Stace et le sublime spectaculaire
1À l’image du guerrier Capanée gravissant les murailles thébaines pour défier les Olympiens1, la Thébaïde de Stace apparaît marquée du sceau du grandiose et de la démesure. Cet attrait pour la transgression titanesque fut longtemps stigmatisé par les commentateurs. Le furor hypertrophique animant les guerriers, le déchaînement de la violence, touchant parfois à l’insoutenable notamment lorsque Tydée dévore la cervelle de Mélanippe2, l’hypotypose des créatures maléfiques, à l’instar de celle de Tisiphone ouvrant le poème3, ont longtemps valu à l’épopée flavienne une condamnation sans appel. Ces éléments s’éloignaient d’un idéal esthétique qui faisait du beau un synonyme de mesure, d’équilibre et d’harmonie. L’extravagance du poème ne pouvait donc qu’être perçue négativement par la tradition philologique, pétrie de classicisme. Depuis une cinquantaine d’années, la critique universitaire a néanmoins œuvré à la réhabilitation de l’œuvre, en montrant qu’elle répond à des conventions poétiques qui s’écartent des prescriptions aristotéliciennes et horatiennes. On a alors parlé de baroque ou de maniérisme pour qualifier les productions poétiques de la latinité de l’âge d’argent. Plus récemment, les commentateurs ont substitué la notion de sublime4 à celle de baroque. Anne Lagière s’inscrit dans cette mouvance, mais son étude se démarque de celles effectuées par les critiques anglo‑saxons dans la mesure où elle refuse d’appréhender le sublime comme une catégorie esthétique transhistorique. À l’inverse, elle se positionnedans le prolongement des recherches menées par F. Delarue5 et entend montrer que la Thébaïde s’inscrit dans une poétique du sublime, telle qu’elle est définie dans le Traité du Sublime, composé au milieu du Ier siècle de notre ère, soit une génération avant l’épopée stacienne.
Contre un sublime transhistorique : le sublime longinien
2Ce choix est clairement justifié dès l’introduction : la notion de sublime a été théorisée à différentes époques et s’avère fluctuante. Cette plasticité engendre « un flou sémantique » (p. 20) et les appréhensions diachroniques font du sublime une catégorie intemporelle qui peine à recevoir une définition précise. A. Lagière propose donc de se concentrer sur la conception antique du sublime en explorant minutieusement le traité traditionnellement attribué au Pseudo‑Longin. Il s’agit de circonscrire avec précision ce concept afin de fonder sa lecture de l’épopée sur un « outil d’analyse solide et précis » (p. 23). Cette enquête fait l’objet d’un chapitre liminaire qui pose les assises théoriques de l’étude. L’analyse se déploie ensuite en deux mouvements qui dévoilent les liens étroits unissant la Thébaïde et la pensée longinienne. La première partie se focalise sur la thématique du ravissement passionnel, abordée selon les trois pôles faisant chacun l’objet d’un chapitre : la création à travers la figure du vates, la mise en œuvre au sein du récit à travers une étude des passions animant les différents protagonistes et la réception. A. Lagière montre en effet que Stace tend à provoquer chez son auditeur‑lecteur l’ekstasis longinienne. La seconde partie adopte une approche générique en dévoilant les transformations de l’écriture épique revisitée par le sublime. Elle s’attache à lire l’épopée comme une « expérimentation littéraire » (p. 183), dans la mesure où elle installe une matière et un univers travaillés par le tragique sublime au sein du cadre épique. Le premier chapitre met au jour la spécificité du tragique sublime fondé sur l’exacerbation des passions des protagonistes. A. Lagière montre alors l’influence des tragédies sénéquiennes, considérées comme emblématiques du tragique sublime, sur l’écriture stacienne. Dans l’univers de la Thébaïde, les passions constituent un élément relevant de la fatalité puisqu’elles conduisent les héros à commettre un nefas. Le jeu d’interférences génériques trouve alors un matériau privilégié dans la composition des personnages tyranniques. C’est pourquoi elle se livre à une analyse détaillée de la tyrannie exercée par Jupiter, divinité négative dans l’univers stacien. Le despotisme divin trouve ensuite un écho dans le monde des mortels à travers les personnages d’Étéocle et de Créon. Le second chapitre poursuit l’étude des personnages en se concentrant sur la transformation des valeurs épiques virgiliennes. L’esthétique du sublime conduit à une disqualification de la pietas au profit d’une valorisation de la virtus.
