
Actualités des récits d'inceste (1986-2025). Enjeux génériques, médiatiques et éthiques (Strasbourg)
Actualités des récits d’inceste (1986-2025)
Enjeux génériques, médiatiques et éthiques
Journée d’études organisée le 10 juin 2025
par l’Institut Thématique Interdisciplinaire Lethica (littératures, éthique, arts)
(Université de Strasbourg)
Depuis la parution de La Familia Grande de Camille Kouchner en janvier 2021, les récits d’inceste se sont multipliés en librairie, qu’on pense entre autres au Voyage dans l’Est de Christine Angot (Flammarion, août 2021) et à Triste Tigre de Neige Sinno (P.O.L, 2023). L’année 2024 à elle seule a été particulièrement prolifique dans l’espace français et francophone. Pour ne citer que quelques exemples, on recense le roman de l’écrivain malgache Johary Ravaloson, Tribunal des cailloux (Dodo vole, février 2024), le témoignage de l’actrice Vahina Giocante, À corps ouvert (Robert Laffont, mars 2024), l’essai De grandes dents. Enquête sur un petit malentendu (La Découverte, août 2024) de Lucile Novat, qui propose, dans le corps du texte, une révision du Petit Chaperon rouge accompagnée, en notes de bas de page, d’un récit intime, le roman poétique Tout brûler de Lucile de Pesloüan (La ville brûle, septembre 2024) et la bande-dessinée autobiographique Ce que Cécile sait. Journal de sortie d’inceste de Cécile Cée (Marabout, septembre 2024). À cette liste, on pourrait ajouter le documentaire réalisé par Christine Angot, Une famille (mars 2024, Nour Films), qui poursuit par bien des aspects son œuvre.
Si l’on assiste ces dernières années à une indéniable prolifération des récits d’inceste dans le champ littéraire et médiatique, ce phénomène s’inscrit toutefois dans une temporalité plus ancienne, qui pourrait remonter à la publication du Viol du silence d’Eva Thomas[1] (Aubier-Montaigne, 1986), première femme à avoir témoigné à visage découvert le 2 septembre 1986 sur le plateau d’Antenne 2, dans l’émission Les Dossiers de l’écran. Comme l’ont montré les travaux d’Anne-Claude Ambroise-Rendu[2], sous l’impulsion des médias, une place se crée dans le débat public pour recevoir la parole des victimes, non sans une forme de voyeurisme et de violence, manifestes lors de l’interview de Christine Angot, venue présenter L’Inceste (Stock, 1999) chez Thierry Ardisson[3]. Le champ littéraire se fait de même le réceptacle de ces expériences. À partir des années 1990, ces récits parlent à un public rendu sensible au sort et aux souffrances des victimes, ramenées au centre du discours social et des dispositifs d’attention depuis la seconde moitié du XXe siècle, à la faveur d’une bascule majeure dans les sensibilités, à rapprocher du changement de paradigme historique étudié par Jean-Marie Apostolidès[4], Jean-Michel Chaumont[5] ou François Azouvi[6]. Quoique le motif ne soit pas nouveau sur le plan littéraire, il donne désormais lieu à des récits d’une autre facture, où l’ensemble de l’univers mental et narratif structurant l’œuvre est contaminé et modelé par l’expérience intime et sociale de l’inceste.
Cette journée d’études se propose de prendre acte de ce phénomène social, médiatique et littéraire contemporain, profondément lié aux révolutions morales ayant ponctué la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle (l’attention aux victimes et leur présence sur la scène publique, #MeToo et #MeTooInceste, la réintroduction du crime d’inceste dans le Code pénal). Depuis une perspective pluridisciplinaire, on reviendra sur près de 40 ans de récits d’inceste, en s’intéressant plus particulièrement à leurs enjeux génériques, médiatiques et éthiques.
