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Le cinéma d’Alice Diop : (Re)formuler le réel

Le cinéma d’Alice Diop : (Re)formuler le réel

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Mathilde Savard-Corbeil)

Le cinéma d’Alice Diop : (Re)formuler le réel


Center for French and Francophone Studies
Duke University
11 avril 2025
En présence d’Alice Diop


English version to follow.
 
Ces cinq dernières années, Alice Diop s’est imposée comme une figure majeure du cinéma mondial. Le passage du documentaire à la fiction, dont témoigne son plus récent film Saint Omer (2022), lui a permis de remporter un succès considérable aussi bien auprès du grand public que des critiques et des universitaires. Au cours de cette première journée d’étude entièrement consacrée à l’œuvre de la réalisatrice, qui sera des nôtres pour l’occasion, nous souhaitons aborder les différents enjeux politiques, sociétaux et cinématographiques de son travail, ainsi que le dialogue intermédial et transatlantique dans lequel il s’inscrit. À travers une approche théorique plurielle, il s’agira de questionner la construction du regard et la responsabilité éthique engendrés par une telle entreprise. 


Voici une liste de pistes d’étude non restrictive :
 
1. Espaces, identités et migrations
Les lieux explorés dans les films de Diop s’opposent à la violence hégémonique en faisant place aux voix et corps diasporiques ou issus de diasporas, plus particulièrement africaine et maghrébine (La Permanence). Au prisme de points vues multiples, de narrations fragmentées, son œuvre cinématographique dévoile les inégalités créées par les partages territoriaux (Nous). L’exclusion économique, géographique et raciale est donnée à voir comme intrinsèquement liée à l’organisation des structures urbaines dans lesquelles les personnages réels et fictionnels de Diop tiennent des postures à la fois marginalisées socialement et esthétiquement omniprésentes. L’habitation des lieux, l’occupation de l’image, la reconfiguration des espaces du cinéma témoignent d’un désir de circulation libre et égalitaire.


2. Faits, fictions et subjectivisation
L’approche documentaire de Diop ne cesse de jouer de la distance et des échelles dans son approche de la subjectivité et du contact humain. Dans Saint Omer, elle questionne ainsi la possible adaptation d’un fait divers à travers un brouillage des frontières entre réel et fiction. Son cinéma déploie diverses stratégies d’hybridation, telle l’autocitation présente à travers ses courts et ses longs métrages. En intégrant également des archives personnelles et familiales aux références journalistiques, Diop déhiérarchise les sources historiques.


3. S’inscrire dans l’histoire : « le goût de l’archive »
Les films d’Alice Diop affirment une volonté d’inclusion qui passe par une nécessité de représentation et surtout de reformulation singulière et collective. Son cinéma fortement marqué par une dimension politique et éthique appelle non seulement à une déconstruction de l’espace mais aussi à une négociation du temps, de l’histoire et des archives. Le public est confronté à l’inscription de l’altérité comme processus essentiel de la possibilité d’une histoire et d’une culture communes.


4. Littérature et filiations
Que ce soit dans l’héritage de Michel Leiris, de François Maspero, de Marguerite Duras, de Pierre Michon, ou encore sa collaboration avec Pierre Bergounioux dans Nous, Diop inscrit son cinéma au sein de la littérature de langue française. Toutefois, les filiations directement ou indirectement revendiquées portent les traces d’une circulation transatlantique et d’une volonté de déplacement du canon. Les liens entre le travail de Diop, l’afro-féminisme en France et les féministes noires américaines dont elle cite l’influence, Robin Coste Lewis, Patricia Hill Collins, Kimberlé Crenshaw, bell hooks ou Audre Lorde, sont révélateurs d’une vision qui ne saurait être limitée aux dichotomies usuelles et qui se fait véritable opératrice de traduction. 


5. Une caméra féministe
L’œuvre d’Alice Diop permet de penser le cinéma comme technique de transmission d’un savoir situé tel que l’ont articulé les philosophies féministes, notamment Donna Haraway. Les techniques qui sont employées dans son œuvre, particulièrement la voix hors-champ de la réalisatrice qui rend sensible les modulations de ses questions (Vers la Tendresse et La Mort de Danton), permettent un passage de la théorie à l’incarnation cinématographique. Nous cherchons donc à comprendre de quelle manière les différentes caractéristiques du savoir situé (le recours au témoignage, à l’anecdote, à l’intime et à la critique des discours dominants) redéfinissent les pratiques audiovisuelles et narratives.


