Devenirs modernes du romantisme allemand
1Dans l’avant-propos d’un précédent recueil d’articles1, Olivier Schefer affirmait que de nombreux problèmes esthétiques modernes et contemporains étaient nés avec le romantisme, et plus particulièrement avec le romantisme allemand. C’est cette thèse que l’auteur reprend et approfondit dans ses Mélanges romantiques, en faisant du romantisme un mouvement de la modernité2 : le romantisme passéiste est une réaction moderne de l’anti-modernité, opposé au « romantisme révolutionnaire » (p. 8) qui incarne une crise moderne. Pour O. Schefer, le lien qui unit modernité et romantisme est avant tout « un rapport critique au temps » (id.). Mais il serait réducteur de considérer la réflexion de l’auteur sous l’angle unique des effets modernes du romantisme. Il s’agit bien plutôt de relire le romantisme au regard des conséquences qu’il a pu avoir à l’époque contemporaine, en « dissoci[ant] l’entreprise fragmentaire et critique des romantiques du programme ontologique du modernisme » (p. 24). La quatrième de couverture de l’essai expose la grande idée que l’auteur retire de sa réflexion sur le romantisme :
Loin d’instaurer le culte unique du beau et du vrai, le romantisme met en crise la vérité en art et jusqu’à l’idée de représentation.
2C’est cette idée qu’O. Schefer retrouve dans les trois grands domaines abordés dans le présent recueil : la religion, la forme fragmentaire et le rêve.
« Es ist kein Gott » :Formes modernes de la croyance
3Sous le titre « Hérésies romantiques », O. Schefer regroupe deux articles : le premier, déjà publié, traite de l’évolution de la religion de l’art (« Religion de l’art et modernité ») et le second, inédit, propose une réflexion sur le mysticisme de Novalis3 (« Passivité et mystique du corps chez Novalis »).
4Le postulat de départ est que l’art moderne naît avec la crise religieuse exprimée par Jean-Paul Richter dans son célèbre Rede des toten Christus, maladroitement traduit en français sous le titre « Songe »4. Ce qui a tué le divin, pour les romantiques, c’est bien évidemment la Révolution, mais pas uniquement : O. Schefer montre que les romantiques allemands accusent également la révolution intellectuelle allemande incarnée par l’œuvre de Kant, qui a parachevé le « processus de rationalisation de la religion » initié par Descartes d’un côté, et par la Réforme de l’autre (p. 31‑32). C’est cette crise du divin qui hante la modernité depuis le romantisme, qui se réfugie dans l’art comme substitut au Dieu mort. Il n’est pas surprenant de voir que Nietzsche enregistre cette « religion de l’art » dans une belle formule citée par O. Schefer : « L’art lève la tête quand les religions perdent du terrain » (Humain trop humain, 1878). Cette archéologie de la « métaphysique d’artiste » (Nietzsche, Naissance de la tragédie, 1872) amène le critique à aborder la nature paradoxale de la religion de l’art, qui constitue le cœur de sa réflexion :
On peut donc s’interroger sur le statut quelque peu ambigu d’une religion artistique qui prétend résoudre une crise tout en l’approfondissant et opère le glissement et la permutation de ses signes et de ses rites sur d’autres objets, d’autres lieux, voire d’autres cultures. Cette ambiguïté est précisément ce qui lie la modernité au religieux. Que l’événement historique et idéologique de la mort de Dieu ait libéré d’autres formes de spiritualité, l’art moderne du reste n’aura cessé d’en faire la démonstration. (p. 35)
5Sur ce point, le romantisme allemand occupe une position essentielle, car il est à la fois celui qui dit la mort de Dieu et celui qui propose de nouvelles formes de spiritualité. O. Schefer montre bien que la puissance théorique du romantisme allemand réside dans le dépassement d’une affirmation qui aurait pu faire sombrer la pensée occidentale dans le nihilisme le plus total. La réflexion du critique s’oriente alors vers une étude des conceptions divines de l’art depuis le premier romantisme allemand (Wackenroder, Schlegel, Novalis, Schleiermacher) jusqu’aux années 1920, en passant par le symbolisme. Cette pensée divine de l’art s’articule autour d’une forme de christologie qui fait écho à la volonté d’« exprimer sous une forme sensible une vision de l’infini, un rêve de l’au-delà, ou une conception transcendante » (p. 40). O. Schefer voit dans « la figure du Christ » la manifestation de « l’ambition artistique d’unification de l’idéal et du réel » (p. 43), en écho au concept de médiation exposé par Schleiermacher dans ses Discours sur la religion (1799). On trouve dans cette unification de l’idéal et du réel la clé de voûte de l’analyse du romantisme commune à tous les ouvrages d’O. Schefer, qui disait déjà dans ses Résonances du romantisme que l’« idéalisme magique » novalissien5, étendu au romantisme, était également un « réalisme magique ».