1. Faire corp(u)s
Enjeux génériques, poétiques et stylistiques
De prime abord, il peut paraître difficile de lire les récits d’inceste à partir du prisme générique, tant les étiquettes utilisées sont nombreuses, lorsque les partages entre les genres ne sont pas brouillés, refusés ou subvertis dans les textes eux-mêmes[7] : roman, récit, autobiographie, autofiction, journal, biographie romancée, récit de témoignage, récit poétique, essai, œuvre graphique… Néanmoins, si l’on glisse d’une compréhension du genre comme classification vers une « approche textuelle de la problématique générique[8] », où « il y a généricité dès que la confrontation d’un texte à son contexte littéraire (au sens vaste) fait surgir en filigrane cette sorte de trame qui lie ensemble une classe textuelle et par rapport à laquelle le texte en question s’écrit[9] », il devient possible de dégager une nébuleuse de récits qui, malgré leur affiliation générique problématique, présentent un air de famille. L’enjeu serait alors de dégager la « trame » qui les relie, sans non plus tenter de valider à tout prix l’hypothèse générique, qui pourra être infléchie (voire invalidée) au terme de la journée d’études.
En évitant les études monographiques pour privilégier les vues d’ensemble et les propositions théoriques, les communications pourront s’intéresser aux différents traits poétiques qui forment cette ossature générique : quels sont les topoï du récit d’inceste (le motif de la maison ou des vieilles photographies, qui jouent sur l’opposition entre fausse transparence de la surface exhibée et secret caché derrière les apparences) ? l’une des constantes pourrait-elle se trouver dans la critique d’anciens topoï (les Pharaons d’Égypte, le scénario zolien, « l’inceste heureux » ou « l’amour impossible »), définissant alors le récit d’inceste comme contre-récit[10] ? existe-t-il des structures créatives récurrentes, comme l’utilisation de la typographie (L’Enfant Méduse de Sylvie Germain, Grasset, 1991 ; Tout brûler de Lucile de Pesloüan, 2024) ou l’insertion de matériaux hybrides qui jouent d’un « effet de réel » ambigu (des passages soulignés du Dictionnaire de la psychanalyse d’Elisabeth Roudinesco dans L’Inceste ; des extraits d’un carnet intime dans Le Voyage dans l’Est ; des photocopies de journaux et des lettres envoyées au procureur dans Triste Tigre ; un scan du Code pénal dans La Familia Grande) ? peut-on identifier des « passages obligés », des constantes narratives (la première agression, ses suites, la fin des abus, la vie « d’après ») ? dans quelle mesure la perspective du narrateur, susceptible de produire plus ou moins de « lisibilité[11] » selon Neige Sinno, affecte-t-elle la narration des faits, qu’il s’agisse du témoin direct révélant l’histoire vue mais non vécue (La Familia Grande), du témoin indirect lancé dans une reconstitution périlleuse (Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit, JC Lattès, 2016), ou de la victime s’efforçant de se raconter contre l’amnésie traumatique[12] et la violence du souvenir (Marie Rebour, Le Bouclier de Marie, Éditions Philippe Rey, 2023) ? y a-t-il des particularités discursives (la réflexivité pronominale ; l’interpellation de narrataires – agresseur, complice, mère, lecteur ; le métadiscours hypertrophié, pour faire état d’hésitations factuelles, linguistiques, narratives et éthiques) ? et que traduisent-elles des conséquences psychiques, mémorielles et identitaires de l’inceste ? quels usages (narratifs, citationnels, polémiques, ironiques) ces récits font-ils des sciences humaines, sociales et juridiques, en particulier de la psychanalyse, de l’anthropologie et du droit, montrés dans leurs dysfonctionnements coupables ? Un dialogue interdisciplinaire, soucieux de penser en regard l’usage et l’apport de ces textes dans d’autres champs de recherche[13], sera le bienvenu.
