La bonne œuvre de François Bon
1Signe que la littérature contemporaine n’est plus un hapax du corpus des lycées et des universités français, les Éditions Bordas viennent de lancer une nouvelle collection qui s’adresse avant tout « au public lycéen, étudiants, professeurs de français, mais aussi aux amateurs de littérature »i. Dirigée par Dominique Viart, spécialiste de la littérature contemporaine française et coauteur d’un ouvrage de synthèse paru en 2005 chez le même éditeurii, la collection « Écrivains au présent » propose des études monographiques sur des auteurs contemporains dont les textes sont déjà au programme de plusieurs cours de littérature. Quatre titres ont paru ce printemps : Annie Ernaux par Francine Dugast-Portes, Jean Échenoz par Sjef Houppermans, Pascal Quignard par Dominique Rabaté et François Bon par Dominique Viart.
2Viart signe ainsi la toute première monographie consacrée à François Bon. Comme le sous-titre générique de la collection le suggère, l’ouvrage se veut davantage une introduction à l’œuvre de François Bon que l’approfondissement d’une problématique particulière. Le commentaire embrasse large, parfois trop large, dans son ambition de poser toutes les questions en 175 pages : le réel, l’Histoire, la ville, le roman, le théâtre, la parole, l’art, etc. Tant et si bien que les analyses coupent souvent un peu court. Si les questions du réalisme et de l’engagement sont abandonnées sciemment, d’autres voies de recherche auraient mérité qu’on les suive plus avant. Les analyses de l’esthétique expressionniste ou de la parole folle, reprises d’articles antérieurs, sont selon moi les plus excitantes de l’ouvrage. On aurait aimé les voir se prolonger au-delà du territoire restreint qui leur a été assigné en propre : la question de la représentation pour l’une, la question du roman pour l’autre.
3La destination pédagogique de l’ouvrage peut sans doute expliquer en partie le cloisonnement des analyses ; par souci de synthèse et d’accessibilité, toutes les études de la collection reproduisent la même structure tripartite : 1. le contexte historique, littéraire et intellectuel de l’œuvre ; 2. l’étude de l’œuvre elle-même à travers ses thèmes, ses formes, son « évolution » ; 3. le rapport avec les autres disciplines et l’accueil critiqueiii. En d’autres mots : le contexte, le texte et le « cotexte » (ce dernier terme, issu de la linguistique, désigne les « textes contigus » au texte étudié – je propose ici d’étendre la définition du « texte » à la matière musicale ou visuelle, comme on le fait déjà dans les études cinématographiques.) Je me demande tout de même si cette structure est bien adaptée à l’étude et à l’apprentissage du contemporain. Elle entérine une conception un peu vieillie de la littérature, qui considère le texte littéraire comme une « conséquence » du contexte d’une part, comme une « interface » entre des textes d’horizons différents de l’autre.
4Le premier chapitre, intitulé « Contexte et enjeux », brosse l’arrière-fond intellectuel et artistique de l’émergence de Bon. Fidèle à ses conceptions, Viart inscrit son auteur en rupture par rapport au formalisme et au textualisme des décennies 1960 et 1970. Sortie d’usine (1982) marquerait ainsi le début d’un « retour » de la littérature au réel, au social et à l’Histoire. La question principale devient alors celle de la forme esthétique à utiliser pour traduire l’expérience en mots. La troisième partie du chapitre, « Repenser la littérature », agit comme pivot de l’argumentation. Viart y procède à une sorte de montage dialectique de deux esthétiques en opposant le réalisme, rejeté par l’auteur, à l’expressionnisme, auquel on trouve maintes références dans les textes :
Au fil de ce livre, on voit se dessiner comme une « esthétique » de François Bon, laquelle se mesure à la fois aux prises de position artistiques, et aux références, qu’elles soient littéraires ou cinématographiques : écrivains et cinéastes cités, films évoqués, qui opèrent une sélection significative dans les univers très diversifiés de la littérature et du septième art.iv
5Débarrassé de l’idée d’imitation ou de représentation simple du réel, le commentaire va enfin donner, dans la dernière partie du chapitre, de brèves analyses de la figure de la ville.