Prière d’envoyer vos propositions de communication avant le 1er mars 2025 aux adresses suivantes :
anne-gaelle.saliot@duke.edu
mathilde.savard-corbeil@duke.edu
 
Une décision vous sera transmise au plus tard le 10 mars 2025
Les frais de séjour et de déplacements devront être pris en charge par les participants et les participantes. Les repas de groupe seront fournis.
 
 



 
Alice Diop’s Cinema: (Re)formulating the Real
Center for French and Francophone Studies
Duke University
April 11th, 2025


 
Over the past five years, Alice Diop has established herself as a major figure in world cinema. Her transition from documentary film to fiction, reflected in her most recent film Saint Omer (2022), was a critical, academic and popular success. In this first conference entirely dedicated to the work of the director, who will be joining us for the event, we aim to address the various political, societal and cinematographic issues at stake in her work, as well as the intermedial and transatlantic dialogue it both manifests and operates. Through an interdisciplinary theorical approach, we will question the construction of the gaze and the ethical responsibility engendered by such an undertaking. 


The following is a non-restrictive list of topics and concepts:
 
1. Spaces, Identities and Migrations
The places explored in Diop’s films oppose hegemonic violence by making room for diasporic voices and bodies, particularly from Sub-Saharan Africa and the Maghreb (La Permanence). Through the prism of multiple viewpoints and fragmented narratives, her cinematographic work reveals the inequalities created by territorial divisions (Nous). Economic, geographic and racial exclusion are seen as products of urban structures, in which Diop’s real and fictional characters hold positions that are both socially marginalized and aesthetically omnipresent. The inhabitation of places, the occupation of images and the reconfiguration of cinematic spaces testify to a desire for free and egalitarian circulation.


2. Facts, Fictions and Subjectivity
Diop’s documentary approach never ceases to play with distance and scale in her treatment of subjectivity and human contact. Similarly, in Saint Omer, she questions the possible adaptation of a fait divers by blurring the boundaries between reality and fiction. Her cinema deploys various hybridization strategies, such as self-citation present in her short and feature-length films. By integrating personal and family archives to journalistic references, Diop de-hierarchizes historic sources.


3. A place in History: “The Allure of the Archives”
Alice Diop’s films assert a desire for inclusion, which requires representation and, above all, singular and collective reformulation. Her films, marked by a strong political and ethical dimension, call not only for a deconstruction, but also for a renegotiation of time, history and archives. Viewers are confronted with the inscription of otherness as an essential process in the possibility of a common history and culture.


4. Literature and Filiation
Whether it’s through the claimed heritage of Michel Leiris, François Maspero, Marguerite Duras, Pierre Michon, or her collaboration with Pierre Bergounioux on Nous, Diop inserts her cinema within French and Francophone literature. However, directly or indirectly claimed filiations bear witness of a transatlantic circulation and a desire to displace the canon. The links between Diop’s work, Afro-feminism in France and the Black American Feminists whose influence she mentions, such as Robin Coste Lewis, Patricia Hill Collins, Kimberlé Crenshaw, bell hooks and Audre Lorde, reveal a vision that cannot be confined to usual dichotomies.


5. A Feminist Camera
Alice Diop’s work allows us to think of cinema as a technique for transmitting situated knowledge, as articulated by feminist theorists, notably Donna Haraway. The techniques employed in her work, including the director’s voice-over, which reveals the modulations of her questions, enable the passing from theory to cinematic embodiment. We therefore seek to understand how the various characteristics of situated knowledge – i.e. the use of testimony, anecdote, intimacy and the critique of dominant discourses – redefine audiovisual and narrative practices.
 
Please send your proposals before March 1st, 2025, to the following emails:
anne-gaelle.saliot@duke.edu
mathilde.savard-corbeil@duke.edu
 
A decision will be made by March 10th, 2025, at the latest.
Participants’ travel and accommodations are at their own charge. Group meals will be provided.