La révolution haïtienne sur scène : un théâtre populaire afro-caribéen
1Cet ouvrage, tiré de la thèse de doctorat d’Axel Artheron soutenue en 2014, s’intéresse à la constitution d’un théâtre afro‑caribéen en français. Plus particulièrement, il s’agit d’examiner la représentation de la révolution de Saint‑Domingue, cette « première décolonisation de l’histoire des peuples noirs1 » qui aboutit à l’indépendance d’Haïti en 1804. L’étude s’appuie sur un corpus primaire de sept pièces, écrites dans la seconde moitié du xxe siècle2 par des écrivains caribéens et africains (Aimé Césaire, Bernard Dadié, Édouard Glissant, Jean Métellus, Vincent Placoly et Henock Trouillot) qui ont en commun de mettre en scène cette révolution. À la croisée de deux champs, l’analyse du théâtre politique et populaire dans les études théâtrales d’une part, les études francophones et postcoloniales en littérature d’autre part, l’auteur part d’un corpus thématique pour souligner des points de convergence formels qui participent de ce qu’il nomme un « théâtre révolutionnaire afro‑caribéen aux enjeux populaires ». Les pièces ont été écrites lors de deux moments historiques consécutifs : celui des décolonisations et celui qui suit les indépendances. Dans les deux cas, mettre en scène la révolution haïtienne permet d’éclairer la contemporanéité des dramaturges, qu’il s’agisse de valoriser une histoire occultée et dénigrée ou d’interroger les écueils des régimes politiques postcoloniaux.
2La démonstration de l’ouvrage se déploie en trois temps, dont nous proposons de rendre compte linéairement, avant d’ouvrir ce compte rendu par un bref entretien avec Axel Artheron. En effet, si l’ouvrage pose les jalons d’un théâtre afro‑caribéen qui émerge à partir des années 1960, il nous a semblé intéressant d’interroger l’auteur sur les évolutions entre ces pionniers et les dramaturges antillais·es contemporain·es.
Aux origines du théâtre révolutionnaire afro-caribéen
3Dans un premier temps, l’ouvrage retrace minutieusement les éléments contextuels historiques, politiques et esthétiques qui ont permis la naissance de ce théâtre. Le premier chapitre fournit ainsi une précieuse synthèse historiographique de la révolution qui a rendu son nom autochtone (Haïti) à la colonie de Saint‑Domingue. Le mouvement révolutionnaire est précédé par des mécontentements de la part des planteurs blancs, soucieux d’accroître leur pouvoir face à la métropole. Mais ce sont ensuite des révoltes antiesclavagistes qui éclatent et obtiennent l’abolition de l’esclavage (1794), avant de devenir une révolution sous la houlette de Toussaint Louverture qui obtient l’autonomie (1801). Enfin, son successeur Jean‑Jacques Dessalines proclame l’indépendance de l’île en 1804. Or on ne peut comprendre ces événements historiques sans saisir les enjeux économiques et raciaux de la colonie qui « rapporte à elle seule les trois quarts de la production mondiale de sucre dans le dernier tiers du xviiie siècle3 ». En effet, l’économie sucrière sous‑tend toute l’organisation de l’île, qui passe d’une agriculture sur des lopins au système des habitations‑plantations « principalement tourné vers une économie d’exportation4 » au détriment de l’agriculture vivrière. Favorisant l’importation des produits de première nécessité, ce système entérine alors la dépendance de l’île et entraîne des « révoltes blanches5 » contre la métropole, avant les révoltes d’esclaves6. Du reste, une telle production intensive, qui s’appuie sur la déportation esclavagiste, est justifiée par une « racialisation de la structure sociale7 ». Cette racialisation hiérarchise la société selon la couleur de peau et elle rend difficile la victoire de la révolution puisque les « hommes de couleur », qui pouvaient être propriétaires d’esclaves, et les Noirs esclaves s’opposent d’abord, avant de s’allier sous le commandement de Dessalines et d’obtenir l’indépendance8.
