la fin du siècle comme Hugo von Hofmannsthal, Rudolf Borchardt, Stefan George ou encore Rudolf Alexander Schröder, qui envisagent à travers ce nouveau prisme leurs liens avec l’Hellade.
11Manfred Landfester rappelle aussi que la découverte de cette nouvelle proximité entre les Grecs anciens et les Allemands a contribué à établir autrement la primauté du peuple allemand sur le peuple français. Cette rivalité, qui est au fondement de l’affirmation d’une « affinité élective » entre le peuple grec et le peuple allemand, se joue aussi sur le terrain philologique. C’est ce qu’ont montré les travaux de Pascale Hummel, de Pierre Judet de La Combe, de Michel Espagne et de Sandrine Maufroy36, qui soulignent les écarts entre les manières d’interpréter l’Antiquité dans les deux pays, dus à une organisation institutionnelle du champ universitaire bien distincte :
D’un côté, en Allemagne, une science de l’Antiquité (Altertumwissenschaft) unifiée depuis la fin du xviiie siècle, associant philologie et archéologie, et réalisant dans un même mouvement établissement, interprétation et traduction des textes ; de l’autre, une organisation atomisée, où l’approche des œuvres antiques continue pendant longtemps de relever d’une forme de critique littéraire soucieuse de se démarquer du champ scientifique37.
12Les différents travaux portant sur ces sujets ont cependant nuancé cette franche opposition pour souligner les dynamiques d’échanges au sein de cette relation triangulaire entre Allemagne, France et Grèce antique, et les jeux d’influences réciproques, visibles dans la reprise par les Allemands des écrits de voyage en Grèce, réelle ou rêvée, écrits par des Français38, ou encore dans l’importance du modèle grec allemand dans la constitution de l’hellénisme français au xixe siècle39.
*
13En soulignant la spécificité allemande de la référence hellénique et en tentant d’en ressaisir la signification, Manfred Landfester invite à voir dans « le mythe grec allemand » (« Griechenmythos »), un des mythes constitutifs de l’imaginaire collectif de la nation allemande40 et de son identité cultuelle à la fin du xviiie siècle. Ses travaux mettent l’accent sur l’instrumentalisation dont les références antiques ont fait l’objet dans un contexte d’opposition entre la France et l’Allemagne, suscitant ainsi des réflexions plus larges sur la place de l’hellénisme en Europe et sur l’actualité de l’Antiquité dans la constitution d’un commun, qui ne serait pas seulement national mais aussi supranational, du fait des appropriations et des « partages41 » qu’il suscite de part et d’autre des frontières.