The Portable Kristeva
1Comme le signale l’éditrice en introduction, cet ouvrage est destiné à fournir à son lecteur un choix représentatif de l’œuvre de J. Kristeva. Il ne se substitue nullement aux traductions anglaises de ses textes déjà disponibles mais vise à donner un aperçu de sa pensée à des étudiants anglophones. K. Oliver a choisi une présentation thématique plutôt que chronologique qui s’ouvre sur un texte autobiographique, « Mémoires » (1983) et se poursuit avec des textes sur « Le Sujet, pratique signifiante », « Psychanalyse de l’amour », « Identité personnelle et nationale », « Maternité, féminisme et sexualité féminine » et « Révolte et imagination » qui reprennent les passages ou les chapitres les plus pertinents des textes originaux (La Révolution du langage poétique, Pouvoirs de l’horreur, Les Nouvelles maladies de l’âme entre autres).
2K. Oliver consacre son introduction à définir la pensée de J. Kristeva, la situant par rapport au post‑modernisme, à la déconstruction derridéenne, à la psychanalyse lacanienne et au féminisme. Sont ainsi abordés et définis les concepts de sémiotique et de symbolique, d’abjection et de révolution. Le lecteur est ensuite libre d’aborder les textes à son gré et selon ses nécessités. Chaque thème est brièvement introduit et recontextualisé, ce qui en facilite l’approche même si cette disposition produit parfois l’impression d’une collection de fragments : ainsi plusieurs chapitres de Soleil noir apparaissent‑ils sous différentes rubriques au détriment de leur cohérence originale. Néanmoins et en dépit du parti‑pris éditorial justifié par le public visé (des étudiants de premier cycle et les néophytes), les textes choisis laissent peu à peu apparaître la singularité de J. Kristeva dans son dialogue avec la linguistique, la psychanalyse et la philosophie.
3D’autre part, signalons le travail rigoureux de K. Oliver qui n’hésite pas à donner des renseignements complémentaires dans les notes. En fin d’ouvrage une bibliographie recense non seulement les textes de J. Kristeva en français et en anglais mais également des études sur son œuvre (en anglais). Une seule absence, justifiée là encore par des nécessités éditoriales, celle des derniers ouvrages sur Mélanie Klein et Colette. Mais en contrepartie un entretien avec Elaine Baruch Hoffman sur le féminisme français dont Kristeva est une figure majeure et les féministes américaines (N. Chodorow, K. Millett, S. Firestone et C. Dinnerstein), parus dans l’ouvrage Women analyze women (1988). Dans un autre entretien avec Rosalind Coward datant de 1984, J. Kristeva situe sa pensée au regard de la psychanalyse freudienne et lacanienne et des féministes des deux cotés de l’Atlantique. Deux textes qui sont de précieuses mises au point en même temps que des scansions dans une pensée toujours en mouvement. Ces entretiens seront utiles tant au public anglophone qu’au public francophone désireux de connaître certains enjeux du débat féministe des années 1980 aux USA dont nous sommes les héritiers/héritières.
4The Portable Kristeva facilite l’approche des textes originaux auprès d’un public qui lui est certes acquis depuis la parution de New French Feminisms d’Elaine Marks et d’Isabelle de Courtivron en 1978, mais qui est parfois enclin à la simplification abusive de sa pensée. Ce n’est pas le moindre atout de cette édition que de montrer la complexité des écrits de J. Kristeva.