Trois auteurs, une tradition : Tchekhov, Bounine, Makine.
1Du 27 au 29 octobre 2006 s'est déroulé le colloque « Le Sentiment poétique dans l'oeuvre d'Andreï Makine... Récurrences chez Bounine et Tchékhov » en présence d'Andreï Makine au château du Tertre, la propriété de campagne de Roger Martin du Gard, située près de la forêt de Bellême, où il a composé une grande partie de son oeuvre, et où il a accueilli tant d’écrivains célèbres de l’époque, en particulier le groupe de la NRF.
2Les deux colloques précédents sur l’œuvre d’Andreï Makine (voir ci-dessous), s'étaient déroulés à la Cerisaie, maison de villégiature de l'une des organisatrices, Margareth Parry. L'intérêt de cette rencontre résidait non seulement dans la grande diversité des interventions d’universitaires du monde international mais aussi dans l'ambiance conviviale de la rencontre grâce à la chaleureuse hospitalité de Madame Véronique de Coppet, petite fille de Roger Martin du Gard. « L’Association des Amis du Tertre » et « L’Association Européenne François Mauriac » ont également collaboré à l'organisation de ce week-end d’échanges, d’animations et de réflexions sur le sujet proposé.
3Martin du Gard et Mauriac étaient grands admirateurs de Tchekhov et de Tolstoï, auxquels ils ont consacré des essais et réflexions critiques qui éclairent d'une lumière spéciale la compréhension de leur propre œuvre. Moins connue est l’admiration qu’ils vouaient à Ivan Bounine, premier écrivain russe à recevoir le prix Nobel de littérature en 1933. Roger Martin du Gard, François Mauriac, André Gide et André Maurois ont constitué un comité d’écrivains pour célébrer en 1950 les 80 ans de l’écrivain russe, émigré en France en 1921 où il partagea sa vie entre Grasse et Paris. Aujourd’hui, Andreï Makine contribue à maintenir vivant le souvenir de Bounine, toujours assez peu connu pourtant du grand public occidental. S'aventurer dans l’oeuvre de Makine permet de découvrir ou redécouvrir Ivan Bounine, ce qui mène facilement à Tchékhov qu'il vénérait entre tous. Voilà l’hypothèse que proposait ce colloque pour interroger différents aspects de ce qui a pu réunir dans leur création littéraire ces trois écrivains. L’occasion non seulement de découvrir une autre façon de les lire, mais aussi de mieux comprendre la spécificité d’une tradition qui a tant donné à la littérature et à la culture européenne, et de faire le point sur son rôle dans le monde d’aujourd’hui et de demain.
4Une trentaine d’universitaires de huit nationalités différentes se sont réunis pour ces deux journées enrichissantes tant du point de vue scientifique qu'humain. Mais surtout, elles laissèrent voir l'immense possibilité de réflexion qu'offre l'œuvre d'Andreï Makine dont tous les ouvrages fictionnels furent abordés par des approches diverses comme le démontrent le programme et les sessions. Le samedi furent évoquées les affinités affectives par Monique Grandjean avec "François Mauriac et la Russie de Bounine : de Bounine à Makine, des affinités électives, une famille d'âmes". Puis ce fut Margareth Parry qui parla de la poésie et du" domaine déserté" chez Makine et Bounine. Enfin, Nina Nazarova, auteur d'une thèse de doctorat sur Andreï Makine souligna que Bounine et Makine sont des otages du passé.
5La seconde partie du programme matinal se consacra à la nostalgie de la terre évoquée par Sophie Ollivier, Anne Hogenhuis et Marie-Louise Scheidhauer qui laissèrent entrevoir le regard sur la nature des trois auteurs Bounine, Tchekhov et Makine.
6Après cette matinée fructueuse en délibérations, Madame Véronique de Coppet eut l'amabilité et la gentillesse de faire visiter aux intervenants le bureau de Roger Martin du Gard et sa bibliothèque ainsi que le parc du château avant qu'ils ne rejoignent cette salle magnifique où tant d'écrivains se sont retrouvés et ont donné des conférences pour la suite du programme.
7L'après-midi, réservée aux récurrences tchékhoviennes chez Roger Martin du Gard par une communication d'André Darges, Rosamund Bartlett fit ressortir le lyrisme du paysage chez Makine et Tchekhov, mais c'est certainement la communication de la québécoise Stépahanie Bellemare-Page : "Le sentiment poétique comme mode d'expression d'un imaginaire nordique chez Makine, Bounine et Tchékhov" qui émerveilla par la clarté de l'argumentation de son exposé tous les intervenants. Il est à noter que Stépahanie prépare une thèse de doctorat sur Andréï Makine, ce qui explique partiellement sa connaissance détaillée de l'œuvre et sa vision très personnelle.
8La première journée se termina par une soirée divertissante de poésie et de musique qui avait été précédée en fin d'après-midi par un magnifique Diaporama sur la Biélorussie, présenté par Nicole Andrieux et Jean-Marc Beaudé qui ont emmené les élèves de leur lycée faire le voyage à la rencontre de cette culture qu'ils ne connaissaient encore que d'une manière livresque.
9Le dimanche 29 octobre à neuf heures du matin, revenaient à Murielle Lucie Clément de l'université d'Amsterdam, en phase d’achèvement de sa thèse sur Andreï Makine, à Claude Hecham et à Christiane Roederer d'ouvrir le débat avec une session "Échos féminins" d'où la séduction ne fut pas absente. Puis ce furent les grands thèmes de l'Éternité, du Temps et de la Beauté d'être approchés de façon magistrale par Taras Ivassioutine, Marie-Line Jacquet et Marco Caratozzolo. L'accès d'Ivassioutine fut d'un modèle méthodologique époustouflant, même pour les universitaires de renom de la salle, quant à Marco Caratozzolo, il a su enflammer par le souffle de sa passion la discussion animée qui s'ensuivit après avoir expliqué son concept de l'épiphanie dans l'œuvre de Bounine et Makine.
10Après le déjeuner, Cécile Delobel, sous la présidence de Véronique de Coppet, après avoir lu la communication de Charlotte Andrieux, "La réception de la littérature de russe par la Nouvelle Revue Française", malheureusement indisposée, régala l'assistance d'extraits de la correspondance de Roger Martin du Gard sur sa vision et son amour de Tolstoy. Les deux journées se terminèrent par une table ronde avec Andreï Makine, entouré des représentants des huit nationalités présentes à ce colloque, qui se prêta comme à l'accoutumée, avec son charme, sa grâce, son érudition et sa modestie pleine de sobriété à répondre aux questions des lecteurs, venus nombreux des environs et de régions plus éloignées.
11Pour tous renseignements complémentaires sur les textes ou la date de sortie des actes contacter, ou les prochaines activités :
12La secrétaire de l'Association Européenne François Mauriac: Marie-Line Jacquet, 6, rue Vernon, F 74140, France (marielinefa@aol.com) et pour tous renseignements sur Le Tertre: Madame Véronique de Coppet , Le Tertre Sérigny 61130 Sérigny (France)
13Publications des colloques précédents :
141) Andreï Makine: Perspectives Russes, Margaret Parry, Marie-Louise Scheidhauer et Edward Welch eds, L’Harmattan, Paris, 2005 ;
152) Andreï Makine: La Rencontre de l’Est et de l’Ouest, textes réunis par Margaret Parry, Marie-Louise Scheidhauer et Edward Welch, L’Harmattan, Paris, 2004, compte-rendu paru sur Fabula : « Dialectique Est-Ouest » URL : http://www.fabula.org/revue/document1569.php