Une attention particulière pourra être portée sur l’intertextualité et la réflexivité internes que certains de ces récits développent, en particulier dans depuis les années 2020, dans le sillage de #MeToo. En effet, dans une méfiance, voire une hostilité franchement affichée à l’égard des textes scientifiques et littéraires canoniques (la psychanalyse freudienne, les histoires qui romancent et esthétisent l’inceste), ces récits s’appuient sur d’autres savoirs, notamment militants – d’où leur parenté avec l’autotheory[14], soulignée par Iris Brey dans La Culture de l’inceste[15], piste que l’on pourrait explorer sans néanmoins s’y cantonner. Ils puisent également leurs références hors des corpus classiques, évincés au profit d’œuvres qui revendiquent une expérience en propre de l’inceste, ce qui les conduit à se lire et à se citer mutuellement. À travers une pratique foisonnante d’allusions, de citations, d’hommages, de commentaires, égrenés dans le texte, le péritexte et le paratexte, ces récits, qui investissent d’ailleurs des formes d’écriture du collectif (récits rapportés, narrations en on ou nous, collectes de témoignages[16]), s’écrivent ensemble. Faire corp(u)s est ainsi une manière d’inscrire dans l’écriture le fait que les victimes d’inceste ne sont plus seules.
2. Faire du bruit
Enjeux médiatiques et éditoriaux
Dans un billet publié sur le site de P.O.L en décembre 2023, Neige Sinno revient sur le parcours de publication de Triste Tigre, notamment sur le refus d’éditeurs convaincus qu’il n’y avait plus ni public, ni marché pour les récits d’inceste, selon eux passés de mode :
Je vais présenter mon livre à la radio, à la télévision, dans des rencontres, des librairies. C’est étrange, on m’a refusé Triste Tigre en disant qu’on avait déjà beaucoup parlé des violences faites aux enfants et que l’intérêt était retombé. Il semble au contraire qu’on n’en soit qu’au début et, au moment même où je suis invitée à prendre la parole sur le sujet de l’inceste, une tribune pour demander le maintien de la Ciivise circule dans les médias, des documentaires et des films sortent au cinéma, d’autres livres sur ce thème paraissent, des spectacles sont montés dans des théâtres, une semaine entière de rencontres et débats est organisée à Forcalquier[17].
Non seulement le succès public et critique rencontré par Triste Tigre a prouvé le contraire, mais, avant lui, les raz-de-marée médiatiques, éditoriaux et sociaux provoqués par L’Inceste ou La Familia Grande rappellent que les récits d’inceste suscitent rarement l’indifférence, mais ont au contraire tendance à faire du bruit, pour le pire (voyeurisme, surexposition médiatique, marketing basé sur le scandale), mais aussi peut-être le meilleur (la mobilisation, le partage des expériences, la mise en place, après le choc, de nouveaux dispositifs).
La journée d’études reviendra sur les relations entre les récits d’inceste et les circuits médiatiques et éditoriaux, en insistant sur la complexité et la diversité des échanges. En suivant l’évolution des médias entre la fin du XXe siècle (dominé par la télévision et la radio) et le XXIe siècle (l’essor des réseaux sociaux, la popularité du podcast), on pourra par exemple s’intéresser aux formes prises par la médiatisation des récits d’inceste dans un système dominé par la figure de l’auteur. En croisant la réflexion médiatique à la piste générique, on pourra se demander ce que l’élaboration du genre doit au phénomène médiatique : l’effet de genre n’est-il qu’un coup de « bluff médiatique[18] » ? que fait #MeTooInceste à la littérature, pour reprendre une expression de Marie-Jeanne Zenetti[19] ? Inversement, on pourra s’intéresser à la façon dont la littérature s’empare du fait médiatique (adaptation de faits divers[20], thématisation des médias dans l’œuvre[21], mention de procès ou d’affaires médiatisés, comme Outreau, etc.).
Cet exemple souligne l’importance d’une réflexion transmédiale : il n’est pas rare que des textes soient issus d’un travail antérieur, mené sur d’autres supports, comme Ou peut-être une nuit de Charlotte Pudlowski (Grasset, 2021), à l’initiative d’une série de podcasts (Louie Media), ou Ce que Cécile sait. Journal d’une sortie d’inceste de Cécile Cée (Marabout, 2024), militante active sur Instagram. Ces transferts invitent à interroger la place et la fonction d’une publication papier dans une entreprise menée sur plusieurs supports et adressée à différents publics. À l’ère des réseaux sociaux, on pourra également interroger les circulations entre le livre et les posts, qui permettent de créer des effets de continuité, mais aussi de mobiliser la communauté en ligne, une fois la publication passée.
