Du sublime en peinture
1Clélia Nau démontre comment un traité de rhétorique antique, le Peri hupsous de Longin, redécouvert à la Renaissance et traduit en 1674 par Boileau, a eu un retentissement remarquable dans les arts visuels. Cheminant par l’Italie, il est assimilé par le Tasse qui, dans le Discours de la poétique et du poème héroïque diffuse les idées d’Aristote et de Longin. Clélia Nau considère ainsi que la Poétique, le Traité du sublime et le Discours du Tasse autorisent à envisager une théorie du sublime chez Poussin. Dans l’introduction, le propos est posé : « montrer que le Peri hupsous récèle de quoi nourrir une véritable théorie du sublime en peinture » et plus précisément dans la peinture de paysage de Poussin. Le peintre, qualifié de « peintre philosophe », ne pouvait en effet ignorer les écrits du Tasse. La question de la poétique dans la représentation visuelle est au cœur de la démonstration de Clélia Nau. Elle explique avec précision de quelle façon l’idée de rupture est inhérente au sublime et comment Poussin, dans ses représentations, qui intègrent nécessairement une notion temporelle, l’a assimilée. Mais qu’est-ce qui permet d’affirmer cette recherche du sublime chez Poussin ? Ses écrits et notamment les Lettres et propos sur l’art édités par Anthony Blunt.
2Dans l’ensemble de l’ouvrage, l’auteur porte une grande attention aux textes et aux descriptions des œuvres. Les démonstrations, les affirmations prennent toujours appui sur les sources. Les trois premiers chapitres s’intéressent à la réception du Peri hupsous de Longin et à son contenu. Le quatrième fait le lien avec la peinture : « Longin et le paysage classique ». Quant aux trois suivants, ils analysent les œuvres picturales et théoriques de Poussin et développent pleinement la thématique de l’ouvrage.
3Les tableaux de Poussin sont reproduits dans un cahier en noir et blanc ; une aide pour le lecteur qui pourra aisément les retrouver en couleur dans un bon catalogue. La bibliographie, plutôt exhaustive, propose un classement thématique discutable : il eut été sans doute préférable de mentionner d’une part les sources et d’autre part la bibliographie moderne, sans se soucier des thèmes. Enfin, l’index des noms propres, complété par les titres des œuvres de Poussin citées achève l’ouvrage.
4Une fois encore, la preuve est faite que les théories littéraires et artistiques ont bien plus que des frontières communes. L’essai de Clélia Nau propose, en se référant aux sources de la philosophie et à celles des arts visuels, une analyse du sublime quelque peu différente. En effet, le sublime avait déjà depuis fort longtemps été lié aux arts visuels, mais elle démontre, toujours en s’appuyant sur les textes, de quelle manière ce processus s’est élaboré. Les paysages de Poussin, les tempesta et leur chaos devraient maintenant s’offrir différemment à nos regards.
5Mentionnons pour finir une publication récente dont l’un des articles pourra prolonger la lecture de l’ouvrage de Clélia Nau : Baldine de Saint-Girons, « Du sublime de la tempête », L'eau, les eaux. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006 sous la direction de Jackie Pigeaud. Xè Entretiens de La Garenne-Lemot, 9-11 oct. 2003.