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Les représentations de l’intelligence artificielle en scène : par-delà la science-fiction ? (Grenoble)

Les représentations de l’intelligence artificielle en scène : par-delà la science-fiction ? (Grenoble)

Publié le par Romain Bionda (Source : Romain Bionda et Julie Valero)

Colloque international – Université Grenoble Alpes & Université de Lausanne

Mercredi 3 et Jeudi 4 juin 2025

MACI, Campus Grenoble

 

Machines algorithmiques, assistantes embarquées, intelligences artificielles domestiques : ces artefacts se multiplient depuis 2020 sur les scènes contemporaines, faisant écho aux avancées considérables des large language models (LLM) et à la démocratisation de certaines de leurs applications, telles que ChatGPT. Leur adoption enthousiaste ou critique, voire leur détournement par nombre d’artistes informe aussi bien les processus de création que leurs œuvres, en donnant lieu à une très grande diversité de formes. Ce colloque aimerait étudier la manière dont ces œuvres interrogent nos rapports aux algorithmes et aux IA génératives, qui régissent aujourd’hui une part considérable de nos vies quotidiennes : quel regard les arts scéniques et performatifs portent-ils sur ces bouleversements numériques ? De quel(s) monde(s) se font-ils aujourd’hui l’écho à travers les représentations qu’ils donnent à voir des systèmes intelligents ?

Premier événement d’une série de trois manifestations consacrées aux relations que l’IA entretient avec les arts vivants[1], ce colloque interrogera plus spécifiquement les liens entre l’IA et ses imaginaires, à travers notamment le recours au genre de la science-fiction lorsqu’il s’agit de représenter l’IA en scène. Alors que les algorithmes construisent d’ores et déjà, et dans le monde réel, une société totalement inédite au sein de laquelle les sociabilités, les modes de gouvernances et les libertés individuelles sont en pleine mutation, on peut interroger ce choix dramaturgique ou fictionnel.

Il convient de distinguer d’emblée trois types de mobilisation des algorithmes ou de l’IA dans les arts : d’abord celle qui intervient durant le processus de création, comme lorsqu’un artiste décide de l’employer pour ses recherches ou pour écrire et composer – on peut penser au travail de Simon Senn ou à Human in the Loop (2023) de Nicole Seiler – ; ensuite celle qui autorise certaines formes spectaculaires, comme les algorithmes d’Instagram du spectacle _jeanne_dark_ (2021) de Marion Siéfert ou la réalité virtuelle de Lavinia (2023) d’Isis Fahmy et Benoît Renaudin ; enfin celle qui apparaît comme thématisée dans les fictions, à l’instar des robots joués par des comédiennes de Contes et Légendes (2019) de Joël Pommerat ou de « Scarlet », assistante domestique, dans la fiction du même nom d’A. Damasio, adaptée au théâtre par V. Steyaert (Scarlet et Novak, 2023). Ce sont surtout les deux derniers types qui nous occuperont ici.

 

I. IA en scène et science-fiction : emprunts, transferts, imaginaires

On s’intéressera tout particulièrement aux liens explicites ou implicites que ces spectacles peuvent entretenir avec la science-fiction et les genres conjecturaux et spéculatifs : si certains spectacles ressortissent assurément à la science-fiction, nombre d’entre eux ne s’y inscrivent que partiellement – au point de vue esthétique, narratif ou thématique –, ou s’en distinguent, tout en dialoguant avec certains topoï science-fictionnels (les genres conjecturaux ou spéculatifs sont alors présents en creux). On interrogera ces liens à l’endroit de leur utilisation ou de leur représentation de l’IA et des algorithmes. En quoi les algorithmes en scène peuvent-ils contribuer à la persistance de certains scénarios science-fictionnels, par exemple ceux des promesses du progrès scientifique ou de la révolte des machines contre leurs créateurs ? En quoi peuvent-ils au contraire participer à leur dépassement ou à leur reformulation ? On pourrait par exemple s’intéresser à la façon dont les emprunts à la science-fiction et aux genres affiliés contribuent à renforcer des visions apocalyptiques du futur ou, au contraire, renouvellent celles-ci, en détournant les codes ou en empruntant les chemins de l’humour, comme le fait Joris Mathieu dans Cornucopia (2024). Nous proposons d’interroger ici la pertinence d’une lecture de ces spectacles à l’aune des nombreux imaginaires science-fictionnels popularisés par le cinéma ou la littérature, y compris au sujet de spectacles qui ne se revendiquent pas explicitement de la SF (mais entrent d’une façon ou d’une autre en écho avec elle). Cet axe pourra donner lieu à des analyses de grands corpus ou des études de cas. En questionnant les relations que l’œuvre étudiée entretient avec les genres de l’imaginaire, on pourra faire une place aux idées que les artistes ont pu s’en faire aux différentes étapes de création. On n’hésitera pas à tenter des comparaisons ou à tirer des parallèles avec des œuvres science-fictionnelles non théâtrales.