D’un point de vue éditorial, pourront être questionnées les stratégies éditoriales des auteurs et autrices, qui publient tantôt dans de grandes maisons (Seuil, Grasset, Flammarion, P.O.L, Gallimard), tantôt chez des éditeurs plus confidentiels (La ville brûle, Marabout, Philippe Rey). Il ne sera pas inintéressant de revenir sur les logiques de réédition, concomitantes aux révolutions morales, comme #MeTooInceste, qui a permis la réédition en 2021 sous format poche de textes épuisés. L’attribution de prix littéraires (le Médicis pour La Porte du fond de Christiane Rochefort en 1988 et Le Voyage dans l’Est de Christine Angot en 2021, le Femina pour Triste Tigre en 2023), ainsi que leur non-attribution (les controverses autour de L’Inceste, sur la liste du Femina, et de Triste Tigre, pressenti pour le Goncourt, mais finalement écarté), pourront également faire l’objet de communications orientées du côté de la sociologie de la littérature. En plus de renseigner sur les tendances du champ littéraire, ces prix sont un bon indicateur du degré de légitimité institutionnelle de certaines œuvres, dont la dimension littéraire est reconnue, par-delà leur sujet.
3. Faire cas
Enjeux éthiques et sociaux
D’après le dossier réalisé par Henriette Zoughebi avec la collaboration de Florence Schreiber, « La littérature pour penser les violences sexuelles fautes aux enfants », adjoint au rapport de la Ciivise paru en novembre 2023, la littérature en général et les récits d’inceste en particulier remplissent une mission sociale :
permettre de penser les violences à travers le langage, de faire ressentir par la fiction et le récit ce qu’elles représentent pour la personne agressée, de mesurer les effets destructeurs de la prise de pouvoir de la part de l’agresseur sur le corps de l’enfant victime, de comprendre les stratégies de domination[22].
Éminemment sensible[23], ce sujet de société conduit les récits sur le terrain de l’éthique, voire de la politique, la frontière entre littérature et militantisme pouvant s’estomper. La journée d’études s’intéressera ainsi à l’éclairage que ces récits peuvent apporter sur l’inceste, mais aussi aux tensions et aux problèmes éthiques soulevés par la mise en forme et en mots.
Les communications pourront interroger la validité et les limites d’une fonction révélatrice, réparatrice et thérapeutique, proche des éthiques et des poétiques du care[24], attribuée aux récits d’inceste, à partir de l’étude de leur réception (théorique ou empirique). Les approches didactiques et bibliothérapeutiques[25] seront également les bienvenues. Face à des scènes d’une violence parfois insoutenable, comment la mise en place d’une expérience de lecture négative (ou littérature feel bad[26]), faite de malaise, de dégoût mais aussi de culpabilité (celle de faire partie de celles et ceux qui n’ont rien vu et su, ou peut-être même voulu voir et savoir de l’inceste), participe-t-elle d’une éthique, en ce qu’elle pousse, contre le déni et la complicité, à une révolution du regard et de l’attitude face au « système inceste[27] » ?
Du point de vue de la représentation, on pourra étudier la façon dont la question éthique est inscrite dans ces récits. Même si ceux-ci ironisent sur le dicton « Laver son linge sale en famille » pour critiquer les logiques de secret qui maintiennent l’inceste dans le silence, ils n’en demeurent pas moins conscients du fait que leur désir de transparence expose la vie privée, la leur comme celle de leurs proches, ce qui peut conduire à des silences pudiques[28]. La narration peut dès lors susciter des réticences éthiques, a fortiori lorsqu’il s’agit d’écrire l’histoire d’autrui, comme l’expose Delphine de Vigan à propos de sa mère[29]. La langue elle-même devient affaire d’éthique, parce qu’à travers elle se joue tout un rapport au monde, aux victimes et aux agresseurs, comme l’expose Sophie Chauveau dans La Fabrique des pervers[30] (Gallimard, 2016). L’inscription d’un lecteur virtuel, à travers sa réception, ses affects et ses interprétations présumés, indique que ces textes anticipent les implications éthiques de l’expérience de lecture, qui court le risque de faire violence au lecteur[31] comme à l’auteur[32].
