« Ce sont œuvres de jeunesse » : questionner un impensé des études littéraires
1« Qui dira le charme, le jaillissement des œuvres de jeunesse1 ? », se demandait il y a quelques années Jean-Yves Tadié, dans sa préface à l’édition « Quarto » de Jean Santeuil — prototype, à bien des égards, de l’œuvre de jeunesse (ou plutôt : de l’idée qu’on s’en fait), mais que, curieusement, les spécialistes de Marcel Proust rechignent à désigner comme telle. Le verbe au futur se teint ici d’une nuance modale et fait planer sur cette interrogation, lancée à la postérité comme un défi, un soupçon de prétérition : est-il vraiment possible d’appréhender le « charme » ambivalent, la fascination quelque peu mêlée de réticence que suscitent les débuts littéraires des auteurs et autrices canonisés ? Comment cerner les spécificités, les implications et les enjeux d’une catégorie appartenant depuis toujours à l’arsenal conceptuel de l’histoire littéraire et culturelle, mais jamais véritablement « théorisée, ni sans doute théorisable2 » ?
2Si les œuvres de jeunesse ne semblent guère offrir de prise à une conceptualisation plus affûtée, c’est parce que tout effort dans cette direction peine à dépasser les représentations consensuelles, et volontiers dépréciatives, transmises par les discours critiques et les traditions littéraires. D’ordre tautologique et téléologique, celles-ci rabotent la complexité des œuvres de jeunesse en les considérant, d’une part, comme la simple émanation d’une tranche d’âge (soit : les œuvres écrites pendant la jeunesse) et en les ravalant, d’autre part, au rang de balbutiements, étape liminaire, et souvent négligeable, au sein d’un parcours de création ascendant, culminant tout naturellement dans le chef-d’œuvre. En plus de simplifier grossièrement les contours de son objet, ces deux perspectives aplatissent, voire ignorent l’historicisation inhérente à la notion d’œuvre de jeunesse. Tout évident que cela puisse paraître, les mots mêmes d’« œuvre » et de « jeunesse » sont polysémiques et ne désignent pas les mêmes réalités biologiques et sociales à toutes les époques3.
3Ce ne sont là que quelques aspects de l’impensé généralisé qui entoure la catégorie des Juvenilia, et auquel s’attaquent les contributions réunies par Déborah Knopp, Florence Lotterie et Jean Vignes dans le collectif Juvenilia. Poétique et rhétorique de l’œuvre de jeunesse (XVIe-XVIIIe siècles). Issu d’un colloque pionnier qui s’était tenu à l’Université Paris Cité, ce volume doit être d’autant plus salué qu’il vient rééquilibrer la donne au sein d’un panorama critique où le vieillissement littéraire, volontiers couplé à la notion de « style tardif », a depuis longtemps retenu l’intérêt des chercheurs et chercheuses4, tandis que la jeunesse, et ses œuvres, sont loin d’avoir suscité une même effervescence critique. Comme le titre l’indique, les directeur et directrices du volume ont opéré une double restriction préalable : d’une part, le champ d’investigation est circonscrit à l’époque renaissante et prémoderne — ce qui fait de cet ouvrage le volet complémentaire, et bienvenu, d’une réflexion que nous avions nous-même initiée au sujet des œuvres de jeunesse et qui privilégiait des corpus postromantiques5 ; d’autre part, l’étude des ouvrages et des trajectoires auctoriales abordés tout au long du volume s’appuie sur l’outillage de l’analyse rhétorique et poétique, en laissant quelque peu au second plan les apports d’autres courants critiques, tels que la socio-poétique ou la sociologie de la littérature.
4Ce balisage n’a pourtant rien de rigide et ne limite aucunement l’envergure ni la richesse du propos. Car si les phénomènes d’ordres littéraire, éditorial, générique ou stylistique abordés sont spécifiques à la période retenue (xvie-xviiie siècles), l’ensemble des contributions met en lumière un éventail de problématiques plus générales, qui transcendent les siècles prémodernes et s’avèrent constitutives de l’œuvre de jeunesse en tant qu’objet théorique. De même, bien que de matrice rhétorique, les entrées qui structurent la plupart des analyses de corpus — l’ethos juvénile, la (re)construction de l’identité auctoriale, les options génériques et les facteurs qui en déterminent le choix — représentent également des préoccupations cruciales pour les approches sociologiques et historiennes du fait littéraire, avec lesquelles bon nombre de contributions entrent en dialogue.
