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Les processus de vulgarisation des langues de spécialité dans la culture populaire / Languages for Specific Purposes and the Popularization of Science in Pop Culture (LSP2025, Mons, Belgique)

Les processus de vulgarisation des langues de spécialité dans la culture populaire / Languages for Specific Purposes and the Popularization of Science in Pop Culture (LSP2025, Mons, Belgique)

Publié le par Marc Escola (Source : Tiffany Jandrain)

English version below

Les langues de spécialité (LSP), que l’on peut définir largement comme les usages spécialisés de la langue par une communauté dans un domaine particulier, font partie intégrante de la culture populaire. Selon Johns (1994, p. 4), les discours écrits et oraux des langues de spécialité peuvent être vus comme des « artéfacts culturels », voire des « genres servant des objectifs de communication au sein de groupes d’individus qui se considèrent comme appartenant à une communauté ».

De ce fait, les marqueurs des langues de spécialité tels que l’énonciation de théories ou d’hypothèses, le jargon scientifique, la terminologie, le recours à des diagrammes ou à des formules se manifestent (souvent sous une forme vulgarisée) tant en littérature que dans les films de science-fiction ou encore dans les forums de fandoms, dans le but de fournir de l’information tout en servant un objectif de divertissement.

À titre d’exemples, citons Donald au pays des mathémagiques (1959), un film d’animation expliquant des théories mathématiques fondamentales dans un court-métrage à destination des enfants ; Le Jeu de la dame (1983), un ouvrage fictionnel qui s’articule autour de l’univers du jeu des échecs en décrivant notamment les stratagèmes d’ouverture et l’étude du jeu en général (ce roman a donné lieu à une adaptation éponyme sous forme d’une série produite par Netflix (2020)) ; la sitcom The Big Bang Theory (2007 – 2019), qui met en scène de jeunes physiciens qui travaillent à l’université et abordent une multitude de théories scientifiques à travers de nombreuses références et clins d’oeil dans chaque épisode ; les films de science-fiction, qui s’appuient eux aussi abondamment sur la LSP pour véhiculer des idées réelles ou hypothétiques : le film Interstellar (2014), par exemple, explore la théorie de la relativité pour faire voyager des astronautes à travers l’espace-temps.

A l’occasion d’un colloque international qui se tiendra les 6 et 7 mai 2025 à l'Université de Mons, en Belgique, nous accueillons des propositions de communication sur l’exploitation des langues de spécialité et / ou de leur traduction dans la culture populaire à travers 5 axes (sans que cette liste soit exhaustive) :

Considérations linguistiques et terminologiques : comment le jargon scientifique et la terminologie sont-ils intégrés dans la narration ? Quels processus linguistiques agissent comme marqueurs de la vulgarisation dans la narration (et pourquoi ?) ou ciblent délibérément une communauté scientifique en particulier ? La vulgarisation scientifique se manifeste notamment à travers des métaphores (Fries, 2011 ; Rossi, 2015), des questionnements, la personnalisation, l’humour, la contingence (Giannoni, 2008). Peut-on considérer que les narrations littéraires et audiovisuelles ayant pour thèmes des théories scientifiques agissent comme des mises en récit de celles-ci ? Si oui, quels procédés témoignent de cette mise en récit (Resche, 2016) ? Quels marqueurs discursifs témoignent de l’exploitation des langues de spécialité (Babaii et Asadnia, 2021) ? Quelle place les langues de spécialité et les processus de vulgarisation occupent-ils dans diverses formes de communication (romans, bande dessinée, films de science-fiction, sous-titres, publicité, publications sur les réseaux sociaux, tweets, …) ?

Considérations didactiques : Comme le rappellent Kirby (2014) et Vidal (2018), le « modèle du déficit » selon lequel les connaissances scientifiques déficitaires du public poussent les scientifiques à considérer leur communication d’un point de vue nécessairement pédagogique semble toujours être l’approche dominante, et ce malgré de nombreuses critiques (Pouliot et Godbout, 2014). De ce point de vue, LSP et vulgarisation semblent indissociables. Mais quels phénomènes inter- ou intralinguistiques peut-on observer ? Par exemple, constate-t-on une différence de registres des langues de spécialité dans les échanges entre les personnages (profane / expert) ? Par quelles manifestations cette différence se marque-t-elle ? D’un point de vue différent, de nombreux auteurs (Johns, 1994 ; Petit, 1999 ; Isani, 2009 ; Whyte, 2016 ; Cartron, 2022) proposent le recours à la fiction populaire (littéraire, cinématographique ou télévisée) en tant que matériau authentique pour l’enseignement des LSP. Dans quelle mesure ces textes offrent-ils aux apprenants “une voie d’accès aux langues de spécialité” (Petit, 1999) ?

