Actualité
Appels à contributions
D'un amalgame : études de genre et littérature comparée

D'un amalgame : études de genre et littérature comparée

Publié le par Aurore Turbiau

Organisation :

Francesca Catalano - Doctorante (CIEL), Université de Lausanne
Valérie Cossy - Professeure associée en Gender studies (ANGL), Université de Lausanne
Aurore Turbiau - Première assistante (CIEL), Université de Lausanne

Organisé au sein du Centre Interdisciplinaire d’Études des Littératures (CIEL), les 19-20 juin 2025 à l’Université de Lausanne, ce colloque comparatiste prend pour objet l’étude des rapports qui mettent en dialogue deux domaines scientifiques, à savoir : les études de genre et la littérature comparée. Ce colloque sera adossé à un atelier organisé dans le cadre de l’ASLGC (Association Suisse de Littérature Générale et Comparée) quant à lui destiné spécifiquement aux doctorant⋅x⋅es suisses dans le but de fournir un lieu et un espace d’échange au sujet de l’interdisciplinarité entre la littérature comparée et les études de genre. Pour plus d’informations : https://www.unil.ch/ciel/fr/home/news.html?actunilParam=events ; https://www.sagw.ch/fr/sgavl/.

L’argument ci-dessous est une version condensée de la problématisation proposée pour cet appel ; vous en trouverez la version intégrale, avec la bibliographie, sur le site du CIEL : https://news.unil.ch/display/1729000292405.

***

Le titre de l’événement se veut provocateur : il suscitera désaccords et discussions, que nous appelons de nos vœux. D’une part, il s’agit d’établir un constat : il existe des liens historiques, voire fondateurs, entre la discipline  littéraire et les études de genre, et ceux-ci sont souvent créés à partir d’une démarche comparatiste – que le terme soit explicitement posé ou non. D’autre part, il s’agit de questionner l’habitude qui semble avoir été prise peu à peu, en domaine littéraire et peut-être particulièrement dans le contexte français, d’assimiler les terrains du genre et ceux de la comparée : ainsi n’est-ce pas régulièrement, désormais, que les demandes d’encadrement de mémoires “genre” en littérature y sont adressées aux enseignant⋅x⋅es comparatistes ? Inversement, les chercheur⋅x⋅ses en littérature et études de genre, en France surtout là encore, ne constatent-iels pas qu’iels sont vite supposé⋅x⋅es comparatistes par les collègues qui les connaissent mal, parfois en dépit de leurs rattachements pourtant très clairs à d’autres disciplines littéraires ? Sur ce point, les différences entre traditions universitaires nationales seront à interroger : en Suisse romande ou au Québec par exemple, ces constats paraissent moins vrais, dans la mesure où le statut disciplinaire du comparatisme pèse bien moins sur l’organisation institutionnelle de la recherche qu’en France. Mais partout, il semble qu’il y ait une différence entre la réalité statistique d’études de genre littéraires majoritairement menées dans des sections de littérature et de langue francophones, germanophones, hispanophones, etc., et les projections qui sont faites lorsque le rattachement réel du ou de la spécialiste en genre est inconnu : nous soulignons une disproportion entre la fréquence du présupposé comparatiste et la réalité statistique des rattachements.

Plusieurs hypothèses se présentent rapidement pour expliquer cet amalgame. Il peut être lié à la nature transdisciplinaire des études de genre ; de larges pans de la discipline comparatiste travaillent précisément les enjeux, implications et bénéfices, pour la critique et la théorie littéraires, de l’interdisciplinarité. Le caractère largement international de l’histoire des féminismes, des mouvements LGBT ou queer et des autres luttes de classe liées à celle du genre (antiracismes, écologie, etc.), sur lesquelles se sont construits les terrains universitaires de recherche sur le genre, sont un autre facteur d’explication. Il faut, en genre comme en comparée, et en dépit des difficultés multiples que cela représente, à la fois diversifier et décentrer, à la fois re-confirmer l’importance critique des méthodes comparatistes pour traiter de cultures et mouvements transnationaux, sans ni les essentialiser, ni réduire la singularité de leurs ancrages contextuels. En outre, certains objets sont historiquement communs au genre et à la comparée : il en va ainsi pour les terrains des études culturelles, qui sont traditionnellement interdisciplinaires et multimédiatiques, souvent comparatistes d’un point de vue géo-linguistique par surcroît, et qui sont toujours particulièrement féconds pour comprendre les enjeux du genre en littérature. D’aucun⋅x⋅es avancent aussi l’idée – contestée par ailleurs – que la discipline comparatiste serait naturellement encline à accueillir des travaux politiquement engagés. Le genre peut apparaître comme l’un des ferments de mise en évidence de cette nature éthique et politique de la comparée. Enfin, le rapprochement récurrent entre genre et comparée peut être dû au facteur commun d’une relative minorisation au sein des départements d’études littéraires, question non seulement disciplinaire mais aussi institutionnelle. Les études comparatistes et les études de genre représentent deux domaines de recherche dont l’importance transversale et internationale est à la fois bien reconnue et mal traduite en termes matériels, puisqu’ils restent la plupart du temps minoritaires en nombre et moyens par rapport aux sections réservées aux langues et littératures nationales. 

