E-Formes
1Il s'agit des actes du colloque « E-formes » publiés par les Presses de l'Université de Saint-Étienne en collaboration avec le Centre Interdisciplinaire d'études et de recherches sur l'expression contemporaine.
2La Préface de Jean Clément insiste sur l'événement qu'a pu être ce colloque en raison de la réunion « des créateurs, des artistes et des universitaires » à même de « présenter leurs travaux, leurs recherches ou leurs créations » (p. 7).
3Dans la première partie de cet ouvrage collectif, « Écritures visuelles et scripturalité des oeuvres électronumériques », Monique Maza rappelle la problématique initiale du colloque, à savoir « l'examen et l'analyse de formes artistiques (plastiques, littéraires et musicales) pour lesquelles il semblerait que le contexte technologique induise nécessairement une dimension scripturale […] des oeuvres ». Le paradoxe serait que « la virtualité de la matière » ait pour conséquence une « affirmation de l'écriture » (p. 9). Il y a une « proximité des médiums textes et des médiums images » aujourd'hui qui tend à rappeler celle qui « permit en leurs temps aux peintres de scènes religieuses de tracer simultanément, avec le même crayon, le même burin ou le même pinceau, les mots 'écrits' et les personnages 'représentés' » (p. 10). Là où une distinction commode associe le texte à « l'ascétisme du papier et des livres » et l'image à « la profusion des matériaux et des supports », Monique Maza constate qu'outre le mouvement Dada, le constructivisme et le futurisme « nous ont familiarisés avec ces tableaux où jouent les mots, les lettres et les images, à ne plus savoir quand celles-ci commencent et quand finit le texte. » (p. 11). C'est donc le texte devenu « une entité 'à voir' », lui que l'on « déchiffre », qui devient l'objet des attentions, notamment les « e-textes, dans la mesure où ils participent à un environnement contenant des images », qui deviennent « une matière textuelle en quête de regards » (p. 12). Monique Maza fait ensuite une présentation de certaines des communications qui posent la question « du devenir d'une écriture emportée par le nouveau potentiel de l'énergie électronumérique » (p. 13).
4Les enjeux posés, c'est Luc Dall'Armellina avec « De quelques e-formes d'écritures » (p.17-33) qui se propose à la fois de nous livrer ses réflexions mais aussi une sélection de ses travaux « en ce qu'ils pourraient se trouver idéalement pris dans cette triangulation oedipienne des arts visuels, de la poésie et de la théorie critique » (p. 17). Il part de l'idée que « la forme littéraire d'un texte est identifiable par sa structure » (p. 18) mais « le dispositif de littérature numérique repose moins sur la représentation que sur la présentation, moins sur la mise en scène réglée que sur une spatialisation des possibles, moins sur l'autorité d'un auteur que sur les possibles génératifs d'une matrice de moments » (p. 19). Le vocabulaire qui définit mieux les e-formes semble « prendre ses sources hybrides dans diverses théories; celles du jeu, du récit […], celles de la systémie, de la cybernétique, des sciences cognitives, de la philosophie, des techniques, de l'esthétique, etc. » (p. 20). Les réflexions posent le cadre de la présentation de sa pratique d'e-criture ordonnée autour de l'expérimentation des formes, des écritures, des comportements et le questionnement des usages, des lectures, des esthétiques. Six de ses oeuvres sont présentées à la fin de l'article.
5Guënael Séauve dans « Les jeux vidéos: un exemple d'hypermédia? » (p. 35-44) indique que « l'intérêt pour les jeux vidéo en tant qu'œuvre culturelle ou tout au moins objet culturel reste faible » (p. 35). De par les accusations d'incitation à la violence, des études universitaires s'intéressent à eux mais l'industrie du jeu vidéo « du fait de l'importance de ses coûts de production a tendance à développer des produits rentables, destinés à un large public et facilement attractifs » (p. 35) qui compromet de véritables intentions narratives et artistiques. Le deuxième écueil vient de la difficulté à définir le jeu vidéo en dehors de son acception de loisirs pour enfants ou adolescents. Guënael Séauve s'appuie sur l'exemple du jeu Fahrenheit de David Cage pour l'ensemble de son article afin de poser la question de l'hypermédia, entendu comme « un ensemble d'unités d'information (textes, images, séquences vidéo et plus largement tout ce que peut vouloir y intégrer l'auteur) à l'intérieur duquel un interacteur pourra librement circuler en ayant la possibilité d'effectuer des choix » (p. 37). En privilégiant les notions d'immersion, d'interactivité et de navigation, l'auteur analyse un jeu vidéo en détaillant ses choix et ses modes de fonctionnement. On retiendra que l'immersion demeure un objectif important puisque l'interaction et la navigation sont à son service. Guënael Séauve conclut que si la parenté entre jeux vidéos et hypermédias « paraît évidente et les points communs nombreux, elle n'est peut-être pas applicable à tous les genres de jeux vidéos » (p. 44).