En somme, ce que cette journée d’études entend montrer, c’est la capacité de ces récits à faire cas, pour repenser les fondements d’une société où l’inceste reste la norme : l’expérience de pensée délivrée par chaque récit singulier, et amplifiée par l’effet-genre, donne une forme sensible au « trauma collectif[33] » qu’est l’inceste, de façon plus incarnée donc peut-être plus marquante que les statistiques et les campagnes de sensibilisation. Il s’agit ainsi de reconnaître à la littérature et aux études littéraires toute leur expertise et leur place dans la réflexion interdisciplinaire entamée sur l’inceste depuis une quarantaine d’années[34].
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Bibliographie (non exhaustive) des récits d’inceste en langue française publiés en France depuis 1986 (date de publication et maison d’édition d’origine) :
Angot, Christine, L’Inceste, Paris, Stock 1999.
Angot, Christine, Peau d’âne, Paris, Stock, 2003.
Angot, Christine, Une semaine de vacances, Paris, Flammarion, 2012.
Angot, Christine, Un amour impossible, Paris, Flammarion, 2015.
Angot, Christine, Le Voyage dans l’Est, Paris, Flammarion, 2021.
Cée, Cécile, Ce que Cécile sait. Journal d’une sorte d’inceste, Paris, Marabout, 2024.
Chauveau, Sophie, La Fabrique des pervers, Paris, Gallimard, 2016.
Delacourt, Grégoire, L’Enfant réparé, Paris, Grasset, 2021.
Delaval, Khadija, La Nièce du taxidermiste, Paris, Calmann Levy, 2022.
Gachet, Christian, Vie privée, Paris, Éditions Le Noyer, 2023.
Giocante, Vahina, À corps ouvert, Paris, Robert Laffont, 2024.
Jauffret, Régis, Claustria, Paris, Seuil, 2012.
Jauffret, Régis, Microfictions, Paris, Gallimard, 2007-2022, trois tomes.
Kouchner, Camille, La Familia Grande, Paris, Seuil, 2021.
Germain, Sylvie, L’Enfant Méduse, Paris, Grasset, 1991.
Mallet-Joris, Françoise, La Tristesse du cerf-volant, Paris, Flammarion, 1988.
Nimier, Marie, Petite sœur, Paris, Gallimard, 2022.
Novat, Lucile, De grandes dents. Enquête sur un petit malentendu, Paris, La Découverte, 2024.
Pesloüan, Lucile de, Tout brûler, Paris, La ville brûle, 2024.
Pingeot, Mazarine, Et la peur continue, Paris, Pocket, 2021.
Poggioli, Laura, Trois sœurs, Paris, L’Iconoclaste, 2022.
Ponti, Claude, Les Pieds Bleus, Paris, Éditions de l’Olivier, 1995.
Pudlowski, Charlotte, Ou peut-être une nuit, Paris, Grasset, 2022.
Rebour, Marie, Le Bouclier de Marie, Paris, Éditions Philippe Rey, 2023.
Rochefort, Christiane, La Porte du fond, Paris, Grasset, 1988.
Sinno, Neige, Triste Tigre, Paris, P.O.L, 2023.
Thomas, Eva, Le Viol du silence, Paris, Aubier-Montaigne, 1986.
Vigan, Delphine de, Rien ne s’oppose à la nuit, Paris, JC Lattès, 2011.
