Journée doctorale
Études de la forme dialogique des écrits d’artistes : l’artiste critique d’art
À la suite de deux journées doctorales consacrées aux correspondances et entretiens dans le cadre d’une recherche sur les écrits d’artistes, cette journée a pour ambition d’étudier le cas particulier de l’artiste lorsqu’il endosse la position de critique d’art. Il s’agit d’envisager cette situation dialogique singulière dans ses enjeux théoriques, ses situations d’énonciation, ainsi que ses impacts sur la compréhension et l’analyse de la création artistique.
Ces écrits occupent une place déterminante dans le contexte de création de l’artiste, que sa critique porte sur son contemporain, son prédécesseur ou même son héritier, proche ou étranger, au sein d’un même champ artistique ou non. S’intéresser à ces écrits d’artistes implique de s’interroger sur différents aspects de leur rapport à la création. Comment la critique d’artiste participe-t-elle au processus de création ? Peut-elle devenir en elle-même un travail artistique ? Comment s’y révèlent les influences et filiations ? Comment l’exercice critique permet-il aux artistes d’affirmer leurs propres conceptions esthétiques, politiques ou éthiques ? Quels sont les effets de ce type de discours dans le champ artistique ?
Les différentes interventions de la journée auront pour but d’interroger le caractère singulier des écrits critiques d’artistes dans les domaines bien souvent entrecroisés des arts plastiques, du cinéma, de la littérature, de la musique et du théâtre : textes en lien avec des expositions (Daniel Buren, Jean-Luc Godard), oeuvres littéraires nourries des arts (Jorge Luis Borges, Denis Diderot, Jack Kerouac, Alexandre Vampilov), revendications engagées de plasticiens (Rasheed Araeen, Jimmie Durham).
Coordination Simon Daniellou et Ophélie Naessens
Laboratoire L’oeuvre et l’image
Équipe d’accueil Arts : pratiques et poétiques
UFR Arts Lettres Communication
Programme
9h00 > 9h45
Accueil et ouverture de la journée, Simon Daniellou et Ophélie Naessens
9h45 > 10h15
Zsofia Szür
L’art de la sculpture au XVIIIe siècle : Falconet et Diderot
La conception de la hiérarchie des arts s’enracine dans la théorie artistique de la Renaissance italienne : la peinture est plus appréciée que la sculpture, car – du moins selon les théoriciens de l’époque – elle exige plus de capacités intellectuelles lors de la création et de l’interprétation des oeuvres d’art. Nous nous proposons d’examiner cette question au siècle des Lumières, alors que l’art devient une affaire collective, en comparant les idées du sculpteur Étienne-Maurice Falconet dans son Dialogue sur la sculpture, avec celles de son ami écrivain et critique Denis Diderot dans ses Salons. Falconet et Diderot y abordent la question de la comparaison des deux arts selon différents points de vue que nous relèverons : réalisation de l’oeuvre, sujets représentés, moyens pour capter l’attention du spectateur, couleurs, vraisemblance et illusion.
Doctorante à l’Université de Szeged (Hongrie), Zsófia Szür travaille sur la théorie de l’art et la critique d’art des XVIIe et XVIIIe siècles.
10h15 > 10h45
Arthur Mas
Jean-Luc Godard, critique et moraliste des images. Voir et revoir Vrai faux passeport.
Godard dit d’Elena et les hommes de Renoir qu’il est « le film le plus intelligent du monde. L’art en même temps que la théorie de l’art (…) Le cinéma en même temps que l’explication du cinéma ». Critique et création sont pour le cinéaste les deux faces d’une pièce qui a pour nom film. Réalisé en 2006 pour l’exposition « Voyage(s) en utopie » au Centre Pompidou, Vrai faux passeport propose une véritable « forme cinématographique de la critique », la plus éloquente d’une oeuvre qui ne compte pas moins d’une centaine de titres. Le film est sous titré « Fiction documentaire sur des occasions de porter des jugements à propos de la façon de faire des films » : une invitation malicieuse à reconsidérer la distinction traditionnellement admise entre activité critique et création artistique.
Doctorant en Cinéma à l’Université Paris 8 (Vincennes - Saint-Denis), Arthur Mas consacre ses recherches à l’oeuvre de Jean-Luc Godard et à sa conception de l’image cinématographique, des années quatre-vingt à nos jours.
11h00 > 11h30
Sou-Maëlla Bolmey
Discours divergent chez Rasheed Araeen : « l’écriture comme travail artistique et conceptuel »
L’artiste, auteur et éditeur Rasheed Araeen développe un discours divergent dès le milieu des années soixante-dix et se positionne comme l’un des précurseurs des questionnements critiques et théoriques élaborés ensuite par les études postcoloniales. Il s’agira ici de comprendre dans quelle mesure l’espace critique qu’il déploie à travers ses textes mais aussi son travail d’éditeur, s’enracine dans sa production artistique en même temps qu’il la nourrit et la constitue.
