La mythologie celtique, héritage et survivances
1En 12 chapitres, Yann Brekilien nous fait découvrir, et vivre la mythologie celtique, à travers un patrimoine mythique dense, des contes et légendes d’une richesse symbolique. Une manière pour l’auteur de mettre en valeur cette mythologie méconnue. Un bon bain de jouvence celtique qui permet de plonger au cœur de la magie fascinante des navigations de Bran, des légendes du Mabinogion. Ce livre s’adresse à tous ceux qui souhaitent renouer avec la tradition spirituelle des Celtes mais qui ne sont pas spécialistes de la matière celtique. Honnête ouvrage de vulgarisation, il favorise un éclairage, il apporte un regard neuf sur cette mythologie celtique, qui telle les entrelacs se révèle mouvante, fantaisiste et propice aux rêves.
2Un ouvrage à l’intention pédagogique
3Dès la préface Yann Brékilien expose sa volonté de mettre en avant les racines celtiques des Occidents : « Les Européens d’aujourd’hui ressentent confusément le besoin de retrouver leurs racines , dont les a jadis coupés l’impérialisme latin. Or ces racines sont essentiellement celtiques ». Dans cet ouvrage, l’auteur se donne comme ambition « d’avoir servi la cause de notre culture ancestrale en mettant les mythes celtiques à la portée du grand public. » Vulgariser la matière celtique, sensibiliser les lecteurs à cette part celtique, cet héritage culturel celtique qui transparaît à travers la linguistique, la toponymie, tel est en effet l’objectif de cet ouvrage. Tout au long de l’ouvrage, Yann Brékilien se sent investi de cette mission, celle de faire prendre conscience aux Européens qu’ils sont des descendants des Celtes et qu’à ce titre, la culture celtique se doit d’être étudiée au même titre que la mythologie grecque ou latine. En effet, si l’on envisage que « les deux tiers de l’Europe ont été celtiques, n’est-il pas étrange, s’interroge l’auteur qu’un Européen cultivé n’ignore rien de l’histoire, de la littérature, de la mythologie des anciens Grecs et Romains mais n’éprouve aucune honte à ne rien connaître des Celtes ? »
4Comment expliquer cette méconnaissance ? par l’incroyable prégnance des préjugés et cette image de nos « bons ancêtres les Gaulois, hirsutes et sauvages ». « Cette incroyable ignorance trouve son excuse dans une affirmation transmise de génération en génération par les manuels d’histoire de France : nos ancêtres les Gaulois étaient des Barbares, des espèces de sauvages vivant dans les forêts et se nourrissant de sangliers ». Comme le note avec ironie l’auteur, « cette ânerie a la vie dure », malheureusement, d’où le peu d’intérêt voire le mépris pour la mythologie des Celtes. Les préjugés sont tenaces, et nombre d’entre nous a encore à l’esprit cette image comique d’Obélix transportant son menhir et dégustant un sanglier ou celle du druide Panoramix concoctant sa potion à base d’ingrédients étranges.
5Loin d’être des barbares sanguinaires, des brutes guerrières, les Celtes ont érigé une civilisation, où la spiritualité, l’art ont tenu une place importante et ont caractérisé l’essence de leur prestige. Yann Brékilien s’intéresse à l’expérience spirituelle des Celtes. Une spiritualité détenue et préservée par la caste sacerdotale des druides. « La tradition authentique du peuple auquel nous appartenons, c’est la tradition celtique : les trésors de sagesse qu’elle recèle et qui nous appartiennent, c’est dans la mythologie qu’ils sont cachés et qu’il nous faut les découvrir . Se pencher sur la mythologie celtique, s’efforcer d’en pénétrer le sens et de l’approfondir est extrêmement enrichissant » d'où la volonté de l'auteur de déceler les moindres survivances celtiques conservées dans les récits mythiques et les contes bretons.
6Héritages et survivances
7Comme toute mythologie, celle des Celtes n’a pas échappé à l’assimilation et au syncrétisme. « En général, une mythologie hérite des survivances d’anciens mythes légués par des civilisations disparues et d’éléments empruntés à des peuples étrangers. Nous nous trouvons devant la mythologie de notre peuple, comme devant un puzzle » .
8Après un rappel sur l’essence du mythe et les différentes fonctions de ceux-ci, Yann Brekilien présente les différents mythes propres aux Celtes. De la bataille de Mag-Tured aux manuscrits ontitulés « le livre de la vache brune », « le livre de Leinster », les « Mabinogion », l’auteur nous fait voyager au cœur d’une mythologie riche en péripéties et en métamorphoses. Sur le chemin , le lecteur croise d’étranges créatures telles que les Tuata De Dannann, les Fomoré. Par ce voyage, « il ne s’agit pas de ressusciter cette mythologie en tant que croyance, il s’agit d’y puiser une façon de penser plus authentique". Yann Brekilien invite dès lors le lecteur à se réapproprier le patrimoine mythique des Celtes. Un patrimoine où le merveilleux colore chacun des récits et des contes présentés.
