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Autosociobiographies et autothéories des mères (Passau, Allemagne)

Autosociobiographies et autothéories des mères (Passau, Allemagne)

Publié le par Marc Escola (Source : Marina Ortrud Hertrampf)

Colloque international :

Autosociobiographies et autothéories des mères

13-14 juin 2025

Université de Passau, Allemagne

La question de la maternité et de la relation des mères avec leurs enfants et vice versa est un topos archétypal de la littérature mondiale. Il est intéressant de constater qu’à partir du début du millénaire, un nombre extraordinairement élevé d’œuvres en prose de France et de la francophonie traitent des mères et de la maternité (Hertrampf 2024). Il est également frappant de constater que la mythologisation de la mère – qu’elle soit chrétienne ou idéologique – qui a longtemps dominé la représentation artistique, est déconstruite et présentée dans des formes littéraires mixtes inédites entre (auto)biographie, fiction et essai.

La prolifération des œuvres littéraires traitant de la question de la maternité s’explique par les changements socioculturels et les modifications de l’image que les femmes ont d’elles-mêmes. Aujourd’hui, être une femme ne signifie pas nécessairement devenir mère, et pourtant la question de l’autodétermination de son propre corps dans le contexte d’une grossesse non désirée ou délibérément refusée reste un sujet controversé. Les déficits en matière d’égalité des droits sont particulièrement visibles chez les mères célibataires, mais pas seulement. La maternité des mères immigrées reflète en outre des aspects racistes et discriminatoires de notre société. Enfin, de toutes nouvelles conceptions de la maternité, comme la maternité volontaire en solo, représentent un défi pour les femmes concernées et la société en général en termes de statut social et de reconnaissance éthique et morale.

En tant que miroir de la réalité, la littérature contemporaine (Gefen 2020), fortement orientée vers la réalité, réagit aux problèmes du passé et du présent et tente en quelque sorte d’agir de manière « réparatrice » (Gefen 2017), en traitant et en présentant à un large lectorat (même s’il n’est pas lui-même concerné par le problème) des thèmes souvent trop peu considérés dans le discours public (et politique) et en le sensibilisant ainsi de manière plus ou moins engagée à la thématique de manière émotionnellement affective (Viart 2006).

Si l’on considère la scène littéraire depuis les années 2000, on constate en France et dans la francophonie une nette augmentation des nouvelles formes d’écriture de soi (Viart/Vercier 2005) : à la suite de l’autofiction, marquée par Serge Doubrovsky, comme un mélange d’autobiographie et de roman (Adler 2012), ce sont surtout l’autosociobiographie promue par Annie Ernaux (Sánchez Hernández 2017 ; Blome/Lammers/Seidel 2022) et l’autothéorie proposée comme nouveau genre par Lauren Fournier (2022) qui sont particulièrement en vogue. En effet, les deux désignations de genre se ressemblent dans la mesure où elles désignent des textes en prose qui se situent à mi-chemin entre la fiction et la faction, entre l’(auto)biographie individuelle et la biographie de certaines générations de certains groupes sociaux, et qui se réfèrent à chaque fois à des études et/ou théories sociologiques. Dans le cas de l’autothéorie, la définition de Fournier part en outre d’une motivation féministe au sens large du terme. 

