Albert Camus, ou le fil d’Ariane de l’immanence
1Que l’œuvre de Camus puisse être encore considérée sous l’angle d’une « philosophie de l’absurde », avec tout ce que ce qualificatif peut avoir de réducteur, pose problème. C’est à ce problème que s’attaque Laurent Bove dans un ouvrage dont le sous‑titre, « Pour une expérimentation vitale de l’immanence », donne l’axe d’une lecture s’attachant à montrer à la fois la cohérence et la fécondité de l’œuvre. Car si Camus, comme il le dit lui‑même, pense en artiste et non en philosophe (« on ne pense que par images, écrit‑il en 1936 dans ses Carnets, si tu veux être philosophe, écris des romans »), il n’en reste pas moins qu’il développe une pensée et qu’en suivant le « fil d’Ariane » de ses écrits, on « expérimente et parcourt le plan d’immanence dynamique que construit, de fait, l’œuvre de Camus » (p. 15). L. Bove a en effet commencé, comme il l’explique dans l’introduction, par s’en tenir à la lumière de l’immanence vitale de L’Étranger, et à tenir « à distance respectable (et respectée…) une philosophie de l’absurde (celle du mythe de Sisyphe) déjà trop encombrante » (p. 8). C’est sur cette distance qu’il se propose de revenir. Plus que pour la combler, il s’agit de mettre en évidence les tensions qui ont pu la faire surgir, et établir en quoi il peut y avoir une continuité à l’intérieur de l’œuvre.
2Un des axes de l’ouvrage repose sur le fait que l’immanence vitale qui se dégage de L’Étranger peut se retrouver dans la philosophie de Spinoza, dont Camus est proche. Il en rejette pourtant le principe rationaliste et le refus du hasard. L’univers du spinozisme est, écrit‑il, « inhumain à souhait1 ». Mais il ne faudrait pas pour autant en conclure que ce n’est pas l’univers dans lequel Camus fait vivre ses personnages, ni même que ce n’est pas celui dans lequel il pense sa propre existence. Il se pourrait même que ce soit le contraire. Car une lecture attentive de l’ensemble de l’œuvre de Camus, que L. Bove entreprend ici, montre ses liens profonds avec l’univers du spinozisme. Celui‑ci est, reprend Camus dans Le Mythe de Sisyphe, cet
univers brûlant et glacé, transparent et limité, où rien n’est possible mais tout est donné, passé lequel c’est l’effondrement et le néant. Il [l’homme] peut alors décider d’accepter de vivre dans un tel univers et d’en tirer ses forces, son refus d’espérer et le témoignage d’une vie sans consolation2.
3Or, et si l’on met à part la question de savoir s’il s’agit d’une interprétation correcte du spinozisme, une telle décision se retrouve chez Meursault, le personnage principal de L’Étranger. L’attitude de Meursault n’est pas une simple mélancolie face au caractère inéluctable du réel. Le « nihilisme meurtrier de l’absurde simplicité du monde » (p. 13) n’est pas le dernier mot d’une philosophie que l’on pourrait dégager de L’Étranger, car une telle philosophie se retrouverait alors en contradiction absolue avec l’engagement de Camus lui‑même à de nombreux moments de son existence, et en particulier pendant la guerre, dans le réseau Combat. Si c’était le cas, cet engagement serait le signe d’une difficulté à accorder une existence et une pensée dont les chemins sont divergents, quitte à la rigueur à en accepter l’incohérence. Mais une lecture attentive comme celle de L. Bove montre qu’il n’en est rien : le mouvement profond de l’œuvre de Camus prend en compte cette difficulté et la travaille constamment.
