Dans le cadre du programme URBANATURE I-Site FUTURE de l’université Gustave Eiffel
Appel à communications
COLLOQUE : Animaux dans la ville (XIXe siècle – XXIe siècle)
Date : 30 novembre et 1er décembre 2023
Lieu : Fondation Maison des Sciences de l’Homme, 54 Bd Raspail, 75006 Paris.
Organisation : Patrick Matagne, Gisèle Séginger.
Comité scientifique : Juliette Azoulai, Nicolas Baron, Nathalie Blanc, Patrick Matagne, Violette Pouillard, Gisèle Séginger, Virginie Tahar.
—
Ce colloque se propose d’interroger la place des animaux dans l’espace urbain du XIXe siècle au XXIe siècle, les relations individuelles et collectives entre l’animal et l’humain, à l’épreuve de la ville.
Les résumés des communications, de 2000 caractères maximum (espaces compris), accompagnés d’un titre et d’une courte bio-bibliographie, sont à envoyer à patrick.matagne@univ-poitiers.fr pour le 20 septembre 2023.
Les communications formeront la base de la publication des actes du colloque.
Au XIXe siècle plusieurs catégories d’animaux se développent, notamment « les animaux ouvriers urbains » et les « animaux d’élevages industrialisés » (MICOUD, 2009).
La ville fait couler « le sang des bêtes » (AGULHON, 1981). En même temps, les citadins veulent s’épargner le spectacle d’animaux qui souffrent (FAURE, 1997). Maltraitances envers les chevaux, combats de coqs, attelages de chiens – les chevaux du pauvre –, mise à mort en pleine rue d’animaux de boucherie provoquent, en retour, la création de sociétés protectrices des animaux et la loi Grammont (1850). Le sort des animaux devient un des enjeux de la morale républicaine, il est inscrit en 1882 dans les programmes de l’école laïque (FEDI, 2008), des écrivains et des hommes politiques défendent la cause animale dès le XIXe siècle (Hugo, Zola, Clemenceau…). À partir de la fin du siècle, les accidents dont les animaux sont les causes ou les victimes menacent l’ordre urbain (LÓPEZ, 2015). Les chiens enragés puis, au XXe siècle, les renards urbains, deviennent des calamités (BARON, 2023).
À la fin du XIXe siècle, les abattoirs construits à la limite des villes invisibilisent des pratiques jugées barbares, à l’instar de l’expérimentation animale dans les laboratoires. Mais les antivivisectionnistes – dans un contexte d’émergence de la cause animale – sont souvent considérés comme des ennemis du progrès de la science. « La littérature s’empare des questionnements moraux posés par la vivisection » (AZOULAI, 2018). L’expérimentation animale, encadrée sur le plan législatif à partir de la fin du siècle, se développe fortement au XXe siècle. Aujourd’hui, des directives européennes soumettent les projets de recherche utilisant le modèle animal à un comité d’éthique.
Certains insectes subissent aussi les cruautés humaines, par ignorance ou manque de « civilisation » (BLATIN, 1867 ; MICHELET 1858). Par contre il faut lutter contre les blattes. Introduites en Europe de l’ouest et en Amérique dans les années 1850, elles envahissent les logements occupés, qui répondent à leurs exigences écologiques. Les cafards véhiculent encore des images de pauvreté, de manque d’hygiène, d’une vie nocturne dans une ville mal gérée dont la saleté pénètre dans les lieux privés (BLANC, 1995, 2009).
À la Belle Époque, médecins, pharmaciens, architectes et ingénieurs édictent des principes d’hygiène contre les insectes (poux, mouches, moustiques) et les rats. Les citadins assainissent les habitations, les lieux collectifs, les hôpitaux et les commerces. La lutte passe par la désinfection et l’usage de produits chimiques, par l’éducation de la population urbaine. À partir des années 1960-1970 seront ciblés les pigeons et les étourneaux (FRIOUX, 2009).
