Voies négatives et processus d’écriture : pour des outils théoriques en recherche-création (Séminaire doctoral, Toulouse)
Séminaire doctoral transartistique et transdisciplinaire de l'Ecole Doctorale ALLPH@
Université de Toulouse 2 Jean Jaurès (UT2J)
"Voies négatives et processus d’écriture : pour des outils théoriques en recherche-création"
3 jeudis de 14 à 18h : 7 mars, 21 mars, 25 avril 2024.
Responsabilité scientifique : Lydie Parisse et Tomasz Swoboda
Il est possible d’assister à ce séminaire via zoom en vous adressant à :
L’objectif de ce séminaire, dont le programme de cette année varie par rapport à celui de l’an dernier, est d’établir des liens entre la création et l’histoire des idées, et d’explorer des pistes souvent invisibilisées mais néanmoins importantes pour parler de la création théâtrale, littéraire, artistique, et pour fournir des pistes, notamment pour les thèses en recherche-création, et répondre à des questions que nous nous posons aujourd’hui.
Ce séminaire prend place dans le prolongement de deux publications collectives récentes, coordonnées par Lydie Parisse et Tomasz Swoboda :
Voies négatives (Cahiers Erta, N°33, 2023).
https://www.fabula.org/actualites/113679/voie-negative-cahiers-erta-n-33.html,
Processus créateur et voies négatives (collection Processus créateurs, N°1, Lettres Modernes Minard, parution 27 mars 2024)
https://www.lettresmodernesminard.org/processus-creacuteateurs.html
Et dans le prolongement d’une monographie de Lydie Parisse en arts de la scène :
Les Voies négatives de l’écriture dans le théâtre moderne et contemporain, Paris, Bibliothèque des Lettres Minard/ Classiques Garnier, 2019.
comptes-rendus en ligne :
https://muse.jhu.edu/article/844749/pdf
https://czasopisma.bg.ug.edu.pl/index.php/CE/article/view/8268
Les séances seront en mode hybride (7 mars, 25 avril) ou uniquement en distanciel (21 mars), de manière à permettre un maximum de participant.e.s de se connecter.
La séance du 7 mars portera sur des poètes et des performeuses, essentiellement dans le domaine italien (Margherita Orsino), avec un hommage rendu au poète Franc Ducros, disparu en 2023. Cette séance invitera à relire le théâtre de Sarraute (Lydie Parisse), et à évoquer le processus créateur chez Woolf et Duras (Gabrielle Janselme).
La séance du 21 mars invitera à un voyage dans les arts plastiques d’aujourd’hui (Philippe Filliot) et à une relecture de la poésie symboliste et des avant-gardes (Adrien Chapel).
La séance du 25 avril sera exclusivement consacrée au théâtre, notamment au training de l’acteur (Flore Garcin-Marrou) et aux pratiques de Grotowski (Samuel Lhuillery).
Présentation du séminaire.
L’objectif de ce séminaire est d’ouvrir des perspectives pour les doctorats en recherche-création littéraire, en alliant outils théoriques et pratiques, de manière à tisser un pont entre philosophie et création, et permettre d’articuler les trois parties de ce nouveau doctorat (dimension créative, dimension autoréflexive, dimension théorique) en ouvrant un nouveau champ d’approche transversal qui relève de l’épistémologie du processus créateur.
L’écriture comme processus est déjà étudiée dans le champ des études de génétique textuelle, qui évaluent la production de brouillons d’écrivains dans une durée, et dans le cadre de la pratique des ateliers d’écriture créative. Il s’agit ici d’étudier le processus créateur, non d’un point de vue rhétorique, mais d’un point de vue anthropologique et philosophique, en montrant comment il délimite à la fois un champ d’expérience et un outil de connaissance propre à réorganiser les savoirs, notamment littéraires, dans le cadre d’une approche heuristique.
Par « voie négative », nous n’entendons ni un déconstructivisme postmoderne, ni un avatar du nihilisme, mais un mode d’appréhension de l’inconnu par le biais du seul fait de créer, à travers un lexique spirituel que des écrivain.e.s et artistes remettent au goût du jour, nous confrontant aux questions anthropologiques que sont la présence et l’absence, l’événement et l’apparition, le corps et la chair, le visible et l’invisible, le langage et la parole.
Ce séminaire fait suite à trois parutions récentes : Lydie Parisse, Les Voies négatives de l’écriture dans le théâtre moderne et contemporain (Classiques Garnier, 2019) ; Lydie Parisse et Tomasz Swoboda (dir) : Voie négative, Cahiers Erta, n°33, Gdansk, 2023 ; Processus créateur et voies négatives, Revue des Lettres modernes, Série Processus créateurs, N°1, Letttres Modernes Minard/Classiques Garnier, parution février 2024. Il s’articule en recherche-création à la série Prémices (prix d’écriture dramatique étudiant) dont 3 volumes sont parus aux éditions Domens, et à la série Processus créateurs : deux collections récemment fondées par Lydie Parisse.