3L’approche choisie permet ainsi d’aborder à travers un prisme nouveau deux questions qui polarisent les études staciennes : la nature et la mécanique des passions au sein du poème et la question des interférences génériques6. L’autre intérêt majeur de l’étude menée par A. Lagière est de mettre en lumière la spécificité du sublime longinien au sein de la tradition critique et rhétorique antique. Sa recherche témoigne des débats esthétiques qui agitent la Rome post‑augustéenne et le traité du Pseudo‑Longin défend une poétique qui s’éloigne fortement du classicisme prôné par Horace et défendu par Auguste. Le Traité du Sublime instaure des conventions poétiques nouvelles qui autorisent le déploiement d’une imagination créatrice et non plus seulement reproductrice. L’extravagance, l’incroyable et l’extraordinaire sont non seulement cautionnés, mais valorisés dans le domaine poétique. En ce sens, le traité peut apparaître comme un manifeste répondant aux aspirations des poètes néroniens et flaviens.
La puissance de l’imagination : la spécificité du sublime longinien
4Dans la pensée longinienne, le sublime est conçu comme une donnée naturelle et se définit comme une invitation à « dépasser les limites humaines en s’élevant vers celles de l’imagination » (p. 45). Dans cette optique, la technique ne joue qu’un rôle secondaire : elle devient le complément des qualités innées de l’écrivain génial, caractérisé en premier lieu par sa grandeur d’esprit (τὸ μεγαλοφυές). Cette relégation de la technè au second plan singularise fortement le traité au sein du corpus rhétorique antique. La seconde spécificité de l’œuvre tient à la place prépondérante accordée à l’émotion et à la passion, seconde source de l’ὕψος. Dans la Poétique, Aristote se focalisait sur l’assemblage des faits, l’agencement de l’intrigue qui, en se conformant aux lois de la vraisemblance et de la nécessité, suscitait la crainte et la pitié7. À l’inverse, le traité longinien enracine la production littéraire dans le pathos qui intervient tant au niveau de la création que de la réception. Le sublime doit provoquer chez l’auditeur‑lecteur un choc violent, un ravissement passionnel irrésistible, en grec ἔκστασις. Pour produire l’ἔκστασις, l’écrivain doit au préalable être lui‑même possédé par une passion extraordinaire. Pseudo‑Longin, influencé par la pensée platonicienne, fait de l’écrivain sublime un vates, un poète inspiré, pris d’un transport passionnel hors du commun qui lui permet de dire celui de ses héros. De cet enthousiasme créateur naissent des φαντασίαι, des images mentales que la verve du génie va placer sous les yeux de l’auditoire. Les φαντασίαι, qu’A. Lagière propose de traduire par « visions fulgurantes » (p. 62), ne sont pas le propre de l’écriture poétique, elles jouent un rôle fondamental dans le domaine de la rhétorique. Cependant, Pseudo‑Longin distingue nettement orateurs et poètes en raison de la finalité de leurs productions. L’orateur doit persuader son auditoire en lui proposant une reconstitution d’une scène imaginaire, parce que l’orateur n’y a pas assisté, mais qui demeure crédible et probable. La phantasia rhétorique vise à l’enargeia, étroitement liée dans la pensée longinienne à la vraisemblance. En revanche, le poète est invité à se libérer des contraintes de la vraisemblance pour donner à voir des êtres, des évènements ou des lieux fabuleux. La phantasia poétique tend alors à provoquer ce que le traité nomme l’ἔκπληξις, qu’A. Lagière traduit par « stupeur »8 (p. 67). L’étude du chapitre xv du Traité du Sublime