Non exploités pour leur force de travail ou l’alimentation, les animaux des jardins zoologiques qui se multiplient en Europe au XIXe siècle (Paris 1793, Londres 1828, Anvers 1843, etc.) attirent un public nombreux. L’aristocratie, la bourgeoisie aisée puis moyenne et petite, les artisans, les ouvriers, découvrent des animaux exotiques (girafe et orang-outang à Paris, hippopotame à Londres, gorille à Berlin). Les guides, les récits de visites de zoos ou d’évasions de fauves et de singes, connaissent un grand succès. Une forme de zoologie populaire classe les animaux encagés et enclos en « méchants » ou « gentils », « bon » ou « mauvais ». D’autres sont soumis à des critères esthétiques. Des comportements humains leur sont attribués : paisibles, débonnaires, espiègles et même lubriques (des singes). La dangerosité de certains animaux, exposés aux visiteurs qui les nourrissent ou les agressent est source d’émois (BARATAY, 2009). De leur création au XIXe siècle jusqu’à nos jours les fonctions des zoos sont complexes, entre « impérialisme, contrôle, conservation » (POUILLARD, 2015, 2019).
Regroupées au Muséum de Paris pendant la Révolution française, avec la réouverture progressive des musées à partir des années 1820, les villes de province présentent des collections d’histoire naturelle, notamment d’animaux, de squelettes, de coquilles, visitées par un public savant, universitaire ou scolaire. Aujourd’hui, les « musées de France » conservent et présentent un « patrimoine constitué par la diversité des espèces et de leurs environnements ». (VAN PRAËT, 2008).
La catégorie des animaux de compagnie se répand avec l’urbanisation (BLANC, 2000). Leur nombre et leur diversité s’accroît depuis la seconde moitié du XXe siècle (les N.A.C. : nouveaux animaux de compagnie). Leurs bienfaits sont reconnus (sociabilité interspécifique, domaines psychoaffectif et thérapeutique), ils nourrissent des réflexions écologiques, économiques, éthiques (êtres vivants doués de sensibilité), tandis que se manifeste un intérêt renouvelé pour les représentations animales littéraires et artistiques (COIFFET, POUILLARD, 2022). L’acceptabilité d’animaux dits « sauvages » qui peuplent les villes parfois temporairement – on l’a vu lors des confinements sanitaires récents – fait débat. Sont-ils nuisibles, indésirables, utiles, aliens ? Sont-ils intégrés à la politique de la ville, à sa biodiversité et ses écosystèmes ? « Quelle place occupe l’animal dans le champ d’une écologie urbaine ? » (BLANC, 2021)
Ce colloque centré sur les animaux dans la ville et ouvert à des disciplines variées (histoire, littérature, histoire de l’art, écologie, histoire des sciences), accueillera des communications qui aborderont des situations anciennes ou des évolutions significatives, du XIXe siècle à nos jours. Nous tiendrons compte à la fois des réalités et des représentations (artistiques ou littéraires), ainsi que des enjeux (économiques, idéologiques…).
Bibliographie indicative
AGULHON Maurice, « Le sang des bêtes. Le problème de la protection des animaux en France au XIXe siècle », Romantisme, 1981, 11(31), p. 81–110.
AZOULAI, Juliette, « Mise en scène littéraire de la vivisection chez Flaubert », dans : SÉGINGER Gisèle (dir.), Animalhumanité : Expérimentation et fiction : l’animalité au cœur du vivant, Champs sur Marne, LISAA éditeur, 2018, p. 193-203. DOI : doi.org/10.4000/books.lisaa.903
BARATAY Éric, « Un instrument symbolique de la domestication : le jardin zoologique aux XIXe-XXe siècles (L’exemple du parc de la Tête d’Or à Lyon) », Cahiers d’histoire, 42(3/4), 1997. URL : journals.openedition.org/ch/314
BARATAY Éric, Et l’homme créa l’animal. Histoire d’une condition, Paris, Odile Jacob, 2003.