4Parce qu’elle est la première à être victorieuse, cette révolution d’esclaves met au jour une des contradictions du siècle dit des Lumières dont l’économie est résolument esclavagiste, et constitue une brèche dans le système colonial. La révolution haïtienne s’appuie bien évidemment sur « le même fonds idéologique9 » que la révolution française, de même qu’elle est inspirée par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Néanmoins, la déclaration ne s’appliquait pas au départ dans les colonies10, laissant apparaître une dissonance entre des considérations philosophiques et morales d’une part, et des arguments économiques d’autre part. Cette révolution inédite place donc les Lumières face à certaines contradictions11 et démontre que celleux que l’on considérait comme des sauvages et des « biens meubles12 » peuvent se battre pour leur liberté et l’obtenir. Ce faisant, la révolution ouvre « un champ infini de possibilités pour les autres peuples assujettis13 » et influence les mouvements esthétiques et politiques d’émancipation tels que le panafricanisme ou la négritude. Ces mouvements font de la révolution un véritable mythe, comme en témoignent ses multiples traitements littéraires ou dramatiques.
5En parallèle de cette mythification de l’événement historique, une partie de la scène française s’ouvre peu à peu aux enjeux anticoloniaux du xxe siècle. En effet, après les deux guerres mondiales et l’arme atomique, le théâtre relaie la « contestation des valeurs occidentales14 » qui se fait de plus en plus forte. C’est ainsi que les pièces de Genet, Brecht, Beckett ou encore Ionesco sont mises en scène par Roger Blin et Jean‑Marie Serreau qui souhaitent faire découvrir un théâtre contemporain « à rebours des classiques consacrés15 ». Axel Artheron propose de voir dans ce théâtre d’avant‑garde une influence pour le théâtre révolutionnaire afro-caribéen, et tout particulièrement pour la pièce d’Aimé Césaire La Tragédie du roi Christophe, dont il fait la matrice de ce dernier. Le poète martiniquais rencontre en effet Jean‑Marie Serreau à Paris et un compagnonnage débute entre les deux hommes : « Aimé Césaire a trouvé son Serreau, comme autrefois Giraudoux son Jouvet16 », pour reprendre les mots de Romuald Fonkoua que cite l’auteur. Outre une ouverture du côté des textes, on constate également une ouverture pour les comédien·nes noir·es : à la même période, Robert Liensol forme la troupe des Griots dont certains joueront dans la pièce de Césaire, à l’instar de Jenny Alpha ou Douta Seck. La création de cette troupe permet de récuser l’affirmation pernicieuse : « pas de rôles valables pour les comédiens noirs parce que pas de comédiens noirs valables17 ».
6Après avoir « découvert18 » Brecht ou Ionesco, Jean‑Marie Serreau souhaite mettre en scène « les problèmes de la décolonisation des ex‑colonisés19 » : il monte alors La Tragédie du roi Christophe avec la Compagnie du Toucan, représentée en Allemagne (1964) puis à l’Odéon (1965) et au Festival mondial des arts nègres à Dakar en 1966. Cette trajectoire de la pièce, de l’Europe jusqu’à l’Afrique, participe à la fois d’un décentrement du théâtre français et d’un rayonnement mondial du mythe de la révolution haïtienne. Aussi ce double mouvement de décentrement et de rayonnement contient‑il les ferments de ce que l’auteur nomme le « théâtre révolutionnaire afro‑caribéen ».
Quelles formes pour le théâtre révolutionnaire afro‑caribéen ?