5Cela étant, qu’est-ce, au juste, qu’une œuvre de jeunesse ? À cette question, ni les directeur et directrices, ni les contributeurs et contributrices du volume n’apportent de réponse définitive, et c’est tant mieux. Au lieu de chercher à figer la catégorie dans les limites d’une définition inévitablement partielle, ils et elles choisissent d’aborder l’œuvre de jeunesse au prisme des « imaginaires de la jeunesse et de leurs modalités d’implication dans le discours des œuvres, et sur les œuvres » (p. 14). Clairement revendiqué dans l’introduction, ce parti pris méthodologique et épistémologique est fort appréciable en ceci qu’il permet de faire apparaître toute la complexité de l’œuvre de jeunesse, entité conceptuelle d’autant plus fuyante qu’elle cristallise un ensemble de facteurs relevant tout à la fois du biologique, du social et du littéraire.
L’ethos juvénile : une construction à géométrie variable
6Ce nouage, dans lequel s’agrègent aussi bien des données factuelles que des projections imaginaires, est au cœur de toutes les réflexions proposées par les contributeurs et contributrices, mais émerge de façon saisissante lorsqu’on se penche sur les métadiscours d’escorte aux œuvres de jeunesse. Les préfaces, les épîtres dédicatoires ou autres textes liminaires, mais aussi des écrits à vocation rétrospective ou testamentaire (par exemple L’Essai sur les règnes de Claude et de Néron de Diderot (1782), analysé par Charles Vincent), constituent les lieux par excellence où s’opère la construction d’un ethos auctorial que l’on peut qualifier de juvénile. Bien que, comme il est rappelé dans l’introduction, elle ne soit jamais citée explicitement dans les traités de rhétorique de la Renaissance, ni dans les commentaires d’œuvres spécifiques, la description du caractère des jeunes qu’Aristote formalise dans le deuxième livre de sa Rhétorique nourrit durablement la « topique résistante » (p. 14) sur laquelle s’échafaudent les stratégies de positionnement, de légitimation, voire d’autopromotion mises en œuvre par les nouveaux ou nouvelles entrants sur la scène littéraire.
7Le lieu commun d’une jeunesse inexpérimentée, versant par nature dans la fougue, les emportements, les excès en tout genre — y compris stylistiques — se trouve au fondement de la posture d’humilité qu’arborent les débutants et débutantes, empressés de reconnaître les maladresses de leurs œuvres pour mieux s’attirer la bienveillance des lecteurs. Tel est, par exemple, le cas du théologien Martin Dorp qu’étudie Mathieu Ferrand (p. 31-43), mettant les nombreuses imperfections qui entachent son Dialogus politissimus (1514) à la charge de « l’ardeur subite et juvénile » (p. 35) qui l’aurait inspiré. Mais tel est aussi le cas des poètes renaissants des années 1530, faisant l’objet des contributions de Guillaume Berthon (p. 43-61) ou de Virginie Leroux et Léonie Ollagnier (p. 61-75). Qu’il s’agisse de la préface célèbre de Clément Marot à son Adolescence Clémentine (1532), ou des liminaires qui introduisent les Juvenilia de Théodore de Bèze ou de Marc-Antoine Muret, la thématisation du jeune âge soutient une rhétorique de la modestie vouée, d’une part, à rendre excusables la légèreté et les défauts de poèmes qui ne se veulent, d’ailleurs, que de purs exercices de dilettantes, et, d’autre part, à prévenir les reproches dont un public sérieux pourrait les accabler.