6Par la suite, l’auteur adopte une approche que l’on pourrait qualifier de typologique : certains auteurs en reste à une religion programmatique (Schleiermacher), d’autres élaborent un culte du moi (Baudelaire), d’autres enfin prônent un primitivisme issu d’un syncrétisme religieux (Gauguin, Cézanne). Il est intéressant de voir qu’O. Schefer met en rapport relation au divin et création artistique dans la lignée des théories d’un Paul Klee. Le critique utilise une formule adéquate, celle d’ « ontogenèse du visible », afin de mettre en lumière le profond lien qui existe entre activité artistique et religiosité, l’œuvre étant un « cosmos plastique » où « il ne faut plus qu’un souffle pour que l’essence de la religion s’actualise6 ».
7C’est à cette époque que naissent les premières œuvres abstraites, qu’O. Schefer approche par le biais de leur relation aux arts précédents :
Les premières abstractions auront différemment repris à leur compte le projet néoromantique d’une « religion de l’art », parfois au travers d’interrogations esthético-métaphysiques sur les structures formelles de l’œuvre (comme le recours au néo-platonisme chez Mondrian), mais également par le biais d’une mystique naturelle, voire d’un panvitalisme nietzschéen. (p. 49)
8C’est dans cette catégorie que s’inscrivent alors le messianisme de Kandinsky et la sacralisation de la violence dans le futurisme de Marinetti, héritier en cela de la conception du surhomme nietzschéen mais également — nous revenons au romantisme — de Novalis. O. Schefer propose de manière éclairante la citation d’un passage d’Heinrich von Ofterdingen, où la guerre est conçue comme un « acte de poésie ». On ne saurait néanmoins réduire l’héritage romantique à la sacralisation de ce qui devait amener la destruction. Parce que le romantisme est un « carrefour étoilé » (p. 10), il survit également dans des utopies du collectif (à l’image du Bauhaus), dans la lignée du projet romantique de « sympoésie » et de « symphilosophie » de Schlegel et Novalis.
9Ce premier article, panorama historique d’une grande densité, se termine par une ouverture bienvenue sur la notion de « mythologie moderne », explicitée par Aragon et plus largement par le surréalisme, mais qui prend forme dans la volonté romantique de réinventer un monde mythique. Nous adhérons totalement au texte d’O. Schefer lorsque celui-ci écrit que
[si] le mythe est une parole contrainte, puisque nouée à l’origine et au collectif, il devient aussi l’espace déchirant où s’affrontent les puissances adverses du sujet et de la collectivité que la mort des dieux, et de Dieu, a abandonnés à une impossible conciliation. En ce sens, le mythe ne recrée pas du sacré dans des espaces profanes et hétérotopiques, mais il noue les deux revers d’un même problème, combattant la perte du sacré et d’une temporalité archaïque, tout en les exposant aux yeux de tous, par exemple dans un musée. (p. 59)
10Après cette réflexion qui prend pour objet d’étude une période longue de deux siècles, O. Schefer propose une étude plus précise du mysticisme de Novalis, qui est pensé à partir de la passivité active du Selbsttödtung qu’O. Schefer, à la suite de Blanchot, préfère traduire par « la mise à mort de soi-même » plutôt que par « suicide », afin de faire sentir la nature active d’une action que Novalis considère comme transcendante, et non comme transcendantale. Le critique met en avant le lien qui unit philosophie et mystique dans la conception de Novalis, qui se dégage de la théorie mystique de Schelling (le sujet mystique se présuppose au sein de son extase) et dépasse « l’interdit majeur du criticisme » kantien (p. 67), puisque Kant pose que l’entendement ne peut connaître que par les sensations, et non par lui-même. O. Schefer montre ainsi que l’apport théorique fondamental du premier romantisme allemand est l’« ouverture de la rationalité au non rationnel » (p. 65).
