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Le moudjahid dans l’imaginaire littéraire algérien : soixante ans de célébration ?

Le moudjahid dans l’imaginaire littéraire algérien : soixante ans de célébration ?

Publié le par Jean-Christophe Corrado (Source : Naouel Abdessemed)

Appel à communication

Journée d’étude 

Le moudjahid dans l’imaginaire littéraire algérien : soixante ans de célébration ?

Le 18 novembre 2022 à l’Université Catholique de Louvain

L’Algérie vient de célébrer son 60e anniversaire d’indépendance. Cet événement est sans doute l’un des plus importants dans l’histoire du pays. Le 5 juillet est le jour où l’on célèbre la victoire du peuple algérien et son passé héroïque dans la lutte pour la liberté et la dignité. C’est le jour où l’on rend hommage aux martyrs et au moudjahid (l’ancien combattant de la guerre de libération), « le brillant héros de la mémoire fondatrice de la nation » (Daoud Mohamed, Le Roman algérien de langue arabe, 2002, p. 112).

Depuis l’indépendance, l’État algérien place le moudjahid comme le héros national qui a sauvé le pays de la colonisation. Dans le discours officiel algérien, le moudjahid incarne la bravoure, le courage, la dignité et la virilité. C’est une figure presque sacrée, à qui il faut rendre hommage en permanence, notamment dans les discours politiques. Figure emblématique de l’identité nationale, il est fondateur. Le moudjahid marque ainsi l’imaginaire national algérien et la littérature du pays (arabophone et francophone) depuis des années. Nous pouvons citer à titre d’exemples les personnages emblématiques suivants : L’As (L’As de Tahar Ouettar, 1974), Ṣāliḥ b. ʻĀmir al-Zūfrī (Fleurs d’amandiers de Waciny Laredj, 1983), Menouar Ziada (Les Vigiles de Tahar Djaout, 1991), Ḫālid b. Ṭūbāl (Mémoire de la chair d’Ahlam Mostaghanemi, 1993), Si Morice (La Malédiction de Rachid Mimouni, 1993), Ḫūyā Daḥmān et Boudiaf dans les textes respectifs de Marzāq Baqṭāš (Ḫūyā Daḥmān, 2000 et Dam al-ġazāl, 2002), Nūra (‘Arš mu‘aššaq de Rabī‘a Ğalṭī, 2013), etc.

Le personnage du moudjahid, qu’il soit homme ou femme, apparaît ainsi comme un « lieu de mémoire » inévitable pour les écrivains algériens. Rappelons que le concept, selon Pierre Nora (Les Lieux de mémoire, 1997), désigne et englobe tout élément abstrait ou concret (personne, événement, monument ou autres) qui devient un symbole mémoriel, suscitant la commémoration et l’unification d’un groupe. Il porte un souvenir partagé et fortement parlant. Revisiter cette figure fondatrice et emblématique, n’est-il pas une manière de questionner le passé historique et mémoriel du pays, jugé souvent dans la littérature comme falsifié ou mal écrit ? Par exemple, L’As, Les Vigiles, La Malédiction et Dam al-ġazāl mettent à mal le discours officiel algérien, en révélant des épisodes fratricides de la guerre d’indépendance, tus par le discours commémoratif. Quels rôles alors endosse le combattant dans cette perspective ? Et comment est-il mis en scène ? Dans les textes précités, le personnage du moudjahid est aux antipodes du héros positif du discours officiel. Il apparaît comme négligé, marginalisé et persécuté par le système. Ces récits autobiographiques et fictionnels produisent alors un « contre-discours », ils montrent qu’en réalité, le vrai combattant est instrumentalisé par le régime politique, afin de conforter le discours des dirigeants. Dès lors, l’acteur fondamental de l’Histoire algérienne moderne est suspendu entre deux mémoires : celle du discours historique commémoratif qui s’empare de la légitimité révolutionnaire du moudjahid pour réaffirmer son pouvoir et une mémoire littéraire, personnelle et traumatique qui déterre les non-dits et les mensonges étatiques. En ce sens, la réécriture de l’histoire du moudjahid pourrait être  perçue comme un pilier de l’engagement littéraire chez les écrivains algériens.

Le but de cette journée d’étude est d’approfondir et d’élargir ces pistes de réflexions, en explorant d’autres textes littéraires (romans, autofictions ou autobiographies), qu’ils soient arabophones ou francophones. Nous interrogerons les paradigmes littéraires (esthétiques, discursifs, etc.) sollicités par les écrivains algériens afin de figurer le moudjahid. Nous souhaitons ainsi comprendre depuis quel moment et de quelle manière ce personnage marque la littérature, quels sont les textes que nous pouvons considérer comme emblématiques dans la représentation du héros national et si son apparition est liée à un contexte particulier dans l’histoire du pays.

Modalités pratiques

Les chercheur.e.s, jeunes chercheur.e.s, doctorant.e.s ou post-doctorant.e.s qui souhaitent participer à la journée d’étude peuvent envoyer une proposition de communication (en format Word) d’environ 400 mots maximum, avant le 10 septembre 2022 aux deux organisatrices :

Maha Smati : maha.smati@uclouvain.be

Naouel Abdessemed : nawel_ni7@hotmail.fr

Les propositions doivent contenir le titre de la communication, l’institution de rattachement et une brève notice bio-bibliographique.

Le français est la seule langue acceptée pour participer à la journée d’étude, qui se déroulera le vendredi 18 novembre 2022.

Les repas vous seront offerts et les frais d’hébergement seront pris en charge par le laboratoire d’accueil. Les frais de déplacement restent à la charge des participant.e.s.

Au plaisir de vous rencontrer et de vous accueillir au sein de l’Université Catholique de Louvain.

Calendrier

10 septembre : dernier délai pour réceptionner vos propositions.

14 septembre : communication des réponses aux candidat.e.s.

19 septembre : date limite pour confirmer votre participation à la journée d’étude.

7 octobre : communication du programme définitif de la journée d’étude.

18 novembre : le déroulement de l’événement.

 

Bibliographie :

ABDESSEMED Naouel, L’Autonarration dans la littérature algérienne d’expression arabe : Ḏākirat al-mā’  de Waciny Laredj et Dam al-ġazāl de Marzāq Baqṭāš, (dir. Elisabeth Vauthier), thèse de doctorat soutenue à l’université de Jean-Moulin – Lyon 3, 2021.

ALCARAZ Emmanuel, Les Lieux de mémoire de la guerre d’indépendance algérienne, Paris, Karthala, 2017.

CARLIER Omar, « Le moudjahid, mort ou vif ? », dans Anny Dayan Rosenman et Lucette Valensi (dir.), La Guerre d’Algérie dans la mémoire et l’imaginaire, Saint-Denis, Éditions Bouchene, 2004, p. 51-85.

COX Debbie, Politics, Language, and Gender in the Algerian Arabic Novel, New York, The Edwin Mellen Press, 2002.

DAOUD Mohamed, Le Roman algérien de langue arabe. Lectures critiques, Oran, Éditions CRASC, 2002.

LAZALI Karima, Le Trauma colonial. Une enquête sur les effets psychologiques et politiques contemporains de l’oppression coloniale en Algérie, Paris, Éditions La Découverte, 2018.

NORA Pierre (dir), Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1997, 3 vol.

SMATI Maha, « Le moudjahid, clé de dévoilement de l’Histoire dans Les Vigiles de Tahar Djaout et La Malédiction de Rachid Mimouni », Les Lettres Romanes, vol. 75, n°1-2, 2021, p. 167-186.