L’évidence & la préférence
4Camus l’exprime lui‑même en faisant la distinction entre une philosophie de l’évidence (l’absurde) et une philosophie de préférence (le refus du nihilisme qui peut en être la conséquence3). La philosophie de l’évidence est caractéristique du penseur « heureux », qui suit la pente de sa pensée et n’est donc en rien contrarié. Celui qui s’y refuse, à la fois avec regret et détermination, et dont le refus est motivé par une préférence, se trouve en quelque sorte à l’écart de lui‑même, ce que Camus exprime en le qualifiant de penseur « exilé ». Mais cet exil, paradoxalement, est un exil à l’intérieur du monde puisqu’il est à la fois une résistance au nihilisme et la reconnaissance de l’absurdité du monde. On peut donc parler de courage, puisque cette vertu ne se manifeste pas comme dépassement du monde au nom d’une valeur supérieure mais comme acceptation du monde et, en même temps, comme accomplissement d’une exigence d’affirmation de la puissance du réel, qui fait que l’acceptation du monde ne peut se réduire à une soumission aux puissances qui entendent exercer une domination sur lui. Ce mouvement constitue une véritable transfiguration. Nous verrons le sens qu’elle prend chez Camus. Elle est en tout cas la preuve qu’il y a dans son œuvre, comme le dit L. Bove, « de quoi penser et résister » (p. 16). C’est précisément parce qu’il y a de quoi penser et résister que cette œuvre est constamment sous tension, et que l’on peut être tenté d’en dissocier les composantes, comme l’ont fait divers interprètes, et non des moindres. C’est parce qu’elle est sous tension que la prise en compte de L’Étranger comme « roman de l’immanence radicale » permet de comprendre en quoi le récit de Camus, et les images qui s’y rattachent, ramènent sur un plan d’immanence des notions en apparence aussi éloignées de ce plan que celles de résurrection et de transfiguration.
« Monsieur l’Antéchrist »
5Si la figure du Christ, comme le remarque L. Bove, hante L’Étranger, c’est que les récits et les images qui lui sont attachés dans la tradition millénaire du christianisme peuvent être repris et nouvellement interprétés. D’une interprétation qui pourra sembler hérétique, bien sûr, aux tenants de la tradition, et qui d’une certaine manière l’est effectivement. Mais la reprise de cette figure à travers le récit de Camus, dont les éléments sont retracés dans De la transfiguration, fait partie de ce fil rouge qui permet de suivre l’ensemble de l’œuvre. Le Christ de Camus n’est pas sans rapport avec celui de Nietzsche, mais il n’est pas sans rapport non plus, comme le montre L. Bove, avec certaines représentations de la Renaissance.
6Meursault est significativement appelé « monsieur l’Antéchrist » à la fin de chacun de ses interrogatoires. C’est un Christ d’avant la théologie chrétienne et son cortège de culpabilités, capable de se libérer de la philosophie de l’absurde sans pour autant refuser le monde et les autres tels qu’ils existent. Il ne nie pas l’absurde, mais le traverse, et il s’agit de sortir de cette confrontation sans se dérober à la présence du monde. « La conscience absurde devra maintenir la blessure ouverte et s’efforcer de conquérir le bonheur dans ce déchirement même » (p. 22). Les premières lignes de L’Étranger sont ainsi une annonciation, mais une annonciation à l’envers, en quelque sorte, celle par laquelle le fils apprend la mort de la mère, et non la mère la naissance du fils. Il l’apprend, de plus, par un télégramme anonyme et non par un messager divin. Nous sommes « face à une peinture absurde de l’Annonciation » (p. 55), un détournement que le critique qualifie d’ « humoristique » de l’iconographie chrétienne. D’entrée de jeu, Meursault s’inscrit dans une histoire dont les lignes sont tracées en confrontation avec le rapport au monde qui a pu être imaginé dans les récits de la tradition chrétienne. Ainsi la pauvreté, plutôt que l’humilité face au créateur, est la dissipation des préjugés fondamentaux de la liberté, de l’orgueil et de la finalité (p. 25). Ainsi la mère, plutôt que la figure glorieuse de l’assomption, est cette présence muette mais intense, cet « îlot de silence » qui est la marque de la communion des êtres. Meursault le remarque dans le parloir de la prison, en observant à côté de lui une « petite vieille » et son fils :
La petite vieille s’est rapprochée des barreaux et, au même moment, un gardien a fait signe à son fils. Il a dit « au revoir maman » et elle a passé sa main entre deux barreaux pour lui faire un petit signe lent et prolongé4.
