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Actualités et perspectives de la recherche en bande dessinée (Reims)

Actualités et perspectives de la recherche en bande dessinée (Reims)

Publié le par Marc Escola (Source : Anthony Rageul)

Par bien des aspects et notamment sous l’influence des Cultural Studies, les années 2010 ont permis à la bande dessinée de conquérir une certaine légitimité à l’université. L’objet bande dessinée intéresse diverses disciplines telles que l’histoire, la sociologie, la littérature, l’art, etc, et les travaux se multiplient. Prise dans cette dynamique, la première moitié des années 2020 est marquée par une prépondérance de certaines thématiques et de certaines approches : exploration du patrimoine, intérêt pour la « bande dessinée du réel », redécouverte du caractère matériel de la bande dessinée, approche sociologique du champ de la bande dessinée. Au-delà de ces grands centres d’intérêt, les chercheurs se saisissent aussi d’autres problématiques : constitution d’un matrimoine, liens entre histoire et bande dessinée, représentation des corps, circulation et transferts culturels, liens entre bande dessinée et institutions, etc. Le colloque « Actualités et perspectives de la recherche en bande dessinée » organisé par le CRIMEL (Université de Reims Champagne-Ardenne) a pour volonté de couvrir le plus large spectre de sujets, d’approches et de méthodologies afin de répondre à cette question : comment regarde-t-on l’objet « bande dessinée » en 2025 ?

Argumentaire

Le colloque « Actualités et perspectives de la recherche en bande dessinée » organisé par le CRIMEL (Université de Reims Champagne-Ardenne) a pour volonté d’établir un panorama de la recherche en bande dessinée telle qu’elle se fait en 2025. Rare occasion de réunir des chercheurs aux profils très divers, il vise à couvrir le plus large spectre de sujets, d’approches et de méthodologies.

Longtemps placée sous le giron du post-structuralisme et de la sémiotique, la recherche sur la bande dessinée a accompagné une « bande dessinée au tournant » (Groensteen 2017) au long des années 2010. Sous la poussée des Cultural Studies en France et de l’ouverture de la recherche à la culture populaire, une nouvelle génération de chercheurs s’est saisi de cet objet, l’abordant sous autant de perspectives et depuis autant de champs disciplinaires (histoire, sociologie, littérature, recherche-création...). Cette dynamique a permis son accueil dans différents laboratoires ou équipes de recherche (INTRU à Tours, FoReLLIS à Poitiers, etc.) voire la création de laboratoires dédiés (ACME à Liège, GrEBD à Lausanne). Cette dynamique a aussi permis la création de nouveaux espaces de valorisation (festival soBD, collections dédiées aux Presses Universitaires François Rabelais ou aux Presses Universitaires de Liège) et de nouveaux lieux de rencontres et de collaborations (groupe de chercheurs en bande dessinée La Brèche). Après avoir acquis une place dans certains cursus grâce à la volonté d’une poignée d’enseignants, pour la première fois, un « doctorat de création en bande dessinée » a vu le jour grâce à un partenariat entre l’EESI et l’Université de Poitiers. La première thèse issue de ce cursus a été soutenue en 2020 (Preteseille 2020). On peut mentionner également la persistance d’une forme de recherche « indépendante » (Groensteen 2021), voire issue des marges (éditions Adverse, essais de LL de Mars). Bref, à la fin des années 2010, si la bande dessinée n’est pas encore reconnue comme une discipline à part entière, elle a conquis davantage de légitimité au sein de la recherche académique. Dans les années 2020, ce nouveau contexte de la recherche se déploie tantôt comme espace d’accueil de nouvelles thématiques ou de nouveaux enjeux, tantôt comme espace permettant leur émergence. Quelles sont ces nouvelles voies de la recherche ? Comment regarde-t-on l’objet « bande dessinée » en 2025 ? Quelles thématiques intéressent prioritairement les chercheurs ? Un regard sur les publications et manifestations scientifiques depuis 2019 révèle une prépondérance de certains axes de recherche.

