Migrations au long cours des métaphores
La vie, la mort : pour ainsi dire, un voyage…
1On a pu définir l’être humain comme un homo viator ; le Bardo Thödol, ou Livre tibétain des morts, décrit les différentes étapes à accomplir après la mort, dont on peut se faire un semblant d’idée dans cette version alternative, post‑exotique pour tout dire :
– À chaque étape, dit Mario Schmunck, avant et pendant chaque épreuve, et aussi après, on exhorte le mort à cesser de s’attacher aux illusions de l’existence. On veut le convaincre de refuser la réincarnation, on le pousse à se dissoudre une fois pour toutes. On n’accepte pas l’idée qu’il souhaite vivre encore sous forme d’un individu doté de conscience, qu’il désire renaître encore une fois… tenter sa chance encore une fois… C’est tout juste si on ne l’insulte pas… On le couvre de sarcasmes parce qu’il tient à se réincarner… (Un temps.) Au fait, j’ignore si moi, de mon côté, je renoncerais à cette perspective… C’est tout de même moyennement attirant de se diluer à jamais dans une lumière qui vous empêchera ensuite de … Et vous, vous savez comment vous réagiriez, hein ? Dans cette situation, dans la nuit, la peur… Ce que vous choisiriez ?… La dissolution, ou une réincarnation ?… Plus jamais rien, ou une nouvelle vie de souffrance ? Par exemple à l’intérieur d’un corps affreux et méprisable ? De babouin, de poulet ?… De mafieux au pouvoir ?…1
2Il est sûr que, formulée en ces termes, la métamorphose, réincarnation ou renaissance, peut sembler manquer d’attraits. Mais que voilà bien des dilemmes compliqués, bien des écheveaux emmêlés en perspective.
Cheminements dans un « art » lointain
3L’ouvrage de Danièle Masset nous emporte dans un lointain, un lointain géographique, temporel et culturel, dans des lieux qui ne nous sont, vus d’ici, en rien familiers, à moins d’en être, comme l’autrice, une fine connaisseuse ou un fin connaisseur, notamment des textes, tant pour les commenter que pour les traduire. S’approcher de la poésie bouddhique indo‑tibétaine implique pour les lectrices et lecteurs profanes (au sens étymologique comme au sens spirituel) plusieurs formes de cheminements à accomplir. Sans lourdeur aucune, ils et elles seront ici accompagnées, progressivement et clairement au fil des chapitres, dans tous ces parcours. Le premier est temporel, puisque l’enquête ici menée s’étend sur une période qui avoisine les deux millénaires, ce qui est évidemment considérable. Ce parcours temporel se double d’un parcours géographique, puisqu’il doit prendre en compte la translation historique du bouddhisme de son berceau indien à la terre d’accueil tibétaine.
4Tous les textes convoqués sont eux‑mêmes des cheminements, spirituels cette fois‑ci. À l’instar d’autres spiritualités, la vie humaine est pensée sous forme d’un chemin, difficultueux comme il se doit, et à la différence près qu’ici, comme on le sait, la mort est loin de signifier la fin du chemin. Le babouin ou le poulet rencontrés plus haut ne sont certes pas des formes canoniques, mais les péripéties peuvent être bien nombreuses avant d’atteindre le havre. Tout ceci est exposé avec clarté, toujours appuyé sur le corpus utilisé, par touches précises.
5L’étude s’appuie en effet sur des textes, dont la dénomination même est finement discutée. La qualification de « poèmes » pose forcément problème, comme la question de l’« esthétique » : ces textes enseignent et renseignent, ils ne sont pas l’expression d’un moi, ou la quête du beau. On prendra donc acte de ces précautions et réflexions initiales, mais somme toute la dimension fonctionnelle ou performative de ces textes les rend sans doute aucun largement parties prenantes de la définition intrinsèque de ce qu’on baptise du nom de littérature, des cycles homériques, ou de l’Épopée de Gilgamesh, à la littérature contemporaine.
