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Sissi et nous : nouvelles mythologies

Sissi et nous : nouvelles mythologies

Publié le par Marc Escola (Source : Corinne François-Denèce)

Sissi et nous : nouvelles mythologies

Éditrices : Corinne François-Denève (Université de Bourgogne), Florence Thérond (Université Paul Valéry Montpellier 3).

Langues : français, anglais, allemand. 

Réception des propositions : 31 janvier 2025.

Réponse des éditrices : 28 février 2025.

Livraison des articles : 30 septembre 2025.

Parution envisagée : été 2026. 

Argumentaire : 

Dans le droit fil de La Reine Christine et ses fictions (éd. par Florence Fix et Corinne François-Denève, Dijon, Editions Universitaires de Dijon, 2022), il s’agira ici de se pencher sur la figure de Sissi/Sisi. 

La Sissi personnage de fiction, depuis quelques années, est désormais pensée sous un angle féministe. Corsage (Marie Kreutzer, 2022), Sissi et moi (Sisi und Ich, Frauke Finsterwalder, 2023, L’Impératrice (Die Kaiserin/The Empress, Katharina Eyssen et Lena Stahl, 2022, série sur Netflix) font de l’impératrice une héroïne rebelle, et déploient une esthétique « pop » plutôt que kitsch. Ces représentations tournent le dos aux récits traditionnels d'une Sissi impératrice « tragique », « mater dolorosa », sacrificielle et sacrifiée. Dans Sissi’s World. The Empress Elisabeth in Memory and Myth (éd. par Maura E. Hametz et Heidi Schlipphacke, Bloomsbury, 2018), des pistes intéressantes ont d'ores et déjà été abordées: le lien de Sissi à la nostalgie, dans l’imaginaire, et le fait que Sissi soit une « queer icon », selon Susanne Hochreiter.

Il semble que cette nouvelle appréciation du personnage de Sissi doive beaucoup aux études de genre, mais aussi à l’interpolation de récits et fictions sur d’autres princesses, telle, par exemple, Lady Diana. De la même façon que les contes sont revisités, les personnages de princesses le sont également. On questionne leur rapport au consentement quant au mariage, et aussi l’importance donnée à leur image, dans une ère (proto-)médiatique, qui impose à leur corps des contraintes dont l’anorexie/boulimie, la perruque et les coiffures semblent être des symptômes. On en veut pour preuve la bande dessinée de Liv Strömquist, Dans le palais des miroirs (Inne i spegelsalen, traduit par Sophie Jouffreau et paru chez Rackham en 2021), qui insiste sur le schème de la maigreur. L'autrice suédoise s’inspire d’une analyse de René Girard, qui parle de « rivalité mimétique » quant à la maigreur à propos des impératrices Elisabeth et Eugénie (Anorexie et désir mimétique, L’Herne, 1995).

Côté personnage historique, l’histoire de l’Europe, en 2024, ne s’envisage plus selon les mêmes modèles et l’on pourra revenir sur l’attentat anarchiste, les langues et les nations de l’Empire, les stéréotypes et les représentations de la mosaïque géographique impériale. L’histoire des femmes, également, a connu des avancées, et c’est en ce sens que la figure d’Elisabeth d’Autriche mérite d’être étudiée. Pour Emil Cioran, Sissi ne pouvait s’envisager qu’à distance (Vienne, l’apocalypse joyeuse, 1986). Qu’en est-il quelques décennies plus tard ?

 Nous voudrions donc nous pencher sur ce « Sissi turn », dans une perspective délibérément transversale et interdisciplinaire.

 Les axes de réflexion pourront, de façon non-exhaustive, porter sur les éléments suivants :

 Sissi poète et photographe

On pourra s’intéresser aux influences littéraires qui marquent les écrits de Sissi, à l’étude de ces œuvres aujourd’hui accessibles et numérisées (projet Gutenberg), ainsi qu’à son activité méconnue de photographe. On réfléchira également aux « mises en scène » de soi d’une impératrice qui pour Barrès représentait l’acmé du « culte du moi ». 

 Histoire européenne (1837-1898)

Contemporaine de la guerre de Crimée, de la bataille de Sadowa, d’une perte d’influence de la monarchie austro-hongroise, cosmopolite liée par alliances matrimoniales à la France et à l’Italie, Sissi, représentée par la légende sentimentale comme une simple Bavaroise arrivée à la cour de Vienne par l’amour d’un Empereur, est au cœur des bouleversements majeurs de son temps. La superposition d’une image figée de la "K. und K."  et d’un portrait non moins figé d’une Sissi figure d’avant-garde mélancolique, marquée par le destin, proche de Wagner et de Louis II de Bavière, a durablement servi de représentation à Sissi. 

