L’œuvre de Roger Munier est inédite. Au croisement du poétique et du philosophique, il nous laisse témoin d’une parole où le réel lui-même, comme de l’intérieur, semble vouloir se dire.
Dans ce magnifique texte, l’auteur nous plonge dans les vacillations de l’existence; au seuil de notre finitude la voix du poète-philosophe en dessine les contours, ravinement du Rien qui appelle et laisse résonner l’éclat, une déflagration : il y a.
« Ce qui, dans il y a, est pour une conscience, c’est le y seul, soit la présence d’un présent par elle circonscrite, enclose dans le périmètre que sa prise délimite. La conscience est fragmentaire. Elle n’atteint jamais, et sous un certain angle, qu’un domaine restreint d’il y a : ce qui par elle et pour elle est là. Or, ce qui me requiert, c’est justement le reste, ce qui n’est pas dénombré, situé, non seulement le reste de tous les là explorés, le reste hors de tout là, mais le reste à l’intérieur du là même, ce qui au fond de tout là exploré est l’inexploré et comme tel l’inexplorable. Ce reste qui me nie, s’il est vrai que je ne suis moi que par l’approche partielle qui l’avoue nécessairement comme reste, est l’élément où se déploie proprement il y a. C’est peu de dire que je n’ai pas de prise sur lui. Il m’exclut, en quelque façon me réfute – pour autant que je suis et demeure conscience, intériorité, dedans. Pour autant que je reste je sans plus. Mais alors où est l’issue? En me rendant anonyme et simple, en me ramenant moi-même au niveau d’il y a. » (R. Munier)