7Il n’est d’ailleurs pas certain, sur ce point, que cette relation n’ait pas un rapport plus profond à la tradition chrétienne qu’on ne pourrait penser, mais l’analyse de L. Bove, qui se poursuit sur l’ensemble du livre après les deux exemples que nous avons repris, permet de lier le récit de l’Étranger, et son rapport ironique à la tradition, au plan d’immanence qui en sous‑tend le déroulement.
8On lira avec intérêt, en particulier, ce qui met en relief un « épicurisme latent de L’Étranger » (p. 29), et du même coup ce qui différencie Meursault du Christ de Nietzsche, qui garde un arrière‑monde de refuges. La morbidité que Nietzsche décèle dans ce refuge est, c’est le cas de le dire, étrangère à Meursault, qui vit totalement en contact avec le réel, dans un présent vécu sub specie aeternitatis. Camus ne va pas jusqu’à reprendre cette formule de Spinoza, mais la proximité de l’écrivain et du philosophe est mise en lumière ici, en particulier à partir du concept d’hilaritas, ou relation d’allégresse, affect développé dans l’Éthique en opposition à la mélancolie. Meursault, qui connaît ces deux affects, veut lucidement les vivre, libéré des illusions de l’ego et de l’objet (c’est le sens, par exemple, que l’on peut donner aux quatre coups de révolver tirés après le premier coup fatal), et c’est pourquoi on peut considérer, de ce point de vue, avec L. Bove, que « comme roman du corps, L’Étranger est le parfait équivalent de l’Éthique ».
9Si Épicure et Nietzsche sont convoqués pour éclairer le texte de Camus, c’est donc bien à Spinoza que L. Bove le rattache, en définitive, montrant jusqu’où un roman peut s’inscrire dans une problématique philosophique qui est celle de l’immanence radicale. Son analyse incite à (re)lire L’Étranger dans un champ tout à fait nouveau, qui questionne la place de l’absurde dans l’œuvre de Camus.
Le Christ de Piero della Francesca
10L’histoire de Meursault est ainsi une histoire singulière, celle d’un dépouillement et d’un rapport direct au « cœur battant du monde ». Son « épicurisme latent » (p. 29) est un enjeu majeur pour l’interprète. Il y a à la fois chez Meursault une acceptation du monde et un refus des illusions humaines, et les deux peuvent se rattacher à l'épicurisme. Elles se retrouvent par exemple lors de la rencontre avec le prêtre dans la prison. Or, on peut retrouver « le refus de la positivité et de l’indépendance de la sagesse de type épicurien et de son présupposé naturaliste » (p. 29) dans Le Mythe de Sisyphe :
Si j’étais arbre parmi les arbres, chat parmi les animaux, cette vie aurait un sens ou plutôt ce problème n’en aurait point, car je ferais partie de ce monde. Je serais ce monde auquel je m’oppose maintenant par toute ma conscience et par toute mon exigence de familiarité. Cette raison si dérisoire, c’est elle qui m’oppose à toute la création. Je ne puis la nier d’un trait de plume5.
11C’est pourtant ce que fait Meursault, refusant les illusions tout en acceptant la réalité du monde, et si Camus est en quelque sorte réticent à suivre son personnage, il n’en reste pas moins que son œuvre se poursuit sur une ligne d’immanence que l’on peut retracer, et que l’attitude de Meursault exprime nettement. Pour comprendre en quoi il y a de la résolution dans cette attitude, le critique rapproche le récit de Camus de la représentation du Christ ressuscitant que donne Piero della Francesca dans le tableau du musée civique de San Sepolcro, en s’appuyant sur le commentaire que Camus fait lui‑même de ce tableau :
Au sortir du tombeau, le Christ ressuscitant de Piero della Francesca n’a pas un regard d’homme. Rien d’heureux n’est peint sur son visage — mais seulement une grandeur farouche et sans âme que je ne puis m’empêcher de prendre pour une résolution à vivre. Car le sage comme l’idiot exprime peu6.