11On trouve alors en Novalis un véritable penseur, loin du « portrait angélique » donné par Ludwig Tieck (p. 68). La pensée de Novalis telle qu’elle est ici définie se rapproche d’une pensée du fragmentaire, de l’inachèvement, de l’anti-mimétique, qui prend pour but « l’échange des contraires » (p. 69). On comprend mieux l’insistance du critique sur le thème du suicide comme lien entre volonté et passivité :
En somme, si la création est le point de fusion des pôles actifs de la volonté et de la pensée, elle n’est possible qu’à partir d’un non-agir spécifique, de même que la pensée philosophique relève d’une extase et s’étaye à l’irruption suicidaire du passif dans l’esprit. (Ibid.)
12Le titre de l’article se justifie par le lien entre passivité et mystique qu’O. Schefer met en lumière dans la conception du corps chez Novalis, conçue à partir d’un corpus double : la production philosophique d’Hermsterhuis, aux influences malebranchistes, et l’œuvre mystique de Zinzendorf. Mais surtout, O. Schefer perçoit bien la spécificité du mysticisme novalissien dans sa dimension organique, le corps passif et autonome devenant le lieu d’une expérience mystique, à l’image de la digestion de l’âme par le corps au moment du sommeil7, s’opposant alors au dualisme de la veille. C’est dans cette optique que Novalis espère atteindre le rêve éveillé, mode qui « est l’événement passif par excellence » (p. 75) et se rapproche du Kunstchaos, modèle romantique du fragmentaire8.
Le Gesamtkunstwerk, horizon du fragment ?
13La deuxième partie du recueil d’O. Schefer, intitulée « Dynamique de l’inachèvement et montages fragmentaires », est sans aucun doute celle où une sorte d’unité se fait sentir, celle‑ci étant consacrée à la théorie du fragment et du fragmentaire dans le romantisme allemand.
14Dans le premier article (« Romantisme et poïétique de l’inachèvement ou l’infini à l’œuvre »), c’est d’abord de manière logique qu’O. Schefer reprend les analyses que Ph. Lacoue-Labarthe et J.-L. Nancy ont données dans L’Absolu littéraire9, essai de référence sur la théorie littéraire du romantisme allemand. Pour l’auteur, il convient de prendre de la distance avec les conclusions des deux critiques qui « minorent, sans doute abusivement, la dimension résiduelle du fragment romantique, ses effets de rupture et d’éparpillement. Toute leur interprétation vise à mesurer la nature des liens intellectuels et esthétiques du romantisme avec l’idéalisme systématique post-kantien » (p. 84). L’auteur fait en effet allusion à l’approche benjaminienne et heideggérienne que les auteurs de L’Absolu littéraire avaient adoptée :
Il faut alors de toute nécessité en venir — et toujours en suivant les analyses de Heidegger, mais aussi bien à cet égard celle de Benjamin — à poser que la fragmentation constitue la visée proprement romantique du Système, si par le « Système » […] il faut bien entendre non pas l’ordonnance dite systématique d’un ensemble, mais ce par quoi et comme quoi un ensemble tient ensemble, et s’érige pour lui-même dans l’autonomie de l’ajointement à soi qui fait sa « systasis », pour reprendre les mots d’Heidegger10.
