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F*** Graduate Student Conference. Censures, traductions et soulèvements d’un mot ordinaire (NYU La Maison Française & Zoom)

F*** Graduate Student Conference. Censures, traductions et soulèvements d’un mot ordinaire (NYU La Maison Française & Zoom)

Publié le par Marc Escola (Source : Madelyn Neal)

F***

Censures, traductions et soulèvements d’un mot ordinaire 

Graduate Conference

New York University — Department of French Literature, Thought and Culture

Keynote Speaker :

Amber Musser, CUNY Graduate Center

Qu’une Graduate Conference prenne pour objet d’étude un tel mot n’est pas une bête provocation. C’est l’envie de se demander ce qu’un terme ordinaire, souvent censuré en f*** ou par un bip, fait aux manières de dire, de penser, de revendiquer. Comment il soulève la langue. Prononcé sous l’impulsion de la douleur ou de la peur, pour signifier son opposition, sa frustration, son admiration, son excitation ou son ironie, « fuck » est indéniablement un mot vulgaire, au sens de commun, répandu, banal. Il est toutefois très rare dans le champ académique, lieu de « l’écriture scientifique » – donc pas de vulgarité. À quelques exceptions près : Kieran Healy, pour qui la bonne théorie sociologique ne fait pas dans la dentelle, s’autorise à dire « Fuck Nuance » dans un article remarqué. Ou Lee Edelman et son fameux « Fuck the Child » adressé à la politique hétéropatriarcale du « futurisme reproductif ». Ou encore Donna Haraway, selon qui le « point de vue de nulle part » de l’objectivité technoscientifique « fucks the world to make techno-monsters ».

Que des étudiant·e·s d’un département de French Literature, Thought and Culture s’y intéressent n’est pas particulièrement incongru. Car utilisé dans sa langue d’origine, l’anglais, le vocable est prononcé et reconnu dans une variété d’autres langues, jusqu’à devenir un phénomène linguistique mondial. Dans ce contexte, nous souhaitons particulièrement mettre en avant la relation de ce mot à la langue française quotidienne et politique, à l’art, la littérature et la théorie francophones. Qu’ajoute-t-il lorsqu’il est inclus tel quel en français ? Certains slogans semblent y gagner une puissance performative de rupture et de rejet, comme « Fuck toute » clamé lors des manifestations du printemps 2015 au Québec. Ou comme Brigitte Fontaine et Philippe Katerine qui se demandent s’ils doivent « Rester ou Partir » après l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007 : « Mais comment fuck allons-nous faire ? ». Dans sa tribune de 2020, « Désormais on se lève et on se casse », Virginie Despentes pointe quant à elle du doigt la cérémonie des César pour avoir remis « le prix à Roman fucking Polanski. Himself. Dans nos gueules. »

Virginie Despentes, justement : Baise-moi était son entrée tonitruante en littérature – titre traduit en anglais par Fuck Me. Traduire baiser par fuck conserve-t-il l’ambiguïté du mot français (embrasser, faire l’amour, abîmer, piéger…) ? Que perd-on à la traduction ? Ou que gagne-t-on ? Et inversement : comment traduire fuck ? Ou ne pas le traduire… Les mots traduits ou potentiellement traduisibles par fuck sont à ce titre rares mais pas absents de la théorie française, de la psychanalyse aux pensées féministes, queer et trans. Lacan n’affirmait-il pas au sujet de la pulsion, lors d’un séminaire : « Pour l’instant je ne baise pas, je vous parle, eh bien je peux avoir exactement la même satisfaction que si je baisais » ? Et Deleuze ne disait-il pas concevoir l’histoire de la philosophie comme « une sorte d’enculage ou ce qui revient au même d’immaculée conception », donnant lieu à des enfants monstrueux ?

C’est souvent l’expérience corporelle, l’affirmation d’une pensée située et encorporée (embodied) que semblent défendre les mots vulgaires de la sexualité, contre la pensée désincarnée. Paul B. Preciado évoque ainsi dans son Manifeste Contrasexuel non seulement une pensée qui vient du corps, mais aussi des expériences corporelles soutenues par la pensée : « Pendant qu’on baise, je sens que toute mon histoire politique, toutes mes années de féminisme avancent directement vers le centre de son corps […] Quand je jouis, Wittig et Davis, Woolf et Solanas, la Pasionaria et Kate Bornstein, bouillonnent avec moi. »

Alors, si « fuck is a word that is seen as offensive and upsetting », comme dit Heather Savigny, quelles sont les circonstances qui rendent son emploi légitime, acceptable, efficace ? En observant la répartition de son usage et ses modes de traduction, entre mondes anglophones et francophones, on pourra se demander : Qu’est-ce que la mise à l’écart de ce terme dit des rapports de classe ? Qu’est-ce qu’elle dit des normes de genre et de la vie sexuelle ? De la place de l’émotion dans le langage ? Du corps dans la pensée (et vice-versa) ? Des voiles de pudeur jetés sur nos idées ?

Modalités de soumission : nous vous invitons à nous envoyer un abstract de 250 mots avec le titre de votre communication, votre nom et université, ainsi qu’une courte biographie (150 mots), à l’adresse suivante : nyu.fgsa.conference2024@gmail.com, avant le 6 mars 2024. Les communications, d’une durée de 15 minutes, peuvent être faites en anglais ou en français.

La conférence se tiendra le samedi 6 avril 2024, à la Maison française de NYU (16 Washington Mews) de manière hybride (en personne et via Zoom). Les approches interdisciplinaires sont les bienvenues et nous invitons les étudiant.e.s de tout domaine à nous envoyer leur proposition.