Doctorante en Histoire et Critique des arts à l’Université Rennes 2, Sou-Maëlla Bolmey poursuit des recherches sur les interventions d’artistes, textuelles comme visuelles, dans les publications périodiques contemporaines en Europe
11h30 > 14h00
Discussion, Pause déjeuner
14h15 > 14h45
François Jacob
Jack Kerouac, entre écriture et jazz
Tout au long de sa carrière de romancier, Jack Kerouac (1922-1969) s’est apparenté à un chroniqueur du jazz. Dans son oeuvre littéraire, les jazzmen (Charlie Parker, Lester Young, Lennie Tristano) et chanteuses (Bille Holiday) sont élevés au rang de héros et deviennent les représentants d’une philosophie qui combinerait liberté et ferveur religieuse.
Docteur en Histoire de l’art/études anglophones à l’Université Aix-Marseille 1, François Jacob est spécialiste des dessins et peintures d’écrivains, en particulier ceux de Jack Kerouac, et de la notion de contre-culture en histoire de l’art.
14h45 > 15h15
Martial Pisani
Le cinéma de Jorge Luis Borges : le critique en quête de magie
Influence marginale mais certaine sur les récits de l’écrivain argentin, le cinéma occupe une place peut-être plus curieuse encore au sein de son oeuvre d’essayiste. Livrant épisodiquement des critiques de films à plusieurs revues argentines de 1930 à 1945, Borges voue à ses long-métrages favoris une admiration qui rejaillit dans son activité de critique littéraire à la même époque. Le pouvoir de fascination se mue alors discrètement en vertu d’exemple.
Doctorant à l’Université Paris 8 (Vincennes - Saint-Denis), Martial Pisani prépare une thèse sur l’oeuvre d’Erich von Stroheim, et a participé à plusieurs colloques et publications collectives autour des Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard
15h15-15h45
Edouard Rolland
Quand Buren critique Klein, le «Vide» se fait plein de bleus
À la suite de la rétrospective « Yves Klein » au Musée National d’Art Moderne de Paris en 1983, Daniel Buren rédige et publie dans Art Press un article critique à l’égard, non pas de l’exposition en cours, mais de l’artiste lui-même — décédé vingt ans plus tôt — et de ses pratiques artistiques. Buren dénonce notamment chez Klein ses « «travaux» sur l’immatérialité » et sa « mégalomanie », mais avant tout sa « prétention […] à «montrer le vide» », en dépit du fait que Klein n’ait jamais désiré « montrer le vide » en tant que tel.
Il s’agira au cours de cette communication de nous interroger sur la virulence des propos de Daniel Buren, oscillant entre réelles spéculations théoriques et hypothétiques démystifications de l’art de Klein. Nous nous interrogerons pour cela sur les portées, motivations et enjeux de cette critique quelque peu acerbe, tantôt louable, tantôt erronée, à l’encontre d’un de ses pairs qui, en l’occurrence, ne pouvait se défendre et contre argumenter.
Plasticien et docteur en Arts et Sciences de l’art de l’Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), Edouardo Rolland articule son travail à la fois dans le champ pratique (installations) et théorique (catalogue d’exposition de Renaud Bargues, article sur le hasard créatif dans la revue Sans Papier, etc.).
16h > 16h30
Alexandra Yazeva
La critique comme discours dans la communication artistique :
le dramaturge Alexandre Vampilov et son essai sur l’écrivain O. Henry.
L’essai littéraire du dramaturge soviétique Alexandre Vampilov sur l’écrivain américain O. Henry présente un intérêt particulier comme « rencontre » de deux images d’auteurs créées par le rapprochement d’idées esthétiques formant un discours de co-création entre un critique-créateur et son lecteur. Les ressemblances entre les contextes historiques des oeuvres de Vampilov et d’O. Henry motivent et expliquent également cette étude.
Doctorante en cotutelle de thèse (Université d’Irkoutsk (Russie)/Université de Strasbourg), Alexandra Yazeva mène des recherches sur les auteurs Valentin Raspoutine et Alexandre Vampilov.
16h30 > 17h00
Maxence Alcade
Jimmie Durham, pour une critique d’art « autochtone ».
Si l’artiste cherokee Jimmie Durham est surtout connu pour ses productions plastiques, il a également écrit nombre de textes sur l’art et de critiques au sens strict. Auteur du texte accompagnant l’exposition-manifeste « Ni’ Go Tlunh a Doh Ka », il revendique un art amérindien ancré pleinement dans l’art contemporain international. Éminemment politique et artistique, l’engagement de Durham reflète une nouvelle posture de l’artiste critique d’art « autochtone » face à la culture globalisée. Nous nous interrogerons donc sur ce qui le pousse à délaisser la production plastique pour une production textuelle et verrons en quoi sa posture se différencie de celle d’autres artistes critiques aux préoccupations semblables.
Docteur en Esthétique, Sciences et Technologies des arts et chercheur associé au laboratoire « Langage et discours sur l’art » (Paris 8), Maxence Alcalde est critique d’art, co-fondateur de la revue Marges, directeur de publication du multiple d’artiste Flippancy, et auteur de L’Artiste Opportuniste. Entre posture et transgression (L’Harmattan, 2011).
17h00 > 17h30
Discussion et conclusion
Contacts :
Nelly Brégeault (secrétariat recherche)
Nelly.bregeault@univ-rennes2.fr
S. Daniellou : s.daniellou@dbmail.com
O. Naessens : ophelie.naessens@orange.fr
Université Rennes 2, Campus Villejean
Bâtiment B, salle B019
Place du Recteur Henri Le Moal
35000 Rennes
Metro Villejean Université