12Dans des pages très stimulantes, L. Bove montre en quoi la technique picturale de Piero della Francesca et la technique d’écriture de Camus peuvent être rapprochées. La résolution à vivre dont parle Camus exprime une grandeur du corps, un sens matérialiste permettant de comprendre en quoi cette résolution peut ne pas se réduire à une simple acceptation du réel. Car il ne s’agit pas d’une indifférence. Mais comment peut‑on à partir de là concevoir une révolte, comment l'acceptation du réel peut‑elle ne pas déboucher seulement sur une conscience absurde, et n’est‑ce pas le point sur lequel le « fil d’Ariane » de l’œuvre vient à rompre ? La question de l’absurde doit être réexaminée à partir de là.
La terreur ordinaire
13Elle trouve sa première réponse avec la réflexion de Camus à propos des temps qui ont suivi la libération et la fin de la Seconde Guerre mondiale. À partir de La Crise de l’homme, conférence prononcée aux États‑Unis en 1946, Camus commence en effet à développer l’idée que les effets des entreprises de domination des esprits et des corps, ce qu’on pourrait appeler, comme le suggère L. Bove, son animalisation (bien que le mot ne soit pas prononcé par Camus7), ne se sont pas dissipés. La terreur qui occupe les esprits n’a pas disparu. Faut‑il y voir, comme le dit l’auteur, un « échec éthique de la résistance et de la libération (dans ses effets) » (p. 78) ? C’est peut‑être globaliser un peu vite une entité (la Résistance) dont certains membres ont continué à se manifester bien au‑delà de 1945. Il n’en reste pas moins que le constat de Camus, loin d’être isolé sur ce point (on pense par exemple au Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire) pose le problème du rapport à une Histoire asservissante constituant, et continuant à constituer, une authentique monstruosité. D’où un « paradoxe du présent » (p. 84) qu’il ne s’agit pas seulement d’accueillir mais contre lequel, et dans lequel, surtout, il faut résister. C’est bien d’une rupture qu’il s’agit :
Quelque chose en nous a été détruit par le spectacle des années que nous venons de passer. Et ce quelque chose est cette éternelle confiance de l’homme, qui lui a toujours fait croire qu’on pouvait tirer d’un autre homme des réactions humaines en lui parlant le langage de l’humanité8.
14À partir de là, on peut donc effectivement dire qu’il y a chez Camus deux voies, « celle de la présence comme don et celle de la productivité indéfinie du réel » (p. 88). Productivité qui peut se retourner contre l’homme. D’où l’appel à une certaine barbarie, avec toutes les ambiguïtés que ce terme peut contenir, mais en comprenant par là une puissance créatrice susceptible de retrouver la grandeur de l’homme, le barbare étant donc bien la promesse d’une création plutôt que l’ivresse d’une domination. D’où, surtout, un travail de l’œuvre de Camus, pour reprendre l’expression utilisée à propos de Machiavel9, que le critique met bien en lumière, dans lequel s’entremêlent deux problématiques de l’actuel : celle de l’actuel comme don, et celle de l’actuel comme puissance qui pénètre l’histoire. L’entremêlement de ces deux problématiques, sur lequel travaille Camus, et par lequel il est, littéralement, travaillé, se retrouve dans la notion de transfiguration.
