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Votre cœur greffé en moi : quand la rencontre se fait littéraire. XVIIe édition du colloque annuel de l'ADELFIES (McGill)

Votre cœur greffé en moi : quand la rencontre se fait littéraire. XVIIe édition du colloque annuel de l'ADELFIES (McGill)

Publié le par Marc Escola (Source : Amélie Ducharme)

Votre cœur greffé en moi : quand la rencontre se fait littéraire — XVIIe édition du colloque annuel de l'ADELFIES (McGill) 

« votre cœur est greffé en moi / [...] le mien est en vous également » (Christine de Pizan) 

Résumant à eux seuls le propos des Cent ballades d’amant et de dame, ces deux vers posent des mots sur le sentiment amoureux qui permet de connaître intimement une personne, de partager ses peines, d’éprouver ses moindres états d’âme. Ces vers évoquent pour nous compassion et vulnérabilité, la rencontre dans ce qu’elle a de plus fusionnel. Aller vers l’autre, c’est y laisser sa trace. C’est aussi d’admirer en soi celle qu’autrui a su déposer. 

L’époque contemporaine semble obsédée par cette question de proximité dans les rapports sociaux, par « la richesse et la pluralité des attachements, leur dimension affective et émotive » (Gefen et Laugier). Alors que naissent les théories sur l’éthique du care et le pouvoir de la sollicitude (Gilligan), on ne cesse de rappeler le rôle majeur que jouent l’écoute et l’empathie dans le maintien du lien à l’autre et de la solidarité au sein des communautés (Gefen et Laugier). Cet égard pour la sensibilité et la dignité d’autrui affecte la production littéraire des dernières décennies au point de lui donner une dimension éminemment « relationnelle », ainsi que nous le confirme Dominique Viart en affirmant que « la littérature contemporaine est une littérature en relation, largement ouverte autour d'elle à d'autres champs, d'autres disciplines, d'autres périodes, d'autres esthétiques, d'autres littératures, d'autres arts, et même à d'autres discours sociaux, soit qu'elle s'en empare, soit qu'elle en joue [...], soit qu'elle les mette à l'épreuve de sa critique [...]. » Si les œuvres d’aujourd’hui sont symptomatiques de ce désir de rencontre, de réciprocité et d’échange, c’est qu’elles découlent d’une tendance à vouloir « favoriser notre propension à l'empathie, corriger les traumatismes de la mémoire individuelle ou du tissu social » (Gefen). 

Alexandre Gefen et Sandra Longier voient, en l’espace de la rencontre, les « fils de ce qui constitue la texture sensible — langagière, éthique, sociale, affective — de l’ordinaire » (Gefen et Laugier). Les littératures contemporaines sont modulées par ce fort besoin d’entretenir les liens interpersonnels. Chez Annie Ernaux, c’est l’empathie qui se dégage du rapport entre les différentes classes sociales. Dans l’autofiction et les récits de filiation — genre contemporain s’il en est —, il règne un devoir de mémoire envers les subjectivités qu’on refuse d’oublier. Avec des œuvres comme Kukum de Michel Jean ou Shuni de Naomi Fontaine, c’est plutôt l’ouverture sur le monde qui appelle à un dialogue interculturel. De même, il n’est plus surprenant de voir s’immiscer des disciplines autres (scientifiques, culturelles et/ou sociales) dans un texte littéraire; la sociologie, les gender studies et l’écologie ne sont que très peu d’exemples de ce phénomène. 

La rencontre habite également les œuvres qui en citent d’autres pour mieux s’y lier — pensons à Proust, roman familial de Laure Murat, à Renart le Contrefait, roman français du XIVe siècle venu parodier le canonique Roman de Renart, ou encore à Que notre joie demeure de Kev Lambert, dont le titre fait référence à Soifs de Marie-Claire Blais. Depuis toujours, la littérature se nourrit d’échos, de références et de clins d'œil; elle part, pour ainsi dire, à la rencontre de ses prédécesseurs. On se souvient d’Annie Ernaux « se rêvant en Mylène Demongeot et Simone de Beauvoir», d’Alfred de Musset s’étant défendu d’avoir plagié Lord Byron : « Il faut être ignorant comme un maître d’école / Pour se flatter de dire une seule parole / Que personne ici-bas n’ait pu dire avant vous. / C’est imiter quelqu’un que de planter des choux. » Ne l’oublions pas : tout·e écrivain·e est avant tout un·e lecteur·rice, et sa rencontre avec les mots d’autrui contribue à solidifier sa propre plume. 