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Les propositions, d’une longueur d’environ 300 mots et accompagnées d’une biobibliographie de quelques lignes, devront être envoyées avant le 16 mars 2025 à l’adresse suivante : kathia.huynh@gmail.com. Une réponse sera donnée avant le 31 mars 2025, que la proposition soit retenue ou non. La journée d’études est ouverte à toutes et à tous : nous invitons ainsi les jeunes chercheuses et chercheurs en master et en doctorat, dont les recherches s’inscrivent dans ces axes, à envoyer leurs propositions.
Les interventions ne devront pas excéder 25 minutes. Les propositions portant sur d’autres aires géographiques et linguistiques ainsi que sur d’autres supports (théâtre, cinéma, arts plastiques, danse, etc.) pourront être reçues à condition de s’inscrire clairement dans les axes et les objets de la journée d’études, en particulier la question de l’actualité ainsi que les enjeux éthiques. Les communications interdisciplinaires, à deux voix notamment, sont vivement encouragées.
La journée d’études aura lieu le 10 juin 2025 à l’Université de Strasbourg.
La publication des actes est envisagée.
Site de Lethica : https://lethica.unistra.fr
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[1] Il n’a évidemment pas fallu attendre 1986 pour voir apparaître des récits d’inceste. En 1982, Brigitte Lozere’ch fait par exemple paraître le roman L’Intérimaire chez Julliard. Pour cette journée d’études qui s’intéresse aux enjeux génériques, médiatiques et éthiques des récits d’inceste, nous avons choisi de prendre Le Viol du silence comme point de départ en raison de la portée médiatique d’Eva Thomas, dont le témoignage et le texte auront une importance décisive dans les œuvres ultérieures.
[2] Voir à ce sujet les travaux d’Anne-Claude Ambroise-Rendu, en particulier son HDR, Une histoire des sensibilités, médias, crimes et justice XIXe-XXe siècles, sous la direction de Christian Delporte, avril 2010. Voir aussi « Briser le tabou. Du secret à la parole médiatique, le tournant des années 1970-1990 », Savoirs & Représentations, n° 42, 2016/2, p. 59-72.
[3] Une captation est disponible sur le site de l’INA : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i08151353/christine-angot.
[4] Jean-Marie Apostolidès, Héroïsme et victimisation. Une histoire de la sensibilité, Paris, Cerf, 2011.
[5] Jean-Michel Chaumont, La Concurrence des victimes. Génocide, identité, reconnaissance [1997], Paris, Éditions de la Découverte, 2010.
[6] François Azouvi, Du héros à la victime : la métamorphose contemporaine du sacré, Paris, Gallimard, 2024.
[7] Christine Angot, L’Inceste [1999], Paris, Livre de Poche, 2001, p. 172-173 : « Ce livre va être pris comme un témoignage sur le sabotage de la vie des femmes. Les associations qui luttent contre l’inceste vont se l’arracher. Même mes livres sont sabotés. Prendre ce livre comme une merde de témoignage ce sera du sabotage, mais vous le ferez. »
[8] Jean-Marie Schaeffer, « Du texte au genre. Notes sur la problématique générique », in Gérard Genette et Tzvetan Todorov (dir.), Théorie des genres, Paris, Seuil, 1986, p. 187.
[9] Ibid., p. 204.
[10] Dans une autre perspective, voir la thèse de Tina Harpin, Inceste, « race » et pouvoir dans le roman états-unien et sud-africain (XXe-XXIe siècles), Paris, Classiques Garnier, 2024.
[11] Neige Sinno, Triste Tigre, Paris, P.O.L, 2023, p. 98.
[12] Sur les rapports entre trauma et représentation, voir Alice Laumier, L’Après-coup. Temporalité de l’événement et approches critiques du trauma, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2024.
[13] Voir par exemple l’usage que la psychanalyste et clinicienne Laurence Joseph fait de La Familia Grande dans « Le déni de l’inceste. Entre silences et malentendus », Études, 2021/4 (avril), p. 31-42.
[14] Voir Lauren Fournier, Autotheory as Feminist Practice in Art, Writing and Criticism, Cambridge, MIT Press, 2022.