Histoire & résistance : la transfiguration
15La transfiguration, au départ, est un récit que l’on trouve dans trois des quatre évangiles10. Jésus s’y transforme, son visage resplendit et ses vêtements deviennent lumineux. Ce n’est pas cette métamorphose spectaculaire que Camus reprend dans son œuvre. La transfiguration y est une métamorphose de l’homme écrasé par l’Histoire, ou du moins qui pourrait être écrasé par l’Histoire. Par Histoire il faut entendre ici, comme L. Bove le détaille très clairement, les structures d’intelligibilité et de domination qui tendent à priver l’homme, paradoxalement, de la possibilité qu’il a de créer son histoire. Cela commence avec le christianisme pour se poursuivre avec les philosophies de l’histoire (p. 93). Cela se structure avec les différentes formes de transcendance politique, dont la notion de souveraineté est, à l’époque moderne, la plus révélatrice, y compris lorsqu’il s’agit de la souveraineté du peuple. Camus comprend bien qu’elle forme une nouvelle religion dont « le représentant sur la terre, au lieu du roi (est) le peuple considéré dans sa volonté générale11 ». La transfiguration dont parle Camus ne peut donc être, évidemment, la reconnaissance d’une figure divine extérieure, mais bien l’émergence d’une présence au sein du réel, capable de tirer sa force d’elle‑même et non de se laisser guider par le cours de l’Histoire. On ne peut donc, comme le montre l’auteur de l’essai, s’en tenir à propos de Camus aux considérations sur son (prétendu) moralisme éloigné de la réalité. La transfiguration est un acte qui, pouvant prendre la figure de la révolte, s’oppose à la dépossession de soi que constitue l’animalisation de l’homme. Elle refuse l’alternative nihiliste qui ne laisse d’autre choix que la résignation ou la disparition. Elle est un acte mesuré, écrit Camus, renversant ainsi les conceptions traditionnelles de l’acceptation « mesurée » et de l’action démesurée que peut constituer la révolte. Dans cette dernière, bien au contraire, l’homme se mesure au monde, et il ne cherche pas à s’y conformer aux schémas dictateurs, au sens fort du terme, qui lui donneraient le sens de son histoire.
16L. Bove en conclut qu’ « on peut donc bien parler légitimement, chez Camus, d’une résistance qui s’élève contre l’histoire, à condition d’entendre par “Histoire” le temps vide de la domination et, par “résistance”, le mouvement au présent (…) du réel constitutif du monde » (p. 121). Sur l’utilisation qui est faite ici, conformément aux textes de Camus, du terme d’histoire, on pourrait s’interroger. Outre l’historicité contestable d’un « temps vide », il est difficile de dissocier, à moins de s’en tenir à des schémas généraux et peu confrontés au réel, l’histoire de la domination et de ses idéologies de l’histoire des résistances à cette domination, leur porosité leur faisant traverser l’histoire des individus aussi bien que celle des groupes, parfois dans tous les sens. L’histoire effective, si l’on peut dire, résiste à tous les schémas, y compris à celui‑ci. On ne peut nier en revanche que l’Histoire puisse contribuer à la domination. S’il faut donc prendre avec précaution le concept d’histoire tel qu’il est utilisé ici, l’importance de la réflexion de Camus apparaît néanmoins nettement dans la mesure où elle a aidé, et continue sans doute à aider l’histoire à se distancier des philosophies qui peuvent la transformer en dépossession de ses acteurs effectifs.
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Le fil de foudre
17Le fil d’Ariane de l’œuvre de Camus n’est donc pas rompu. Il y a donc bien un « fil de foudre », selon l’expression de René Char12, qui relie L’Étranger à L’Homme révolté, et parcourt toute l’œuvre de Camus. Il parcourt également sa vie et le rapport que Camus a eu avec son époque, que ce soit par rapport aux événements politiques ou aux transformations du travail. Camus notait en effet dans L’Homme révolté que « toute création nie, en elle‑même, le monde du maître et de l’esclave. La hideuse société de tyrans et d’esclaves où nous survivons ne trouvera sa mort et sa transfiguration qu’au niveau de la création13 ». On ne saurait mieux montrer le présent, et la présence de Camus à cet égard, et la réflexion de Laurent Bove nous permet d’en voir sa richesse et sa cohérence. En parcourant son œuvre dans toute sa rigueur, c’est le mérite de De la transfiguration que de nous montrer que le « fil de foudre » de l’immanence n’est pas rompu par l’exigence de la révolte.