Questions de société

"Ressusciter Gaston Lagaffe ? M’enfin !..", par Pierre Assouline (larepubliquedeslivres.com)

Publié le par Marc Escola

"Ressusciter Gaston Lagaffe ? M’enfin !..", par Pierre Assouline

en ligne sur larepubliquedeslivres.com, le 12 octobre 2021

Ci-git Gaston Lagaffe 1957-1997. Enfin, en principe car il n’en va pas tout à fait de même pour les créatures de papier que pour celles de chair et de sang. Il arrive qu’on prolonge leur vie, parfois contre la volonté de leur créateur. Ce qui risque fort d’arriver à l’inoubliable personnage inventé par André Franquin dans le Journal de Spirou vingt-cinq ans après leur disparition à tous deux. De quoi relancer une controverse qui divise les lecteurs depuis des années. Son enjeu est historique en ce qu’il dépasse la seule affaire Gaston pour concerner le statut et la postérité des héros mythiques de la BD du XXème siècle.

Les éditions Dupuis ont provoqué la sidération en mars dernier en annonçant en marge du 49ème festival international de la bande dessinée d’Angoulême la parution le 19 octobre du Retour de Lagaffe signé sur la couverture « Delaf d’après Franquin ». Tirage : 1,2 million d’exemplaires. Dans le milieu, on appelle cela du plagiat (en droit : contrefaçon totale ou partielle) mais du plagiat légal d’autant qu’en l’espèce, Delaf a confié avoir constitué une base de données numérique constituée de milliers de petits fichiers tagués référençant objets, personnages, décors ou attitudes créés par Franquin. Pour autant, il se défend de tout décalque.

 Alix, Blake et Mortimer, Astérix, Lucky Luke, Corto Maltese etc : le procédé n’est pas nouveau, l’alibi de l’éditeur non plus qui jure n’avoir aucune intention commerciale et affiche n’avoir d’autre souci que de faire vivre un personnage mythique et redynamiser une série éteinte avec son auteur. Où est le problème alors ? De son vivant, André Franquin avait cédé les droits d’exploitation de son œuvre à son homme de confiance Jean-François Moyersoen lequel les a par la suite vendus aux éditions Dupuis (absorbées par Media-Participations, quatrième groupe français). Sa fille Isabelle Franquin en conserve néanmoins le droit moral ; or celle-ci s’oppose fermement au projet de résurrection car elle se veut fidèle à la volonté de son père.

Lire la suite…