Ce séminaire permettra de confronter et de croiser des approches propres à la littérature, aux arts plastiques, aux arts de la scène.
Présentation des séances et des intervenant.e.s.
Séance 1. Jeudi 7 mars 2024.
Centre de Ressources en langues (CRL). Rez-de-chaussée du Bâtiment Erasme. Séance hybride.
Lydie Parisse (PLH, UT2J) et Tomasz Swoboda (Université de Gdansk). Introduction au séminaire. « La Voie négative dans l’histoire des idées et des formes. Etat d’une recherche ».
Il sera question ici de situer brièvement cet objet de recherche transversal (une bibliographie sera fournie en complément), tout en présentant les collaborations qu’il génère au sein de chercheur.e.s de diverses universités et de diverses disciplines, et les projets en cours qui se profilent.
Lydie Parisse est Maîtresse de conférences habilitée à diriger les recherches en Littérature française et en Arts du spectacle à l’Université de Toulouse 2 Jean Jaurès, et également écrivaine et metteuse en scène. Sa pratique artistique et sa recherche sont étroitement liées. Membre du réseau international de chercheurs Theorias, elle a publié aux Classiques Garnier six ouvrages critiques (dont 3 collectifs) sur les liens entre littérature et discours mystique, et sur le théâtre de Novarina, de Beckett, ainsi qu’une monographie sur Lagarce. Son dernier ouvrage, Les Voies négatives de l’écriture dans le théâtre moderne et contemporain, paru en 2019, a été suivi de deux co-directions d’ouvrages collectifs avec Tomasz Swoboda : Voie négative (Cahiers ERTA, 2023), et Processus créateurs et voie négatives (Classiques Garnier, 2024) suite au colloque international qui s’est tenu à Toulouse en 2022. Elle a récemment fondé le prix littéraire Prémices : un prix d’écriture dramatique destiné aux étudiants, dont 3 volumes sont parus aux éditions Domens.
Tomasz Swoboda est essayiste, traducteur, et Professeur à l’Université de Gdansk. Ses travaux portent sur l’art et la littérature (Histoires de l’œil, 2013). Il a traduit en polonais, les œuvres de Baudelaire, Nerval, Proust, Barthes, Bataille, Caillois, Leiris, Ricœur, Didi-Huberman, Mouawad, Le Corbusier ainsi que la série BD Ariol.
Margherita Orsino (UT2J-CEIIBA) : « La via negativa dans la parole poétique (de Giuseppe Ungaretti à Franc Ducros ) et la poésie d’action des femmes (de Gina Pane à Regina José Galindo)
Cette communication affirme d’abord une méthodologie, qui part des déclarations des artistes eux-mêmes pour élaborer un regard critique. Elle met en avant le constat selon lequel la poésie, tout comme l’écriture, non seulement est une traversée du négatif, mais est une pratique, au même titre que la pratique spirituelle. S’appuyant sur une anthologie de la poésie italienne qu’elle a publié, Margherita Orsino résume ici cent ans de poésie au négatif (1923-2023), parcourant diverses époques, pour aboutir à une étude de la poésie d’action créée par des femmes (Anita Wach, Anna Mandieta, Patricia Vicinelli). Dans une perspective résolument post-séculière, elle parcourt les notions de passivité, d’absence, de défiguration à l’œuvre chez les artistes et les poètes et poétesses étudiés. Tout en rendant hommage au poète Franc Ducros, disparu en 2023.
Margherita Orsino est Professeure de Littérature italiennes, rattachée au Centre d’études Ibériques et Ibero-Américaines, CEIIBA, à l’Université de Toulouse 2 (Laboratoire CEIIBA). Elle est spécialiste de poésie italienne contemporaine et d’art- performance. Elle a publié en français Agostino John Sinadino (1945-1853). Cahiers inédits (PUM, Toulouse, 2006). Elle a publié, avec J.L. Nardone et M. Gallot, une Anthologie de la poésie italienne 3. XIXe-XXe siècles (PUM, 2003).
Lydie Parisse (PLH, UT2J) : « Relire le théâtre de Nathalie Sarraute : du déconstructivisme à la voie négative ».