où sont exposés différents exemples de φαντασίαι poétiques issus du corpus tragique attique permet à A. Lagière de montrer que la création poétique sublime se caractérise par une valorisation de l’imagination créatrice. L’expérience poétique sublime antique se présente comme une élévation vers l’extraordinaire (παράδοξον) au moyen d’un transport passionnel tout aussi exceptionnel. Libérée des contraintes du veri simile, la poésie sublime fait la part belle à une imagination vive et audacieuse invitée à se détourner du réel empirique pour se tourner vers l’incroyable et le fabuleux. C’est grâce à des φαντασίαι spectaculaires donnant à voir l’irréel que le poète produira l’ἔκπληξις conduisant à l’ἔκστασις. La spécificité du Traité du Sublime repose sur cet éloge de l’imaginaire. Si Aristote appréhendait la création poétique sur un plan essentiellement intellectuel en valorisant l’agencement des faits selon les lois de la nécessité, le Pseudo‑Longin fait de l’impact passionnel le propre de l’expérience poétique. Il s’agit moins de composer un muthos cohérent que d’ébranler fortement le destinataire en visant au choc émotionnel dont « l’efficace repose sur la charge de sentiments de terreur » (p. 122). La visée essentiellement conative assignée à la poésie fonde l’originalité de la pensée longinienne et marque un tournant dans l’appréhension de l’art par les Anciens puisque l’extraordinaire supplante désormais la vraisemblance. Le Traité du Sublime apparaît donc comme un outil herméneutique précieux pour analyser non seulement la poétique de Stace, mais plus généralement la littérature néronienne et flavienne. Il permet de réévaluer ces œuvres à l’aune de conventions poétiques valorisant l’imagination et les débordements passionnels. Dans cette perspective nous voudrions revenir sur quelques analyses d’A. Lagière qui illustrent l’intérêt de sa démarche pour les études staciennes.
Tisiphone revisitée par le sublime : un symbole métapoétique
5Le recours à la pensée longinienne permet une nouvelle lecture de l’action de Tisiphone à l’ouverture de l’épopée9. Le rôle de la Furie a fait l’objet de différentes analyses et la question divise les commentateurs. À la suite des travaux de D. Vessey10, Tisiphone a été considérée comme une allégorie personnifiant l’état psychique d’Œdipe en proie à la fureur et au ressentiment. À l’inverse W. Dominik et D. Feeney11 lui confèrent une réalité objective : elle contrôle le roi déchu et devient la responsable de l’accomplissement de la guerre fratricide opposant Étéocle et Polynice. A. Lagière insiste quant à elle sur la dimension symbolique de la Furie. Selon elle, Tisiphone joue un rôle métapoétique : elle matérialise la mécanique de la propagation passionnelle sur laquelle repose le sublime longinien. C’est donc sous un angle réflexif que la critique analyse l’ouverture du poème. Œdipe, reclus dans les ténèbres, laisse libre cours à sa souffrance dans une attitude qui reflète celle du poète sublime. Pris d’un transport passionnel dépassant toute mesure, il entretient son pathos mortifère en convoquant une série de phantasiai fulgurantes qui viennent animer Tisiphone, immobile sur les rives du Cocyte. A. Lagière insiste sur la valeur performative des imprécations d’Œdipe qui produisent l’ἔκπληξις conduisant au ravissement (ἔκστασις) de la Furie. Si les imprécations la stupéfient d’abord, elle se met bien vite en mouvement et surgit dans le monde des vivants où elle répand sa fureur destructrice. Touchant de son fouet Polynice, elle éveille sa haine contre Étéocle, passion