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True crime : hybridités d'un genre sériel populaire (Paris)

True crime : hybridités d'un genre sériel populaire (Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Pierre-Olivier Toulza)

 Appel à communications

Colloque international

Université Paris Cité et Université Sorbonne Nouvelle —16-17 janvier 2025

True Crime : hybridités d’un genre sériel populaire

Propositions de communication à envoyer d’ici le 12 juillet 2024

Depuis le début des années 2000, les séries de true crime ont, sur les plateformes comme sur les chaînes de télévision américaines et européennes, permis de renouveler les genres criminels et policiers en ajoutant à l’attrait du fait divers une sophistication discursive autant qu’idéologique caractéristique de la « complexité » propre aux séries télévisées contemporaines. Cette double spécificité leur permet de se démarquer de la concurrence dans un paysage médiatique où prospèrent les programmes et genres criminels et policiers. Autre élément de démarcation, les séries contemporaines de true crime entendent mettre en avant le sérieux et l’exhaustivité de projets documentaires au long cours que favorise le temps long de la forme sérielle. Il s’agit par ailleurs de faire œuvre de pédagogie sociale, en interrogeant les institutions judiciaires et policières autant que leurs environnements culturels au prisme du fait divers pour en éclairer souvent les manquements et dysfonctionnements, laissant émerger les inégalités, en particulier sociales ou raciales, mais aussi de genre et largement institutionnalisées, qui produisent les erreurs et injustices judiciaires. Mais ce mode de lecture « documentarisant » et cette utilité sociale directe permettent aussi aux séries de true crime de se distinguer des dramas policiers « de qualité », avec lesquels elles ont cependant en commun des procédés d’écriture scénaristique et de mise en scène.

Pourtant, en dépit des ambitions affichées par la plupart des séries contemporaines de true crime, la critique revient fréquemment sur le sensationnalisme de programmes qui viseraient en réalité à satisfaire le voyeurisme et la curiosité morbide des spectateurs. Bien que cette distinction critique entre un true crime « respectable » et un true crime de bas étage renvoie avant tout à un clivage culturel que renforcent les caractéristiques sérielles et populaires du genre, il n’en demeure pas moins que ces séries se caractérisent en partie par leurs ambivalences et leurs contradictions. Identifié comme un genre en propre, le true crime n’en demeure pas moins une catégorie particulièrement englobante, rassemblant pêle-mêle des séries documentaires, des docufictions ou des fictions inspirées de faits réels, des mini-séries comme des anthologies voire des cycles bien spécifiques (les mini-séries de true crime portant sur des tueurs en série, sur des faux coupables qu’il s’agit d’innocenter, etc.). Si le true crime, sur les plateformes et à la télévision, se définit par son sujet (inspiré de « faits réels »), il est aujourd’hui un lieu d’élaboration et de renouvellement des discours médiatiques sur les faits divers et leur nature socio-culturelle, mais surtout un lieu de rencontre, de négociation et aussi de tension entre des traditions médiatiques et génériques, des formes et des discours parfois éloignés ou même contradictoires, que le colloque entend examiner.

Pour ce colloque sur les séries TV de true crime, nous accueillerons des propositions de communication qui pourront s’inscrire dans les axes de réflexion suivants (dont la liste est non exhaustive) :

* Genre transnational et spécificités nationales : le genre du true crime existe dans plusieurs pays, et les productions nationales se distinguent par des traits dus aux systèmes juridiques locaux, mais aussi par des spécificités culturelles (notamment les traditions nationales de documentaires et de fictions inspirées de faits réels). Pourtant, le true crime est aussi un genre transnational, et certaines caractéristiques permettent aux séries du genre d’être comprises et appréciées dans plusieurs pays, ce qui explique en partie leur succès sur des plateformes qui ne sauraient se contenter, lorsqu’elles commandent de coûteuses séries, des seuls publics nationaux. La série Grégory (Anna Kwak et Gilles Marchand, 2019) a certes permis au public américain de comprendre des spécificités judiciaires bien françaises (par exemple la rivalité entre gendarmerie et police, bien détaillée dans la série), mais sa scénarisation comme sa dramaturgie ne renvoient pas à des modèles spécifiquement français, ce qui permet de s’adresser plus facilement à des spectateurs étrangers. Cette dimension genre national / transnational peut en particulier être envisagée à partir d’une étude précise de la place du genre dans des contextes industriels précis, et dans des contextes de production et diffusion spécifiques.