La communication porte sur Le Silence et Pour un oui pour un non. Le théâtre de Nathalie Sarraute, souvent assimilé au déconstructivisme d’après-guerre propre au Nouveau Roman, présente des personnages confrontés au vertige d’un trop-plein des mots destiné à faire entendre un vide, renvoyant au problème philosophique de la relation du langage à la réalité, mais aussi à la vérité, au mensonge et à l’erreur. Mais ce qui est curieux, c’est la présence de personnages de poètes sans œuvre qui défendent une conception négative, non seulement de l’expérience du réel, mais aussi de l’acte créateur lui-même. D’où la revendication des notions négatives d’impouvoir, d’impuissance, de ratage comme signes d’élection. Car ce ne sont pas seulement les points de vue du béotien et de l’artiste qui s’opposent chez Sarraute – et sur lesquels s’est tellement appesantie la critique –, ce sont aussi les points de vue « mondain » et « spirituel » (au sens large) qui s’affrontent. C’est pourquoi ce qui intéresse Sarraute, ce n’est pas la notion d’inconscient, mais celle de conscience. Ses références ne sont pas du côté de la psychanalyse, mais du côté de la philosophie de Bergson, par ailleurs grand spécialiste du discours mystique.
Lydie Parisse est Maîtresse de conférences HDR en Littérature française et arts du spectacle, également écrivaine, metteuse en scène. Elle a publié deux romans et six pièces de théâtre toutes portées à la scène. Ses essais publiés aux Classiques Garnier sont : Mystique et littérature : l’autre de Léon Bloy (rééd. 2019) ; La parole trouée : Beckett, Tardieu, Novarina (rééd. 2019) ; Lagarce. Un théâtre entre présence et absence (2014) ; Les Voies négatives de l’écriture dans le théâtre moderne et contemporain (2019) ; elle a dirigé Le Discours mystique dans la littérature et les arts de la fin du XIXe siècle à nos jours (2012) ; Processus créateur et voies négatives (parution février 2024).
Gabrielle Janselme (PLH, UT2J) : « Voie négative et seuils du dicible dans le processus créateur de Virginia Woolf et de Marguerite Duras. »
Cette communication se propose d’explorer les écrits auto-réflexifs de Virginia Woolf et de Marguerite Duras ainsi que quelques extraits des œuvres (Le Phare, les Vagues, Aurélia Steiner, Les Mains négatives) centrés sur les trois concepts de voie négative, d’invisible, et d’indicible. Il s’agira de déterminer en quoi les deux autrices apportent des éléments pour comprendre le processus de la voie négative, tout en ouvrant des perspectives pour bâtir une thèse de doctorat en recherche-création.
Gabrielle Janselme est doctorante en thèse de pratique et théorie de la création littéraire et artistique à l’université de Toulouse 2 Jean Jaurès, sous la double direction de Lydie Parisse et de Nicolas Boileau (Aix-Marseille). Elle est par ailleurs compositrice et pianiste professionnelle. Le titre de sa thèse est «« Du Spirituel dans l’art. Voie négative et processus créateur. Le pictural et le musical comme accès à l’invisible et à l’indicible dans les œuvres de Virginia Woolf et de Marguerite Duras ».
Séance 2. Jeudi 21 mars 2024.
Séance uniquement par zoom.
Philippe Filliot (Université de Reims) : « Les réactivations des mystiques négatives chez quelques artistes contemporains ».
Cette communication abordera les réactivations des mystiques négatives dans l’art contemporain, sous l’angle du processus créateur et de la réception esthétique. Quelles sont les réappropriations actuelles du discours mystique dans la pratique artistique ? Quelle est l’expérience spirituelle suscitée par l’œuvre d’art ? Qu’est-ce que l’art fait à la mystique ? Le paradigme de la « voie négative » permet de repenser la spiritualité aujourd’hui pour libérer notre vie intérieure de toutes assignations.
Philippe Filliot est agrégé d’Arts plastiques à l’Université de Reims, titulaire d’un DEA « Lecture littéraire », docteur en Sciences de l’éducation, chargé de cours à Paris 8 sur la spiritualité, et professeur de yoga. Il a publié Illuminations profanes, art contemporain et spiritualité (2014) ; Être vivant, méditer, créer (2016) ; Les 50 mots essentiels de la spiritualité (2022).
Adrien Chapel (Université CY Cergy Paris Université). « Hypothèses sur une voie négative dans l'histoire de la poésie symboliste et des avant-gardes ».