6L'exploration du domaine des jeux se poursuit avec Martial Martin et « L'irruption d'une nouvelle forme narrative: les 'alternate reality games' » (p. 45-58) ou « jeux proactifs ou immersifs » (p. 45). À la différence des jeux de rôle massivement multijoueurs définis par de vastes univers persistants, type World Of Warcraft, les ARG sont liés aux « supercheries littéraires et médiatiques », produisant « des faux sur l'Internet, un réseau davantage identifié à l'information qu'à la fiction, des faux ludiques, qui rappelleront par certains aspects toute une littérature de masques, faite de prétendus jésuites, de faux Persans, de poètes inventés » (p. 45). À travers trois exemples, The Beast, produit dans le cadre de « la campagne de communications qui accompagne la sortie du film de Spielberg A.I. » (p. 46), I love bees qui prend également pour point de départ la publicité pour un jeu dans un film et Perplex city dont le créateur veut se détacher d'un « plan marketing pour un film ou un jeu vidéo » (p. 50), Martial Martin nous initie aux complexités scénaristiques et à ce qui a conquis les joueurs, « l'irruption du jeu dans le 'monde réel' (reterritorialisation?) ou à l'inverse leur action sur le déroulement de l'histoire (déterritorialisation?) » (p. 49), Martin reprenant des termes de Gilles Deleuze et Félix Guattari dans Mille plateaux: capitalisme et schizophrénie 2. C'est leur capacité à utiliser Internet, dans ses multiples dimensions, où « vérités, mensonges, fables de côtoient, s'allient, fusionnent lorsqu'ils sont relayés par les moyens de communication interpersonnelle […] ou d'édition personnel de contenus », qui caractérisent les ARG, rappelant « sur le réseau les possibilités ouvertes, au niveau de l'écrit seulement, par la littérature avec les 'faux' recueils de lettres, les 'faux' mémoires ou les 'fausses' confessions » (p. 53). S'organisant autour « d'un axe narratif principal même si de nombreux éléments s'y raccordent parfois difficilement, comme les fausses pistes par exemple » (p. 55), ces jeux « doivent apparaître comme les jeux les plus intrinsèquement liés à l'Internet: leur matière est une représentation du réseau sur le réseau, une des rares formes électroniques qui soit réflexive et une révélation des possibilités narratives de l'Internet » (p. 57).
7Le fonctionnement du réseau des réseaux fournit à nouveau la trame du « retournement des présupposés de la diffusion littéraire à partir de l'analyse du spampoetry » (p. 59-74) de Philippe Boisnard. Sa problématique se centre sur les moyens des nouvelles technologies de la communication de « proposer la possibilité d'une transformation de certains processus intentionnels de l'intentionnalité critique » (p. 62) grâce au spampoetry. Il fait un détour par l'analyse de l'intentionnalité classique du texte littéraire pour « comprendre les limites qui encadrent le geste de l'écrivain et sa possibilité de diffusion » avant de poser la question du graffiti et du tag comme texte, considérant que ceux qui ont eu « conscience de la performativité de l'écriture directe dans l'espace social ce sont les tagueurs » (p. 64). Toutefois leur possibilité de diffusion est encore limitée, ce qui permet à Philippe Boisnard d'analyser la question matérielle, géographique et intentionnelle de toute diffusion littéraire. Son analyse du spam, « trop souvent comparé au publipostage de publicité dans les boîtes aux lettres de nos maisons », pose la question de la « porosité de la dimension de l'intime, au sens où l'écran n'est pas une frontière comme les autres » (p. 68). Le spampoetry « n'est autre qu'un spam qui est créé selon la constitution d'une certaine poétique » qui a intéressé les artistes « en tant que remise en cause des conditions relationnelles implicites dans une sphère intersubjective de droit » (p. 70), réfléchissant « la possibilité d'un impact critique » (p. 71). L'auteur met en regard les pratiques de Lucille Calmel et de David Christoffel avant de nous présenter ses propres tentatives.
