« Clap de fin ». Présentation
1« Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. Les grains s’ajoutent aux grains, un à un et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas. » Cette sublime phrase inaugurale de Fin de partie de Beckett laisse entendre toute l’ambivalence de la question de la fin. Annoncée, désirée mais redoutée, la fin souvent échappe, se forme sans crier gare (« soudain, c’est un tas »), ou se prolonge parfois sans véritable fin.
2Comment finir un texte ? Peut‑on le terminer tout à fait ? Peut‑on même le reprendre ? Que signifie « finir » une œuvre littéraire ? En quoi résonne‑t‑elle parfois avec la fin du monde ? Ce sont ces questions intemporelles et infinies auxquelles le dossier d’Acta a choisi de se confronter, à la lumière d’une série de recensions de textes critiques, qui tentent d’y répondre.
3L’ambivalence du statut de la fin est interrogée par Florian Audureau à partir du livre de Nicolas Lévi (La Révélation finale à Rome. Cicéron, Ovide et Apulée). Dans la littérature latine, les récits de révélation finale, occupent un statut complexe : ambiguës, polysémiques ou explicites, les scènes de révélations constituent‑elles toujours des moments de résolution ? Le récit, malgré sa fin inévitable, n’est en effet pas toujours clos, comme le donne à penser l’ouvrage collectif Poétique du récit sans fin (Michel Braud, dir.), et dont Aude Leblond prolonge ici la réflexion.
4La fin est‑elle alors définitive et univoque ? Au théâtre tout particulièrement, où les mises en scènes semblent rejouer et répéter indéfiniment les dénouements, la question prend tout son sens. Pour tenter d’y répondre, Caroline Labrune s’est confrontée au livre somme dirigé par Sylviane Robardey‑Eppstein et par Florence Naugrette), Revoir la fin. Dénouements remaniés au théâtre (xviiie‑xixe siècles).
5Mais la fin, on l’entend comme une évidence, questionne notre rapport au temps. Le recueil d’articles Fin‑de‑siècle : fin de l’art ? Destins de l’art dans les discours de la fin des xixe et xxe siècles (Sylvia Chassaing, Hermeline Pernoud et Cyril Barde) dont rend compte Jocelyn Godiveau, s’interroge sur les correspondances entre deux périodes de transition dites « fin de siècles » et la création littéraire qui en émane, souvent empreinte de destruction.
6Passées ces fins de siècles, au‑delà de la fin annoncée et consommée, que peut la littérature ? Est‑il possible d’écrire l’après‑fin ? Ce sont ces interrogations contemporaines qui donnent matière à penser au numéro des Lettres Romanes Écrire après la fin : la logique spectrale contemporaine, qui selon Alexandre Privat, parvient à renouveler une réflexion déjà très riche dans le champ critique.
7C’est aussi le spectre de la fin et de la mort, lié à une parole qui ne parvient pas à se dire, qui semble hanter la pièce de Jean‑Luc Lagarce, Juste la fin du monde, revisitée par Xavier Dolan. La revue Sken&graphie (n°5), offre selon Fanny Cardin une étude particulièrement précieuse de cette fin théâtrale réécrite au cinéma.
8La fin entendue comme expérience contemporaine de disparition de soi est enfin l’occasion pour nous d’enrichir ce dossier par la publication de deux comptes‑rendus déjà publiés par Acta, des livres de David Le Breton Disparaître de soi. Une tentation contemporaine ou de Dominique Rabaté, Désirs de disparaître. Une traversée du roman français contemporain.