BARATAY Éric, « La visite au zoo. Regards sur l’animal captif 1793-1950 », dans : FRIOUX Stéphane, PÉPY, Émilie-Anne (dir.), L’animal sauvage entre nuisance et patrimoine : France, XVIe-XXIe siècle, Lyon, ENS Éditions, 2009, p. 165-175.
BARATAY Éric, Bêtes de somme : Des animaux au service des hommes, Paris, Éditions du Seuil, Point Histoire 2011.
BARATAY Éric, « Le frisson sauvage : les zoos comme mise en scène de la curiosité », dans : BLANCHARD Pascal (éd.), Zoos humains et exhibitions coloniales. 150 ans d’inventions de l’Autre. Paris, La Découverte, « Poche / Sciences humaines et sociales », 2011, p. 77-84.
BARATAY Éric, Le Point de vue animal, une autre version de l’histoire, Paris, Éditions du Seuil, 2012.
BARATAY Éric, Cultures félines (XVIIIe-XXIe siècle). Les chats créent leur histoire, Paris, Le Seuil, 2021.
BARATAY Éric et HARDOUIN-FUGIER Élisabeth, Zoos. Histoire des jardins zoologiques en Occident (XVIe-XXe siècle), Paris, La Découverte, 1998.
BARON Nicolas, Enragés ! : une histoire animale : France, fin XVIIIe-fin XXe siècles, Presses Universitaires de Valencienne, Collection animalités, 2023.
BLANC Nathalie, La nature dans la cité. Géographie. Université Panthéon-Sorbonne – Paris I, 1995.
BLANC Nathalie, Les animaux et la ville, Paris, Odile Jacob, 2000.
BLANC Nathalie, « La blatte, ou le monde en images », dans : FRIOUX Stéphane, PÉPY, Émilie-Anne (dir.), L’animal sauvage entre nuisance et patrimoine : France, XVIe-XXIe siècle, Lyon, ENS Éditions, 2009, p. 103-114.
BLANC Nathalie, « L’animal dans le viseur de l’écologie urbaine », dans : SALOMON CAVIN Joëlle, GRANJOU Céline (dir.), Quand l’écologie s’urbanise, collection Ecotopiques, UGA Editions, Grenoble, 2021, p. 79-101. https://doi.org/10.4000/books.ugaeditions.26524
BLATIN Henry, Nos cruautés envers les animaux au détriment de l’hygiène, de la fortune publique et de la morale, Paris, Hachette et Cie, 1867.
BOUCHET Ghislaine, Le cheval à Paris de 1850 à 1914, Mémoires et documents de l’École des Chartes, 37, Genève/Paris, Librairie Droz, 1993.
CHAMPOUTHIER Georges, Au bon vouloir de l’homme, l’animal, Paris, Denoël, 1990.
COIFFET Anne-Sophie et POUILLARD Violette, « Animaux et figurations animales », Captures, 7(2), 2022.
ESTEBANEZ Jean, « Les animaux et la ville. Une histoire sociale, politique et affective à poursuivre », Histoire urbaine, 2016/3 (47), p. 125-129. www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2016-3-page-125.htm
FAURE Olivier, « Le bétail dans la ville au XIXe siècle : exclusion ou enfermement ? », Cahiers d’histoire, 42(3/4), 1997. URL : http://journals.openedition.org/ch/309
FEDI Laurent, « Pitié pour les animaux : une leçon de morale laïque et ses antécédents philosophiques », Romantisme, 142, 2008, p. 25-40.
FRANJU Georges, Le sang des bêtes, Documentaire consacré aux abattoirs parisiens de Vaugirard et de la Villette dans les années d’après-guerre, 1949, 21 mn.