Réception : Selon Kirby (2014), la science-fiction influence les croyances et les perceptions du public récepteur en véhiculant des postulats scientifiques. Comment l’oeuvre en question est-elle accueillie ? Remarque-t-on des processus d’identification à une communauté (communauté de scientifiques, non experts, fandoms, …) ou, au contraire, un rejet de la part du public ? De nombreux auteurs et scénaristes font appel à des scientifiques pour tendre à une représentation fidèle des notions scientifiques. Comment cette démarche est-elle perçue par le public profane et par le public savant ? L’utilisation et la traduction des langues de spécialité peuvent-elles avoir une influence sur la sociologie des publics (Esquenazi, 2009a) ? En adoptant la perspective ouverte par les études de fans, et le développement de la « culture geek », pourrait-on considérer le public scientifique comme un public à part entière (Clark, 2008) ?

Adaptation et intermédialité : D’un point de vue intersémiotique, comment les théories et concepts scientifiques sont-ils représentés ? Le rapport entre différents systèmes sémiotiques – image, langue et LSP, dialogue, musique, etc. – est-il nécessairement mis au service du processus de vulgarisation ? La représentation de “systèmes scientifiques” (Kirby, 2008, 2014) donne-t-elle lieu à des considérations spécifiques dans le cadre d’adaptations littéraires, cinématographiques et audiovisuelles ? Le transfert d’un médium à un autre est-il nécessairement révélateur d’une tension entre des formats narratifs et des besoins opposés (Kirby, 2008) ou peut-il, au contraire, témoigner de genres à portée inter- ou transmédiale comme on peut le dire de la science-fiction (Van Parys et Hunter, 2013) ?

Référentialité : Quelles potentielles références, quelles connaissances ou quel bagage scientifique sont nécessaires à une compréhension fine du contenu scientifique présenté dans l’oeuvre ? Kirby (2008), lorsqu’il aborde la question de la représentation scientifique au cinéma, indique que les rapports entre la communauté scientifique et les cinéastes donnent lieu à une tension entre les buts recherchés. Là où les uns s’attachent à l’authenticité, les autres se contentent de vraisemblance. Dans quelle mesure la référentialité, entendue comme référence au monde extérieur, dans ses aspects proprement scientifiques a-t-elle une influence sur l’authenticité de l’univers fictionnel ? Quelle est la place à accorder à la notion de vérité scientifique dans la traduction ou l’adaptation ? Les processus de vulgarisation se mettent-ils au service de la « vérité de la fiction » (Esquenazi, 2009b) ?

Les propositions de communication doivent comporter un titre, 5 mots-clefs, un résumé de la présentation (500 mots max. hors bibliographie), les noms des auteurs ainsi qu’une courte notice biographique comportant notamment leur affiliation et leur fonction. Les propositions peuvent être rédigées en français ou en anglais au format .doc ou .docx et sont à envoyer à l’adresse LSP2025@umons.ac.be pour le 15 octobre 2024 au plus tard.

Elles seront anonymisées et feront l’objet d’une évaluation en double-aveugle par le comité scientifique. Les communications retenues seront de 20 minutes suivies de 10 minutes d’une séance de questions-réponses.

English version

Languages for specific purposes (LSP), commonly defined as the use of language (by native and non-native speakers) to meet specific needs in specialized domains, have always been ingrained into popular culture. Johns (1994, p.4) posits LSP practices in spoken and written discourses as “cultural artifacts,” possibly even “genres that serve communicative purposes within groups of individuals who think and speak of themselves as community members”.

As a result, discourse markers that are characteristic of LSP such as putting forth theories or hypotheses, using scientific jargon and terminology, or resorting to charts and formulas can be observed in literature, science-fiction films or even on fandom forums. Though typically assuming a form closer to that of layman’s terms, such markers seek to convey scientific factual information while complying with the genres’ and media’s entertainment imperatives.

To name a few examples, let us consider Donald in Mathmagic Land (1959), a Disney Studio animated short that explains to children how core mathematical theories can be applied in real life; The Queen’s Gambit (1983), a coming-of-age novel built around game theory, chess and chess openings more specifically (after some unsuccessful attempts the novel was adapted into an eponymous series released on Neflix in 2020); or The Big Bang Theory (2007-2019), a sitcom showcasing a group of young scientists working at Caltech. The series’ ensemble cast centers on three physicists and an engineer whose interactions involve copious amounts of references and nods to scientific theories. Science-fiction, as a literary or cinematic genre, also relies heavily on LSP to convey real or realistic ideas: in Interstellar (2014), for example, further explorations of Einstein’s theory of relativity enable astronauts to travel through time and space.