8« En attendant toto » (p.75-89) de Marc Veyrat s'apparente à un texte poétique, mélange de son expérience basée sur un logiciel de messagerie avec toto, « toujours au singulier et sans majuscule », « nom commun […] construit immuablement sur la même base – o + o – augmentée de signes typographiques empruntés à des polices de caractères » (p. 76), et d'une langue réinventée pour faire « buter le spectateur, trébucher sur les sens et les formes des mots, bégayer » (p. 77) au long d'un texte brut, illustré avec parcimonie, sans intertitre.
9« Temps de pauses – Données 'texte' et 'données sensibles' – La fonction tableau dans les arts électronumériques » (p. 91-103) de Monique Maza se réfère à l'oeuvre Temps de pause de cette dernière que l'on consultera avec intérêt à cette adresse1 pour bien comprendre l'ensemble de la réflexion qui en découle. En plus de la description formelle des pages et des tableaux à travers lesquels un internaute navigue, véritable « écran d'ordinateur à activer, sur lequel les yeux sont, tour à tour, sollicités pour regarder ce qui se donne à voir, encouragés à explorer la surface du visible par l'intermédiaire d'un instrument tactile ou invités à lire les données textes lorsqu'elles apparaissent » (p. 92). L'œuvre étant également disponible sur CD-Rom, une réflexion sur la différence des supports est nous est offerte, comme l'est la tentative de définition d'une donnée, « les éléments premiers, les particules élémentaires, sans lesquels aucun raisonnement ne peut être conduit » (p. 98), véhiculant « toujours un peu de pathos, à l'instar de nombre d'expressions soi-disant abstraites des domaines mathématiques et informatiques » (p. 99), à comprendre comme « 'donnée pour'; pour démontrer, pour comparer pour vérifier […] pour mieux penser » (p. 100). La conclusion pointe les limites de la différence que l'on peut faire entre les « données texte » et les « données sensibles » car tout étant numérisé, « donc converti en un seul substrat, il devient périlleux de justifier encore de compositions de médiums, d'arrangements composites ou d'hybridation artistiques » (p. 102).
10Philippe Bootz, avec « Poésie numérique: la littérature dépasse-t-elle le texte? » (p. 105-115), part du constat que « d'un art littéraire, la poésie est devenue au cours du XXe siècle un art sémiotique général » (p. 105) dont résultent des pertes et des gains. Mais il insiste surtout sur la dualité du signe utilisé par le médium informatique, mettant en avant le texte-auteur, « qu'on peut grosso modo identifier au programme dans une oeuvre programmée » et le texte-à-voir, « qu'on peut identifier à la face du signe traditionnellement perçue par le lecteur » (p. 106). Néanmoins « la calculabilité […] et la structure hypertextuelle sont autant de caractéristiques du texte-auteur qui affleurent dans le texte-à-voir » (p. 107). Sa réflexion se poursuit avec l'exemple du poème « à lecture unique » (p.108), qualifiée d'« esthétique de la frustration » (p. 113) par Jean Clément, qui parvient à nous faire distinguer « la lecture proprement dite, activité purement sémiotique, de la lacture, activité technico-sémiotique qui consiste tout à la fois à activer le programme et à démarre une session de lecture. Dans le 'poème à lecture unique', les lactures successives poursuivent la même lecture » (p. 108). De fait la lecture est vue comme l'interprétation du texte-à-voir, « sans doute insuffisante à découvrir la totalité des aspects esthétiques et cognitifs présents dans l'oeuvre », tandis que la méta-lecture consiste en « l'analyse des comportements du lecteur et de l'exécution » (p. 109) à partir d'informations extérieures au texte-à-voir. La poésie numérique devient in fine « une littérature du dispositif », prenant en compte « l'ensemble de la situation de communication qui s'instaure, à travers l'oeuvre, entre l'auteur et le lecteur ou entre lecteurs différents » (p. 110).
