Journée d’étude
Littératures de genre et stratégies littéraires
ENS de Lyon - vendredi 26 novembre 2021
organisée par Hélène Martinelli (ENS de Lyon, IHRIM) et Raphaël Luis (ENS de Lyon, CERCC)
Appel à communications
Malgré ses nombreuses déclinaisons depuis plus de vingt ans, le concept de stratégie littéraire reste intimement lié à la sociologie bourdieusienne. Accepter l’idée que le champ littéraire soit effectivement un univers concurrentiel, constitué de luttes symboliques et d’agents poursuivant un intérêt, entraîne mécaniquement l’utilisation d’un terme comme celui de stratégie, dont l’origine militaire s’avère idéale pour décrire les modalités complexes par lesquelles des auteurs se positionnent dans le champ. Il est possible de débattre du concept en y donnant plus d’importance aux contraintes pesant sur l’agent ou, au contraire, à sa marge de manœuvre individuelle, ainsi qu’en le redéfinissant à l’échelle discursive (ethos) ou comportementale (posture), entre autres approches. Le fait est que persiste toujours, à l’horizon de ces débats, l’impensé bourdieusien du jugement esthétique : la stratégie est la plupart du temps commentée comme étant, par principe, orientée vers l’autonomie littéraire et le modèle flaubertien de l’originalité créatrice.
Or cette organisation du champ littéraire autour d’un capital symbolique défini à partir de tels modèles semble peiner à rendre compte d’autres pratiques littéraires. Les littératures sérielles, notamment, se trouvent dans ce modèle théorique réduites à leur dimension économique : l’originalité esthétique n’étant pas forcément leur ambition première, elles sont, de fait, vues comme ne prenant pas part à la recherche d’accumulation de capital symbolique, et donc cantonnées à une maximisation des intérêts commerciaux – les auteurs étant, dans ce cas, souvent suspectés de ne construire leur travail qu’à partir des commandes ou des contraintes liées aux collections.
À partir des travaux récents cherchant à revaloriser la complexité des dispositifs de création dans la littérature dite « populaire » (voir par exemple Matthieu Letourneux, Fictions à la chaîne, Seuil, 2017), cette journée d’études souhaiterait s’interroger sur la possibilité de commenter les littératures de genre (science-fiction, fantasy, roman policier, bande dessinée, …) à partir du concept de stratégie. On pourra – la liste n’est pas exhaustive – s’interroger sur les points suivants :
Dans quelle mesure les écrivains de genre sont-ils plus contraints dans leur stratégie littéraire que d’autres auteurs ? Le poids de l’écriture en série, des codes génériques et des injonctions éditoriales est-il seulement un facteur de limitation de l’autonomie créatrice, ou doit-il être commenté dans l’optique d’une forme différente de communication littéraire ?
Comment reconstituer les motivations et les contraintes qui poussent un auteur à choisir la littérature de genre ? Peuvent-elles s’analyser comme un positionnement stratégique dans l’espace littéraire mondial, plutôt que comme un choix simplement économique ?
Comment peut-on penser la stratégie littéraire à l’ère de la culture médiatique contemporaine, où l’impact du marketing brouille les frontières entre création et publicité (voir Marie-Ève Thérenty, Adeline Wrona [dir.], L’écrivain comme marque, Paris, Sorbonne Université Presses, 2020) ?
Quel est le rôle de la réception critique dans les malentendus persistants sur certaines œuvres de littératures de genre ?
L’objectif de la journée d’études est de réfléchir à ces questions dans une perspective comparatiste qui ne soit ni limitée aux productions contemporaines, ni à la seule littérature occidentale : on accueillera donc avec plaisir des communications s’intéressant à des périodes historiques et à des aires culturelles différentes, ainsi que des approches sociologiques ou historiques de la question.
*
Les propositions de communication, accompagnées d'une rapide bio-bibilographie, sont à envoyer avant le 15 septembre 2021 aux deux organisateurs: helene.martinelli@ens-lyon.fr et raphael.luis@ens-lyon.fr.