8Or, si tous les auteurs et autrices abordés — de Marot à Corneille, des romanciers du début du xviie siècle à Germaine de Staël — mobilisent dans leur discours le topos de l’excusatio propter infirmitatem, plusieurs contributions montrent que celui-ci ne constitue qu’une facette de l’ethos juvénile. La modestie se voit en effet contrecarrée bien souvent par la revendication plus ou moins voilée d’une hardiesse et d’une témérité qui seraient également propres à la jeunesse. À ce propos, Lauriane Maisonneuve décèle, dans les protestations d’humilité qui jalonnent les paratextes de deux pièces de jeunesse de Corneille, Mélite (1629-1630) et Clitandre (1632), l’audace du jeune dramaturge, lequel défend l’originalité et même les prétendus défauts de ses pièces, ainsi que son choix de les publier (voir p. 135-141).
9Soumis à toute sorte d’ajustements et de révisions, l’autoportrait du jeune homme (ou de la jeune femme) en aspirant écrivain présente souvent des contours ambivalents. C’est ce que montrent aussi bien Déborah Knop et Michel Magnien au sujet de La Boétie, « mettant en avant tantôt sa hardiesse et son emportement, tantôt son expérience littéraire et la maturité de sa pensée » (p. 86), que Laurence Macé, qui se penche sur les textes d’accompagnement aux premières tragédies de Voltaire, où « l’ethos qui s’y élabore et s’y revendique est peut-être l’indice paradoxal que Voltaire tourne définitivement alors le dos à sa jeunesse » (p. 183). Les flottements et les contradictions s’accentuent, d’ailleurs, lorsque c’est l’homme mûr (et l’auteur confirmé) qui, au soir de sa vie, tourne son regard vers le jeune impétrant qu’il a été. Ainsi, « Diderot juge de Denis », pour reprendre le titre de la contribution de Charles Vincent, oscille entre le désaveu — frappant le débutant impétueux et mal avisé qui s’en est pris à Sénèque trente ans plus tôt — et « l’apologie de soi » (p. 201), incohérence apparente qui masque, en réalité, « un conflit de génération » (p. 203) entre les philosophes des Lumières et la jeunesse révolutionnaire.
À chaque âge son genre (littéraire) ?
10Il apparaît donc que, pas plus que l’œuvre de jeunesse, l’ethos juvénile ne se laisse enfermer dans une vision essentialiste : sa construction, y compris discursive, dépend étroitement du moment individuel (dans la trajectoire de l’auteur ou de l’autrice) et collectif (état du champ littéraire), dans lequel elle s’élabore. Cependant, les nombreux points de convergence qui se tissent entre les cas d’étude proposés permettent de dégager des éléments récurrents et partagés, susceptibles d’éclairer des enjeux posturaux spécifiques aux jeunes auteurs et autrices, et ce bien au-delà de l’époque prémoderne. Ce qui, en revanche, semble caractériser en propre le contexte de production et de réception de la Renaissance et, dans une moindre mesure, de l’âge classique, est la relation qui se noue entre la jeunesse — à comprendre toujours comme une donnée à la fois biographique et sociale — et certaines options génériques.
11Puisque, comme le dira Rimbaud, « on n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans », les humanistes renaissants tolèrent que le jeune âge s’adonne à la pratique légère des Belles-Lettres, pourvu que celle-ci ne soit qu’un prélude divertissant aux graves travaux de théologie qui surviennent à l’âge mûr. Aussi bien chez Érasme, dont le cas est évoqué dans la brève contribution de Jean-François Cottier, que chez Martin Dorp, la séparation biologique entre la jeunesse et la maturité se double d’une fracture générique ; sans renier la création littéraire, la compartimentation des activités savantes en minore pourtant le rôle dans « la hiérarchie des tâches de l’homme de science » (p. 41). Or, au sein même du continent des Belles-Lettres, et des conventions rhétoriques qui le régissent, certains genres semblent plus que d’autres être l’apanage de la jeunesse, refléter ses passions mais également sa frivolité. Léo Stambul montre ainsi, à travers l’exemple de Boileau, que l’association de la jeunesse biographique de l’auteur au genre de la satire, déjà prégnante au xviie siècle, s’est stabilisée dans l’historiographie littéraire au point de faire de la première une « catégorie artificielle » et un « artefact historiographique […] appliqué avec succès aux années 1660 » (p. 148).