 Cartographie et géopolitique de Sissi

Populaire en Autriche, impopulaire à Vienne ? Quelles sont la mémoire, la représentation de Sissi en Hongrie ou en Italie par exemple ? Sissi en Europe est-elle perçue comme une « princesse allemande » ? une aventurière cosmopolite ? une Italienne ou une Hongroise de cœur ? Des propositions à portée comparatiste et à corpus croisés entre plusieurs aires géographiques, culturelles ou linguistiques seront bienvenues.

Les voyages de Sissi à Madère, Corfou, Roquebrune, Fécamp pourront être également considérés. Les lieux de mémoire et de patrimonialisation, pour ne pas dire de marchandisation de la figure de Sissi en Méditerranée et en Autriche (musée Sissi de Vienne), solliciteront des réflexions en histoire culturelle et en pratiques culturelles.

Se souvenir de Sissi

On se penchera ici sur les entreprises de mémorialisation de Sissi, que ce soit dans les musées, dans les archives, mais aussi dans les groupes de fans sur les réseaux sociaux. Le lieu est ici pensé comme lieu géographique ou fictionnel. Le personnage de Sissi a ainsi donné lieu à une mémoire sérielle, à une chaine de réceptions, que ce soit par les films, ou par des collections de livres sur le personnage. Une situation précise de ces collections, dans le temps et l’espace, serait pertinente.

On pourra également tenter de repérer les traces de Sissi dans la mode, les collections (voir le lien avec Karl Lagerfled), dans la musique pop, etc. Petra Berger a par exemple composé « If I had a wish » à propos de Sissi ( https://www.youtube.com/watch?v=O4hCBVeb2qg). Des vidéastes ont aussi composé un « clip sur Sissi » en utilisant « Tourner dans le vide » d’Indila (https://www.youtube.com/watch?v=O__z2hLVGeM), choix qui peut paraitre étrange.

Sissi personnage

Quels types de récit, à l’écrit, à l’écran ? Le conte de fées ou la tragédie sont souvent convoqués. Les décès accidentels, suicides et assassinats qui touchent la famille de l’impératrice la font émarger au registre des mélodrames : Le Destin des Habsbourg (film muet, 1928) ouvre la voie à de multiples variations autour de Mayerling, de Louis II de Bavière, de l’hostilité supposée de sa belle-mère etc. Les formules consacrées autour de l’"impératrice des cœurs", des "forces du destin", de la solitude et de la rébellion devront être interrogées à nouveaux frais, en les liant de préférence avec des analyses poétiques (le « style » Sissi, le kitsch, le pastel). On accueillera aussi des études des représentations picturales, des séries (Sisi, 3 saisons, 2021) ou des films d’animation.

Récupérations politiques et représentations d’un « destin féminin » 

Relation à la maternité, à la sexualité, à l’anorexie, aux femmes ; trajectoire queer avant l’heure, rebelle proto-féministe, produit d’un monde d’hier riche en aristocrates tourmentées, les portraits de Sissi composent en miroir une histoire des femmes en Europe, servie par des comédiennes qui invitent à des études actorales : amoureuse et mère dans les films de Marischka des années 1950-1960 (Romy Schneider), souveraine vieillissante (Ava Gardner face au jeune couple Omar Sharif et Catherine Deneuve dans Mayerling en 1968), rebelle indépendante et queer dans le récent Sisi und Ich (Susanne Wolff), l’impératrice est traitée à des âges de la vie, selon des perspectives et parfois des partis-pris qui méritent analyse. On pourra aussi se pencher sur « les actrices de Sissi », Romy Schneider incarnant plusieurs fois ce personnage, pour sembler le rejoindre (mort du fils, et mort prématurée). Arielle Dombasle, dans Sissi, l’impératrice rebelle, incarne de façon plus inattendue (?) le personnage. Sissi influenceuse du XIXe siècle (ayant promu la cigarette, la gymnastique, la minceur), Sissi hostile à l’étiquette impériale, Sissi «hongroise » pourront également être comparées avec d’autres figures de leur temps ou dont le traitement par la postérité est similaire. Sissi est-elle de gauche ou de droite ? D’avant-garde, ou dernier vestige d’un régime impérial voué à l’effondrement ? On pourra, de façon plus large, réfléchir à la rémanence du souvenir de Sissi dans l’évocation d’autres sorts de princesses ou de femmes (lady Di, Kate).

Les propositions d’une ½ page environ sont attendues pour le 31 janvier 2025 et à envoyer à

 corinne.francois@u-bourgogne.fr et florence.vinas@univ-montp3.fr

Réponse sera donnée pour le 28 février 2025, pour un rendu d’article au 30 septembre 2025.

La parution est prévue en 2026.