FRIOUX Stéphane, « Les insectes, menace pour la ville à la Belle Epoque ? », dans : FRIOUX Stéphane, PÉPY Émilie-Anne (dir.), L’animal sauvage entre nuisance et patrimoine: France, XVIe-XXIe siècle, Lyon, ENS Éditions, 2009, p. 115-130.
GARNIER Bernard, « Les marchés aux bestiaux : Paris et sa banlieue », Cahiers d’histoire, 42(3/4), 1997, URL : journals.openedition.org/ch/310
LEBLEU Olivier, Les avatars de Zarafa première girafe de France. Chronique d’une girafomania, 1826-1845, Paris, Arléa, 2006.
LÓPEZ Laurent, « Quand les ” vaches ” des villes de la Belle Époque n’étaient pas encore des ” poulets ” », Animaux et forces de l’ordre à la fin du XIXe siècle, Histoire urbaine, 44(3), 2015, p. 61-79.
MICHELET Jules, L’insecte, Paris, Hachette et Cie, 1858.
MICOUD André, « Mais qu’ont-ils donc tous à s’occuper des animaux ? », dans : FRIOUX Stéphane et PÉPY Émilie-Anne (dir.) L’animal sauvage entre nuisance et patrimoine. France, XVIe-XXIe siècle, Lyon, ENS éditions, 2009, p. 177-187.
PERCHERON Bénédicte, « Les hommes face aux animaux à Rouen au XIXe siècle. Représentations, études zoologiques et perceptions », Histoire urbaine, 2016/3 (47), p. 87-105. URL : https://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2016-3-page-87.htm
PIERRE Éric, « La zoophilie dans ses rapports à la philanthropie, en France, au XIXe siècle », Cahiers d’histoire, 42(3/4), 1997. URL : http://journals.openedition.org/ch/313
PORCHER Jocelyne, Vivre avec les animaux. Une utopie pour le XXIe siècle, Paris, La Découverte, « Textes à l’Appui – Bibliothèque du MAUSS », 2011 (réédition 2014).
PORTE Emmanuel, POUILLARD Violette, « Sauvages domestiqués, domestiques ensauvagés. Une approche du concept de sauvage à hauteur animale », dans : BARATAY Éric (dir.), L’animal désanthropisé. Interroger et redéfinir les concepts, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2021, p. 93-102.
POUILLARD Violette, « Entre affections et violences. Visiteurs et animaux de zoo du XIXe siècle à nos jours », Revue semestrielle de droit animalier (Université de Limoges-Université de Montpellier), 2, 2015, p. 309-325.
POUILLARD Violette, « Quelques éclairages sur l’histoire des relations entre hommes et animaux de zoo, issus du jardin zoologique de Londres (1828-vers 2000) », Histoire urbaine, 44(3), 2015, p. 125-138.
POUILLARD Violette, Histoire des zoos par les animaux : Impérialisme, contrôle, conservation, Paris, Champ Vallon, 2019.
RÉMY Catherine, La Fin des bêtes : une ethnographie de la mise à mort des animaux, Paris, Economica, « Études sociologiques », 2009.
TRAÏNI Christophe, La Cause animale, 1820-1980 : essai de sociologie historique, Paris, Presses universitaires de France, 2010.
VAN-PRAËT Michel, « Muséums et collections d’histoire naturelle : quelle place dans l’histoire des musées ? », Histoire de l’art, 62, 2008. Musées, collections, collectionneurs, 62, 2008, p. 11-18. www.persee.fr/doc/hista_0992-2059_2008_num_62_1_3216
VINCENT Jean-Christophe, « La mise à mort des animaux de boucherie : un révélateur des sensibilités à l’égard des bêtes à l’époque contemporaine », Cahiers d’histoire, 42(3/4), 1997. URL : http://journals.openedition.org/ch/311
ZASC Joëlle, Zoocities. Des animaux sauvages dans la ville, Paris, Premier Parallèle, 2020.