11La deuxième partie de l'ouvrage, « La littérarité des E-Formes textuelles », est introduite par Alexandra Saemmer qui se demande ce qui fait d'une e-forme textuelle une oeuvre d'art littéraire. Il y a bien « contamination des esthétiques », le texte bascule d'une certaine façon dans le champ des arts visuels par les qualités graphiques et plastiques qu'on lui attribue avec le support numérique, mais cela provoque-t-il une « dégénérescence de la littérature » ou bien un « nouvel aboutissement dans les pratiques d'écritures intersémiotiques en réseau » (p. 117)? Internet a bouleversé le rapport au texte et à l'édition mais a mis en son centre l'intertexte genettien qui trouve « dans l'hypertexte sa mise en pratique technologique » (p. 119) permettant au lecteur de tâtonner, de se perdre, d'errer « dans ces 'storyspaces' auto- et interréflexifs » (p. 120). Avant une présentation des articles composant cette partie du recueil, l'auteur conclut que le contenu d'une « création littéraire sur support numérique doit donc être lu et interprété dans ses états de fusion intime avec de nouvelles 'formes' » (p. 122) tout en indiquant l'absence de réflexion sur les co-écritures, impossible par le retour vers le « texte-résultat » des créations qui nous invitent à participer en lisant et en regardant.
12« Le récit numérique à la frontière de la disparition » (p. 127-134) de Bruno Scoccimarro interroge la nouvelle forme des récits numériques, les récits sur écran. Partant du constat que « la notion de page n'est pas adaptée à l'écran » l'auteur se demande si le texte numérique ne marque pas « l'avènement d'une ère de communication incompatible avec la littérature » (p. 128) de par une navigation hypertextuelle qui découpe « le récit en espaces de lecture plus ou moins indépendants dont les points d'accès se multiplient » (p. 129). La deuxième partie de sa réflexion concerne les termes de vide, de perte et de manque « qui fondent à travers l'idée d'absence la réalité des récits ». Le vide serait cette « absence même de la page où l'écrivain doit prendre la parole », la perte introduit une trame temporelle car le texte numérique est un texte perdu qui disparaît sans cesse et qui « sans cesse perd une partie de lui-même au profit d'une autre », tandis que le manque est « l'échec de la communication, son propre risque » (p. 131).
13Serge Bouchardon, avec « Le récit littéraire interactif: une esthétique de la matérialité » (p. 135-144), interroge cette esthétique sur trois niveau, la matérialité du texte, la matérialité de l'interface et la matérialité du support. C'est à travers divers exemples que la première se trouve illustrée, textes mouvant ou apparaissant, voire manipulés par les lecteurs. La seconde a trait à la nouvelle stylistique que serait le système de fenêtrage qui entretient « souvent un rapport étroit avec la rhétorique du texte » (p. 139). L'auteur associe ce système à la synecdoque par le rapport d'inclusion de la partie pour le tout qu'il suppose. Enfin, avec la matérialité du support, il questionne la possibilité pour le lecteur de plonger dans un second texte, le code-source, qu'il est possible de manipuler à son tour. Il conclut en indiquant que « les auteurs, par leur travail sur la dimension technique et sur le support, visent à faire émerger une nouvelle esthétique » (p. 143).
14« Figures de style électroniques » (p. 145-157) d'Alexandra Saemmer se propose d'étudier l'oeuvre Vingt ans après de Sophie Calle disponible sur panoplie.org 2. Elle fait ressortir « les multiples possibilité d'une mise en scène textuelle dans l'oeuvre littéraire sur support numérique » (p. 146) en basant son texte sur les figures de style genettiennes, la métonymie, la métalepse, l'hypotypose et la métaphore qu'elle met en évidence chez Sophie Calle. La métaphore est néanmoins questionnée « pour qualifier ce qui se passe au niveau sémantique lorsqu'un lien hypertexte est activé » (p.154) et elle achève l'analyse par la mise en lumière de la différence « idéologique » (p. 156) entre métaphore et calligramme animé.
15Lionel Ruffel, dans « Littérature sur support numérique et régimes esthétiques » (p. 159-169) se confronte à trois contradictions de l'esthétique numérique, si « tout texte est image de texte, donc image » (p. 160), qu'est-ce qui fait alors littérature sur Internet quand il y a absence d'image et surreprésentation du texte et quelle peut être l'approche vis-à-vis de l'écran? C'est d'ailleurs une réflexion historique sur l'écran qui constitue la première partie de l'article, lui qui « transforme tout ce qu'il représente […] en image » (p. 161). Le développement sur les régimes esthétiques des arts provient de la théorie de Jacques Rancière qui évoque les relations du texte à l'image que l'esthétique contemporaine a bouleversées, elle qui est « une vaste machine à confusion dans les régimes esthétiques, si l'on accepte de ne pas prêter à ce terme que des valeurs négatives » (p. 164). L'immersion fictionnelle et les questions de littérarité poursuivent respectivement les réflexions de Jean-Marie Schaeffer dans Pourquoi la fiction? et celle du collectif "chaoïd" dont est issu Lionel Ruffel sur la spécificité des revues sur internet.
