
FrancophonieS et LusophonieS : les angles morts de la traduction littéraire (revue Intercâmbio)
Intercâmbio n°18 (2025)
Revue d’Études Françaises de la Faculté de Lettres de l’Université de Porto (Portugal)
https://ojs.letras.up.pt/index.php/int/issue/archive
Appel à contributions
FrancophonieS et LusophonieS : les angles morts de la traduction littéraire
Pour ce numéro thématique de la revue Intercâmbio, nous proposons de nous concentrer sur ce que nous appelons métaphoriquement les « angles morts » de la traduction littéraire, car ils représentent des perspectives rarement prises en compte. Dans une perspective plus générale, on peut citer les études « sur ce qui se passe dans les marges, en marge et au seuil de la traduction » (Araújo et Bacquelaine, 2022) dans le domaine de la paratraduction (Yuste Frías et Garrido Vilariño, 2022). En effet, on tend à privilégier des corpus d’analyse limités à un contexte littéraire national (Mendes, 2012 ; Torres, 2011) ou on considère la traduction comme l'un des vecteurs fondamentaux soit des rapports internationaux, soit de la consécration littéraire des auteurs et de leur pays d’origine.
Cependant, en cette ère du marché mondialisé de la traduction littéraire (Sapiro, 2008), on constate la coexistence de dynamiques de promotion à grande échelle, qui suivent une logique fondamentalement économique en fonction des relations de pouvoir entre les différentes langues et cultures et de dynamiques de production et de circulation restreintes (Bourdieu, 1992). Celles-ci sont assurées par des acteurs et différents agents de médiation dédiés à la circulation des textes et aux échanges interculturels en marge des marchés éditoriaux dominants, qu’ils appartiennent à des domaines économiques, artistiques ou institutionnels. C’est justement sur ces phénomènes que nous souhaitons attirer l'attention, car il s’agit là de dimensions masquées sous les chiffres et les statistiques concernant la traduction littéraire, notamment ceux de l'Index Translationum, par ailleurs très incomplets et obsolètes.
Outre la présentation d'études de cas concernant des œuvres et des littératures traduites du français en portugais et/ou du portugais en français qui s’écartent des auteurs consacrés par les dynamiques du marché et dépassent les frontières nationales, notre objectif principal est d’élargir la connaissance sur le phénomène de la traduction littéraire en tant que processus à plusieurs mains et, plus particulièrement, sur les échanges littéraires et culturels entre le français et le portugais, tout en proposant à la réflexion et au débat les défis – avantages, inconvénients et/ou apories – qui se présentent quand on essaie de concevoir la traduction littéraire entre ces deux langues dans un cadre plus large, c’est-à-dire dans l’espace transculturel (Mencé-Caster, 2018) des francophonies et des lusophonies.
Si des études consacrées aux traductions littéraires entre le français et le portugais existent, rares sont celles qui explorent les angles morts de ce phénomène. Sans oublier, entre autres, l’importante somme historique qui vient d’être publiée sur la traduction et les traducteurs littéraires au Portugal du XVIIIe au XXe siècle (Seruya, 2024), notre cible est la diffusion et l’analyse critique du processus de traduction littéraire entre le français et le portugais mené en marge des grandes maisons d’édition et de la pression des prix littéraires, et ce, au cours des dernières décennies qui correspondent à la période d’émergence des littératures francophones et lusophones postcoloniales. Parallèlement, nous aimerions aussi ouvrir un espace international de discussion sur ce qu'il faut faire pour explorer et mettre en valeur ces deux aires linguistiques intrinsèquement plurielles, car si riches en diversité géoculturelle, et ce, moyennant une dynamique en réseau, à la fois socioculturelle et scientifique, émancipée des atavismes de la colonialité.
