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Le XVIIIe siècle et les mondes possibles (Séminaire pour les jeunes chercheurs et chercheuses dix-huitièmistes, ENS Lyon)

Le XVIIIe siècle et les mondes possibles (Séminaire pour les jeunes chercheurs et chercheuses dix-huitièmistes, ENS Lyon)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Susana Seguin)

Société Internationale d’Études du XVIIIe siècle

Séminaire pour les jeunes chercheurs et chercheuses dix-huitièmistes

30 juin – 4 juillet 2025

Appel à contributions

« Le XVIIIe siècle et les mondes possibles »

La Société Internationale d’Études du Dix-huitième Siècle (SIEDS) a le plaisir de lancer un appel à propositions pour le Séminaire international 2025 pour les jeunes chercheurs et chercheuses dix-huitièmistes. Le Séminaire réunit chaque année des représentants de plusieurs pays travaillant sur le 18e siècle, sans limite d'aire géographique, de discipline ou d'école scientifique. En 2025, la rencontre aura lieu à l’École Normale Supérieure de Lyon, du 30 juin au 4 juillet. Elle sera organisée par Sophie Audidière (Université de Bourgogne-Franche Comté, Société française d’étude du XVIIIe siècle, SFEDS) et Maria Susana Seguin (Université Montpellier III, Institut Universitaire de France, Asociación argentina de estudios del siglo dieiciocho, AAESD, et Société Française du XVIIIe siècle, SFEDS).

Cette année, le séminaire sera consacré au thème «Le XVIIIe siècle et les mondes possibles». La recherche a fait voler en éclat le mythe d’un XVIIIe siècle figé dans ses barrières d’ordre et de classe, immobile. Le XVIIIe siècle non seulement est mobile, mais il n’a cessé de dire que d’autres mondes étaient possibles, de les dire sous formes d’utopies certes mais aussi de pastorales, d’opéras, de romans politiques, de les figurer en traités, projets, architectures de papier, et même de les vivre et les construire. Ce séminaire se propose d’explorer la présence des mondes possibles dans le monde du XVIIIe siècle lui-même, présents, réellement possibles et non simplement possibles. Il interrogera les manières de les faire comme des mondes complets et complexes, aussi bien que la signification qu’ils ont pour ceux qui
les produisent.

Le XVIIIe siècle et les mondes possibles

«Mondes possibles». Nous employons cette expression d’abord comme le fait l’histoire des possibles lorsqu’elle demande «et si…?» (Quentin Deluermoz et Pierre Singaravellou, 2016). Par définition, le siècle ne sait pas où il va. Il est gros d’une polyphonie de possibles qui ont existé comme tels, qu’on a pu entendre, lire, éprouver, pratiquer et penser. L’histoire des mondes possibles du XVIIIe siècle n’est donc pas un pur jeu de l’esprit, mais une histoire enrichie de ce qui a été réellement possible, que les contemporains, racontent, conceptualisent, analysent ou rêvent, non pas dans un rapport d’extériorité ou d’étrangeté à eux-mêmes, mais comme une possibilité de leur monde présent. Il s’agit donc de les faire entendre dans l’opéra, la pastorale, ou le roman, mais aussi dans la philosophie politique, dans l’utopie narrative, dans l’économie politique, mais encore dans le carnaval, au théâtre, dans les communautés de vie… Les grandes sommes descriptives du monde présent elles-mêmes, les encyclopédies, les textes astronomiques et les histoires (des voyages, des deux Indes…) sont aussi des inventaires de mondes
possibles. Il s’agit d’inscrire les études dix-huitiémistes dans un courant qui a traversé depuis plusieurs décennies plusieurs disciplines (sociologie, histoire, philosophie, littérature et esthétique), et qui a redonné à ces différentes disciplines leur dimension critique, précisément grâce à la centralité donnée à
la notion de possible.

On formule l’hypothèse selon laquelle la prolifération des mondes possibles est une manière de mettre en scène dans un dispositif éminemment concret une catégorie phare de la pensée du XVIIIe siècle: la critique (Bertrand Binoche, 2018). Il s’agira donc de retrouver comment les hommes et les femmes produisent eux-mêmes cette critique sous la forme des mondes possibles. Le pluriel est important: s’il y a des mondes possibles, c’est qu’un monde possible dit toujours la nature intrinsèquement relative d’un monde à d’autres mondes. 

On s’attachera à un travail de réflexion collective sur ce que c’est qu’un monde, c’est-à-dire non un segment de la vie humaine, mais un monde au sens plein. À titre d’hypothèse, un monde doit être viable et vivable, à rebours des projections d’êtres artificiels, éternels, affranchis des vicissitudes du changement, tel le Leviathan. Penser à l’échelle d’un monde impose également de définir les mondes possibles par rapport aux utopies, car la catégorie stable d’utopie narrative (Racault 1991, 2003, 2010, 2020) n’est pas adéquate pour toutes les expressions de mondes possibles, fussent-elles littéraires. Le monde possible pose également une question ontologique et impose de penser le possible par différence avec le fantasmagorique. Enfin, la possibilité en question n’est peut-être pas celle du progrès (a fortiori
pas celle du Progrès), du perfectionnement ni de la perfectibilité, mais elle a quoi qu’il en soit partie liée avec les savoirs et les sciences. La floraison des mondes possibles, par ailleurs livre le politique à l’imagination comme autant de lieux de recherche expérimentale ancrés dans le réel. Ainsi, l’imagination s’approprie-t-elle, par exemple, l’expérience coloniale. Les mondes possibles sont par exemple une Chine du XVIIIe siècle qui aurait eu plus de mines de charbon (Kenneth Pomeranz, 2006, 2009) ou un monde dans lequel la fuite à Varennes a réussi (Mona Ozouf, 2005). Ainsi la question des mondes possibles englobe -t-elle celle des uchronies, à la fois comme genre littéraire et comme méthodologie.

