Essai
Nouvelle parution
Antoine Compagnon, Proust du côté juif

Antoine Compagnon, Proust du côté juif

Publié le par Marc Escola

Compte rendu publié sur Acta fabula (juin 2024, vol. 25, n° 6) :

« Dans l’ombre propice » par Guy Jacoby

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« Il n’y a plus personne, pas même moi, puisque je ne peux me lever, qui aille visiter, le long de la rue du Repos, le petit cimetière juif où mon grand-père, suivant le rite qu’il n’avait jamais compris, allait tous les ans poser un caillou sur la tombe de ses parents. »

Tout le monde cite cette phrase de Proust, comme si elle donnait le fin mot de son rapport au judaïsme. Mais personne ne sait d’où elle vient. Madame Proust, née Jeanne Weil, ne s’était pas convertie : « Si je suis catholique comme mon père et mon frère, par contre, ma mère est juive », rappelait Proust à Robert de Montesquiou durant l’affaire Dreyfus.

Certains voient dans cet aveu de la distance, voire de la honte de soi comme Juif, de même qu’ils soupçonnent d’antisémitisme les descriptions de Swann, Bloch ou Rachel dans la Recherche. Or il parut d’abord en anglais dans un hebdomadaire sioniste, The Jewish Chronicle, dans un hommage d’André Spire après la mort de Proust.

D’où une enquête de deux côtés.

D’une part dans la communauté juive. Comment Proust fut-il lu durant les années 1920 et 1930, dans la presse consistoriale, qui n’avait que faire de son roman, et par les jeunes sionistes, qui firent de lui un héros de la « Renaissance juive » ?

D’autre part au Père-Lachaise, dans le caveau de Baruch Weil, l’arrière-grand-père de Proust, et auprès de sa descendance, dont Nathé Weil, le grand-père de Proust, et de nombreux oncles et tantes, cousins et cousines inconnus, huissier franc-maçon, colons en Algérie, ingénieur bibliophile, compositeur fou…
Les deux fils se nouent et les côtés se rencontrent. Le destinataire de la fameuse phrase était Daniel Halévy, camarade du lycée Condorcet, et le manuscrit de la nécrologie d’André Spire est retrouvé. Le côté juif de Proust n’aurait-il plus de secret ? — A. C.

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Table des matières

Introduction

1. Ultima verba

2. Menorah

3. Une question oiseuse ?

4. « Le même degré d’hérédité que Montaigne

5. La Revue juive

6. « Le style du rabbin »

7. « Se faire un trou dans la bourgeoisie française »

8. Le Zohar ou L’Astrée

9. La fin de l’après-guerre

10. Le caveau de Baruch

11. Manuscrits retrouvés

Post-scriptum

Remerciements

Annexe

Notes

Bibliographie

Index

On peut lire sur laviedsidees.fr un article sur cet ouvrage :

"De Baruch Weil à Marcel Proust. Entretien avec Antoine Compagnon par Ariel Suhamy & Céline Surprenant".

Et sur en-attendant-nadeau.fr :

"Proust et le monde juif", par Jean-Yves Potel (en ligne le 15 octobre 2022).

Un siècle après sa mort, revient la question des relations de Marcel Proust avec le judaïsme. C’est en tout cas un des thèmes qui émergent de cet anniversaire. Une splendide exposition au musée d’Art et d’Histoire du judaïsme à Paris, du 14 avril au 28 août 2022, a été présentée comme « la première manifestation en France » abordant cet auteur « à travers le prisme de sa judéité », mettant en valeur sa « part juive ». Deux livres érudits, l’un en ouverture du centenaire, l’autre cet automne, en fournissent les principaux éléments.