[15] Iris Brey et Juliet Drouar (dir.), La Culture de l’inceste [2022], Paris, Seuil, 2024, p. 11.
[16] Voir Charlotte Pudlowski, Ou peut-être une nuit, Paris, Grasset, 2021. À la suite des révélations de sa mère, abusée par son père, elle part à la recherche de témoignages, intégrés à son essai.
[17] Neige Sinno, « Longtemps je n’ai pas voulu écrire Triste Tigre », le 7 décembre 2023, en ligne. Site consulté le 1er janvier 2025. https://www.pol-editeur.com/index.php?spec=editions-pol-blog&numpage=5&numrub=4&numcateg=&numsscateg=&lg=fr&numbillet=370.
[18] Christine Angot, Quitter la ville, Paris, Stock, 2000, p. 27.
[19] Marie-Jeanne Zenetti, « Que fait #MeToo à la littérature ? », Revue critique de fixxion française contemporaine. En ligne, consulté le 30 décembre 2024 : https://journals.openedition.org/fixxion/2148. Voir aussi Hélène Merlin-Kajman, La Littérature à l’heure de #MeToo, Paris, Ithaque, 2020.
[20] Claustria de Régis Jauffret, Paris, Seuil, 2012, écrit à partir de l’affaire Josef Frizl en Autriche, ou Trois sœurs de Laura Poggioli, Paris, L’Iconoclaste, 2022, inspiré de l’affaire des sœurs Khatchatourian en Russie.
[21] Comme dans Quitter la ville de Christine Angot, ou Tout brûler de Lucile de Pesloüan, Paris, La ville brûle, 2024, p. 122 : elle raconte comment « les langues se délient autour [d’elle] après un post instagram » et fait naître « un réseau de résistantes ».
[22] Henriette Zoughebi, avec la collaboration de Florence Schreiber, « La littérature pour penser les violences sexuelles faites aux enfants », publié en novembre 2023 avec le rapport public de la Ciivise, « Avant-propos », p. 13. En ligne, site consulté le 10 octobre 2024. https://www.ciivise.fr/sites/ciivise/files/2024-09/CIIVISE_La-litterature-pour-penser-les-violences-sexuelles-faites-aux-enfants_web_compressed.pdf
[23] Sur cette question, on renverra aux journées d’études « Sujets “sensibles” en littératures : réceptions empiriques, nouvelles épistémologies, nouvelles pratiques d’enseignement », tenues les 21 et 22 novembre 2024 à l’INSPE de Strasbourg.
[24] Voir la mise au point et la bibliographie de Maïté Snauwaert et Dominique Hétu, « Poétiques et imaginaires du care », temps zéro, nº 12, 2018. URL : http://tempszero.contemporain.info/document1650. Site consulté le 25 Novembre 2023.
[25] Voir Victoire Feuillebois et Anthony Mangeon (dir.), Fictions pansantes. Bibliothérapies d’hier, d’aujourd’hui et d’ailleurs, Paris, Hermann, 2023.
[26] Voir à ce sujet le colloque doctoral « Littérature feel bad. De l’ambivalence des émotions négatives » co-organisé par Maxime Dessy, Théo di Giovanni, Florine Jouis, Aline Lebel et Clara Metzger les 27 et 28 novembre 2023 à l’Université Paris-Nanterre.
[27] Sur ce concept, voir Dorothée Dussy, Le Berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste [2013], Paris, Pocket, 2021.