 

II. Expériences esthétiques et enjeux politiques 

Si l’axe précédent propose de réfléchir aux spectacles au prisme de la SF cinématographique ou littéraire, ou à celui de la SF qui infuse dans le théâtre actuel, en interrogeant les cadres génériques dans lesquels les spectacles s’insèrent avec plus ou moins de conviction, cet axe-ci propose de s’intéresser plus en détail aux aspects théâtraux. On peut ainsi se demander si la mobilisation de certains aspects science-fictionnels sur scène servent à proposer de nouvelles expériences esthétiques, qui enrichissent par exemple la représentation avec des éléments de réalité virtuelle, ou au contraire à renouer avec une certaine théâtralité, que le « sens de l’émerveillement [sense of wonder] » propre au genre viendrait agrémenter, comme dans des adaptations réalistes de romans science-fictionnels célèbres. On voudrait ainsi interroger l’usage et les emprunts théâtraux du genre, tant d’un point de vue esthétique que dans une perspective plus sociale et politique. Pour les Compagnies du Multivers, par exemple, revendiquer le fait de « jouer avec » les « codes » de la science-fiction, n’est-ce pas aussi reposer la question du théâtre – par exemple dans You’re Just Like a Poster (2024), où une première partie science-fictionnelle et chantée est suivi d’une seconde partie réaliste et parlée au ralenti ? Elles affirment aussi trouver dans la SF une « possibilité d’utiliser des chemins de traverse afin d’aborder des questions indirectement politiques[2] ». Ces questions peuvent par exemple concerner la stéréotypisation genrée à laquelle semble condamnée l’incarnation de l’IA. Féminine, sensuelle, objet de désir, les IA « assistantes » sont en effet des figures récurrentes de la représentation de la thématique dans les œuvres : de quoi participe cette persistance qui semble mettre le progrès technologique au service de la continuation de certains modes de domination ?

 

III. Personnages algorithmiques et fantômes numériques : émergence ou retour ?

Le théâtre et la littérature s’intéressent de longue date aux figures d’êtres artificiels : pensons aux nombreuses adaptations de Frankenstein sur les scènes européennes, dès la seconde décennie du xixe siècle et jusqu’à aujourd’hui. Ces êtres sont progressivement et diversement « mécanisés », des automates du ballet Coppélia (1870) au vrai robot de Sayônara, version 2 (2012) d’Oriza Hirata, en passant par les humains fabriqués en série de R.U.R. (1920) de Karel Čapek et les automates du xxxiie siècle de Back to Metuselah (Retour à Mathusalem, 1922) de George Bernard Shaw. L’émergence de « personnages algorithmiques » dans les fictions théâtrales contemporaines – par exemple Flower, l’assistante embarquée de Jean Clone (2024) de J. Mellano – doit sans doute se lire au regard de cette longue histoire. Comment ces personnages d’êtres artificiels se réinventent-ils au temps du tout numérique ? On peut se demander dans quelle mesure ces figures sont propices à la reprise d’anciennes thématiques, à la reconfiguration de vieilles formulations, voire à l’identification de nouvelles questions. Si chaque invention médiatique fait naître ses propres fantômes, quid de l’IA, qui s’attache notamment à faire revivre les morts, à travers les figures de deadbots et autres réincarnations virtuelles de personnes disparues ? On pense à « La fille reconstituée » de Rest/E (2024) d’A. Tanneau ou encore aux morts qui envahissent le monde des vivants dans la courte nouvelle ‘Life (2019) de P. Cassou-Noguès, qui propose une société où morts et vivants cohabitent, et où l’autre côté de l’écran s’offre comme une promesse d’immortalité. On gagne bien sûr à se demander comment ces figures et ces thématiques se traduisent et s’incarnent sur scène.