qui enclenche le conflit armé opposant Thèbes et Argos, le bellum impium, objet de la Thébaïde. L’action de Tisiphone engendre l’aliénation de Polynice entièrement possédé par une fureur criminelle excessive et irrésistible qui l’entraîne dans le combat fratricide. Sur un plan discursif, le début du récit devient une mise en abyme de la mécanique des passions et de leur transmission. À l’intérieur du récit, l’intervention de la Furie renvoie au processus de diffusion du pathos théorisé dans le Traité du Sublime. Si Œdipe apparaît comme un doublet du poète inspiré, Tisiphone peut être lue comme un reflet de l’auditoire. Bien plus, A. Lagière montre que la Furie est également une phantasia émanant du transport prophétique d’Œdipe et son apparition sur terre symbolise le processus de visualisation d’un objet imaginaire que le discours impose au regard de l’auditeur-lecteur. Elle est cette vision sublime mise au monde par la parole d’un vates et frappant d’épouvante le public. A. Lagière la considère alors comme « cette phantasia que font surgir les paroles d’Œdipe dans un moment d’entraînement passionnel » (p. 111). L’aspect horrifiant de Tisiphone matérialise « la poétique stacienne de l’horreur et du chaos » (p. 125) qui transparaît dans la peinture des monstres, des prodiges et du déchaînement des forces naturelles12. Les mirabilia deviennent l’occasion de phantasiai spectaculaires destinées à foudroyer l’auditeur et dont la réception fait naître des émotions ambivalentes. Face à l’horreur staciennne, l’auditeur‑lecteur oscille entre une véritable fascination pour le sensationnel et la répulsion. C’est là toute la force de l’épopée qui se fonde sur une esthétique recherchant le choc émotionnel.
La Thébaïde entre Virgile et Sénèque
6A. Lagière revient, à l’ouverture de la première partie, sur la conception stacienne de la poésie. S’appuyant sur deux pièces des Silves13, elle montre que Stace compose une figure du poète idéal qui correspond à celle du vates sublime. Stace voit en son propre père et surtout en Lucain des poètes audacieux dont la parole puissante bouleverse et ravit l’auditoire. À ce premier trait de sublimité s’ajoute le choix d’une matière qui répond aux thématiques parcourant le Traité du Sublime : le récit des guerres civiles et la peinture d’une nature dynamique qui suscite autant l’admiration que l’effroi. Ces sujets sont les matières privilégiées d’une poésie sublime dans la mesure où ils sollicitent des émotions violentes capables de frapper l’auditoire. La pièce des Silves consacrée à Lucain traduit l’état de possession du vates à travers l’image du taon (oestrus). Cette image trouve un écho dans le prologue extradiégétique de la Thébaïde (i, v. 1‑45) où Stace « se représente en vates frappé du feu des Piérides » (p. 74). Or, les Piérides constituent aux yeux d’A. Lagière bien davantage qu’un jeu de variation savante sur la désignation des Muses. Convoquant l’intertexte ovidien14, elle rappelle que les filles de Piéros ont défié les Muses et chanté la geste sacrilège du Géant Typhée dont l’assaut a répandu l’effroi parmi les Olympiens. Elle dote alors la référence intertextuelle d’une forte dimension programmatique : en composant la Thébaïde, Stace ne cherche pas tant à rivaliser avec Virgile qu’à créer une épopée d’un genre nouveau. L’appel initial aux Piérides témoigne d’une inspiration poétique inédite, marquée par l’audace et la transgression, reposant sur la mise en place de nouvelles valeurs épiques, bien éloignées de la pietas dont témoigne l’Énée virgilien.