Le séminaire proposé sera donc nécessairement interdisciplinaire. Il visera à faire valoir les incertitudes, les discontinuités, à dénaturaliser l’histoire, à desserrer la téléologie, aussi bien qu’à creuser les puissances de l’imagination et des fictions, non seulement dans les textes littéraires, mais encore dans les savoirs, les expériences et les théories.

Sans doute l’histoire aura-t-elle ici à faire avec la fiction, la politique avec l’imagination, les pratiques avec la poétique et la néologie, la philosophie avec les jeux, l’uchronie avec la cartographie des confins, et les sciences ou la philosophie avec d’autres régimes discursifs que celui de la causalité.

Axes suggérés

1. Les mondes possibles et la critique: les mondes possibles sont-il une forme, non mélancolique, de la critique? Peuvent-ils être des pratiques émancipatrices?

2. L’histoire des possibles (alternative, ou contrefactuelle) a fait de la question du colonialisme et de l’esclavagisme ses terrains d’enquête privilégiés. Qu’est-ce que les études littéraires, philosophiques, artistiques, peuvent apporter sur cette question? De la même façon, qu’en est-il de l’hypothèse de mondes possibles «féminins» (et non des mondes de femmes)? Que faire ici de la catégorie de la «littérature réparatrice»?

3. Le statut des mondes possibles: générer des mondes possibles, est-ce actualiser une possibilité réelle du présent (une potentialité), éventuellement porteuse du passé voire reliée à lui d’une façon dialectique? Est-ce inventer? Quel est le statut et l’ontologie de ces productions?

4. Les manières de générer et de rater des mondes: y a-t-il une poétique des mondes possibles ? En quoi les pratiques savantes et les pratiques scientifiques relèvent-elles d’une production méthodique de monde possible? Quelle est l’effectivité de l’irréalité dans la recherche expérimentale? Il est enfin des «mondes estropiés, manqués» (Diderot): quelle part faire à ce ratage productif, au fait que les mondes se font mais aussi bien se défont et se dispersent sous les yeux même de ceux qui les découvrent ou les inventent?

Soumission des propositions

Le séminaire est limité à 12 participants. Les propositions doivent être fondées sur un projet de recherche original. La préférence sera donnée aux chercheurs au début de leur carrière académique (fin de Doctorat, ou Doctorat-PhD ou équivalent obtenu depuis moins de six ans). Les langues officielles sont le français et l’anglais. Une connaissance (passive) des deux langues est indispensable.

Les candidatures doivent comprendre les informations suivantes:

- un bref Curriculum Vitae avec la date d’obtention du Doctorat (ou équivalent) ou la date de soutenance envisagée
- une liste des principales publications et présentations savantes
- une brève description de la communication proposée (environ une page, interligne simple)
- une lettre de recommandation confidentielle (envoyée séparément par le recommandataire).

Date limite de soumission des candidatures : 30 janvier 2025.

Les candidatures doivent être envoyées par voie électronique, avec la proposition et le CV en pièce
jointe, aux deux adresses suivantes:
sophie.audidiere@u-bourgogne.fr
susana.seguin@ens-lyon.fr

Voyage et hébergement

Les participants se verront offrir un remboursement des frais de voyage à hauteur de 400 euros chacun et chacune (600€ pour les candidats et les candidates extra-européens)  pour faciliter leur participation au Séminaire.
Les frais d’hébergement seront pris en charge par l’organisation. Les repas seront servis sur place ou à proximité des lieux de réunion.

Programme

Le programme comprendra des conférences principales, la présentation des projets d’article par les participants, la lecture critique d’une bibliographie choisie et des rencontres avec la communauté universitaire. Des visites d’institutions patrimoniales et des excursions sont également prévues au programme.

Présentations des communications

Chacun des 12 intervenants est invité à faire une présentation de 30/45 minutes, suivie de 20 minutes de discussion avec les autres participants et avec les organisateurs. Les présentations Powerpoint sont les bienvenues. Les participants pourront envoyer, s’ils le souhaitent, la version écrite de leur présentation
à l’avance pour diffusion entre les participants. La bibliographie critique discutée lors du séminaire sera communiquée 6 à 4 semaines à l’avance pour permettre aux participants d’en prendre connaissance avec anticipation. Chaque participant pourra également être sollicité pour présider une autre session afin de consolider ses
compétences d’animation de la recherche.

Publication

Comme chaque année, les communications du Séminaire seront publiées par l’éditeur Honoré Champion (Paris) dans la collection «Lumières internationales».