* Trash TV et complex TV : le succès de Dahmer – Monster : The Jeffrey Dahmer Story (Ian Brennan et Ryan Murphy, 2022) sur Netflix (il s’agit de l’une des séries les plus regardées de la plateforme) a relancé le sempiternel débat sur les dangers de séries qui, parfois, misent sur la fascination suscitée par certaines affaires criminelles particulièrement sordides. Si les accusations de trash TV s’assimilent souvent à des préjugés portant sur un genre éminemment populaire et dont le public est majoritairement féminin, il est crucial de s’interroger sur les procédés scénaristiques et formels des séries de true crime : dans les séries portant sur des tueurs en série, certaines configurations de point de vue ne nous poussent-elles pas à nous attacher à des personnages pourtant purement négatifs ? Est-il vraiment souhaitable de séparer le bon grain (culturellement légitime) de l’ivraie (générique et populaire) et d’en revenir à des distinctions entre des séries de true crime « formatées » par le genre, et des séries « complexes » voire des séries « d’auteur » (par exemple les mini-séries crées par Jean-Xavier de Lestrade ou Ava DuVernay) ?

*hybridations médiatiques : plus que d’autres genres sériels, les séries TV de true crime mettent sur le devant de la scène les échanges et interactions médiatiques. D’une part, plusieurs séries proposent des structures hybrides, dans lesquelles les formes sérielles sont renouvelées grâce à des hybridations médiatiques (présence de photographies, de coupures de presse, d’extraits de reportages télévisés, d’enregistrements ou d’émissions radio), et d’autre part un matériau narratif est souvent décliné dans plusieurs médias (le livre-enquête d’Alice Géraud, Sambre, est adapté sous forme d’une mini-série créée par Marc Herpoux et Géraud elle-même, et réalisée par Jean-Xavier de Lestrade ; l’affaire Adnan Sayed, qui est exposée dans la saison 1 du podcast Serial, donne lieu à la mini-série The Case Against Adnan Syed, etc.), en proposant des formes d’hybridations et de circulations entre fiction et documentaire (la mini-série documentaire Soupçons a récemment donné lieu à un remake fictionnel, The Staircase).

* Dimension culturelle : au-delà des idées reçues et d’un discours médiatique sur le genre (le true crime posséderait forcément une dimension «citoyenne » et permettrait de corriger certaines erreurs judiciaires, particulièrement outre-Atlantique), il demeure nécessaire d’analyser le genre au prisme des cultural studies, pour évaluer dans quelle mesure, par exemple dans des séries comme Sambre ou Ted Bundy : Falling for a Killer (Trish Wood, 2020), le true crime peut devenir un espace de reproduction, de négociation ou encore de reconfiguration des rapports sociaux (de classe, de race, de genre ou de sexualité, en particulier).

Comité scientifique :

Zachary Baqué (Université Toulouse Jean Jaurès), Marjolaine Boutet (Université Sorbonne-Paris-Nord), Ariane Hudelet (Université Paris Cité), Barbara Laborde (Université Sorbonne Nouvelle), David Roche (Université Paul-Valéry Montpellier 3), Dennis Tredy (Université Sorbonne Nouvelle)

Organisation :

 Emmanuelle Delanoë-Brun (Université Paris Cité) et Pierre-Olivier Toulza (Université Paris Cité)

Les propositions de communication, d’une page maximum, en français ou en anglais, accompagnées d’une brève bio-bibliographie, sont à envoyer avant le 12 juillet 2024 aux deux adresses suivantes : 

emmanuelle.delanoebrun@u-paris.fr

pierre-olivier.toulza@u-paris.fr.