Ci-dessous, une liste non exhaustive de pistes de réflexion possibles :

Écritures de la résistance
Littérature et vulgarité
Représentations de l’obscène
Le mot “fuck” dans la langue française
“Fuck” comme slogan : performativité insurrectionnelle et actes politiques du langage
Culture numérique, memes et mondialisation du langage
Postures du refus et compositions des ruptures
Radicalité en SHS et standards de l’écriture académique
Censures typographiques et sonores
A fucked planet : écologie et écoféminisme
Politiques de la reproduction et normes sexuelles.

F***

Censorship, translations, and rebellions of an ordinary word

Graduate Conference

New York University — Department of French Literature, Thought and Culture

Keynote Speaker : 

Amber Musser, CUNY Graduate Center

For a Graduate Conference to take such a word as its theme is no mere provocation. The impulse is to ask what an ordinary term, often censored by f*** or by a beep, does to ways of speaking, thinking, claiming. Whether uttered under the impulse of pain or fear, to signify opposition, frustration, admiration, excitement or irony, fuck is undeniably a word that is vulgaire, in the sense of common, widespread, everyday. However, it is very rarely employed in the academic context, a place of “scientific writing”—which means no vulgarity. With a few exceptions: Kearan Healy for whom good sociological theory doesn’t pull any punches, allows himself to say, “Fuck Nuance” in a conversation-generating article. Or Lee Edelman’s famous “Fuck the Child,” against the heteropatriarchal politics of “reproductive futurism.” Or Donna Haraway, according to whom the cold, distant eye of technoscientific objectivity “fucks the world to make techno-monsters.”

 For students in a department of French Literature, Thought and Culture to be interested in this word is not particularly incongruous. Though an English profanity, the term is nevertheless pronounced and recognized in a variety of other languages, to the point of becoming a global linguistic phenomenon. In this context, we are particularly keen to highlight the word’s relationship to everyday and political French language, and to French-speaking art, literature and theory. What does it add when included as such in French?  Some slogans seem to gain a performative power of rupture and rejection, such as “Fuck toute” shouted during demonstrations in Quebec’s 2015 strike. Or like Brigitte Fontaine and Philippe Katerine, who wondered whether they should “Rester ou Partir” after Nicolas Sarkozy’s election in 2007: “Mais comment fuck allons-nous faire ?” In her 2020 opinion piece, “Désormais on se lève et on se casse,” Virginie Despentes blames the César ceremony for giving “the prize to Roman fucking Polanski. Himself. In our faces.”

 In this regard, Baise-moi was Virginie Despentes’ explosive literary debut—translated into English as Fuck Me. Does translating “baiser” into “fuck” preserve the ambiguity of the French word (to kiss, to have sex, to deceive...)? What do we lose in translation? Or what do we gain? And vice versa: how do you translate “fuck”? Unless we prefer not to translate it… Words translated or potentially translatable by “fuck” are rare but not absent from French theory—from psychoanalytic to feminist, queer and trans thoughts. For example, Lacan, who said in a seminar on the subject of the drive: “Pour l’instant je ne baise pas, je vous parle, eh bien je peux avoir exactement la même satisfaction que si je baisais” (for the moment, I am not fucking, I am talking to you. Well! I can have exactly the same satisfaction as if I were fucking). Or Deleuze, who conceived the history of philosophy as “une sorte d’enculage ou ce qui revient au même d’immaculée conception” (a kind of ass-fuck, or what amounts to the same thing, an immaculate conception), giving birth to monstrous children.

 Often, vulgar sexual words seem to express and support situated, embodied modes of thinking. In his Countersexual Manifesto, Preciado evokes not only thought as coming from the body, but also bodily experiences as underpinned by thought: “Pendant qu’on baise, je sens que toute mon histoire politique, toutes mes années de féminisme avancent directement vers le centre de son corps […] Quand je jouis, Wittig et Davis, Woolf et Solanas, la Pasionaria et Kate Bornstein, bouillonnent avec moi” (When we fuck, I feel my whole political history, all my years of feminism advance directly towards the centre of her body […] When I come, Wittig and Davis, Woolf and Solanas, la Pasionaria and Kate Bornstein, simmer within me.)

 So, if “fuck is a word that is seen as offensive and upsetting,” as Heather Savigny puts it, what are the circumstances that make its use legitimate, tolerable, effective? Looking at the distribution of its use and the ways it is translated, between English-speaking and French-speaking worlds, we might ask: What does the sidelining of this term say about class relations? What does it say about gender norms and sexual life? About the place of emotion in language? Of the body in thought (and vice-versa)? Of the veils of modesty cast over our ideas?

How to submit: We invite you to send us a 250-word abstract with the title of your paper, your name and university, and a short biography (150 words) to the following address: nyu.fgsa.conference2024@gmail.com by March 6, 2024. Papers must be 15 to 20 minutes long and may be given in English or French.

The conference will be held on Saturday, April 6, 2024, at NYU’s Maison Française (16 Washington Mews) in person and via Zoom. Interdisciplinary approaches are welcome, and we invite students from any field to send us their proposals.

Below is a non-exhaustive list of possible avenues for reflection:

Writings of resistance
Literature and vulgarity
Representations of the obscene
“Fuck” as a slogan
Insurrectionary performativity and political acts of language
Postures of refusal and compositions of rupture
“Fuck Nuance:” radicality in the social sciences and academic writing standards
“F***:” typographic and oral censorship
The ecofeminist metaphor of the rape of the earth
Reproductive politics and sexual norms
Digital culture, memes, and the globalization of language
The word “fuck” in the French language
Arts of living on a fucked planet: ecology and destruction.