We welcome paper proposals for a two-day international conference on languages for specific purposes or their translation in the popularization of science in pop culture. The conference will be held on May 6-7 2025 at the University of Mons, Belgium. Proposals may address but are not limited to the following:

Language and Terminology: how do jargon and terminology fit in fictional narratives? How is science popularization linguistically achieved in fictional narratives (and why)? Can linguistic processes deliberately target a scientific community? Science popularization is notably achieved through metaphors (Fries, 2011; Rossi, 2015), questions, personalization, humor and contingency (Giannoni, 2008). Can we therefore assume that literary or filmic narratives centered on scientific theories turn to storytelling? If so, what are the underling storytelling processes to consider (Resche, 2016)? What discourse markers reflect the use of languages for specific purposes (Babaii and Asadnia, 2021)? Where do LSP and popularization processes fit in communication practices and genres (novels, comics, movies, science fiction, subtitling, advertising, post on social media, etc.)?

Language or LSP Teaching: As recalled by Kirby (2014) and Vidal (2018), the “deficit model” still is the dominant outlook on science communication in academia. Though criticized (Pouliot and Godbout, 2014), this model emphasizes scientific illiteracy and the need to educate the public. From such a perspective, popularization and LSP seem inseparable. What are the inter- or intralinguistic phenomena at stake in such practices? Is there, for example, a difference in registers when experts and laymen interact? Assuming a pedagogical standpoint, numerous scholars (Johns, 1994; Petit, 1999; Isani, 2009; Whyte, 2016; Cartron, 2022) established the use of popular fiction (literary, cinematic or televised) as authentic material for LSP teaching. How can such texts open the way to LSP for language learners?

Reception: In Kirby’s view (2014), popular science and science fiction influence “people’s belief structures by shaping, cultivating, or reinforcing the ‘cultural meanings’ of science”. But what exactly can be said of the reception of such works? Do members of the audience identify to specific communities (scientific community, laymen, fandoms, etc.)? Or do such works induce a form of rejection? Screenwriters and filmmakers often rely on scientists or scientific organizations as consultants during film production to ascertain the accuracy of their depiction of scientific concepts. How are such approaches perceived by the public (and by scientists)? Can the use or translation of LSP be approached from the perspective of audience studies (Esquenazi, 2009a)? Starting from premises borrowed from fan studies, and with the rise of geek culture, should science specialists be considered an audience in their own right (Clark, 2008)?

Adaptation and Intermediality: How are scientific concepts and theories represented using different semiotic systems – images, language and LSP, dialogue, musique, etc.? Is popularization necessarily facilitated by intersemiotic relations? How does the representation of “scientific systems” (Kirby, 2008, 2014) influence adaptation – be it from text to screen, from cinema to television or from film to novel? Does adaptation necessarily reveal “a tension not only between the narrative forms of media and those of science, but also between the needs of the entertainment industry and those of the scientific community” (Kirby, 2008, p. 42)? Or can adaptation testify to the existence of “vast narratives” or transmedia genres, like science fiction (Van Parys and Hunter, 2013, p. 3)?

Referentiality: When a detailed understanding of the scientific content is required, what references or background knowledge does it presuppose? As mentioned before, Kirby (2008) emphasizes the tension between the needs of the entertainment industry and the scientific community. Where scientists need to claim authenticity of scientific depictions, filmmakers wish to attain “an acceptable level of verisimilitude” (p. 42). How does referentiality, i.e. references to the external world, and more specifically to scientific factual information, influence the authenticity of the depicted storyworld? Where does scientific truth fit in translation or adaptation? Can popularization processes serve “the truth of fiction” (Esquenazi, 2009b)?

Proposals should include a title, 5 keywords, a 500-word abstract (and added references), the names of contributors and a short bionote including the contributors’ affiliation and position. Proposals can be written in English or French, and should be .doc or .docx documents. Proposals must be sent to LSP2025@umons.ac.be by October 15, 2024. Proposals will be selected by the scientific committee through double-blind evaluation. Selected papers will be 20-minute presentations and will be followed by a 10-minute Q&A.

References

Babaii, E., & Asadnia, F. (2021). “If a black hole is an oyster, then . . .”: The discoursal trends of popularization in science fiction movies. Public Understanding of Science, 30(7), 868 880. https://doi.org/10.1177/09636625211038117

Cartron, A. (2022). Vers une caractérisation du spécialisé représenté dans la fiction à substrat professionnel télévisuelle : l’exemple de la série policière et criminalistique NCIS. ILCEA, 47. https://doi.org/10.4000/ilcea.15239

Clark, M. (2008). Science Fiction Fandom, Geek Culture, and the Image of the Engineer. International Network for Engineering Studies. https://www.inesweb.org/files/Clark.doc

Esquenazi, J.-P. (2009a). Sociologie des publics. La Découverte.

