Léon Bloy mystique
1C’est à Lydie Parisse que l’on doit cette étude extrêmement enrichissante sur l’autre de Léon Bloy, le mystique. Solitaire, prophète, marginal, pauvre entouré d’un air de sainteté, voici le Bloy dont l’auteur esquisse les traits. Bloy, comme Barbey d’Aurevilly, Huismans, relève de cet état d’esprit caractéristique d’un certain milieu littéraire des années 1880 aux premières décennies du XXe siècle (p. 9). Placé en porte-à-faux avec l’institution par sa recherche, Bloy ne revendique pas la dissidence. Son originalité est un fait.
2Sous des titres éloquents (l’illettré éclairé, le primitivisme, monstre ou merveille), Parisse analyse l’écriture bloyenne, mais aussi le rapport bloyen à l’écriture des autres en soutenant la thèse de la similarité d’expression pour le génie poétique et la langue sublime des mystiques (p. 35). Parisse traite du Pur amour dans les romans, « notion aussi complexe que subtile » (p. 57), souvent réduit par Bloy à « un modèle de dévotion christocentrique un peu trop proche de la logique sacrificielle » (p. 58).
3Selon Parisse, Bloy « entend se démarquer de ses contemporains en revendiquant les privilèges et les dangers de l’aventure spirituelle » (p. 109). Il a contesté l’esthétisme de son époque et ouvert des perspectives, toujours valables et utilisées, pour l’exploration de la condition humaine. Sa remise en cause des fondements de l’histoire collective le différencie nettement de ses contemporains, toujours selon Parisse pour qui « Chez Bloy l’affirmation d’une négativité sans bornes qui semble confiner au suicide n’est qu’une figure de la fameuse supposition impossible, qui prône le principe d’une mise en danger de soi dans la relation au divin » (p. 111).
4En peu de mots, l’ouvrage comporte cent quarante-sept pages, Parisse plante un Bloy inondé d’une lueur nouvelle. En effet, si le discours bloyen, loin d’être inconnu, a été largement étudié, peu de spécialistes l’ont fait avec cette précision d’argumentation qui force l’admiration. De plus, Parisse offre un glossaire des notions utilisées dans la mystique et l’étude de celle-ci, une démarche des plus utiles pour rafraîchir la connaissance d’une terminologie qui souvent prête à confusion. L’ouvrage se termine sur une notice bio-bibliographique des mystiques et visionnaires connus de Bloy. Là aussi, il est inutile d’insister sur la valeur évidente de l’appendice.
5On pourra être en désaccord avec l’étude de Parisse ou sa conclusion, mais on ne pourra l’ignorer. Elle s’avérera indispensable pour les études bloyennes par l’acuité du regard, la rigueur d’approche méthodologique et la grande affinité de l’auteur avec son sujet.