[28] Sophie Chauveau, La Fabrique des pervers [2016], Paris, Folio, 2021, p. 307 : « Par solidarité comme par respect envers ces anciens enfants abusés de ma famille, je n’ai pas détaillé ce qu’ils ont vécu. Ce qu’ils ont confié une seule fois, ce qu’ils refusent de revivre en le répétant. J’ai tu et je tairai leur douleur, si proche des nôtres. »
[29] Delphine de Vigan, Rien ne s’oppose à la nuit, Paris, JC Lattès, 2011, p. 46 : « Qu’avais-je imaginé ? Que je pouvais raconter l’enfance de Lucile à travers une narration objective et toute-puissante ? Qu’il me suffisait de puiser dans le matériau qui m’avait été confié et faire mon choix, autant dire mon petit marché ? Mais de quel droit ? »
[30] Sophie Chauveau, La Fabrique des pervers, op. cit., p. 100-101 : « Dans ces familles, comme dans la société entière, tout est organisé pour faire de ces mœurs des choses qu’on ne dit pas. Aucun vocabulaire à disposition pour qui veut se plaindre. Or sans mots, comment penser ? comment panser ? Les mots crus aussi bien que les paraphrases sont des pièges. Vider ses couilles dans la bouche de son enfant ? Comment appeler ça ? Comment le dire simplement ? Faut-il user de métaphores ? N’est-ce pas risquer encore une fois de ménager les bourreaux ? […] Les mots grossiers impressionnent si fort qu’ils imposent une image qui fait écran à la pensée, à la conscience : ils horrifient tant qu’on a hâte de s’en éloigner. La langue en personne semble se dresser contre nous. Il faut pourtant qualifier ça. Ma défiance envers toute description technique de viols est totale et définitive, je m’inquiète évidemment d’abord et avant tout de l’usage que d’aucuns font de ces odieuses représentations. À qui s’adressent ces images d’infamies ? Ne servent-elles pas encore de supports pornographiques aux pervers ? À qui font-elles plaisir ? Aussi préféré-je les en priver […] Et eux, comment les nommer ? Bourreaux ? Trop général. Abuseurs ? Imprécis. Incestueux ? Entre abstrait et technique… Il est extrêmement périlleux de nommer, car soit on insulte, soit on absout. »
[31] Christine Angot, L’Inceste, op. cit., p. 148-149 : « Je suis désolée de vous parler de tout ça, j’aimerais tellement pouvoir vous parler d’autre chose. […] Je ne devrais pas écrire ça. Et je ne devrais pas lui en parler [à Marie-Christine, la petite amie de la narratrice]. Ce que ça va provoquer, à elle, et à vous, ce sera la même chose, ce sera de la pitié, vous ne pourrez plus m’aimer, ni elle ni vous. »
[32] Neige Sinno, Triste Tigre, op. cit., p. 96 : « Je déteste l’idée que quelqu’un ouvre ce livre et cherche ce qu’on m’a fait exactement, où on m’a mis la bite, et le referme après sans y avoir rien trouvé d’autre que cette bizarre constatation. »
[33] Iris Brey et Juliet Drouar (dir.), La Culture de l’inceste, op. cit., p. 17. Pour donner quelques chiffres, un sondage Ipsos de 2020 révèle qu’un Français adulte sur dix dit avoir été victime d’inceste. Ces chiffres sont sans doute plus élevés, car les sondages n’interrogent ni les mineurs, ni les morts, les taux de suicides et de morts précoces, liées à des comportements à risque, étant particulièrement élevés chez les victimes d’inceste. Le rapport de la Ciivise de novembre 2023 établit à 160 000 le nombre d’enfants victimes de violences sexuelles. Dans 81% des cas, il s’agit de violences intrafamiliales.
[34] Pour citer les principaux ouvrages collectifs depuis les années 1990 : Françoise Héritier, Boris Cyrulnik et Aldo Naouri, De l’inceste, Paris, Odile Jacob, 1994 ; le numéro Dire l’inceste de la revue Savoirs & Représentations, n° 42, 2016/2 ; Christelle Bahier-Porte et Catherine Volpilhac-Auger (dir.), L’Inceste : entre prohibition et fiction, Paris, Hermann, 2016 ; Iris Brey et Juliet Drouar (dir.), La Culture de l’inceste, op. cit. ; Anne-Emmanuelle Demartini, Julie Doyon, Léonore Le Caisne (dir.), Dire, entendre et juger l’inceste du Moyen Âge à nos jours, Paris, Seuil, 2024.