Esquenazi, J.-P. (2009b). La Vérité de la fiction. Comment peut-on croire que les récits de fiction nous parlent sérieusement de la vérité ? Lavoisier.

Fries, M.-H. (2011). De l’utilité des métaphores dans le style scientifique. Etudes de stylistique anglaise, 2, 57 76. https://doi.org/10.4000/esa.1881

Giannoni, D. S. (2008). Popularizing features in English journal editorials. English for Specific Purposes, 27(2), 212 232. https://doi.org/10.1016/j.esp.2006.12.001

Isani, S. (2009). Specialised fictional narrative and lay readership: Bridging the accessibility gap. ASp, 56, 45-65. https://doi.org/10.4000/asp.129

Johns, A. M. (1994). LSP and culture: A special relationship. ASp, 56, 1119. https://doi.org/10.4000/asp.4002

Kirby, D. (2008). Cinematic science: The public communication of science and technology in popular films. In Bucchi & B. Trench (Éds.), Routledge Handbook of public communication of science and technology. Routledge, taylor & Francis Group, 41-56.

Kirby, D. (2014). Science and technology in films: Themes and representations. In M. Bucchi & B. Trench (Éds.), Routledge handbook of public communication of science and technology (Second edition). Routledge, Taylor & Francis Group, 97-112.

Petit, M. (1999). La Fiction à substrat professionnel : une autre voie d’accès à l’anglais de spécialité. ASp, 23-26. https://doi.org/10.4000/asp.2325

Pouliot, C., & Godbout, J. (2014, 12 Novembre). Il est temps de se débarrasser du « modèle du déficit ». University Affairs/Affaires Universitaires. https://www.affairesuniversitaires.ca/opinion/a-mon-avis/il-est-temps-de-se-debarrasser-du-modele-du-deficit/

Resche, C. (2016). La mise en récit dans les discours spécialisés. Peter Lang.

Rossi, M. (2015). In rure alieno : Métaphores et termes nomades dans les langues de spécialité. Peter Lang.

Van Parys, T., & Hunter, I.Q. (2013). Science Fiction across media: Adaptation/Novelization. Gylphi.

Vidal, F. (2018). Accuracy, Authenticity, Fidelity: Aesthetic Realism, the “Deficit Model,” and the Public Understanding of Science. Science in Context, 31(1), 129 153.

Whyte, S. (2016). Who are the specialists? Teaching and learning specialised language in French educational contexts. Researching and teaching languages, 35(1). https://doi.org/10.4000/apliut.5487

Comité organisateur / Organisation Committee

Audrey Louckx (audrey.louckx@umons.ac.be) – Université de Mons
Charlène Meyers (charlene.meyers@umons.ac.be) – Université de Mons
Tiffany Jandrain (tiffany.jandrain@uclouvain.be) – Université catholique de Louvain

Kiara Giancola – Université de Mons / Université catholique de Louvain
Eponine Moreau – Université de Mons
Marine Valverde – Université de Mons

Comité scientifique / Scientific Committee

Romuald Dalodière (Université de Mons)
Christophe Den Tandt (Université Libre de Bruxelles)
Fanny Domenec (Université Paris 2)
Pascaline Dury (Université Lumière Lyon 2)
Lobke Ghesquière (Université de Mons)
Emilie Gobeil-Roberge (Université Laval)
Catherine Gravet (Université de Mons)
Tiffany Jandrain (Université catholique de Louvain)
Gwen Le Cor (Université Paris 8)
Audrey Louckx (Université de Mons)
Evgueniya Lyu (Université Grenoble-Alpes)
Charlène Meyers (Université de Mons)
Christine Michaux (Université de Mons)
Sabrina Mittermeier (Universität Kassel)
Philippe Millot (Université Lumière Lyon 2)
Jessy Neau (Centre Universitaire de Mayotte)
Lucie Ons (Université Laval)
Marie Pascal (King’s University College, University of Western Ontario)
Joëlle Popineau (Université de Tours)
Micaela Rossi (Università degli Studi di Genova)
Francesca Strik Lievers (Università degli Studi di Genova)
Faye Troughton (Université de Mons)
Gudrun Vanderbauwhede (Université de Mons)

Conférence plénière / Plenary Talk

Marie-Hélène Fries (Université Grenoble-Alpes)