Prolongeant les travaux de la décennie précédente, les études patrimoniales sont en constant développement (Latxague 2021 ; Moine 2022 ; Garric et Vigreux 2022 ; Caraco 2024), preuve que l’histoire de la bande dessinée, toutes aires géographiques confondues, reste à écrire. Parallèlement, les revendications portées par les réseaux d’autrices ont ouvert le chantier du matrimoine et de la réhabilitation des autrices et autres travailleuses injustement oubliées de la bande dessinée (Hertiman et De Singly 2024). Viennent ensuite les travaux sur ce que l’on a coutume de nommer « bande dessinée du réel » ; au rang de laquelle on peut compter les reportages en bande dessinée, les (auto)biographies ou encore les récits de vulgarisation scientifique (Amsbeck et Cassiau-Haurie 2023). La place prise par cette bande dessinée du réel sur les étals des libraires comme dans les médias prescripteurs justifient cet intérêt des chercheurs. Elles impliquent de s’attarder, entre autres sujets, sur le caractère didactique de ces ouvrages, sur le fonctionnement des collaborations entre expert d’un sujet et auteur de bande dessinée ou encore sur la réception de ces récits (Lévrier et Pinson 2021 ; Mitaine et al. 2021 ; Egger 2022). Une troisième thématique semble s’imposer : celle de la matérialité de la bande dessinée. A l’ère numérique, on semble redécouvrir l’importance de l’inscription matérielle de la bande dessinée sur/dans différents supports médiatiques qui en conditionnent peu ou prou la morphologie générale et, conséquemment, le système sémiotique et narratif. Si la bande dessinée numérique est l’emblème de ces questions (Kovaliv et Stucky 2022-2023), elle suscite moins l’engouement des chercheurs que dans la décennie précédente. On s’intéresse plus largement aux différentes formes de circulations intermédiales et aux reconfigurations de la bande dessinée qu’elles impliquent (Deprêtre et Duarte 2019 ; Lesage et Suvilay 2019-2023 ; Caboche et Lorenz 2022 ; Glaude 2024). La question patrimoniale ne se trouve jamais loin tant l’histoire de la bande dessinée est jalonnée de multiples changements de supports (album artisanal, presse, album, web) dont on commence juste à rendre compte (Lesage 2019). Dernière entreprise mise en avant ces dernières années, celle d’embrasser la bande dessinée en tant que champ (Boltanski 1975) et d’adopter une perspective sociologique. Il s’agit le plus souvent de décrire les conditions socio-économiques dans lesquelles les auteurs et les autres acteurs exercent leur métier (Nocerino 2020b ; Robert 2023) ou de traiter de phénomènes éditoriaux en les resituant dans leur cadre socio-culturel d’apparition et de développement (Morvandiau 2024). Au-delà leur intérêt en tant que tels, ces travaux permettent aussi de produire des données factuelles sur les difficultés rencontrées au quotidien par les travailleurs de la bande dessinée.

Ces quatre grands centres d’intérêt ne sont bien sûr pas les seuls. Leur mise en avant dans cet appel n’est que le reflet de leur place importante et n’exclue pas des communications sur d’autres sujets. Sans être exhaustif, on peut d’ailleurs évoquer quelques voies de la recherche, nouvelles ou plus anciennes, qui connaissent également une activité substantielle aujourd’hui : liens entre histoire et bande dessinée (notamment à propos de la représentation d’événements historiques), représentation des corps (notamment celui des femmes ou des personnes handicapées), circulation et transferts culturels, intérêt pour un genre en particulier (notamment le polar), liens entre bande dessinée et institutions (notamment école, musée, bibliothèque), problématiques liées à la traduction, etc.

Le colloque « Actualités et perspectives de la recherche en bande dessinée » entend dresser un état des lieux de toutes ces approches. Les propositions de communications seront sélectionnées pour leurs qualités bien sûr, mais aussi avec la volonté de présenter un panorama de la recherche en train de se faire. A cette fin, en sus de présenter leurs travaux, nous invitons les candidats à évoquer les perspectives ouvertes dans leurs champs de recherche respectifs. 