La rencontre littéraire permet le remaniement de formes anciennes à une époque tardive — c’est le cas du conte, largement repris aujourd’hui — ou encore le mélange de plusieurs formes d’art au sein d’une même œuvre — tel qu’en témoigne, notamment, la popularité actuelle que connaissent les ouvrages à dimension graphique (livre-photo, BD, roman graphique, livre illustré...). La littérature peut donner lieu à des formes hybrides où se rencontrent les genres (essai poétique, roman autobiographique, fiction reportage...), mais aussi à des collaborations où se rencontrent les pair·e·s dans un esprit de partage (collectifs d’essais ou de nouvelles, enseignement à deux, traduction d’une œuvre...). 

La dix-septième édition du colloque de l’ADELFIES s’intéressera aux rapports qu'entretient la littérature avec la notion de rencontre, laquelle permet d'interroger le fond ou la forme des œuvres, mais aussi l'interdisciplinarité croissante des approches en études littéraires. Nous vous proposons de réfléchir aux multiples exemples littéraires qui témoignent d’une certaine forme de rencontre, quelle qu’elle soit et peu importe l’époque dans laquelle elle s’inscrit. 

Voici donc la liste non exhaustive des axes de recherche suggérés : 

  • La rencontre au niveau thématique, par exemple :
    • la rencontre amoureuse comme topos littéraire, avec la scène du premier regard (celle de Monsieur de Nemours et Madame de Clèves dans La princesse de Clèves, d'Ariane et Solal dans Belle du Seigneur);
    • la rencontre décevante (entre l’écrivain Bergotte et le narrateur proustien, par exemple);
    • l’importance formatrice du lien à l’autre;
    • la rencontre avec un lieu, ou encore avec soi-même dans les genres autobiographiques... 
  • La rencontre au niveau formel, par exemple :
    • le mélange des genres (autofiction, roman en vers, littérature documentaire, autothéorie...);
    • l’hybridité stylistique;
    • la juxtaposition répétée de certains mots... 
  • La rencontre au niveau interdisciplinaire, par exemple :
    • l’intermédialité et l’insertion d’autres formes d’art en littérature (comme la photographie chez André Breton et Sophie Calle, la musique chez Zviane, le dessin chez Marjane Satrapi...);
    • l’interdisciplinarité (comme la sociologie chez Annie Ernaux, les études féministes chez Virginie Despentes, la peinture chez Baudelaire et Proust...). 
  • La rencontre intertextuelle, par exemple :
    • l’observation d’échos entre deux auteur·rice·s (qu’il s’agisse de références explicites ou de clins d’œil subtils);
    • une tradition littéraire revisitée;
    • la modernisation d’un mythe antique;
    • l’exploration d’une époque révolue en littérature historique. 
  • La rencontre au niveau du lectorat, par exemple :
    • la tradition du salon littéraire (et ses versions modernes, sous la forme d’espaces de discussion, tels que les Salons du livre);
    • les plateformes et applications servant à compiler ses lectures et à en faire la critique (Goodreads, StoryGraph, Quialu...);
    • le partage de recommandations littéraires sur des réseaux sociaux comme TikTok et Instagram, donnant lieu aux expressions #booktok et #bookstagram. 
  • La rencontre au niveau collaboratif, par exemple :
    • l’écriture à quatre mains (c’était le cas des Frères Goncourt);
    • travailler de pair avec nos collègues afin de rapprocher nos recherches respectives en trouvant des points de tension et de similarité;
    • développer une amitié entre deux domaines d’expertise. 

N’hésitez pas à sortir des sentiers battus en proposant des communications qui envisagent la rencontre littéraire d’une manière originale, sans nécessairement vous borner aux quelques pistes de réflexion que nous lançons ci-haut! 

Les étudiant·e·s de littérature, de traduction et de création littéraire aux cycles supérieurs et dont les recherches (ou les intérêts !) s’inscrivent dans le thème du colloque sont invité·e·s à nous soumettre un descriptif de communication. Faites-nous parvenir votre proposition d’un maximum de 250 mots ainsi qu’une brève notice biographique à l’adresse colloque.adelfies@gmail.com d’ici le 10 janvier 2025. 

L’événement se tiendra sur le campus de l’Université McGill en mode hybride et en conformité avec les normes sanitaires en vigueur en date de l’événement, soit le 28 mars 2025. Les communications, d’une durée maximale de 20 minutes, seront suivies d’une période de questions commune à chaque fin de panel. Veuillez nous indiquer, au moment de l’envoi de votre proposition, s’il vous serait nécessaire ou préférable d’effectuer votre présentation à distance. 

Comme il s’agit d’un colloque étudiant, veuillez noter que nous n'avons pas les fonds nécessaires pour rembourser vos déplacements ou votre hébergement. Nous vous invitons à vous informer auprès de votre établissement concernant les possibilités de financement qui s’offrent à vous. 