12Mais c’est surtout à la Renaissance, avec la vogue des recueils poétiques des Juvenilia, que l’on peut observer cet entrelacs de paramètres biographiques, génériques et thématiques. Inauguré par le succès retentissant de L’Adolescence clémentine (1532) de Marot, et alimenté entre autres par les Poemata de Théodore de Bèze (1548) et par les Juvenilia de Marc-Antoine Muret (1552) — objets de la contribution de Virginie Leroux et Léonie Ollagnier — ce sous-genre, très fécond tout au long du xvie siècle, contribue, de façon unique dans l’histoire littéraire française, à instituer l’œuvre de jeunesse en produit littéraire caractérisé et en objet éditorial reconnaissable. Il s’agit en effet de poèmes à caractère amoureux, écrits par des poètes qui s’apprêtent à faire leur entrée dans le monde des lettres et qui, du fait de leur jeune âge et de leur inexpérience (aussi bien existentielle que poétique), n’osent pas encore aborder les genres sérieux de la poésie tragique ou épique. La thématique amoureuse des poèmes fonctionne ainsi comme un signal permettant une double thématisation de la jeunesse : à l’intérieur des textes poétiques, qui illustrent les frasques sentimentaux et érotiques du je lyrique ; mais aussi à l’extérieur de ceux-ci, puisque les productions rangées dans la catégorie des Juvenilia concourent à installer une jeune génération de poètes sur le devant de la scène et lui garantissent, comme le note Guillaume Berthon, une visibilité nouvelle « dans un champ littéraire dominé par des figures d’autorité » (p. 50). Présentés par les auteurs-eux-mêmes, disciples en cela de Pétrarque (qui qualifiait ses poèmes d’amour de « primo giovenile errore », première erreur de jeunesse), comme des égarements du cœur (sinon du corps) et de l’esprit, mais également du style, ces recueils n’affirment pas moins « la capacité des jeunes à égaler les Anciens » (p. 67) et leur droit à se faire une place, pour le dire avec Bourdieu, dans le jeu poétique.
13Une dynamique analogue s’observe au début du xviie siècle, non plus en poésie mais dans le genre encore « mineur » du roman. Delphine Denis illustre l’articulation en miroir entre la jeunesse d’un genre qui, commence certes à proliférer, mais ne possède pas encore d’assises théoriques, et la jeunesse d’auteurs qui, en raison même de ce cadre théorique flou, choisissent le roman comme banc d’essai et voie d’entrée en littérature. « [Leurs] œuvres de jeunesse participent ainsi de la progressive genèse du roman » (p. 104), tant sur le plan des formes narratives que sur le plan des thèmes (l’inspiration biographique et l’histoire des amours des auteurs y prédominent) et du style (souvent tancé de puérilité, et assimilé, comme chez Gomberville, « aux pas d’un enfant encore malhabile », p. 113).
14Malgré leur diversité, tous les exemples évoqués au fil de l’ouvrage s’accordent cependant sur un point essentiel, à savoir que la supposée « spécificité juvénile » (p. 18) d’un genre littéraire, ou même d’une œuvre, n’est jamais que le résultat d’une « reconstruction » (p. 20) rétrospective, où les imaginaires culturels s’allient aux traditions historiographiques et éditoriales.
La fabrique éditoriale de l’œuvre de jeunesse
15Car, comme le rappellent les directeur et directrices du volume dans l’introduction, « les critères définitoires du genre relèvent aussi de ce que l’on pourrait appeler une stratégie générique de la jeunesse, qui s’appuie notamment sur un geste éditorial par lequel l’auteur assume son contrôle sur l’image de ce qu’il est et ce qu’il fut » (p. 20). En effet, qu’elle s’opère de manière synchrone ou à la faveur d’un temps de recul, l’élaboration de l’ethos auctorial va de pair avec l’échafaudage — par l’écrivain ou l’écrivaine de son vivant, et/ou par les éditeurs ou éditrices ultérieurs — de l’œuvre, dont les productions juvéniles occupent des marges incertaines et problématiques. Surgissent alors des questions épineuses, qui, une fois de plus, ne trouvent pas de réponse univoque et ne sont pas pour faciliter la tâche historiographique et éditoriale : la jeunesse donne-t-elle toujours lieu à des « œuvres », soit à des ensembles unitaires, posant et présupposant « la double question de l’intention et de la complétude6 » ? Que faire des écrits juvéniles inédits, demeurés dans les archives de l’auteur ou de l’autrice ? Appartiennent-ils de droit à l’œuvre canonisée ?