7Dans un deuxième temps de l’ouvrage, Axel Artheron expose les traits définitoires de ce théâtre. Les dramaturges du corpus, qui ont en commun de représenter sur scène l’événement historique de la révolution, sont de nationalités différentes : Aimé Césaire, Édouard Glissant et Vincent Placoly sont martiniquais, Bernard Dadié est ivoirien, Jean Métellus et Henock Trouillot sont haïtiens. Cet éclatement géographique rend bien compte de la dimension panafricaine du théâtre de la décolonisation, pour lequel la révolution haïtienne du siècle précédent permet de s’interroger sur les indépendances et leurs lendemains. Cette deuxième partie est l’occasion d’explorer comment le choix d’un thème s’accompagne de convergences formelles dans les pièces du corpus et l’analyse recourt aux catégories dramaturgiques du titre, de l’intrigue, du genre ou bien encore du personnage. L’auteur distingue ainsi d’abord plusieurs degrés de référentialité dans les titres des pièces, de la mention d’un personnage historique comme chez Métellus (Toussaint Louverture) à un titre plus métaphorique chez Dadié (Îles de tempête). On trouve ensuite pour chacune des pièces du corpus un tableau indiquant la « structure externe des pièces20 » : le découpage en actes, tableaux ou scènes, les lieux de l’intrigue ainsi que la progression de l’action. Les sept pièces ont pour sujet la révolution haïtienne, mais toutes ne situent pas leur intrigue au cœur de celle‑ci comme le font Dadié, Glissant et Métellus (Toussaint Louverture). L’autre pièce de Métellus (Le Pont rouge) a certes pour toile de fond la révolution, mais elle s’intéresse davantage à la figure de Dessalines, et les pièces de Césaire, Placoly et Trouillot donnent à voir une intrigue post-révolutionnaire dont les enjeux sont ceux « de l’édification de l’État et la nation d’Haïti21 ».
8Concernant les modalités de représentation de la révolution, et tout particulièrement de la guerre, l’ouvrage montre comment les pièces du corpus ont en commun de rendre hommage au marronnage. Les affrontements révolutionnaires, qu’ils soient montrés ou racontés, reprennent la technique de la guérilla, caractérisée par « le harcèlement de l’ennemi, la dissimulation ainsi que la mobilité des troupes22 ». Cette représentation de la guérilla sur scène permet aux dramaturges de rendre compte du mode opératoire des esclaves marron·nes réfugié·es dans les forêts, dont le nombre et le matériel sont bien inférieurs aux soldats français, mais qui ont l’avantage d’une connaissance du territoire. Du reste, Axel Artheron relève que la guerre « n’advient sur scène jamais véritablement où on l’attend23 », qu’elle est présente de façon oblique. Il montre ainsi par exemple comment, dans la pièce de Césaire, l’affrontement entre Pétion et Christophe est préfiguré sur un mode parodique dans le prologue par le combat entre deux coqs qui portent les mêmes noms que les personnages.
9Enfin, cette deuxième partie de l’ouvrage interroge le genre des pièces du corpus qui, si elles sont historiques par le choix du sujet, empruntent néanmoins certains aspects formels à la tragédie. L’auteur propose d’abord une classification des pièces en tragédies ou en drames épiques. Il s’appuie pour ce faire sur la structure des pièces : soit elles offrent un ensemble organique où l’action progresse vers un dénouement, soit leur structure obéit à une logique brechtienne de montage. Mais c’est en se penchant sur les personnages, plutôt que sur la structure des pièces, qu’A. Artheron propose une résolution de cette question générique. À rebours de la déconstruction du personnage amorcée par le Nouveau Théâtre sur les scènes françaises, le théâtre révolutionnaire afro‑caribéen construit de véritables héros tragiques. Ceux‑ci sont écartelés entre leur image d’homme providentiel, de chef de guerre exceptionnel ou encore de bâtisseur, et leur démesure qui les coupe peu à peu de leur peuple. Aussi les pièces mettent‑elles au jour l’ambivalence des héros de la révolution haïtienne, qui sont à la fois martyrs et tyrans24. Ce paradoxe des personnages permet d’interroger le difficile exercice politique pour « le libérateur d’hier », qui devient « le gouverneur d’aujourd’hui25 » et résonne au moment des Indépendances, plus d’un siècle après la révolution haïtienne26.