Dans le but de rendre cet événement aussi accessible que possible, nous vous invitons à communiquer avec le comité organisateur si vous avez des questions concernant l’accessibilité au colloque ou si vous avez besoin d’accommodements. 

 

CALENDRIER PROVISOIRE

  • 10 janvier 2025 : Date limite pour la réception des propositions de communication 
  • Fin janvier 2025 : Annonce des communications retenues pour le colloque
  • 26 mars 2025 : Date limite pour la réception des supports visuels envoyés par les participant·e·s
  • 28 mars 2025 : Journée dédiée au colloque de l’ADELFIES 
     

COMITÉ SCIENTIFIQUE et ORGANISATEUR 

  • Elise Chaix (Université McGill, DLTC, maîtrise)
  • Marie Chartrand-Caulet (Université McGill, DLTC, doctorat)
  • Amélie Ducharme (Université McGill, DLTC, maîtrise)
  • Madeline Tessier (Université McGill, DLTC, doctorat) 
     

QUI SOMMES-NOUS ? 

Fondée en 1989, l'Association des étudiant·e·s en langue et littérature françaises inscrit·e·s aux études supérieures de l'Université McGill (ADELFIES) représente les étudiant·e·s de 2e et 3e cycles auprès du Département des littératures de langue française, de traduction et de création (DLTC), du Décanat des études supérieures et postdoctorales, de la « Post Graduate Students' Society » et de l'administration de l'Université McGill. 

Tout·e étudiant·e du DLTC de l’Université McGill inscrit∙e au 2e ou au 3e cycle est considéré·e comme étant membre de l'ADELFIES, sauf avis contraire. L'ADELFIES a été créée non seulement pour être le porte-parole officiel des étudiant·e·s, mais également afin de promouvoir les rencontres entre étudiant·e·s, les discussions, les échanges intellectuels et amicaux grâce à des réunions, des conférences et des soirées organisées. 

L'élection du Comité exécutif a lieu au mois de septembre de chaque année universitaire lors d'une assemblée générale. Les mandats sont renouvelables. 

 

CRÉDITS

logo & illustrations : Annabelle Brazeau (@annabelle.brazeau)
graphisme & mise en page : Amélie Ducharme (@ame.ducharme) 
 

BIBLIOGRAPHIE 

Blais, Marie-Claire, Soifs, Paris, Éditions du Seuil, 1996.

Christine de Pizan, « Ballade 32 », dans Cent ballades d’amant et de dame (éd./trad. Jacqueline Cerquiglini-Toulet), Paris, Gallimard, 2019. 

De Musset, Alfred, « Namouna », dans Premières Poésies. Poésies nouvelles, Paris, Gallimard, 1976 [1863]. 

Descombes, Vincent, « Qu’est-ce qu’être contemporain ? », dans Le Genre humain, Paris, Seuil, coll. « Actualités du contemporain », 2000. 

Ernaux, Annie, Les Années, Paris, Gallimard, 2008. Fontaine, Naomi, Shuni, Montréal, Mémoire d’encrier, 2019. 

Gefen, Alexandre, Réparer le monde : la littérature française face au XXIe siècle, Paris, Éditions Corti, 2017. 

Gefen, Alexandre et Sandra Laugier (dir.), Le pouvoir des liens faibles, Paris, CNRS Éditions, 2020. 

Gilligan, Carol, In a Different Voice : Psychological Theory and Women's Development, Boston, Harvard University Press, 1982. 

Jean, Michel, Kukum, Montréal, Libre Expression, 2019. 

Lambert, Kev, Que notre joie demeure, Montréal, Héliotrope, 2022. 

Moiroux, Anne et Kirsten Wolfs, « Éléments de bibliographie raisonnée », Le texte hybride (dir. Dominique Budor et Walter Geerts), Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2004, https://doi.org/10.4000/books.psn.10094

Murat, Laure, Proust, roman familial, Paris, Robert Laffont, 2023.

Renart le contrefait, d'après le manuscrit BnF fr. 1630 (éd. et trad. Corinne Pierreville), Paris, Honoré Champion, coll. « Classiques français du Moyen Âge », 2 vol., 2020. 

Le Roman de Renart (éd. et trad. Jean Dufournet), Paris, Flammarion, coll. « GF », 2 tomes, 1985. 

Viart, Dominique, « Comment nommer la littérature contemporaine? », Fabula : Atelier de théorie littéraire, 2019, https://www.fabula.org/ressources/atelier/? Comment_nommer_la_litterature_contemporaine.