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Proche et lointain. Perception, mesure et expression de la distance dans le monde grec antique (ENS Lyon)

Proche et lointain. Perception, mesure et expression de la distance dans le monde grec antique (ENS Lyon)

Publié le par Marc Escola (Source : Louise Routier-Guillemot)

Proche et lointain.

Perception, mesure et expression de la distance dans le monde grec antique

Date limite d’envoi des propositions : le vendredi 8 novembre 2024.

École normale supérieure de Lyon, le mardi 22 et le mercredi 23 avril 2025.

Organisateurs et organisatrices :

Lucie Buchère (ENS de Lyon, HiSoMA), Louise Guillemot- Routier (ENS-PSL, AOrOc),

Maïwenn L’Haridon-Moreau (Université Lumière Lyon 2, HiSoMA), Anxhelo Bici (Aix-Marseille Université, IRAA),

Adèle Vorsanger (Le Mans Université, CReAAH).

Le mythe du héraut Phidippidès, qui parcourut une très grande distance depuis Marathon jusqu’à Sparte ou depuis Sparte jusqu’à Athènes, a fait l’objet d’une élaboration et d’une reformulation depuis Hérodote jusqu’à Lucien selon des enjeux divers. S’il justifie, à notre époque, le format d’une discipline sportive, il révèle en premier lieu l’importance que revêtait la notion de distance dans la pensée grecque. En ralliant un espace perçu comme lointain, Phidippidès accomplit un exploit lu sous un angle politique en permettant la mise en relation des cités grecques à l’occasion d’une crise militaire.

Le monde grec antique, avec ses cités-États dispersées à travers l’espace égéen et au-delà, était marqué par la notion de distance, tant physique que conceptuelle. En effet, la distance se conçoit comme un intervalle, un entre-deux, qui met en relation deux lieux ou entités. Elle ne se limitait donc pas à des mesures géographiques ni à une simple métrique, mais imprégnait également la culture, la politique, la religion et les relations sociales. Comme l’a montré F. Larran à propos de la distance perçue avec Sparte, la distance spatiale est résolument sociale et il convient à ce sujet d’envisager les modalités d’une “géographie relationnelle” (Larran 2019), c’est- à-dire de penser les interactions sociales, les réseaux et les échanges sous un angle spatial. Ces considérations géographiques doivent néanmoins être prolongées par une étude des pratiques et des représentations du proche et du lointain, telles qu’en témoignent les sources littéraires et archéologiques. Ce colloque se propose donc d'explorer comment les Grecs de l’Antiquité percevaient, exprimaient et mesuraient la distance dans ses diverses dimensions. De ce point de vue, les communications examinant les aspects concrets et pratiques du rapport à la distance ou bien les conceptions littéraires et anthropologiques seront les bienvenues.

Dans cette perspective, il semble incontournable d’interroger la notion de proxémie, que l’on mesure couramment en termes de contact, d’information ou de familiarité avec les lieux. Il s’agit donc d’investir cette notion issue de l’anthropologie et utilisée par divers champs de la géographie (géographie culturelle, géographie des représentations, géographie des pratiques et du quotidien…), à partir des sources matérielles et écrites dont nous disposons sur l’Antiquité, et de comprendre comment la perception ou l’expression de la proximité et de la distance peuvent varier selon les représentations individuelles et collectives. À bien des égards, la distance est associée dans le monde antique à la différence, elle est l’intervalle qui sépare deux entités et permet de mesurer l’écart, spatial, culturel, politique, entre elles. Puisque la distance n’est pas qu’un donné, ce colloque s’attachera à voir comment la culture non seulement s’y réfère, mais aussi l’intègre, l’utilise ou la construit.

Nous invitons donc les chercheurs et chercheuses de disciplines variées (histoire, archéologie, littérature, géographie, linguistique, philosophie, etc.) à soumettre des propositions de communications qui abordent ce thème sous différents angles. Les contributions des jeunes chercheurs et chercheuses seront particulièrement bienvenues. Ces propositions pourront s’articuler autour des axes thématiques suivants, sans s’y limiter :

  • La science de la distance : penser et mesurer le proche et le lointain
    - Vocabulaire et métaphores de la distance dans les textes littéraires, philosophiques et scientifiques (mathématiques, astronomie, physique, géométrie…) : comment dire ce qui était proche ou lointain ? De quelle manière la distance a-t-elle pu donner à penser ?
    - Techniques et instruments de mesure : quelles méthodes étaient utilisées pour calculer les distances et que révèlent-elles de l’évolution de la pensée mathématique chez les Grecs ?
    - Rendre compte du proche et du lointain chez les géographes et historiens anciens : quels outils épistémologiques dans l’Antiquité ?

  • Les distances du quotidien
    - Le rôle des voyages et des explorations dans la perception de l’espace : à quel point s’éloignait-on de sa maison ou de sa cité ? Dans quelle mesure les catégories sociales (classe, âge, genre, etc.) pouvaient-elles influencer l’appréhension des distances ?
    - Distance et intégration culturelle : interactions entre citoyens et étrangers ; présence d’éléments rappelant des espaces lointains dans un cadre familier (produits d’importation, syncrétisme religieux, intégration, etc.)
    - Distances psychologiques, affectives et familiales : comment les rapports de proximité et d’éloignement au sein de la famille, d’un cercle amical ou d’un groupe social s’organisaient-ils et s’énonçaient-ils dans le lexique et/ou dans les pratiques ?
    - Les liens entre la ville et la campagne au sein d’une organisation politique telle que la cité ou le koinon : comment et jusqu’à quelle distance la ville peut agir comme centralité d’un territoire rural ?
    - Les colonies grecques et la diaspora : dans quelle mesure la distance influence-t-elle le maintien ou non de liens culturels et politiques ?
    - Rituels et pratiques religieuses : comment la distance avec le divin était-elle symbolisée et manipulée dans les sanctuaires, cultes et processions ?

