
On n'y songe pas assez, et on a l'air un peu bête en le redécouvrant : l'animal fut des siècles durant le principal moteur de l'activité humaine. Dans La ronde des bêtes. Le moteur animal et la fabrique de la modernité (La Découverte), François Jarrige retrace l'histoire longue du moteur animal, de ses mutations et de sa contribution à la fabrique du monde moderne. Désormais oubliée, ou considérée comme une pratique périmée, la mobilisation des animaux tournant en rond pour produire de la force et actionner des appareils mécaniques a pourtant accompagné l'expansion de l'Europe, nourri l'extractivisme, offert un moteur bon marché aux premières usines comme aux paysans, avant d'inspirer les recherches contemporaines d'alternatives aux combustibles fossiles. L'exhumation de cette pratique, depuis ses premiers usages antiques jusqu'à son apogée au XIXe siècle, puis sa survie souterraine jusqu'à aujourd'hui, vient interroger la condition animale et les enjeux énergétiques en décalant les regards habituels. Explorer le rôle et les usages de l'animal prolétaire permet de penser l'évolution du statut des bêtes, mais aussi les liens qu'elles entretiennent avec les autres acteurs au travail. Alors que les appels à décarboner et à sortir des énergies fossiles se multiplient, ce livre s'efforce de retrouver des modes de vies oubliés et de redonner à voir des collaborations entre humains et non-humains largement invisibilisées par les récits dominants. Fabula vous propose de télécharger un extrait de l'ouvrage…
(Illustr.: Gravure de deux équidés broyant du blé dans un manège, vers 1828 ©Getty - Science & Society Picture Library)