Bibliographie indicative

- Altarriba, Antonio. 2020. « Préface. Quand l’Université a commencé à parler de bulles ». Synergies Espagne, no 13, 7‑11.
- Amram, David, et Christelle Pissavy-Yvernault, dirs. 2024. La véritable histoire des éditions Dupuis. Marcinelle : Dupuis.
- Amsbeck Florence et Cassiau-Haurie Christophe, dirs. 2023. La bande dessinée du réel: une nouvelle forme de journalisme ? Strasbourg: BNU éditions.
- Boltanski, Luc. 1975. « La constitution du champ de la bande dessinée ». Actes de la recherche en sciences sociales 1 (1): 37‑59. https://doi.org/10.3406/arss.1975.2448.
- Champ, Nicolas, dir. 2022. Revue française d’histoire du livre, n°143, « Editer la bande dessinée. Approches nouvelles. »
- Deprêtre, Évelyne, et German A. Duarte, dirs. 2019. Transmédialité, bande dessinée & adaptation. Graphèmes. Clermont-Ferrand: Presses universitaires Blaise Pascal.
- Dozo, Björn-Olav, Fanny Barnabé, Bruno Dupont, Carole Guesse, Lison Jousten, Benoît Crucifix, Caroline Duchesne, et al. 2019. « L’étude des cultures populaires à l’Université de Liège : brève généalogie ». In Une Fabrique des Sciences humaines. L’Université de Liège dans la mêlée (1817-2017), édité par Vincent Génin, Archives Générales du Royaume. Bruxelles. https://orbi.uliege.be/handle/2268/235867.
- Egger, Bettina, dir. 2022. Alternatives francophones, vol. 3, n°1, « La BD scientifique. Les nouveaux territoires du documentaire. »
- Garric, Henri, et Jean Vigreux, dirs. 2022. Pif le chien: esthétique, politique et société. Sociétés. Dijon: Éditions universitaires de Dijon.
- Glaude, Benoît. 2024. Écouter la bande dessinée. Bruxelles: les Impressions nouvelles.
- Groensteen, Thierry. 2006. Un objet culturel non identifié. Essais. Angoulême: Éditions de l’An 2.
- ———. 2017. La bande dessinée au tournant. Bruxelles: les Impressions nouvelles.
- ———. 2021. « Une catégorie ambiguë : le « spécialiste » ». Comicalités. Études de culture graphique, avril. https://doi.org/10.4000/comicalites.5338.
- Hertiman Marys Renné et Singly Camille de, dirs. 2024. Construire un matrimoine de la bande dessinée: créations, mobilisations et transmissions des femmes dans le neuvième art, en Europe et en Amérique. La Grande collection ArTeC. Dijon: Les Presses du réel.
- Hojlo, Frédéric. 2023. Second souffle: bandes dessinées alternatives 2000-2020. Poitiers: Éditions FLBLB.
- Kohn, Jessica. 2022. Dessiner des petits mickeys: une histoire sociale de la bande dessinée en France et en Belgique, 1945-1968. Histoire contemporaine 33. Paris: Éditions de la Sorbonne.
- Latxague, Claire. 2021. La bande dessinée argentine: un espace d’engagement politique ? Toulouse: Presses universitaires du Midi.
- Lesage Sylvain. 2019. L’effet livre: métamorphoses de la bande dessinée. Collection Iconotextes. Tours: Presses universitaires François-Rabelais.
- Lesage, Sylvain, dir. 2022a. Histoire & bande dessinée. Paris: Éditions de la Sorbonne.
- ———. 2022b. « Le canon et l’écran. Le patrimoine de la bande dessinée et les archives numérisées ». Comicalités. Études de culture graphique, décembre. https://doi.org/10.4000/comicalites.7723.
- Lesage, Sylvain, et Bounthavy Suvilay, dirs. 2019-2023. Comicalités. « Bande dessinée et culture matérielle. » https://journals.openedition.org/comicalites/8079.
- Lévrier, Alexis, et Guillaume Pinson, dirs. 2021. Presse et bande dessinée: une aventure sans fin. Bruxelles: les Impressions nouvelles.
- Lorenz, Désirée, et Elsa Caboche, dirs. 2019. La bande dessinée à la croisée des médias. Iconotextes. Tours: Presses universitaires François-Rabelais.
- Ménégaldo, Gilles, et Maryse Petit, dirs. 2021. Le goût du noir dans la fiction policière contemporaine: littérature et arts de l’image. Interférences. Rennes: Presses universitaires de Rennes.