6Le deuxième chapitre, intitulé « Territoires et trajets », se focalise sur les textes eux-mêmes. Il est divisé en quatre parties portant sur autant de « formes » littéraires : le roman, le récit, le théâtre et l’autobiographie. S’il évite soigneusement la notion de « genre » et s’il nuance la portée autobiographique des textes, le critique n’en procède pas moins ici à une division traditionnelle de l’œuvre par genres. Les analyses se ressentent beaucoup de cette structure convenue qui les ordonne de façon figée, catégorique. L’intitulé du chapitre laissait pourtant espérer une approche plus dynamique des textes de Bon. On aurait pu par exemple observer les transformations de la figure de la ville, évoquée à la fin du chapitre précédent, au gré des différentes formes d’écriture, et faire de même avec deux ou trois autres figures importantes. En s’astreignant chaque fois aux limites d’un « genre », le commentaire n’a manifestement pas assez d’espace pour se déployer. Le troisième et dernier chapitre, intitulé « Dialogues et résonances », vise à retracer le réseau cotextuel de l’auteur. Viart recense les différents artistes, penseurs et écrivains contemporains pouvant être rapprochés, d’une manière ou d’une autre, du travail de Bon. Il s’agit sans contredit d’une source très riche d’informations. Mais la profusion des noms et des textes a souvent pour effet de réduire le commentaire à une simple liste. On énumère les « amis » et les collaborateurs de Bon. On identifie les « grands aînés » et les professeurs de philosophie. Puis on évalue l’influence que Bon aurait pu avoir en retour sur de jeunes auteurs. Le commentaire verse ici dangereusement de la vieille critique d’influence. Pourquoi ne pas avoir intégré ces références, ou une partie de ces références, au deuxième chapitre ? On y relevait déjà bon nombre d’emprunts et d’allusions intertextuels, mais en les liant expressément à l’examen des textes. Le dernier chapitre, parce qu’il prend le parti d’une étude autonome des dialogues et des résonances de l’œuvre, peine à rattacher le cotexte aux textes et au contexte.
7À la fin de l’ouvrage, l’auteur conclut que « les livres de François Bon “font œuvre”, selon la juste expression de Dominique Rabaté »v. Sont-ce vraiment les livres de Bon qui font œuvre ? N’est-ce pas plutôt, en réalité, le livre de Viart qui fait œuvre des livres de Bon ? C’est ce que tend à révéler l’examen de la structure et de l’organisation de l’ouvrage. La tripartition contexte/texte/cotexte enveloppe le travail littéraire de l’auteur dans l’ensemble de ses activités contextuelles ou cotextuelles : l’œuvre de Bon trouve ainsi son unité dans un sujet qui est le même en littérature, en politique, en philosophie, en musique, en art, etc. La division par genres repose sur les mêmes présupposés critiques : l’œuvre littéraire est ce qui, composé de romans, de récits, de théâtre, d’autobiographies, forme un tout. Sans parler de la recherche des influences, recherche qui n’a de sens que si l’on pose un sujet pensant et influençable derrière les textes, c’est-à-dire si l’on compte sur l’œuvre. Le sous-titre générique de l’ouvrage de Viart est donc moins innocent qu’il n’y paraît. Plus qu’un simple terme commode, l’œuvre est ici le concept qui gouverne le faire critique dans son ensemble.