Pourtant, si le genre est parfois assimilé à un domaine de la littérature comparée, la comparée n’est pas, elle, identifiée comme un domaine particulièrement structuré par le genre. En dehors du fait que certaines des réticences les plus vivement formulées envers les études de genre sont parfois formulées au sein de contextes comparatistes, il est parfois remarqué que les catégories d’analyse du genre peuvent contribuer à fausser, en les homogénéisant, les approches comparées de l’histoire littéraire. On observe que les recueils qui se consacrent à une réflexion sur ce qu’est la discipline comparatiste ménagent assez rarement une vraie place aux études de genre. 

On voudrait alors construire ce colloque de manière à prolonger le travail de celleux qui se sont emparé⋅x⋅es explicitement, parfois depuis longtemps, de cet amalgame paradoxal – variable, surprenant, unilatéral – entre genre et comparée en domaine littéraire. Les questionnements quant à la proximité des deux domaines ne sont pas nouveaux. Il est temps de réactiver ces questions, de prendre à bras le corps cette lâche proximité qui interroge, pour un état des lieux actualisé.

***

Pistes (non exhaustives) pour les propositions de communication :

  • Pertinence ou désaccord avec cette idée d’amalgame : variations selon les traditions de recherche et d’enseignement locales et nationales, comparaison des comparatismes.
  • Passés, présents et avenirs comparatistes du genre. Histoire des liens entre les disciplines littéraires et les études de genre ; bibliographies, généalogies.
  • Trio comparée - interdisciplinarité - genre : quelles convergences, quelles difficultés méthodologiques ?
  • Jeux d’échelles : genre et catégories de la littérature “mondiale” ; enjeux continentaux ou transnationaux du genre ; impasses ou bénéfices méthodologiques du comparatisme face aux enjeux croisés du genre et du décolonial.
  • Politiques de la littérature comparée : peut-on parler d’une politique de la littérature comparée comme on parle de politiques de la littérature ?
  • Genres du genre et généralités du genre : le genre est-il (et comment) une question “générale” (dans la littérature générale et comparée) ?
  • Enseignements du genre en littérature comparée ; “diriger” des recherches en études de genre.

Toutes les propositions sont bien sûr bienvenues, cette liste n’étant pas définitive.

La version intégrale de cet appel, avec sa bibliographie, se trouve sur le site du CIEL : https://news.unil.ch/display/1729000292405.

***
Les propositions de communication attendues compteront environ 500 mots (espaces compris, hors bibliographie) ; elles seront accompagnées d’une notice bio-bibliographique. Le français est privilégié comme langue de communication, mais les contributions peuvent aussi être proposées et prononcées en anglais, en italien ou en allemand.

Vous pouvez les envoyer avant le 13 janvier 2025, aux adresses suivantes : francesca.catalano@unil.ch et aurore.turbiau@unil.ch

Certains frais pourront être pris en charge par l’UNIL; en cas de contrainte particulière, vous pouvez nous le signaler. Les frais de la première journée concernant les doctorant⋅es qui participeront à l’atelier ASLGC seront pris en charge.

Comité scientifique : 
Hans-Georg Von Arburg, Université de Lausanne
Alain Ausoni, Université de Lausanne
Céline Berdaguer, Université de Genève
Romain Bionda, Université de Lausanne
Gabriela Cordone, Université de Lausanne
Sophie Jaussi, Université de Fribourg
Marie Kondrat, Université de Lausanne
Joëlle Légeret, Université de Lausanne
Irène Le Roy-Ladurie, Université de Lausanne
Hélène Martinelli, ENS Lyon
Danielle Perrot-Corpet, Sorbonne Université
Marie Rosier, Université de Lausanne
Anne-Frédérique Schäpfler, Université de Fribourg
Anne Tomiche, Sorbonne Université
Marie-Jeanne Zenetti, Université Lumière Lyon 2