6Il faut encore signaler, en termes de cheminement, linguistique cette fois‑ci, que les textes du corpus sont cités de façon ample, que les problèmes de traduction sont exposés, et les valeurs étymologiques et polysémiques problématiques présentées avec autant de concision que de netteté. L’introduction détaille (p. 21‑30) un corpus d’une grande diversité, d’époques, de statuts et de langue : pāli (les Theragāthā, les Therigāthā, le Suttanipāta, le Dhammapada et les gāthā des Jākata), sanskrit (avec des auteurs comme Aśvaghoṣa, Mātŗceţa ou Candragomin), apabhraṃśa (chants dits dohā et caryā), tibétain (la poésie ornée du kāvya, et surout les chants de type mgur, notamment mais pas exclusivement La Vie et les chants de Milarépa, le Puissant Seigneur du yoga). Pour résumer, nous disposons ici pour la traversée de ce vaste corpus, et contrairement à la situation post‑exotique citée au début, d’une guide qui nous fait confiance, ce qui lui acquiert la nôtre. Il n’y a donc, pour parler comme certains aimeraient nous faire parler aujourd’hui, nul pré‑requis, et nulle compétence. Le goût de la poésie suffit, et ce goût ne rentre heureusement pas dans les critères des grilles d’évaluation. Nous pouvons donc suivre en pleine liberté et pleine conscience les fils tissant cet art (tant au sens esthétique que technique) non européen, cet art lointain pour reprendre la formule aussi prudente que militante de Félix Fénéon.
Le cheminement même des images
7Comme l’indique le sous‑titre de l’ouvrage, l’étude va porter sur les images de la nature. Une première lecture fait apparaître une présence constante et référentielle d’éléments naturels (faune, flore, topographie, climat, météores, éléments…) dont le réalisme est indéniable (on en donnera des exemples plus loin), et variera en fonction des variations des cadres référentiels, en passant, pour le dire rapidement, des forêts (semi‑)tropicales aux hauteurs himalayennes. Mais comme tout réalisme, c’est un trompe‑l’œil. Ces images ont ainsi trois caractéristiques majeures : leur nombre est relativement limité et stable, elles parcourent comme inchangées les époques, elles revêtent, tant simultanément que successivement, des significations métaphoriques.
8C’est là l’aspect le plus fascinant de l’ouvrage. Moins sans doute par souci d’acclimatation culturelle que par inclination à trouver des outils théoriques adéquats, le recours à d’autres modèles herméneutiques constitue autant une surprise qu’une assise ferme. Ainsi Ernst‑Robert Curtius et sa si riche pensée de la topique se conjugue ici avec une connaissance avertie des figures de la rhétorique, et avec l’imagination structurante de Bachelard (et les travaux de Jean‑Pierre Richard) devant les éléments et la matière : le tout vient innerver la lecture des poèmes. C’est là une rencontre particulièrement féconde, dans la mesure où elle permet de mettre singulièrement en valeur, et avec bonheur, tous les effets et de permanence et d’ambivalence que l’on peut alors observer dans le corpus étudié.
