Philippe Baqué
Un nouvel or noir. Le pillage des objets d’art en Afrique
ISBN : 9782748904369 — 408 p.
Marseille, Agone, 2021
« Le Ghana fut vidé de la totalité de son patrimoine au profit des boutiques, salles de vente et musées de l’Europe et des États-Unis. En 1998, le musée Barbier-Mueller de Genève exposait quelques statuettes koma, présentées avec la remarque : “Un peuple dont on ne connaît rien.” Le mystère dopant les prix, les “terres cuites koma” se vendirent d’autant mieux qu’elles représentaient les dernières traces d’une civilisation engloutie. Que les archéologues, doublés par les pilleurs, n’aient pu achever leur étude, c’était une perte pour la science, mais une multiplication des gains pour les marchands. »
Le marché de l’art peut bien remplacer l’expression « art nègre » par « art primitif », son seul souci demeure de satisfaire les demandes de ses consommateurs. Pour durer, il s’adapte, sans renoncer aux expropriations qui lui procurent son oxygène : peintures rupestres découpées à la tronçonneuse, manuscrits volés, squelettes d’animaux préhistoriques, vestiges revendus sur les marchés touristiques, tombes profanées. C’est le plus pernicieux des marchés et le plus symbolique des destructions que subissent les pays du Sud, où matières premières, sources d’énergies, productions agricoles et culturelles continuent d’être drainées vers une poignée de pays riches.
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Dans Le Monde diplomatique de novembre 2021 :
"Il y a près de trente ans que Philippe Baqué travaille sur le pillage des objets d’art africains depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours. Même depuis les indépendances, cette spoliation à grande échelle n’a pas cessé, la corruption et les intérêts en jeu étant considérables. D’abord paru en 1999, Un nouvel or noir a été mis à jour et enrichi de nouvelles recherches. Baqué souligne par exemple les contradictions des surréalistes, qui n’hésitaient pas à dénoncer ces pratiques de prédateurs, mais ne rechignaient pas à s’offrir quelques pièces. Il précise que nombre d’intellectuels et de collectionneurs peuvent aujourd’hui faire l’objet de la même critique. Dressant un nouvel état des lieux des terrains africains et du marché européen, démasquant les connivences internationales, il établit un bilan qui reste accablant. Pour lui, rien n’a changé. Ni du côté des marchands, ni de celui des institutions. La « restitution » promise par M. Emmanuel Macron en 2017 fut un effet d’annonce, car elle se heurte aux responsables des musées qui les considèrent comme un « patrimoine inaliénable » et au blocage plus général sur la question coloniale." — Marina Da Silva