
Déracinement-Enracinement : de l’Inde à la Caraïbe. Répercussions sociales, culturelles, littéraires et linguistiques 24-25 janvier 2024
(English version below)
Si les premiers engagés indiens débarquèrent dans la Caraïbe en territoire sous contrôle britannique en 1845 où l’esclavage fut aboli en 1830, comme il ne le fut qu’en 1848 dans les territoires français, les premiers Indiens n’y parvinrent qu’en 1853.
Si les deux nations coloniales étaient des rivales politiques et économiques, quand il s’agissait de préserver les rentrées financières et de garder la mainmise sur le commerce international, elles s’entendaient pour continuer sous autre appellation le « commerce humain ». Les victimes de ce commerce, pour fuir les intempéries et leur corollaire, la famine, mais aussi la misère, les épidémies, l’oppression du système des castes, se laissèrent séduire par les promesses mensongères des agents recruteurs. Notamment par le rêve d’un retour enrichi au pays.
Retour illusoire, ils sont devenus des coolies pour les propriétaires coloniaux, qui reprenaient à leur compte une appellation d’origine tamoule, correspondant à la somme versée pour une tâche accomplie. Corvéables à merci dans les plantations mais plus esclaves, les Indiens perdaient, comme leurs prédécesseurs, leurs Dieux, leurs textes sacrés, leurs rites et rituels, leurs mythes, leur mode de vie, leurs habitudes vestimentaires, alimentaires, leur savoir-faire professionnel et leurs corporations de métiers, leurs musiques, leurs danses, leur théâtre… En bref, leur mode vie, leur culture, leur religion, leurs arts. Et enfin, ils perdaient leurs langues. Puis perdirent tout espoir de retour.
Comment s’enraciner dans un monde étranger à la suite d’un tel déracinement ? Après avoir traversé plusieurs océans, enduré les souffrances physiques, mais surtout en vivant avec le traumatisme de l’interdit absolu pour tout hindou de franchir le kala pani, le seul moyen de survivre n’est-il pas de chercher à s’adapter ?
Quelles formes d’implantations vont se manifester ?
Les hommes étaient condamnés aux travaux des champs, sans possibilité de mobilité sociale ; les femmes dans les cuisines et dépendances des békés, étaient aussi des objets de convoitise sexuelle. Malgré tout, certaines survivances ont traversé le temps, se sont petit à petit adaptées à l’environnement humain et naturel, d’autres ont fini par s’éteindre, mais au fil des ans le travail de la mémoire, les échanges intra-communautaires, ont reconstitué un passé mythique. Le déracinement n’a pas été total, il a donné lieu à de nouveaux drageons en terres caribéennes.
L’objet de ce colloque portera sur les manifestations sociales, culturelles et littéraires et linguistiques de ce phénomène.
Les interventions peuvent porter :
- sur les évolutions sociales des travailleurs indiens depuis leur arrivée, sur leur rôle dans la société contemporaine,
- sur les conflits intercommunautaires et autres questions de société,
- sur la culture en général : la religion et sa réinvention, toutes les formes artistiques (musique, peinture, arts vivants…)
- sur la littérature : tous les genres littéraires en langues véhiculaires dans la Caraïbe, la question de la perpétuation du passé, de sa transmission – quel passé ?
- sur la linguistique : la question de la langue et des langues d’expression, ainsi que le rôle des traductions dans la diffusion de cette nouvelle culture spécifique.
Les propositions de communication (un résumé d’une demi-page en français ou en anglais), ainsi qu’un court CV indiquant l’affiliation professionnelle et trois publications récentes, sont à adresser pour le 31 août 2023, délai de rigueur, à :
Pr. Vidya Vencatesan, directrice du département de français et d’études francophones, université de Mumbai :
vidya.vencatesan@gmail.com">vidya.vencatesan@gmail.com
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Uprooting-Rooting: from India to the Caribbean. Social, Cultural, Literary and Linguistic Repercussions
While the first indentured Indians arrived in the British-controlled Caribbean in 1845, where slavery was abolished in 1830, it was not until 1853 that they came to the French territories, since slavery was not abolished there until 1848.
While these two colonial nations were political and economic rivals, when it came to preserving money matters and maintaining a hold on international trade, they were ready to come to terms to pursue “human trade”. The victims of this trade allowed themselves to be seduced by the false promises of recruiting agents in order to escape bad weather and its corollary, famine, but also misery, epidemics and the oppression of the caste system. In particular, they were attracted by the dream of returning home wealthy.
How did they finally manage to put down roots in such a foreign environment after their painful uprooting? After crossing several oceans, enduring physical suffering, but above all living with the trauma of the absolute prohibition for any Hindu to cross the kala pani, was there any other way out of their terrible fate but to try to adapt?
How could and would they settle?
Men had no other choice but to work in the fields, and there was no hope of any social mobility; women were confined to working for the “Bekes” in the kitchens and outbuildings and seen as objects of sexual desire. Nevertheless, some traditions endured and gradually adapted to the human and natural environment; some others died out, but progressively memory and intra-community exchanges have been worked out and have built up a mythical past. The uprooting was not final since it produced new offshoots in the Caribbean.
This symposium will focus on the social, cultural, literary and linguistic manifestations of this phenomenon.
Papers may include:
- the social evolutions of Indian workers since their arrival and their role in contemporary society,
- inter-community conflicts and other social issues,
- culture in general: religion and its local reinvention, all artistic forms (music, painting, performing arts, etc.)
- literature: all literary genres in vehicular languages in the Caribbean, the question of their diversity and of the perpetuation and transmission of the past – what past?
- linguistics: the question of the language(s) of expression and the role of translation in the dissemination of this new specific culture.
We welcome proposals for papers (a half-page abstract in French or English), as well as a short CV indicating your institution and three recent publications. These should be sent to the following addresses by August 31, 2023, to:
Pr. Vidya Vencatesan, Head of the Departement of French and Francophone Studies, University of Mumbai: vidya.vencatesan@gmail.com
Pr. Christine Raguet, université Sorbonne Nouvelle: craguet@wanadoo.fr
(Papers presented either in French or in English)
Pr. Christine Raguet, université Sorbonne Nouvelle : craguet@wanadoo.fr
(Les langues d’intervention seront le français et/ou l’anglais)