Un théâtre afro-caribéen aux enjeux populaires
10La dernière partie de l’ouvrage propose un rapprochement entre les pièces du corpus et le théâtre populaire. Ce rapprochement, qui peut surprendre de prime abord, permet à la fois de renouveler les catégories d’analyse pour le théâtre francophone et d’ouvrir la réflexion sur le théâtre populaire à de nouveaux horizons, en‑dehors des frontières de la France hexagonale. En cela, l’ouvrage se propose d’opérer sur le plan de la critique le décentrement historique contenu dans les pièces. Par conséquent, après avoir rappelé le développement du théâtre populaire en France ainsi que la valorisation, dès Toussaint Louverture, du théâtre après la révolution de Saint‑Domingue27, il s’agit de voir en quoi les pièces du corpus peuvent être populaires à un triple niveau.
11En premier lieu, elles s’adressent au peuple à qui elles donnent à voir son histoire dans le double but de l’instruire et de le fédérer. Cette volonté de parler au peuple est théorisée par certains dramaturges du corpus comme Glissant dans son article intitulé « Théâtre conscience du peuple »28. Il s’agit donc de faire un théâtre « à l’usage du peuple », mais parler au peuple peut aussi s’accompagner d’une volonté de créer un théâtre « qui émane du peuple29 », comme en témoigne la fondation par Césaire en 1975 du SERMAC : le Service municipal d’action culturelle. Celui‑ci développe notamment des ateliers théâtraux à Fort‑de‑France.
12En second lieu, les pièces représentent le peuple sur scène (à travers des personnages collectifs ou bien individuels), tantôt dans le sens de populus, tantôt de plebs. Dans le premier cas, le peuple est l’ensemble des citoyen·nes haïtien·nes, uni·es après avoir conquis leur indépendance. Dans le second, le peuple est la frange pauvre de la population qui dénonce les privilèges d’une nouvelle élite reproduisant les inégalités présentes pendant le régime colonial. Cette seconde acception donne à voir une lutte des classes qui a, là encore, des échos contemporains, notamment pour certains états africains nouvellement indépendants.
13Enfin, ce théâtre est populaire parce qu’il intègre des éléments culturels et spirituels populaires dans la dramaturgie, à l’instar du marronnage, de l’oralité ou encore du vaudou. Dans Îles de tempête de Dadié, c’est un jeu de présence‑absence qui caractérise l’apparition sur scène des esclaves marrons. De même, on retrouve cette présence intermittente dans Monsieur Toussaint de Glissant où des fantômes d’ancien·nes esclaves rendent visite au personnage. Du reste, certaines des pièces comportent des passages chantés en créole, accompagnés de tambour, voire de danse, empruntés à la liturgie vaudou. C’est le cas du personnage de Dessalines dans la pièce de Placoly : à plusieurs reprises il danse le yanvalou, danse vaudoue qui accompagne « les apparitions du dieu Damballa30 ».
Théâtre de la décolonisation & tragédie
14Avançant toujours minutieusement, l’auteur prend le temps de faire des points théoriques pour éclairer les événements (révolution haïtienne) ou notions (théâtre populaire) qu’il convoque, ce qui lui permet de déployer avec efficacité l’originalité de son propos, à savoir replacer les pièces révolutionnaires afro‑caribéennes dans l’actualité théâtrale de la deuxième moitié du xxe siècle en France, sans pour autant occulter leurs spécificités. Si l’auteur cite Édouard Glissant affirmant une volonté de « défaire les genres » occidentaux, de les « cahoter31 » pour exprimer une autre vision de l’histoire, il n’en demeure pas moins que la forme tragique revient de façon lancinante dans l’ouvrage. Depuis le titre de la pièce de Césaire, La Tragédie du roi Christophe, jusqu’à l’analyse des trajectoire tragiques des héros du corpus, il semble en effet que ce genre ait partie liée avec le théâtre qui met en scène la révolution haïtienne. Bien plus, ces questions génériques dépassent les seules pièces qui représentent cette révolution comme le suggère Le Cadavre encerclé de Kateb Yacine, que Jean‑Marie Serreau a mis en scène à la fin des années 1960. L’ouvrage invite ainsi à poursuivre cette investigation dans les rapports entre la forme tragique et les dramaturgies de la décolonisation…
Ruptures & continuités avec le théâtre afro-caribéen contemporain
15Charlotte Laure : Les enjeux populaires théorisés dans cet ouvrage sont‑ils toujours visibles dans les créations contemporaines afro‑caribéennes ? Si oui, apparaissent‑ils de façon différente ? Du reste, il me semble que nombre de pièces contemporaines caribéennes sont plus intimistes que celles qui constituent le corpus de l'ouvrage, mettant en scène non plus de grands événements historiques mais quelques personnages (souvent ils sont deux) dans un lieu clos. Je pense par exemple à Congre et Homard de Gaël Octavia, La Faute à la vie de Maryse Condé, Le Patron d'Alfred Alexandre ou encore Circulez ! de José Jernidier. Comment cela peut‑il s'expliquer ? Est‑ce que cette mise en scène de l'intime est sous‑tendue par les mêmes enjeux populaires ?