15Il faut dépasser le fragment comme « modèle idéaliste » pour mieux comprendre sa « forme proprement romantique » (p. 85). Après avoir passé en revue les approches « par le biais du fragment spéculatif » (L’Absolu littéraire) et « à travers le concept de critique spéculative » (Benjamin puis Blanchot), l’auteur rejette la conception de l’inachèvement comme « articulation de l’œuvre à l’absolu » (p. 87) en prenant appui sur des textes qui n’ont pas toujours été pris en compte, à l’image des cours de Friedrich Schlegel à Iéna11 ou des Études fichtéennes de Novalis12 :
Cette réévaluation de la position théorique du romantisme permet du même coup d’appréhender autrement la question de l’inachèvement nécessaire. Celui-ci ne doit pas son caractère positif à sa proximité avec la connaissance de la vérité absolue, qu’il désarticule et réfléchit, mais à un rapport ironique et critique à l’égard du système où s’invente probablement l’essentiel de la philosophie romantique. (p. 87‑88)
16Pour O. Schefer, le romantisme allemand tient d’un infini littéraire plus que d’un « absolu littéraire », dans la mesure où la Frühromantik remet en cause « deux postulats constitutifs de la pensée systématique » : « l’unité de la forme et du contenu » et « la résolution des opposés en une identité synthétique » (p. 93). Novalis pose en effet l’absolu comme un « postulat absolu » car il est conscient que l’absolu est inatteignable et qu’il n’est que partiellement donné au sujet. O. Schefer affirme donc que « l’absolu se donne comme la combinaison impossible de deux faces réversibles » (p. 95), que le critique retrouve dans les productions artistiques contemporaines de Robert Smithson. Cette combinaison impossible est bien celle que l’on retrouve dans le thème du Doppelgänger, double imparfait de l’individu. Cette spécularité imparfaite manifeste l’idée que « l’inachèvement s’inscrit au cœur du processus cognitif et représentationnel romantique » (p. 97), ce qui fait du Märchen romantique « l’espace des échanges et des associations libres, une sorte d’harmonie dans le chaos » (p. 103), c’est-à-dire « l’œuvre infinie du romantisme » (p. 104).
17Après cette réévaluation du fragment romantique, O. Schefer aborde les prolongements modernes de la dialectique entre fragment et totalité (« Fragment(s) et tout, écritures de la modernité »). La première idée reprise au romantisme est « la conscience romantique d’une nécessité fragmentaire qui efface, dans un premier temps du moins, l’idée de ruine, de reste, d’inachèvement par défaut » (p. 107). « Rien de plus moderne », dit Valéry dans Degas Danse Dessin, où il critique cette conception inachevée de l’œuvre moderne, tout en rejoignant la théorie de la « poésie comme réalité in actu » (p. 114).
18La deuxième idée reprise au romantisme est la vocation de la parole poétique à dire l’univers. O. Schefer prolonge la réflexion de Blanchot dans Le Livre à venir13 en liant le Livre mallarméen au Livre novalissien car, malgré leurs profondes différences, ce sont « deux grandes utopies littéraires modernes du livre univers » (p. 119). La dialectique entre fragment et tout, qui anime ces deux œuvres, n’a néanmoins pas le même but selon l’auteur : pour Novalis, « c’est le monde qui est le but ultime de la littérature » (p. 125), alors que pour Mallarmé, « le monde s’achève dans la littérature » (p. 124). O. Schefer montre alors que Beckett est l’auteur moderne qui a « le plus génialement et le plus singulièrement aggravé les liens nécessaires entre tout et fragments » (p. 129), celui-ci faisant du fragment non plus la promesse d’un tout, mais la trace de l’effondrement de ce tout. Le fragment romantique devient alors chez Beckett « ce qui reste face à ce qui s’effondre » (p. 131).