16Constance Krebs a choisi de se concentrer dans « Archaïsmes et nouveauté » (p. 171-183) sur l'œuvre de François Bon, Tumulte, littérature archaïque, qui est à la croisée du blog et du journal. Elle met au jour les influences diverses de Bon grâce à une analyse du terme même de « tumulte », notamment au regard des spécificités multimédias d'Internet: « l'oeuvre littéraire créée sur Internet, résultant du tumulte du monde, en restitue une sorte de bruit. Cette notion de bruit, au sens de la théorie de l'information, me paraît essentielle » (p. 174). Mais c'est notamment ses dernières réflexions sur l'avenir de l'édition qui retiennent l'attention. En se confrontant à la question des droits et d'une diffusion juste des oeuvres, Constance Krebs parvient à insuffler un regard différent sur les formes numériques.
17« Objets poétiques mobiles: Éric Sadin, Tokyo, TOKYO_REENGINEERING » (p. 185-196) de Sandrine Lascaux se propose tout d'abord de réfléchir à la notion de littérarité numérique notamment parce que « la critique considère parfois l'émancipation progressive de la littérature en dehors de l'espace du livre et sa contamination par d'autres arts comme un processus de dégénérescence » (p. 185). L'auteur montre cependant toute la filiation qu'il peut y avoir entre la littérature postmoderne et les expériences numériques, rupture avec le livre, traitement temporel et spatial « inhérent à l'environnement numérique » (p. 186), etc. Dans tous les cas, « l'hypertexte seul ne permet pas, s'il n'est pas accompagné d'une profonde réflexion sur la spécificité des espaces d'inscription, l'invention d'une nouvelle littérature » et l'erreur « fondamentale est sans doute aussi de 'déplacer' un objet hypertextuel de l'environnement numérique vers la sphère du livre » (p. 187). C'est à partir de là que Sandrine Lascaux examine la double oeuvre d'Éric Sadin, Tokyo et son extension multimédia TOKYO_REENGINEERING pour « montrer comment un texte initialement prévu pour l'imprimé est capable de se transformer et de s'entrecroiser à d'autres régimes parallèles selon des 'passages différentiels' » (p. 190).
18Monique Maza et Alexandra Saemmer rappellent dans la conclusion « E-Formes – remises en chantier » (p. 197-205) l'hypothèse initiale selon laquelle « l'articulation de la diffusion sur le Net avec les possibilités des technologies numériques serait productrice de formes » mais elles constatent que les objets qui ont attiré l'attention des chercheurs n'ont pas été le fait du hasard et que les « e-formes seraient des 'contre-formes' buissonnières et dérivantes, issues d'un regard ironique ou rêveur, sceptique ou frondeur » (p. 197). Ils posent surtout « la question des pertes et des gains, mais aussi celle des survivances, des traces, des mutations et des déplacements de nos anciennes valeurs » (p. 198). Cinq chantiers se sont dégagés, « les 'figures' du texte numérique », « le texte 'au risque du numérique' », « de l'image interactive à l'image sensitive », « les e-formes et la question de la forme » et « les arts numériques au risque du jeu ».
19Une bibliographie (p. 207-213) et une webographie (p. 214-215) sont disponibles mais on déplorera l'absence d'une présentation succincte de l'ensemble des auteurs participant à cet ouvrage.
20Il y a un paradoxe inhérent à ces actes de colloque en ce qu'ils traitent d'objets numériques et des possibilités qui y sont liées tout en conservant la forme du livre qui rend ardue la découverte des oeuvres dont il est question. Difficile en effet de reproduire avec un égal bonheur les dimensions visuelles et auditives des créations – le lecteur devra par lui-même aller sur Internet pour saisir la juste portée de certains propos. Ce colloque aurait pu sans doute être à l'image de son étude et trouver une nouvelle façon de rendre accessible les articles sans léser les auteurs. Il faut cependant témoigner de l'intérêt à faire le point sur les approches et les usages nouveaux que permettent des outils divers, même s'il est indubitable que certains peuvent apparaître vite datés (de même en est-il pour les sites internet qui gardent la traces des oeuvres...).