7Ainsi, au dixième livre de l’épopée, le poète exalte l’élan transgressif s’emparant de Capanée. Le guerrier gravissant, dans une attitude rappelant celle des Géants chantés par les Piérides, les murailles thébaines afin de provoquer les dieux ne fait pas l’objet d’une condamnation éthique. Au contraire, le poète loue l’audace et la témérité de son héros, qualités qui contribuent à sa magnanimité. Certes, l’épisode s’achève par le foudroiement du guerrier, mais son entreprise titanesque relève du sublime longinien. La sublimité de Capanée fait alors écho à la relecture sénéquienne du mythe de Phaéton. La poésie augustéenne, d’Horace à Ovide, faisait du fils de Phébus un emblème de l’hubris : il se présentait sous les traits d’un jeune homme vaniteux habité d’un désir puéril qui ne pouvait que le mener à sa perte. S’appuyant sur le De Providentia, A. Lagière montre que la réflexion sénéquienne modifie fortement la réception du mythe. Sous la prose du philosophe, Phaéton devient un generosus adulescens, parfaitement conscient des dangers de sa course, mais néanmoins prêt à les affronter courageusement. Sa course devient ainsi le symbole des périls inhérents à l’élévation vers la vertu et la sérénité du Phaéton sénéquien le transforme en une « incarnation de l’homme de bien […], être qui se livre au destin, se désintéresse des craintes des mortels et se jette au devant des dangers, saisissant là l’occasion de prouver sa vertu » (p. 81). Lors de son aristie, Capanée témoigne des mêmes qualités que le Phaéton de Sénèque : il apparaît comme un guerrier insensible à la peur, ne craignant aucunement pour sa vie et désireux d’accomplir une épreuve surhumaine afin de prouver sa vertu. Les réflexions sénéquienne et longinienne témoignent du basculement de la pensée romaine au ier siècle de notre ère : la démesure tant sur le plan éthique que poétique n’est plus l’objet d’une condamnation morale systématique. Au contraire, dans le champ de la création littéraire notamment, l’audace titanesque se voit valorisée au nom de la recherche de l’extraordinaire (παράδοξον) qui suscite terreur et admiration. Dans la Thébaïde, la démesure des guerriers fait écho à celle du souverain des dieux. Contrairement à la position défendue par F. Ripoll15, A. Lagière ne fait pas du Jupiter stacien un équivalent du Jupiter virgilien, garant des foedera mundi et des fata. Elle montre, à la suite de l’analyse menée par D. Feeney16, que Stace joue avec le modèle virgilien dont il s’écarte volontairement. Son Jupiter possède plus d’affinités avec la Junon virgilienne et ses décrets iniques sont dictés par la rage. De ce fait, les héros épiques flaviens évoluent dans un monde gouverné par l’arbitraire et la passion. La tyrannie du roi de l’Olympe met à mal la cohérence rationnelle du monde. C’est pourquoi la pietas s’avère inefficiente dans cet univers « virgilien perverti » (p. 206) où les protagonistes « sont habités par la psychologie sénéquienne et sujets aux πάθη sublimes » (p. 206). À cet égard l’affrontement entre Piété et Tisiphone17 se dote d’une valeur métalittéraire. La fuite de Piété indique que les héros pieux de l’épopée augustéenne n’ont plus leur place au sein du monde trouble de la Thébaïde. Le trajet du devin Amphiaraüs confirme cette interprétation. Face à la vanité de ses prophéties qui ne rencontrent aucun écho parmi les hommes, la piété du devin se mue lors de son aristie en un furor meurtrier qui « altère son être, le transforme ontologiquement et le fait sombrer dans une crudelitas donnée à voir par la poétique de l’horreur » (p. 214). En lisant l’épopée flavienne à l’aune de l’esthétique du sublime, Anne Lagière en vient à réévaluer le rapport qu’entretient la Thébaïde à l’Énéide. Il s’agit moins pour Stace de se faire le continuateur de Virgile que de se référer à ce modèle pour fonder de nouvelles valeurs épiques. L’ultime chant de l’épopée en témoigne. Il met en scène la restauration de l’ordre par Thésée menant un bellum justum afin de combattre la tyrannie de Créon. Thésée établit un monde nouveau où la clementia, vertu hautement sénéquienne, et la justice humaine supplantent la pietas et la justice divine de l’univers virgilien. Le chant xii qui conclut la Thébaïde consacre l’avènement d’un univers au sein duquel « ne règne plus le tragique sublime » (p. 205), ce qu’illustre l’absence de Jupiter. L’œuvre pacificatrice du héros athénien ne peut en effet voir le jour que dans un monde « libéré de l’adfectus jupitérien » (p. 205).