8Du fait de sa longue histoire et des valeurs d’unité et de totalité qu’il suppose, ce concept est déjà quelque peu suspect. Son emploi dans la critique du contemporain me paraît plus douteux encore. À problèmes nouveaux, concepts nouveaux, comme disait Deleuze : la littérature pose-t-elle aujourd’hui les mêmes problèmes qu’elle posait au XIXe siècle et même avant ? Le problème de la pertinence de la notion d’œuvre dans la critique du contemporain — et dans la critique contemporaine en général — soulève un ensemble de questions trop vaste pour être développé ici. On s’en tiendra donc au cas original de la critique de Bon. Dans ses réflexions et ses entretiens, l’auteur rejette la notion d’œuvre. Viart n’est évidemment pas sans le savoirvi. Ce désaccord entre le critique et son auteur est problématique. Ce n’est pas qu’il faille donner toute autorité à l’auteur. Le problème vient plutôt de l’objet même du litige. Une critique régie par le concept d’œuvre ne peut se débarrasser d’un pan entier des productions de son auteur sans voir une partie de son propre édifice théorique s’écrouler. Elle doit accepter comme partie intégrante de l’Œuvre les textes réflexifs, essayistiques ou critiques de l’auteur, au même titre que les textes romanesques, autobiographiques ou poétiques. Le concept d’œuvre suppose un sujet et le sujet suppose à son tour une unité de discours. Si l’on établit une relation forte entre la pensée et l’écriture d’un auteur, comme le fait Viart dans les chapitres 1 et 3, on ne peut séparer qu’arbitrairement les « ouvrages de l’esprit » des « œuvres de l’esprit » (comme on disait autrefois). Selon quel critère exclurait-on de l’« œuvre bonienne » des livres comme La Folie Rabelais, Exercice de la littérature ou Tous les mots sont adultesvii ? Ces textes doivent bien appartenir à un genre particulier (l’essai ou la méthode) ou à une « œuvre » subsumée sous l’Œuvre (l’œuvre critique ou essayistique). Si Viart n’a pas cru bon de leur consacrer une partie du chapitre 2, il leur accorde néanmoins un certain privilège en les convoquant ponctuellement — ainsi que d’autres textes réflexifs plus courts comme des préfaces, des postfaces, des hommages, etc. — à l’appui de son argumentation. Or, il se trouve que ces textes, dans leur propos aussi bien que dans leur forme, défient la pensée de l’œuvre. Le concept d’œuvre force l’intégration de discours qui invalident ce concept même, introduisant un « différend » dans la relation critique.
9Tout commentateur de Bon se verra tôt ou tard confronté à ce problème : que faire du discours de l’auteur ? Viart en est bien conscient, qui note l’ampleur de ce discours : « François Bon plus d’une fois a couché sur le papier — ou sur la toile d’Internet — ses réflexions sur l’acte d’écrire, ses enjeux, ses impasses. Il n’est pas avare d’entretiens, ni de comptes-rendus critiques, au sens noble et généreux du terme, en faveur des livres qu’il a appréciés »viii. Cette « matière » tend à se densifier encore davantage dans la temporalité d’Internet, au gré des interventions immédiates de l’auteur sur son blog, le Tiers Livre (tierslivre.net). Le discours de Bon sur la littérature est plus présent et, parce qu’il bouscule plusieurs habitudes universitaires, plus dérangeant que celui de la plupart des autres auteurs contemporains. On s’accommode mieux du Roi vient quand il veutix de Pierre Michon que des entretiens souvent râpeux de l’auteur de Sortie d’usine.
10Face au discours de l’auteur, quatre attitudes principales sont possibles. On peut tout bonnement l’ignorer. On peut aussi revendiquer le droit démocratique de lire contre l’auteur. On peut encore prendre ses propos au sérieux et les utiliser comme discours de référence — mais alors le commentaire court le risque d’être absorbé. On peut enfin s’affronter au discours auctorial et discuter, dans le commentaire même, les points litigieux.
11La stratégie de Viart ne se laisse résumer à aucune de ces quatre attitudes. Il est possible d’en juger par la manière dont le critique règle le différend sur la notion d’œuvre. Parlant du « défi » de la littérature contemporaine, tenue de dire le réel en composant avec le soupçon, Viart écrit :
On voit l’importance de l’entreprise. Et sa difficulté. C’est à elles que se mesure le travail de François Bon — l’écrivain lui-même répugne à parler d’« œuvre », quand bien même son « travail » bâtit bien une œuvre, importante et singulière. Il est vrai que son trajet n’était pas d’avance dessiné, ni précisément pensé. L’écrivain en a peu à peu tenté les diverses voies, depuis le recours au roman, mais à un roman revisité de l’intérieur, informé des renouvellements les plus exigeants de la littérature, jusqu’à des formes nouvelles de récit, empruntant à la pure description, à l’atelier d’écriture, à la polyphonie.x
12Évoqué au détour d’une phrase, le désaccord est évacué en quelques mots seulement. La locution adverbiale « quand bien même » résout fragilement le litige sur le mode du compromis. Le commentaire accorde enfin une dernière concession, « Il est vrai que… », avant d’en revenir à son propre discours.