16Lorsqu’on aborde des corpus de la première modernité, les incertitudes redoublent parfois du fait des difficultés d’attribution ou de datation. Ainsi, le choix (au demeurant consensuel) de loger le Discours sur la servitude volontaire de La Boétie à l’enseigne des « œuvre de jeunesse » n’est pas sans poser problème, tant sur le plan chronologique — la « fourchette de datation de la composition du Discours [s’étendant] sur seize années » (p. 76), ce qui engage une (re)définition des limites biologiques de la jeunesse — que sur le plan philologique, puisque le texte que nous lisons aujourd’hui a été établi à partir de manuscrits d’époques différentes. Laura Broccardo et Blandine Poirier interrogent, quant à elles, la pertinence de l’appellation « œuvres de jeunesse » pour la production de Germaine de Staël, en soulignant d’entrée de jeu la nécessité, en ce qui la concerne, de découpler l’âge biographique de « l’âge auctorial » (p. 209). En effet, bien qu’ayant déjà écrit et publié plusieurs textes (en particulier les Lettres sur Rousseau, sur lesquelles s’arrêtent les autrices de l’étude, voir p. 211-213), lorsque paraît De la Littérature (1800), Staël tient à se présenter comme une autrice encore jeune, afin de mieux faire ressortir l’importance et la précocité paradoxale de son accomplissement. Il ne s’agit pas pour elle, cependant, de minorer voire d’occulter ses débuts ; les autrices de l’étude montrent que la relation entretenue par Staël avec ses textes de jeunesse est orientée vers l’édification de son œuvre et la mise en valeur de son unité organique (voir p. 215). De cette finalité découle néanmoins l’instabilité génétique et éditoriale de ces premières productions, que Staël n’a cessé de retravailler, parfois pour « contrôler la juvénilité du texte, voire la contrecarrer » (p. 217). C’est pourquoi l’opération qui consisterait à réunir les écrits antérieurs à De la Littérature sous le label « œuvres de jeunesse » paraît périlleuse, sinon discutable, car elle revient, selon Laura Broccardo et Blandine Poirier, à figer « en objet clos un ensemble qui ne l’est en rien » (p. 222).
17Les trois jalons que nous avons isolés dans le riche et stimulant ensemble que compose cet ouvrage collectif ne cessent, on le voit, de se recouper et de susciter de nouvelles interrogations. Tel un meuble à secrets, où chaque tiroir que l’on découvre ouvre sur d’autres tiroirs insoupçonnés, la catégorie d’œuvre de jeunesse ouvre sur un éventail de problématiques qui à la fois l’englobent et le dépassent, l’éclairent et s’en trouvent éclairées. En elle convergent plusieurs questions cruciales pour les études littéraires, que seul un regard transversal permet de faire émerger ; à ce propos, le passage par le particulier que proposent les différentes contributions s’avère instructif et efficace : s’inscrivant dans le cadre d’une confrontation plurielle et horizontale des productions juvéniles d’écrivains et écrivaines différents, il permet paradoxalement une montée en généralité. Ainsi, s’il demeure sans doute impossible de dire « le charme et le jaillissement » des Juvenilia, si cette notion foncièrement corrélative et rétrospective échappe à toute théorisation trop rigide, l’entreprise menée par les contributeurs et contributrices du volume montre que l’œuvre de jeunesse peut devenir un analyseur puissant de grandes catégories de la création littéraire (auteur, style, canon), pour peu que l’on s’attache à déployer en bonne méthode tout l’impensé qu’elle charrie avec elle.