9De l’Inde au Tibet les images cheminent ainsi d’une culture à une autre, d’une géographie à une autre, elles cheminent surtout à travers le temps et les textes, inchangées formellement, mais plus diverses dans leurs significations, et elles sont toujours elles‑mêmes des chemins spirituels. Leur stock est limité, mais leurs significations comme illimitées, et certaines remontent même aux temps d’avant le bouddhisme : ce sera une occasion de rêver, bachelardiennement ou non, aux mystères de l’origine des imaginaires. C’est une tradition hautement vivante, toujours ni la même ni une autre, ce que la belle image de la tapisserie utilisée par D. Masset vient exprimer :
Loin d’engendrer la lassitude, cet éternel retour est attendu comme à plaisir, procédé essentiel d’une littérature dont le propos n’est pas de cultiver l’originalité, mais plutôt de conforter le lecteur (qui était à l’origine un auditeur) dans une vision du monde familière – une vision qui puisse lui apporter, en quelque sorte, la confirmation de ce qu’il sait déjà, un peu comme s’il voyait se dérouler devant lui une tapisserie composée de motifs déjà connus, mais dont l’exécution n’est jamais tout à la fait la même, si bien que l’effet obtenu est à chaque fois différent. (p. 45)
10Les mêmes images, certes, mais pas la répétition du même. L’ouvrage revient ainsi souvent sur la performance orale que constituent ces textes, du moins originellement, performance qui vise moins à la démonstration d’une virtuosité qu’au souci doctrinal de toucher juste, de faire mouche. Le cas le plus extrême de ces subtiles reprises dans la différence et l’écart réside alors sans doute dans la valeur polémique potentielle d’une même image : elle est en ce cas non pas reprise, mais retournée, tenant dès lors de l’antanaclase. L’ouvrage insiste ainsi à plusieurs moments que le fait que puisent au même fonds commun des idéologies opposées (par exemple p. 58), ce qui peut s’illustrer par exemple dans la pratique des joutes oratoires comme dans celle du renversement satirique des valeurs (par exemple p. 81, p. 95…).
Un ailleurs des images
11Les grues, les paons, la mousson, un joli bois de manguiers, les tigres, les éléphants en rut, la lionne blanche à crinière de turquoise, le bananier plantain, dont on apprend qu’il « symbolise dans toute la littérature indienne la faiblesse et l’inconsistance » (p. 138), le lotus hydrofuge et la goutte d’eau « qui reste en contact avec la feuille […] mais qui n’y adhère pas » (p. 140), les lianes māluvā, les bambous, le cerf, le cheval (qui évoque aussi tant les taoïstes), le rhinocéros (unicorne) : voilà des images qui nous estrangent. Elles se déplient, comme libres d’usage (ce qui n’est certes pas le cas), offertes soudainement à notre émerveillement.
12Cherche‑t‑on ainsi des emblèmes de perfection, pour la confection d’un hypothétique blason ? On aura alors à sa disposition des composants comme « jambe d’antilope », « rotondité de banyan », « sourcils de vache », « mâchoire de lion »…
13Une image de vita brevis ? Ce ne sont alors point les feuilles qui tombent : « Comme les fruits de l’arbre, ainsi tombent les hommes, jeunes et vieux, lorsque le corps est détruit » (p. 136)
14On trouvera donc, d’un point de vue extérieur, tout un charme – involontaire – à des comparants inusuels, dont on pourrait dresser une liste à la Gilbert Lascault, puisés dans un bestiaire, dans des météores, des plantes, des fleurs, des pierres qui viennent s’offrir en nouvelle cartographie poétique.
15Vues d’ici, ces images nous étonnent.
16Les poèmes ainsi formés dessinent de singulières volutes :
Une autre dormait, une flûte à la main, avec sa tunique de mousseline
blanche qui avait glissé de sa poitrine,
pareille en sa beauté à une rivière aux berges riantes d’écume, avec des
lotus peuplés de files d’abeilles en rangs serrés (p. 224)
17Ou bien :
[On est] comme un grand bambou enchevêtré quand on a de l’intérêt pour
les fils et les épouses.
Aussi libre que la pousse [la plus haute] du bambou, on doit aller seul
comme le rhinocéros (p. 144)
18Ou encore :
Votre règne, ô nuage de compassion,
[est annoncé par] un grondement semblable au tambour de l’été sans rival.
À peine est‑il parvenu aux oreilles des paons que nous sommes
Que nous dansons en poussant mille cris (p. 233)
19Tout ceci est indéniablement propice à l’exercice de ce droit si bien revendiqué, conquis et pratiqué par un Gaston Bachelard, le droit de rêver. Cela implique donc un autre mode de lecture possible de l’ouvrage, plus anthologique, où exercer pleinement et délicieusement ce droit à la rêverie, d’autant que, dans les poèmes lus ainsi, les comparés nous font aussi globalement défaut.