13Nul besoin de se livrer à l’exégèse complète de l’ouvrage pour mesurer l’étendue de cette stratégie. Les références ponctuelles au discours de l’auteur provoquent des différends implicites que le commentaire ignore ou atténue. Là où un lecteur informé voit se lever des problèmes et des contradictions parfois immenses, Viart semble dire à chaque fois : « Ce n’est rien, continuons ». Tout se passe comme si le critique s’appliquait à faire cohabiter les deux discours, le sien et celui de Bon, de telle sorte qu’ils se heurtent le moins possible.
14Cette façon de faire œuvre sans violence et sans heurt, on la dira éthique. Selon le Littré, la chaîne des étymologies du mot « éthique » remonte jusqu’à ce sens probable : se poser soi-même. L’éthique est d’abord une façon de se poser soi-même sans s’imposer à l’autre, ou en l’occurrence de poser son propre discours sans s’opposer à l’auteur. J’ai dit que cette Étude de l’œuvre, à vocation introductive et synthétique, n’approfondissait pas une problématique spécifique. Viart adopte néanmoins une approche théorique bien précise qui sous-tend chacune de ses analyses. La critique de Viart est une éthique. Elle ne s’en cache pas : c’est un mot que l’on retrouve sur la quatrième de couverture et en divers endroits du texte. Les analyses font grand usage des termes d’adresse, d’écoute, de devoir et autres notions traditionnellement associées au domaine de l’éthique. Elles débouchent presque toujours sur l’éloge du sens de la responsabilité et de la communauté des récits de Bon. Viart va même jusqu’à parler d’« une véritable déontologie littéraire »xi. L’allégeance théorique est si évidente qu’on se demande comment il se fait qu’un éthicien contemporain aussi important qu’Emmanuel Lévinas ne soit pas cité une seule fois.
15Pendant les Trente Glorieuses, le marxisme taxait la morale de bourgeoise et le structuralisme annonçait la mort du sujet. Au tournant des années 1980, le désir de subjectivité et d’humanisme commence à renaître de ses cendres dans certains milieux intellectuels, avec la découverte de Lévinas principalement, ainsi que dans les milieux professionnels, avec la prolifération des codes déontologiques et des « éthiques professionnelles ». La critique de Viart participe clairement de ce mouvement de reflux. C’est pourquoi elle met beaucoup l’accent sur la rupture du tournant des années 1980, revendique un dépassement du structuralisme et parle d’un « retour » de la littérature à des préoccupations subjectives et sociales. Mais en opposant comme il le fait le sujet à la structure, le réel au texte, le contenu à la forme, Viart ne fait que perpétuer les divisions qui ont structuré la pensée avec laquelle il prétend rompre. Il retombe dans le piège des oppositions binaires et militantes. Simplement la zone d’ombre se déplace. Si les structuralistes faisaient l’impasse sur l’éthique, Viart tend pour sa part à négliger l’esthétique. On a souvent le sentiment, à la lecture de l’ouvrage, d’un saut trop brusque à l’éthique, par-delà l’esthétique : le commentaire contourne ou expédie l’analyse de la forme pour rejoindre précipitamment l’interprétation morale. Or, s’il existe une éthique littéraire, elle est d’abord esthétique. Autrement dit, c’est la forme même qui est éthique. Dans un champ de recherche voisin, Jacques Rancière a bien montré comment la politique de la littérature relevait directement de l’esthétiquexii.
