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L'histoire à la première personne

L'histoire à la première personne

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L’histoire s’écrit de plus en plus à la première personne. Les historiens ne se contentent plus de reconstituer et interpréter le passé; ils ressentent désormais le besoin de se raconter eux-mêmes. Un nouveau genre hybride a pris forme, exemplifié notamment par les ouvrages d’auteurs comme I. Jablonka ou Ph. Artières, qui font le récit de leurs enquêtes et décrivent leurs émotions dans un style très littéraire. Inversement, dans le sillage de P. Modiano et W.G. Sebald, certains écrivains tels J. Cercas, É. Vuillard ou L. Binet font bouger la frontière entre vérité romanesque et vérité historique, en créant des "romans non fictionnels". Dans Passés singuliers. Le «je» dans l'écriture de l'histoire (Lux éd.), Enzo Traverso interroge ce tournant subjectiviste dont il souligne les potentialités créatives, les ambigüités politiques et les limites intrinsèques. Fabula vous invite à découvrir l'introduction de l'ouvrage…

Paraît dans le même temps, à l'initiative du CollectiF. B. Parler de soi. Méthodes biographiques en sciences sociales (EHESS éd.), qui montre comment l'analyse biographique, longtemps décriée, est devenue au cours des dernières décennies un outil privilégié de l’histoire et de la sociologie

"Un événement n'est pas ce qu'on peut voir ou savoir de lui, mais ce qu’il devient". Comme le suggérait M. de Certeau dans La Prise de parole, les événements historiques sont de plus en plus souvent abordés à partir de leurs traces mémorielles, qui contribuent à construire et déconstruire leurs interprétations. Le volume supervisé par C. Grenouillet et A. Mangeon sous le titre Mémoires de l'événement. Constructions littéraires des faits historiques (XIXe-XXIe siècle) étudie la manière dont les œuvres littéraires et cinématographiques enregistrent, transposent et transmettent des événements historiques en privilégiant avant tout la fiction

Annick Louis publie de son côté L'invention de Troie. Les vies rêvées de Schlieman (EHESS éd.), l’auteur de quatre autobiographies différentes, qui se construisent à partir d’emprunts à d’autres narrateurs – Homère, des articles de journaux, des légendes locales, les lettres de membres de sa famille et de correspondants inconnus. Schliemann raconte sa vie en faisant l’impasse sur sa formation, qui transforma un homme d’affaires de plus de 40 ans en héros de la science, à une époque où l’archéologie ne possédait pas encore de reconnaissance disciplinaire. Le caractère exemplaire acquis par ces autobiographies interroge notre attachement à certaines formes du récit, mettant finalement en évidence le sens qui se construit dans les interstices de ce qui est dit ou occulté.