Il s'agit, à partir d'une lecture du livre de Pierre-Henry Frangne, La négation à l'œuvre. La philosophie symboliste de l’art (1860-1905) (Presses Universitaires de Rennes, 2005), de proposer une réflexion sur la place de la négation et, à fortiori, d'une potentielle voie négative dans l'histoire de la poésie symboliste et des avant-gardes. On fait l’hypothèse que cela permettrait d'enrichir notre histoire du concept de voie négative, en évoquant comment d'autres chercheurs se le sont approprié sur certaines périodes, et donner lieu à des dialogues féconds avec des réflexions sur les arts plastiques et la présence d'un paradigme négatif qui a traversé, là aussi, les avant-gardes, et jusque dans le contemporain. En outre, il s’agira de comprendre comment cette lecture philosophique et historique fournit des outils pour la partie réflexive d’une thèse de doctorat en recherche-création. Adrien Chapel se demandera comment, à travers son prisme de lecture, ces lectures suscitent des réflexions sur les points de rencontre et de divergence entre un regard théorique sur la négation et une pratique de la négation dans l’écriture de la partie créative de sa propre thèse.
Adrien Chapel est doctorant en thèse de pratique et théorie de la création littéraire à CY- Paris Cergy, sous la direction de Chantal Lapeyre, et membre du programme de recherche "Écritures Créatives en Formation", initié par AMarie Petitjean. Dans sa thèse, il interroge la possibilité et les enjeux d’un recours au Zen dans la création poétique. Sa recherche s’intéresse également aux enjeux méthodologiques de la recherche-création.
Séance 3. Jeudi 25 avril 2024.
Centre de Ressources en langues (CRL). Rez-de-chaussée du Bâtiment Erasme. Séance hybride.
Flore Garcin-Marrou (LLA Creatis, UT2J) : « Pratiques de la négativité/ Trainings d'acteurs.
Cette communication consiste à voir comment ces « pratiques de la négativité » peuvent être expérimentées dans les entraînements (trainings) de l’acteur et de l’actrice, notamment chez Jerzy Grotowski et Eugenio Barba, impliquant d’autres logiques de relations émancipées de la maîtrise, de l’accumulation de savoir, de l’idéal de perfection technique, de la virtuosité, de la recherche de résultats.
Flore Garcin-Marrou est Maître de conférences en Arts de la scène à l’Université Toulouse Jean Jaurès. Elle est l’auteure d’une thèse intitulée « Gilles Deleuze, Félix Guattari : entre théâtre et philosophie. Pour un théâtre de l’à venir » sous la direction de Denis Guénoun (Université Paris-Sorbonne, 2011). La relation entre le théâtre et les sciences humaines est le centre de gravité de ses recherches. Son intérêt pour les mystiques date de 2002, lorsqu’elle rédige un mémoire de maîtrise en Philosophie de la religion sur la « mise en scène de l’état de grâce » sous la direction de Françoise Bonardel à l’Université Paris 1. Elle a publié : En 2012, « Le théâtre, creuset de l’image spirituelle, de Maeterlinck à Beckett », dans Le Discours mystique dans la littérature et les arts de la fin du XIXe s. à nos jours, Lydie Parisse dir., Paris, Classiques Garnier, coll. « Rencontres », série Études dix-neuvièmistes, n° 31, p. 141-154. En 2014, « La mise en scène de l’état de grâce dans le théâtre de Valère Novarina » dans la Revue Littératures sur Valère Novarina : une poétique théologique ?, Olivier Dubouclez dir., n° 176, p. 67-76.
Samuel Lhuillery (Post-doc, UT2J) : « Du corps au chant : suivre la via negativa dans la pratique théâtrale de Grotowski ».
En reprenant le chemin parcouru par Grotowski dans son travail sur la via negativa avec les acteurs du Théâtre Laboratoire, puis à travers les différentes étapes de sa recherche, jusqu’à l’« Art comme Véhicule », cette intervention se concentrera sur l’émergence progressive du chant comme l’élément central de ce travail sur l’organicité et la présence. Dans la lignée grotowskienne du jeu de l’acteur, qui repose sur une voie négative dans l’entraînement, l’acte de chanter constitue un engagement de l’être tout entier, convoquant toutes les forces biologiques et psychiques : le chant serait ainsi comme un « véhicule » ou une échelle, permettant à celui qui chante de se transformer intérieurement et d’atteindre une forme de « verticalité », tout en le reliant à une forme d’ancestralité. L’intervention cherchera à mettre en évidence les procédés négatifs par lesquels un tel processus peut opérer concrètement sur le corps et la pensée.
Samuel Lhuillery est docteur en études théâtrales à l’Université Paris 3 – Sorbonne nouvelle. Sa thèse, sous la direction de Marco Consolini, s’intitule Grotowski et la « Tribu » du théâtre rituel : liminalité, performance, interculturalité et interconnexions dans la pratique et la pensée théâtrales de Jerzy Grotowski, Eugenio Barba, Richard Schechner et Victor Turner. » Il est depuis 2024 post-doctorant à l’UT2J, au sein du projet American Theatre in France, dirigé par Emeline Jouve.
Contact scientifique : lydie.parisse@gmail.com
Contact administratif : myriam.guiraud@univ-tlse2.fr