16D’après Kierkegaard, l’éthique a trait au temps tandis que l’esthétique relève de l’instantxiii. En grossissant la dimension éthique, Viart favorise la durée au détriment de l’immédiateté, voire le passé au détriment du présent. Or, l’attention au présent se situe au cœur même de l’esthétique de François Bon. Pierre Bergounioux l’a bien vu, qui a intitulé sa leçon de poétique sur l’auteur de Calvaire des chiens : « François Bon et le monde présent »xiv. Dans une partie du premier chapitre titrée « Paysage du temps », Viart soutient que Paysage fer (2000) « esquisse un “autrefois” » : « Paysage fer porte ainsi témoignage d’un univers industriel disparu, qui fit la richesse de ces départements de l’Est, et dont il semble que plus rien ne subsiste »xv. Plutôt que de rapporter le passé au présent, comme le travail sur les images y invite, Viart rabat le présent sur le passé. L’écriture du paysage devient prétexte au travail de la mémoire, du témoignage et de la transmission. Viart temporalise le présent en l’inscrivant dans une durée, une continuité, une pérennité. Du même coup, il tempère le présent, c’est-à-dire qu’il en atténue l’intensité propre. Je ne saurais donc davantage souscrire aux propos du critique quand il parle de Mécanique (2001) comme d’une « forme d’écriture de soi » liée à un « effort de restitution qui tente non seulement de reconstruire une histoire qui n’a pas toujours été transmise, mais aussi se propose de le faire en hommage à ces vies souvent bousculées par l’Histoire, dont nul ou presque ne porte témoignage »xvi. Cette éthique du temps, qui est aussi une éthique du sujet — l’identité du sujet se construisant dans la permanence —, me semble parfaitement étrangère à Bon. De Sortie d’usine à Bob Dylan, une biographie (2007), on constate plutôt un effort soutenu pour donner au présent une densité propre, une épaisseur de langage. À partir des images et des perceptions discontinues du monde contemporain, les récits produisent un temps construit et autonome qui ne doit rien au passé ni à l’avenir. C’est ce que suggère, bien plus que l’esquisse d’un « autrefois », la quatrième de couverture de Paysage fer : « Travail du regard sur ces apparitions répétées, fragmentaires, discontinues, afin d’inscrire la réalité dans un espace recréé jusqu’à ce que forme et construction l’emportent sur le chaos de la vision »xvii.
17On assiste en somme, avec le François Bon de Dominique Viart, à l’application d’une éthique humaniste, pour ne pas dire chrétienne, à une écriture contemporaine qui n’en peut mais. Selon cette morale, la « bonne œuvre », c’est-à-dire l’œuvre éthique, c’est celle qui fait œuvre de mémoire et permet la transition entre le passé et l’avenir. Elle se souvient de l’histoire du siècle. Elle restitue ou ressuscite des vies oubliées. Elle « donne la parole » aux laissés-pour-compte afin qu’ils témoignent de leur vie, faisant du présent un passé destiné à l’avenir. Elle est responsable, communautaire, voire communiante. On comprend maintenant pourquoi Viart parle tant du « récit de filiation » (ici, à propos de Mécanique). Cette littérature est la bonne œuvre même : elle ressuscite le passé, élève le sujet et communie dans le filioque.
18Par son goût du passé, du retour, de la résurrection, la critique de Viart cède à une nostalgie dont on retrouve beaucoup d’autres exemples dans la pensée contemporaine. Or, c’est le même passéisme qui semble motiver cet usage persistant d’outils critiques désuets, ou à tout le moins vieillis, que l’examen de l’ouvrage a révélé : la division contexte/texte/cotexte, les notions d’œuvre, de genre, d’influence, l’opposition forme/contenu, etc. Tout entière tournée vers le passé, et armée de vieux concepts, la critique de Viart est aveugle au présent le plus immédiat et passe à côté du principal de ce qui fait François Bon. La relative nouveauté que représente en France la critique universitaire du contemporain ne doit pas masquer, en pareil cas, l’ancienneté de ses méthodes. La difficulté et la nouveauté Bon n’ont pas provoqué le renouvellement critique attendu. Il y a grand besoin d’approches qui se risquent au présent de la littérature.