19Toute cette étude permet alors une réflexion sur le Gesamtkunstwerk, qui fait l’objet du troisième et dernier article de cette partie (« Variations sur la totalité – Romantisme et œuvre d’art totale »). Et c’est d’abord à une tentative de définition de l’œuvre d’art totale que procède O. Schefer, en commençant par rappeler la position hégélienne sur le panthéisme qui exclut toute forme d’art, et qui diffère alors du Gesamtkunstwerk wagnérien, dont le « projet d’unité synthétique vise en même temps à surmonter la logique normative de la mimésis […] et du paragone » (p. 137). Rapidement, l’auteur donne une définition intéressante et stimulante pour qui s’intéresse au sujet :
Allons plus loin : l’œuvre d’art totale se définirait peut-être davantage par la crise qu’elle assume et prolonge que par la résolution mythique qu’elle prétend apporter à ladite crise. Il y a une histoire théorique à écrire de l’impossibilité de l’art total conçue comme force dynamique et moteur ironique de son histoire. (Ibid)
20Cette impossibilité dépend bien sûr de la nature irréalisable d’une œuvre égale au cosmos, à l’image du projet pictural de Chenavard pour le Panthéon. O. Schefer nous dit que cette théorie de l’impossibilité de l’œuvre d’art totale remonte au romantisme, qui en a posé les contradictions principales :
L’apport essentiel du romantisme à la problématique future du Gesamtkunstwerk est la mise en scène de cette tension entre l’idéal et le réel, l’achèvement et l’inachèvement. (p. 142)
21De Wagner aux diverses avant-gardes, tous se héritent de la dimension mythique que le romantisme allemand avait conférée à son rêve d’absolu, et l’œuvre d’art totale à venir doit être mythique car elle recomposera la communauté perdue. O. Schefer retrouve ainsi chez Schiller et chez les premiers romantiques la volonté de « recréer le passé au futur, [d’]inventer l’origine comme télos plutôt que comme archè » (p. 147), conception qu’on lit également chez Baudelaire et Clement Greenberg. Cependant, nous ne voyons pas encore ce que le romantisme pense derrière le concept d’unité ; le critique passe alors à une tentative de définition en prenant en compte les divergences propres aux auteurs romantiques. Tous semblent s’accorder sur un lien entre l’individu et la nature dans un dépassement du panthéisme :
La pensée postkantienne de Fichte injecte en quelque sorte du mouvement et de la vie à ce bloc panthéistique ; l’acte d’autoconscience et l’imagination créatrice du Moi sont au principe du Tout. Une œuvre d’art, dans ces conditions, relierait Spinoza et Fichte, soit une métaphysique objective et idéaliste, le tout naturel et le Moi libre. (p. 150)
22La poésie, qui tient du poïen grec, crée une œuvre qui « fait monde » (p. 151) car elle est elle-même « l’autoconscience de l’univers [Selbstbewußtseyn des Universums] » (Novalis, Art et utopie). Dans cette conception, les frontières et les genres ne tiennent plus, la poésie est illimitée. « Car l’esthétique romantique est bien une esthétique de l’infini spatio-temporel, et non de l’absolu révélé, ou du vrai saisi de façon effective en une œuvre. » (p. 157) La forme du fragment peut alors sembler paradoxale, mais O. Schefer montre bien qu’il renvoie à la conscience romantique de « l’impossibilité ontologique d’une saisie du tout » (p. 161).
Le rêve romantique
23Depuis le fameux essai d’Albert Béguin, L’Âme romantique et le rêve14, l’activité nocturne à l’époque romantique a fait couler beaucoup d’encre, et rares sont les ouvrages sur le romantisme allemand à ne pas aborder ce thème. Malheureusement, force est de constater que la partie que lui consacre O. Schefer n’apporte que peu d’éléments de réflexion. À côté des deux premières parties au contenu très stimulant, cette troisième et dernière partie sur le rêve se révèle assez pauvre, en taille (une vingtaine de pages) comme en contenu. On retiendra néanmoins l’approche du cinéma sous l’angle d’une « esthétique rationnelle et logique du rêve » (p. 176). Pour une étude récente et plus littéraire, on préférera donc l’excellent essai d’Alain Montandon intitulé Les Yeux de la nuit15, formule novalissienne mentionnée par O. Schefer dans l’un de ses « Fragments d’une poétique nocturne », titre donné au dernier chapitre de ses Mélanges romantiques.
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24Le recueil d’articles d’Olivier Schefer contient d’excellentes analyses et une véritable relecture du romantisme allemand, très stimulantes et proposant plusieurs pistes de réflexion. On pense notamment à la mise au jour de liens peu étudiés jusqu’alors entre la religion de l’art des premiers romantiques allemands et les premières abstractions, ou bien encore à la définition théorique de l’œuvre d’art totale, que l’on rapproche le plus souvent du Gesamtkunstwerk wagnérien, et qui mérite, comme l’indique l’auteur, une étude beaucoup plus fournie. Il s’agit donc bien d’un « essai mené avec le romantisme, fait de coups de sonde, d’hypothèses, de rêveries et de quelques variations théoriques », comme l’indique la quatrième de couverture.