En somme, notre proposition éditoriale et les questions de recherche sur lesquelles elle se fonde partent de la conviction que la résistance à l'impérialisme économique et à l'hégémonie culturelle, qui engagent des langues comme le français et le portugais à différents niveaux, passe aussi par la prise en charge de leurs littératures, qui, par définition, exponentialisent les modalités expressives d'une langue, en favorisant et en projetant à la fois la mémoire et la pensée sur le monde, y compris la pensée créative du monde à venir. Il va sans dire que la traduction littéraire prolonge ces effets dont elle dépend aussi.
Nous invitons les chercheurs à proposer un article (d’une longueur maximum de 20 pages en format A4, incluant la bibliographie et les annexes) sur un des axes suivants :
- Dynamiques de circulation restreinte entre littératures de langue française et littératures de langue portugaise
- La nature, le rôle et les actions des passeurs (in)visibles entre le français et le portugais littéraires : traducteurs, éditeurs, critiques, jury de prix et de concours, acteurs institutionnels, enseignants…
- Les phénomènes de non-traduction entre littératures de langue française et de langue portugaise
- La traduction indirecte (par exemple via l’anglais) entre francophonie et lusophonie littéraires
- (In)Visibilités des littératures francophones traduites dans les systèmes littéraires lusophones et vice versa (Even-Zohar, 2021 [2000]).
Langues de rédaction : français et portugais
Les articles doivent suivre les normes de publication de la revue, y compris les références bibliographiques, sous peine de non-publication. Les normes de la revue sont consultables ici.
Calendrier :
30 mai 2025 : envoi des articles à l'adresse électronique intercambio@letras.up.pt
30 septembre 2025 : notification de rejet ou d’acceptation des articles, avec ou sans modifications, après une évaluation par les pairs
30 octobre 2025 : envoi des articles dans leur version définitive
Décembre 2025 : publication en ligne de la revue
Organisation :
Ana Paula Coutinho (Un.Porto / Instituto de Literatura Comparada Margarida Losa)
Françoise Bacquelaine (Un. Porto / Centro de Linguística da Universidade do Porto)
Marie Giraud-Claude-Lafontaine (Un. Porto / Instituto de Literatura Comparada Margarida Losa)
Adresse de contact : intercambio@letras.up.pt
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Références :
Araújo, S. et Bacquelaine, F. (2022). Compte rendu de [Yuste Frías, José et Garrido Vilariño, Xoan Manuel, eds. (2022). Traducción & Paratraducción I. Líneas de investigación. Berlin: Peter Lang, 336 p.] Meta, 67(3), 675–677. https://doi.org/10.7202/1100482ar
Bourdieu, P. (1992). Les Règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire. Éditions de Minuit.
Coutinho Mendes, A.-P. (2012). De ‘invasões’ e ‘retiradas’ da Literatura Francesa em Portugal: reflexões para uma política da literatura traduzida. Carnets, Première Série - 4 Numéro Spécial, 317-328. https://doi.org/10.4000/carnets.7951
Even-Zohar, I. (2021 [2000]). The position of translated literature within the literary polysystem. The Translation Studies Reader, 4e édition, 191-196. https://doi.org/10.4324/9780429280641-23.
Mencé-Caster, C. (2018). Traduire entre les cultures : un horizon du divers ?. HispanismeS, Hors-série 2. https://doi.org/10.4000/hispanismes.11383
Sapiro, G. (dir.). (2008). Translatio. Le Marché de la traduction en France à l’heure de la mondialisation. CNRS Editions.
Seruya, T. (org.). (2024). Tradução e Tradutores em Portugal. Um contributo para a sua história (séculos XVIII -XX). Tinta-da China.
Torres, M.-H. (2011). Littérature française traduite au Brésil : la représentation de l’Autre. Dans F. Manzari et F. Rinner (éds.), Traduire le même, l’autre et le soi (1‑). Presses universitaires de Provence. https://doi.org/10.4000/books.pup.20944
Torres, M.-H. (2003). Traduction de la littérature française au Brésil : état de la question. Meta, 48(4), 498-508. https://doi.org/10.7202/008722ar
Yuste Frías, J. et Garrido Vilariño, X.-M. (éd.). (2022). Traducción & Paratraducción I. Líneas de investigación. Peter Lang.