16Axel Artheron : Je ne pense pas que ces enjeux se posent aujourd’hui dans la création contemporaine, en tout cas pas de la même manière. La problématique populaire, que j’ai tenté de mettre en évidence dans les pièces du corpus, se construit à la faveur d’une rencontre de trois facteurs : la tradition du théâtre de la révolution, le contexte artistique des années 1950 et le contexte idéologique de l’émancipation politique). Aujourd’hui, il y a de manière explicite une volonté de s’affranchir de la conception du théâtre portée par les écrivains‑dramaturges des années 1960‑1980 dans le théâtre caribéen. Les créations contemporaines se revendiquent d’un engagement social plutôt que populaire ou politique.
17J’opterais ainsi pour un théâtre de « l’urgence sociale », qui tente de mettre en scène les points aveugles des sociétés antillaises ou caribéennes contemporaines à partir d’une lecture des traumas qui les affectent. C’est la raison pour laquelle la thématique des violences se trouve au cœur de la société contemporaine. Toutefois, cette violence est assez différente de celle que l’on retrouve dans le théâtre européen contemporain ou africain (chez Koffi Kwahulé ou Kossi Efoui par exemple). Elle repose sur une appréhension des non‑dits qui sclérosent les sociétés antillaises et conditionnent d’une certaine manière les relations sociales, entre les genres et les générations. J’en veux pour preuve la récurrence, dans les dramaturgies contemporaines, des thématiques de l’inceste et du viol (Cyclones de Daniely Francisque, A Parté de Françoise Dô, Moi, Fardeau inhérent de Guy Régis Junior), des violences intra‑familiales impliquant de manière directe ou indirecte la figure de la mère (Trames de Gerty Dambury, L’Orchidée violée de Bernard Lagier, Cyclone de Daniely Francisque) ou encore l’ambivalence fonctionnelle de la figure du Père (Trames de Gerty Dambury, Le Père de Guy Régis Junior). Les thématiques sont ici représentatives des dynamiques qui travaillent la sphère domestique, l’intime, mais en révélant de manière emblématique les traumas qui paralysent l’inconscient collectif de ces sociétés structurées par une violence socio‑anthropologique. La famille devient ici une projection métonymique de la nation, du territoire. Ainsi peut‑on dire que l’engagement social, informé également par l’émergence depuis le milieu des années 2000, des mouvements afro‑féministes et de leur traduction dans les Caraïbes, a reconfiguré la problématique de l’adresse et de l’engagement dans ces dramaturgies.
18Ce changement d’échelle dans les thématiques, dans l’approche des faits historiques, la préoccupation pour le quotidien plutôt que pour l’idéologie s’observe effectivement sur le plan des dispositifs qui investissent la forme du huis clos et se concentrent sur deux ou trois personnages porteurs d’un tragique non transcendantal ou d’une pesanteur tragique pour aller vite. Ce tragique ne les grandit pas comme dans les tragédies historiques caribéennes (Toussaint, Christophe) mais détermine plutôt une dynamique de l’errance, de l’échec, bien visible dans les personnages mis en scène par Alfred Alexandre, Guy Régis Junior, Gerty Dambury, Bernard Lagier.