  • Les muses de la distance : le proche et le lointain dans les arts et la littérature
    - Littérature grecque et distance vécue : comment le proche et le lointain étaient-ils conçus et exprimés dans les œuvres des auteurs grecs (poésie épique et élégiaque, récits de voyage…) ?
    - La distance mise en scène : comment la distance est-elle perceptible dans les performances dramatiques, oratoires ou poétiques, aussi bien par le langage que par des dispositifs matériels ?
    - Le rapport dynamique entre nombre et distance dans la production artistique et littéraire : la question des intervalles et de l’harmonie pour la musique ; des proportions et de la géométrie pour la sculpture et l’architecture ; de la distance vis-à-vis du spectateur dans la construction d’un dispositif optique ; de la symbolique des nombres pour la poésie.
    - Distance spatiale, distance temporelle : dans quelle mesure l’expression de la proximité ou de l’éloignement (vis-à-vis de sa patrie, de l’être aimé, d’un groupe social…) conduit- elle les auteurs grecs à se référer au passé, à examiner le présent ou à se tourner vers le futur ?

Modalités de soumission

Les propositions de communication, en français ou en anglais, comprenant un titre provisoire, un résumé (250-300 mots) et une bibliographie indicative, sont à envoyer aux organisateurs par mail avant le 8 novembre 2024 à l’adresse suivante : colloque.proche.et.lointain@gmail.com.

Après examen par le comité scientifique, les auteurs et autrices des propositions retenues seront informés avant le 15 décembre 2024.

Membres du comité scientifique

Anca Dan, Professeure attachée à l’École normale supérieure, chargée de recherches au CNRS.
Madalina Dana, Professeure d'histoire grecque à l’Université Jean Moulin Lyon 3.
Arnaud Macé, Professeur d’histoire de la philosophie ancienne à l’Université de Franche- Comté.
Didier Marcotte, Professeur de littérature grecque à Sorbonne Université.
Nicolas Richer, Professeur d’histoire grecque à l’École normale supérieure de Lyon.Bibliographie indicative

Bibliographie indicative

J.-M. André et M.-F. Baslez, Voyager dans l’Antiquité, Paris, Fayard, 1993.

P. Arnaud, “De la durée à la distance : l'évaluation des distances maritimes dans le monde gréco-romain”, Histoire & Mesure, 8, n°3-4, 1993, p. 225-247.

P. Arnaud, Les routes de la navigation antique, Paris, Errance & Picard, 2005.

R. Brunet, “Les sens de la distance”, Atala n°12, La distance, objet géographique, 2009, p. 13-32.

M. Casevitz, “Remarques sur l’histoire de quelques mots exprimant l’espace en grec”, Revue des Études Anciennes, 100(3-4), 1998, p.417-435.

G. Cursaru, Parcourir l’invisible. Les espaces insondables à travers les mouvements des dieux dans la pensée religieuse grecque de l’époque archaïque, Louvain-Namur-Paris, Peeters, 2019.

M. Dana, “Centre et périphérie. La mobilité culturelle entre la mer Noire et le monde méditerranéen dans l’Antiquité”, dans Chr. Jacob (dir.), Lieux de savoir. Espaces et communautés, Paris, Albin Michel, 2007, p.924-941.

M. Dana, “Le ‘centre’ et la ‘périphérie’ en question : deux concepts à revoir pour les diasporas”, Pallas, 89, 2012, p. 57-76.

K. Geus et M. Thiering, Features of Common Sense Geography, Implicit Knowledge Structures in Ancient Geographical Texts, Zürich, Lit Verlag, 2014.

Phoebe Giannisi, Récits des voies. Chant et cheminement en Grèce archaïque, Grenoble, Jérôme Millon, 2006.

P. Janni, La mappa e il periplo. Cartografia antica e spazio odologico, Rome, G. Bretschneider, 1984.

I. de Jong (dir.), Space in Ancient Greek Literature. Studies in Ancient Greek Narrative, vol. 3, Leiden-Boston, Brill, “Mnemosyne Supplements. Monographs on Greek and Latin Language and Literature”, 2012.

Chr. Jacob, Géographie et ethnographie en Grèce ancienne, Paris, Armand Colin, 1990.

F. Larran, Sparte à bonne distance. Réflexions sur le proche et le lointain en Grèce ancienne, Paris, De Boccard, 2019.

M. Lussault, L’homme spatial. La construction sociale de l’espace humain, Paris, Seuil, 2007.

R. Rehm, The Play of Space. Spatial Transformation in Greek Tragedy, Princeton, Princeton University Press, 2002.

S. A. White, “Milesian measures: time, space, and matter” in P. Curd et D. W. Graham (dir.), The Oxford Handbook of Presocratic Philosophy, Oxford, 2008, p. 89-133.

D. Wiles, Tragedy in Athens: Performance, Space and Theatrical Meaning, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.