Une topique changeante & permanente
20Cette rêverie ne s’opposerait pas au savoir, car ces images qui cheminent dans notre imaginaire sont d’emblée elles‑mêmes des chemins, chemins au long cours et aux bifurcations inattendues. Cette fois‑ci ce sont les fils de la tapisserie (selon l’image énoncée plus haut), les images dans le tapis que l’on suit des yeux.
21À nous qui nous interrogeons sur notre passé, ou que l’on incite à le faire, la lecture procure en effet un bien curieux sentiment. Comme en une version alternative, pas forcément plus heureuse, ou plus lumineuse, mais à coup sûr différente, on y constate un rapport à la convention (littéraire) où se coulent aisément les changements, voire les ruptures, notamment du point de vue doctrinal. À moins bien entendu que ce ne soit l’inverse, et que ce soit cette convention qui épouse si aisément ces changements et ruptures. Sur ces dernières, on dira bien peu ici. On ne va pas feindre la possession d’un savoir que l’on ne possède pas, d’autant que l’ouvrage, s’il nous donne d’utiles clés de compréhension contextuelles, n’a pas l’ambition de se muer en traité spirituel, ou en traité sur les traités spirituels.
22Reste alors ce sentiment d’une tradition qui n’est pas un passé mais un présent, dans les deux sens du terme, dans une poursuite obstinée, de cette obstination propre aux formes spirituelles, entre leurs vérités immarcescibles et leurs pratiques ductiles…
23Prenons un exemple : « Les comparés auxquels fait référence l’image du vol d’oiseau ont varié avec le temps, alors que le comparant demeurait identique : la même formule sert à le définir depuis l’époque du Dhammapada, à quelques nuances près. » (p. 254) Mais :
Il n’en va pas toujours ainsi : parfois le regard porté sur les êtres ou les objets faisant fonction de phore est radicalement différent de ce qu’il était à date ancienne, et les perspectives semblent avoir totalement changé. Soit par exemple l’image de la chasse [..] : on se souvient que les arhat ou futurs arhat y font figure de gibier traqué par les chasseurs impitoyables que sont les femmes en quête d’amour. Dans d’autres contextes, au contraire, c’est le maître spirituel lui‑même qui s’adonne métaphoriquement à la chasse : non plus une chasse amoureuse dont le but était d’ailleurs moins de tuer que de prendre au piège, mais une chasse violente où il s’agira de massacrer le gibier poursuivi, puis d’en consommer la chair » (ibid.)
24La permanence se combine avec la réversibilité : « Si un même thème peut inspirer une diversité d’images, les unes positives et les autres négatives, il arrive aussi que la même image puisse susciter deux interprétations opposées. » (p. 205)
25Dans ce fonds commun, il y a donc, toujours, tout le temps, toute la place pour le travail du sens, toute la place pour différer, au sens intransitif – et c’est aussi en ce sens que l’on pourrait parler ici du faire poétique.
Équivoques & autres figures : savoir partagé & connivence
26Si tant est – mais là c’est nous qui l’ajoutons – que le différend à coup sûr ne manque pas dans de tels domaines spirituels, qu’il en est peut‑être même un élément structurant, une loi essentielle reste posée : pour ne pas s’entendre, pour pouvoir ne pas s’entendre, il faut tout de même un terrain commun. Ce que l’on constate ici, c’est que ce dépôt commun d’images permet, de bien des manières, de marquer les inflexions, les différends, les oppositions, comme on l’avait déjà noté plus haut. C’est un art tout de subtilité, usant par exemple de figures qui font poéticiennement et délicatement rêver, comme l’utprekşā qui « peut être définie comme une “supposition imaginaire” dont la hardiesse est tempérée par une formule d’atténuation qui en souligne le caractère quelque peu subjectif » (p. 37, note 1).