Notes

[1] Ce colloque est organisé dans le cadre d’un programme de recherche intitulé « ÉcrIA : écriture et IA en contexte artistique », coordonné par R. Bionda (UNIL), V. Decloquement, P. Roux (Lyon 2) et J. Valero (UMR Litt&Arts, UGA), lauréat de l’appel à projet « Alliance Campus rhodanien », 2025-2026.

[2] Les Compagnies du Multivers et Romain Bionda, La Vérité sur le Multivers, Vevey, Hélice Hélas, 2024, p. 58.

 

Calendrier 

Date d’envoi de l’appel à communications : 7 février 2025.

Date limite de l’envoi des propositions : 10 mars 2025.

Retour de l’évaluation des propositions : 28 mars.



Modalités de soumission

Nous vous remercions de présenter vos propositions de la manière suivante :

  • un fichier contenant : titre de la communication, courte notice bio-bibliographique (nom, prénom, affiliation institutionnelle, 500 signes maximum) et adresse de courriel ;

  • un fichier anonyme contenant : titre de la communication, proposition de communication (3000 signes maximum, bibliographie non incluse).

Les propositions sont à envoyer simultanément aux adresses suivantes : romain.bionda@unil.ch et julie.valero@univ-grenoble-alpes.fr.



Bibliographie indicative

Bionda, R., dir., Le Théâtre de science-fiction : premiers éléments de cartographie, ReS Futurae 18, 2021 : https://doi.org/10.4000/resf.2244.  

Cardon, D., À quoi rêvent les algorithmes. Nos vies à l’heure des big data, Paris, Seuil/République des idées, 2015.

Duyckaerts, E., « Expériences imaginaires et intelligence artificielle », Genèse de l’intelligence artificielle, Quaderni, n°1, Printemps 1987.

Gefen, A., dir., Imaginaires de l’IA, Belphegor, 2024, 1 : https://doi.org/10.4000/11tfb.  

Gefen, A., Créativités artificielles, La littérature et l’art à l’heure de l’intelligence artificielle, Les Presses du réel, 2023.

Gefen, A., dir., « IA Fictions », Colloque en ligne, du 3 au 5 juin 2021 : https://ia-fictions.net/fr 

Langlet, I., « Études de science-fiction : bibliographie », ReS Futurae. Carnet, 2024 : https://resf.hypotheses.org/6092.

Nova, N., Persistance du merveilleux, Le petit peuple des machines, Premier parallèle, 2024.

Romele, A., Sebbah, F.-D., Imaginaires technologiques, Presses du Réel, 2023.

Romeo A., Centorrino, M., dir., Intelligence artificielle : imaginaires et perspectives, Sociétés, 2024/1, n°163.



Organisation : Romain Bionda et Julie Valero

Comité scientifique

René Audet, PR, Littérature française, Université Laval

Pierre Banos-Ruf, MCF, Arts du spectacle, Université Grenoble Alpes

Romain Bionda, Maitre assistant, Littérature générale et comparée, Université de Lausanne

Alain Boillat, Professeur ordinaire, Histoire et esthétique du cinéma, Université de Lausanne

Valentin Decloquement, MCF, Langues et littératures anciennes, Université Lyon 2

Isabelle Krzywkowski, PR, Littérature générale et comparée, Université Grenoble Alpes

Pascale Roux, PR, Langue française et stylistique, Université Lyon 2

Julie Sermon, PR, Arts du spectacle, Université Lyon 2

Julie Valero, MCF, Arts du spectacle, Université Grenoble Alpes

 

Partenaires 

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Visuel :
©Grimmm, avec son aimable autorisation.