9Sur le chemin d’un patrimoine mythique protéiforme
10Une vision sacrée du monde
11Même si la mythologie celtique s’apparente à un puzzle, « à une matière bouillonnante et échevelée », il est possible d’en reconstituer des fragments à partir de sources qui se complètent les unes les autres : légendes populaires, rites vivants, récits consignés dans les monastères d’Irlande, d’Écosse et du pays de Galles, romans bretons ( cycle arthurien, cycle de Tristan et Yseult), iconographie antique, autant d’ingrédients qui alimentent cette reconstitution et ouvre la porte de ce patrimoine foisonnant. Divinités protéiformes, ( Dagda, Lug, Belenos, Ogmios.) immortalité de l’âme, prégnance des métamorphoses, sacralisation de certains animaux notamment le cheval considérés comme psychopompes, présentation de l’Autre Monde celtique, le Sid, Tir na Nog de paix, de jeunesse, d’éternité et terre d’abondances, où vivent des femmes, messagères à la beauté surnaturelle de ce Sid, la mythologie celtique est un voyage au cœur du surnaturel. De la Déesse mère à l’enchanteur Merlin, en passant par Cernunnos, Yann Brekilien trace un chemin dans cette forêt touffue du merveilleux celtique, mettant en avant les héritages, les fusions, les survivances de cette tradition malgré la christianisation. Au fil de ce chemin, le lecteur vit les aventures de Pwyll, découvre le compagnonnage guerrier des Fianna, et perce quelques uns des secrets de ces héros mythiques sans jamais s’en emparer totalement. Figure emblématique de ce patrimoine, l’enchanteur Merlin, personnage ô combien ambigu, à la naissance extraordinaire. Des pouvoirs, une ambiguïté, un rire qui n’ont cessé de fasciner toute une littérature arthurienne du Moyen Age .
12Des objets sacrés
13Les textes des auteurs antiques ( grecs ou latins) ont permis de conserver la trace d’une certaine connaissance rituelle, à travers des objets sacrés. C’est le cas de l’œuf de serpent, décrit par Pline, sorte d’oursin fossile à la symbolique cosmogonique. Parmi les autres symboles sacrés figurent l’if de la Connaissance, l’if de Mugna, le chaudron de l’immortalité, l’un des quatre objets magiques des Tuata De Danann, à la fois chaudron d’abondance, chaudron de résurrection, de science ou de divination.
14Des quêtes et des épreuves
15«L’idée de quête est un des thèmes favoris des épopées bretonnes et gaéliques. L’étude et la méditation de la mythologie constituent une initiation, jalonnée d’épreuves » insiste Yann Brekilien. De la quête mortelle des fils de Tuireann, à La Courtise d’Emer en passant par la razzia des bœufs de Cualngé, l’auteur fait fait au lecteur un tour d’horizon des parcours initiatiques imposés aux héros, qu’il s’agisse de la quête du chaudron magique, des trois pommes guérisseuses, du taureau fécondant ou de la Femme elle-même.
16Une royauté sacrée
17Le roi chez les Celtes occupe une place dans la société, mais aussi sur le plan de l’initiation mystique, il incarne l’autorité temporelle, et forme avec le druide, représentant du pouvoir spirituel un couple sacré. « la prééminence du pouvoir spirituel, celui de la classe druidique sur le pouvoir temporel représenté par le roi est mise en relief par la mythologie ». Parmi les rois mythiques de cette culture figurent le Roi Arthur, le roi Marc’h, Conchobar.
18Yann Brekilien aborde ainsi différentes thématiques, différents aspects de cette mythologie. « Ce voyage à travers les mythes nous a permis de découvrir le sens que nos ancêtres, les Anciens celtes donnaient à la vie. Elle est une quête aventureuse, une quête où souffrances, épreuves et exploits permettent à l’individu de se dépasser lui-même. » Un dépassement de soi, c’est ce à quoi nous convie cette pérégrination au sein des mythes celtiques, « cette navigation à travers l’archipel enchanté de la mythologie celtique », où le temps, l’espace sont abolis, pour atteindre « cette parenthèse d’éternité » qui donne accès à l’Autre Monde. Pénétrer au cœur de la mythologie celtique, c’est découvrir une autre vision de la temporalité, celle de l’éternité. Plus que des histoires merveilleuses, les mythes incarnent une vision de l’être, un état d’esprit, une Weltanschaung différente de ce que nous apprennent les mythes grecs et romains. Cette mythologie casse le cou aux préjugés et aux idées reçues à propos de la barbarie des Celtes. Mais cette réappropriation de notre héritage spirituel passe par une initiation de nos consciences. « Car rien dans l’aventure celtique n’est fixe, rien n’est stable, tout est métamorphose et magie.. l’initiation se mérite »
19Conclusion
20Si cet ouvrage a le mérite de faire découvrir les thématiques de la mythologie celtique par le biais d’extraits de contes bretons et de légendes irlandaises ou galloises, il reste néanmoins assez succinct et ne fait que survoler les aspects de cette culture celtique et manque de précision quant aux sources. L’analyse des extraits fait défaut, de même qu’une certaine cohérence dans l’organisation des thématiques. Les spécialistes de cette civilisation seront sans aucun doute déçus. Néanmoins, ce livre remplit son rôle de tremplin, de propédeutique et s’il peut susciter l’envie ou faire germer la petite graine dans l’esprit des lecteurs et les inciter à passer de l’autre côté du miroir, alors les Celtes auront obtenu leur petite revanche sur les Romains et les Grecs.