27Le retournement du pour au contre (étudié plus particulièrement p. 198‑214) semble une caractéristique profonde de ces textes, et de leur emploi des images, comme dans l’exemple du roseau affrontant le courant, ou l’arbre le vent, autant (c’est‑à‑dire selon les cas et les présentations du motif) porteur de connotations positives (l’énergie déployée et victorieuse) que négatives (l’impuissance et la défaite face aux forces du saṃsāra).
28Les textes équivoquent, comme dans ce portrait :
celui qui détruit sans le laisser pousser ce qui a pris naissance,
et n’y ajoute [rien] qui puisse prendre naissance ;
celui qui, après inspection des champs et destruction des semences,
n’y ajoute pas d’eau. (p. 184)
29Ce serait pour nous un bien mauvais cultivateur, et par métaphore, ou par parabole, un être de vice(s). C’est tout le contraire :
On a donc là une formulation ambiguë qui joue du parallélisme établi entre les cycles de la végétation et le cycle de l’existence, et qui peut être interprétée comme un véritable éloge de la stérilité, inspirée par la volonté délibérée d’aller contre la nature, de s’opposer au mouvement même qui fonde l’apparition des choses et la marche du monde. (ibid.)
30Une telle valeur de paradoxe peut aussi s’alléguer dans le cas de la « poésie de la pluie » ; il convient de souligner ses évidentes connotations érotiques dans la poésie profane pour pouvoir vraiment saisir la distorsion qui va être opérée, et qui nous est expliquée avec un sens certain du raccourci :
[…] les allusions quasi systématiques au plaisir que les moines éprouvent dans leurs retraites bucoliques ne sont pas le fait du hasard : elles visent à suggérer le décalage qui existe, au‑delà de la ressemblance des thèmes et des situations, entre l’expérience des thera et celle des personnages mis en scène dans la poésie profane. Le bonheur pour les uns naît de la rencontre amoureuse, et pour les autres, semble‑t‑il, de la simple vue des rochers ruisselant de pluie ou des arbres agrémentant les berges d’une rivière […]. (p. 106)
31Ici encore, il s’agit d’un comportement paradoxal.
32Aux paradoxes se combinent ainsi les références subtiles, les sens détournés ou retournés, les doubles sens (p. 168‑169, ou 186‑187), toute la gamme de la virtuosité technique (p. 229‑230), des effets de joute pouvant aller jusqu’à des pointes satiriques, donc des formes d’humour – apparemment particulièrement sensibles dans les textes tibétains (p. 272‑276), la guerre des images (p. 240‑241) : la contextualisation donne force et puissance à cette poésie à l’œuvre, cette poésie de connivence et de conviction.
Conclusion : regarder le Ciel
33« Pour sortir de la forêt, il faut passer par le haut » (p. 145), comme nous le rappelle D. Masset. Voilà exactement ce que fait l’ouvrage, ce livre savant pour âmes rêveuses. Il nous aura guidé sûrement dans la traversée tout exotique d’une forêt étonnante de symboles non moins étonnants. On lèvera alors les yeux au ciel, que ce soit, comme avant, vers les nuages, les merveilleux nuages qui passent, ou désormais vers ces oiseaux qui, effectivement, ne laissent pas de traces : « De ces trajets multiples, on ne prendra qu’un seul exemple, en accompagnant dans leur vol à travers le temps des oiseaux qui semblent être passés sans bruit du ciel du Magadha des premières communautés bouddhiques à celui du Tibet du xixe siècle. » (p. 249)
34C’est là un choix bien symptomatique : ce qui demeure du passage des oiseaux, c’est justement l’absence de trace. Ce qu’on voit, c’est qu’on ne voit pas. Dale Cooper eût aimé ce regard, Edmond Jabès aussi : « L’oiseau laisse‑t‑il une trace de son envol2 ? »
35La réalité serait alors non ce qui se peut dire, mais ce qui se dérobe, ce qui s’efface : « Clair de lune décrit en tibétain, le monde est beau sans qu’on puisse le lire3. » C’est qu’« il faut avoir des ailes quand on aime l’abîme4… ».