Le point de départ de la présente recherche est le fait qu’un nombre remarquablement élevé de textes qualifiés d’autosociobiographies ou d’autothéories par la critique littéraire traitent des mères et de leurs biographies. On peut distinguer deux grands axes qui, dans le cas des autrices, se rejoignent souvent : il y a d’une part l’écriture sur soi-même en tant que mère, dans laquelle soit la réflexion sur sa propre féminité dans le rapport tendu avec l’image de soi et l’attente du rôle de mère (par ex. Mauvaise mère de Marguerite Andersen) ou des thèmes tabous persistants comme la maternité lesbienne (par ex. Anna, salle d’attente d’Emmanuelle Cornu ou Faire corps de Charlotte Pons), la dépression postnatale (par ex. Maternité de Françoise Guérin) ou la perte de l’enfant (par ex. Tom est mort de Marie Darrieussecq ou L'enfant hiver de Virginia Pesemapeo Bordeleau) sont au centre. D’autre part, il y a les auteurs et autrices qui écrivent sur leurs mères et leur relation avec elles. Pour les auteurs – on pense à Edouard Louis ou, dans une perspective migrante, à Médhi Charef – il s’agit souvent d’appréciations tardives dues à des biographies difficiles en raison de désavantages sociaux ou ethniques. Chez les écrivaines de sociétés à tendance misogyne comme Gisèle Halimi ou Fawzia Zouari, l’écriture sur les contraintes de leur propre mère représente souvent une écriture de libératrice au sens collectif. Dans les textes d’autrices européennes – comme par exemple Annie Ernaux ou Camille Laurens – on remarque en revanche les liens plus ou moins explicites avec les réflexions théoriques critiques sur la maternité, dans lesquelles Simone de Beauvoir, pionnière du féminisme moderne, est souvent nommée comme référence. D’une certaine manière, les textes autosociobiographiques et autothéoriques sur les images de la mère générées par la société, qui entrent souvent en conflit avec la conception individuelle d'être mère, peuvent être compris comme de nouvelles formes d’écriture féministe modérée, dans le sens d’un empowerment.

Les œuvres étudiées doivent avoir été écrites par des auteurs ou/et des autrices français et francophones après le tournant du millénaire. Les contributions devront porter un regard critique sur les notions d’autosociobiographie et/ou d’autothéorie pour classer le corpus étudié, afin d’approfondir la discussion terminologique de ces deux notions respectives à l’aide d’exemples concrets.

Modalités de soumission d’une proposition

Les propositions de communication ne devront pas dépasser 300 mots et seront accompagnées d’une notice bio-bibliographique d’environ 150 mots. Elles seront envoyées par email au format Word à Marina.Hertrampf@uni-passau.de avant le 15 janvier 2025.

Calendrier

·       date limite de la soumission de la proposition : avant le 15 janvier 2025 ;

·       notification d’acceptation : avant le 1er février 2025 ;

·       dates du colloque : 13 et 14 juin 2025. 

Organisation

Prof. Dr. Marina Ortrud Hertrampf, Université de Passau

Bibliographie sélective

Adler, Aurélie. 2012. Autobiographie, autofiction, récit de filiation. In Éclats des vies muettes. Paris : Presses Sorbonne Nouvelle, https://doi.org/10.4000/books.psn.2171.

Blome, Eva / Lammers, Philipp / Seidel, Sarah (éds.). 2022. Autosoziobiographie. Poetik und Politik. Stuttgart : Metzler.

Fournier, Lauren. 2022. Autotheory as Feminist Practice in Art, Writing, and Criticism. Cambridge (MA) : MIT Press.

Gefen, Alexandre. 2017. Réparer le monde. La littérature française face au XXIe siècle. Paris : Éditions Corti.

Gefen, Alexandre. 2020. Territoires de la non-fiction : cartographie d’un genre émergent. Amsterdam : Rodopi.

Hertrampf, Marina Ortrud M. (éd.). 2024 (à paraître). Mater Genetrix. Les images de la mère dans la littérature contemporaine de l’expression française. Berlin: De Gruyter.

Sánchez Hernández, Ángeles. 2017. L’auto-socio-biographie d’Annie Ernaux, un genre à l’écart. In Anales de Filología Francesa 25, 187-205.

Viart, Dominique / Vercier, Bruno. 2005. La Littérature française au présent. Héritage, modernité, mutations. Paris : Bordas.

Viart, Dominique. 2006. Fictions critiques’: la littérature contemporaine et la question du politique. In Formes de l’engagement littéraire (XVe-XXIe siècles), édité par Jean Kaempfer, Sonya Florey et Jérôme Meizoz, 185–204. Lausanne : Éditions Antipodes.