- Mitaine, Benoît, Judite Rodrigues, et Isabelle Touton, dirs. 2021. Scoops en stock: journalisme dessiné, BD-reportage et dessin de presse. L’équinoxe. Chêne-Bourg (Suisse): Georg éditeur.
- Moine, Florian. 2022. Casterman: de “Tintin” à Tardi, 1919-1999. Bruxelles: les Impressions nouvelles.
- Morvandiau. 2024. Contrebande: une cartographie de la bande dessinée alternative francophone. Rennes: Éditions du commun.
- Nocerino, Pierre. 2020a. « Faire groupe entre la poire et le fromage. Informalité et autonomie dans le travail des auteurs et autrices de bande dessinée ». Sociologie du travail (Paris) 62 (3). https://doi.org/10.4000/sdt.33393.
- ———. 2020b. « Les auteurs et autrices de bande dessinée: la formation contrariée d’un groupe social ». Thèse de doctorat en sociologie. Sous la direction de Cyril Lemieux. Paris: EHESS. https://www.theses.fr/2020EHES0127/document.
- Pinho Barros, David. 2022. The clear line in comics and cinema: a transmedial approach. Studies in European comics and graphic novels 10. Leuven: Leuven University Press.
- Preteseille, Benoît. 2023. « Faire une thèse de recherche-création ? En bande dessinée ? » Pratiques de formation/Analyses. Revue internationale de sciences humaines et sociales, no 66 (janvier). https://pratiquesdeformation.fr/132.
- ———. 2024. Éditer des bandes dessinées pour adultes: Éric Losfeld et le Terrain vague, 1964-1973. Bruxelles: les Impressions nouvelles.
- Rannou, Maël. 2022. « Depuis La Table à Dessin: Transmettre La Science Du Côté Des Auteurs ». Alternative Francophone 3 (1): 7‑22. https://doi.org/10.29173/af29445.
- ———, dir. 2024. @nalyses, revue des littératures franco-canadiennes et québécoise, vol. 18, n°2. « Vingt ans de bande dessinée québécoise au XXIe siècle, affirmation et résurgences ».
- Reyns-Chikuma, Chris, et Jean Sébastien, dirs. 2022. Voix plurielles, vol.19, n°2. « Hors des centres : bande dessinée et comics au Canada. » https://journals.library.brocku.ca/index.php/voixplurielles/issue/view/226.
- Reyns-Chikuma, Cris, et Bart Beaty, dirs. 2021. 50 ans d’histoire des éditions Glénat: des marges bédéphiliques au centre économique en passant par une quête du capital symbolique. Collection ACME 8. Liège: Presses Universitaires de Liège.
- Robert Pascal, dir. 2023. La fabrique de la bande dessinée: perspectives sociologiques et sociosémiotiques sur la bande dessinée. Paris: Hermann.
- Stucky, Olivier, et Gaëlle Kovaliv, dirs. 2022-2023. Comicalités. « Ce que le numérique fait à la bande dessinée. » https://journals.openedition.org/comicalites/7619

Comité scientifique

- Pascal Robert, Enssib, Villeurbanne
- Alexis Lévrier, CRIMEL, Université de Reims Champagne-Ardenne
- Camille de Singly, Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux
- Sylvain Aquatias, GRESCO, Université de Limoges
- Laurent Gerbier, InTRu, Université de Tours
- Olivier Stucky, contrat FNS, Université de Lausanne. 

Modalités d'envoi des propositions

Les propositions de 3000 signes maximum sont à envoyer accompagnées d’une notice biographique avant le vendredi 25 avril 2025 à anthony.rageul@univ-reims.fr en indiquant « colloqueBD » dans l’objet. Les contributions d’artistes et les formes innovantes d’intervention en colloque sont également les bienvenues.

Calendrier prévisionnel

- diffusion de l’AAC : mi février 2025
- date limite d’envoi des propositions :  25 avril 2025
- date limite de sélection et de retours aux auteurs : fin mai 2025
- date du colloque : du 15 au 17 octobre 2025 sous réserve de l'évolution de la situation budgétaire nationale et de l’université. En cas d’impossibilité d’organiser le colloque aux dates prévues, il se verrait reporté du 11 au 13 février 2026.