Dévoiler le désir féminin
1L’ouvrage de Lucie Nizard, issu de sa thèse de doctorat, est l’aboutissement de plusieurs années de recherche sur les représentations littéraires des femmes au xixe siècle. S’inscrivant dans la lignée des travaux d’Éléonore Reverzy et de Christine Planté, Les Voiles du désir féminin porte plus particulièrement sur l’écriture du désir sexuel féminin dans les romans de mœurs publiés entre 1857 et 1914. La réflexion de l’autrice se fonde en premier lieu sur le constat d’un paradoxe structurant : le roman de mœurs, qui nourrit l’ambition de « tout voir et tout peindre1 », à l’image du personnage-artiste de L’Œuvre de Zola, se met lui-même en échec lorsqu’il s’agit du désir sexuel des femmes. L’idéal d’objectivité et de clarté se heurte non seulement à un devoir de décence, mais aussi à la subjectivité des auteurs masculins, qui projettent dans la fiction leurs préjugés, leurs fantasmes et leurs angoisses liés à la sexualité féminine. Ainsi les « voiles » mentionnés dans le titre de l’ouvrage ne renvoient-ils pas uniquement au caractère insaisissable que l’on prête d’ordinaire au désir féminin, mais bien aux mots des auteurs pour le décrire et aux imaginaires sur lesquels ils se fondent pour construire leurs personnages de femmes désirantes. Lucie Nizard entend démontrer que la poétique du désir féminin dans ces textes, marqués par les discours de leur époque et par la subjectivité de leurs auteurs, renseigne sur la construction des identités de genre.
2La principale originalité de ce travail réside dans la double approche méthodologique choisie par l’autrice. En adoptant une perspective sociocritique, définie comme une « herméneutique sociale des textes2 », elle parvient à saisir avec finesse les interactions des œuvres littéraires qu’elle étudie avec les discours médicaux, moraux et religieux de leur temps. Néanmoins, loin de faire du roman un simple document historique qui informerait le lecteur sur les règles érotiques du second xixe siècle, Lucie Nizard cherche à saisir la spécificité de l’écriture romanesque et désire montrer comment « la littérature permet la multiplication des points de vue et des voix, l’équivocité et l’ambiguïté, et entretient un rapport dynamique avec les préjugés de son époque » (p. 20). Choisir les études de genre comme cadre théorique principal apporte par ailleurs une subtilité considérable à sa réflexion : tandis qu’elle refuse, au seuil de son ouvrage, de « juger les écrivains du second xixe siècle » ou de « leur intenter un procès pour misogynie qui aboutirait à une censure a posteriori » (p. 16), l’autrice prouve par la rigueur intellectuelle de son travail que les concepts et les théories issus des gender studies constituent des outils d’analyse tout à fait fructueux pour l’étude des textes littéraires. Dans la continuité des réflexions amorcées par Christine Planté3, l’ouvrage de Lucie Nizard illustre avec sagacité l’utilité épistémologique du genre en littérature.
Désir féminin et écriture romanesque
Romans de mœurs et « mise en discours4 » du sexe au xixe siècle
3La période étudiée par Lucie Nizard est marquée par une obsession du désir sexuel des femmes qui touche tous les domaines de la société. L’intérêt accordé à ce sujet dans les textes médicaux, religieux ou juridiques n’est pas sans rappeler l’idée foucaldienne d’un « éréthisme discursif généralisé5 » autour de la sexualité qui viserait à contrôler et à surveiller les corps et les pratiques des individus. L’autrice prend en compte ce contexte discursif, évoquant entre autres la mainmise du confesseur sur la sexualité féminine, ou encore les réflexions sur l’hystérie dans le domaine médical. Elle souligne en même temps la porosité des différents discours, et montre comment les liens entre écriture romanesque et imaginaires sociaux permettent de saisir le rôle de la littérature dans la circulation des idées sur le désir féminin au cours du second xixe siècle. Les ambitions scientifiques des textes littéraires qu’elle étudie expliquent leur dialogue constant avec d’autres discours. Lucie Nizard envisage ainsi le roman de mœurs comme une « étiquette élastique » permettant d’explorer un vaste corpus d’œuvres qui « ont la prétention d’observer des personnages de femmes désirantes évoluant dans le monde qui leur est contemporain, en se plaçant du point de vue de l’étude des mœurs, dans une volonté ethnographique » (p. 18). La visée anthropologique de ce genre romanesque fait de l’écriture du désir féminin un enjeu à la fois social, moral et littéraire.
4Ainsi le corpus littéraire et son contexte justifient-ils pleinement la démarche interdisciplinaire qui structure la première partie de l’ouvrage (« Imaginaires du désir féminin »). Celle-ci permet à l’autrice de mettre en lumière les « contaminations réciproques » (p. 33) des différents discours. Elle évoque notamment le discours délétère de l’Église qui exerce un contrôle exacerbé sur la sexualité des jeunes filles et analyse l’érotisme de la rhétorique religieuse, qui tend à confondre extase sexuelle et mystique. La mise à distance ironique du discours religieux dans les textes littéraires apparaît comme le signe d’une méfiance grandissante à l’égard du clergé dans la seconde moitié du siècle. Le rapport qu’entretiennent les romans avec le discours médical est quant à lui plus ambigu : prenant pour exemple le parallèle établi par Zola entre le médecin et l’écrivain dans Le Roman expérimental, l’autrice constate que « les romanciers s’emparent des théories médicales, qu’ils modèlent selon les exigences du genre romanesque » (p. 34). La pathologisation du désir féminin ou la condamnation de l’onanisme sont autant de préjugés médicaux réinvestis en littérature qui contribuent à transformer le roman en « miroir déformant » du discours médical (p. 42).
Le désir féminin, ferment de l’écriture romanesque
5Au-delà des interactions du roman avec les différents discours, Lucie Nizard s’intéresse aux particularités de l’écriture du désir féminin en littérature. Dans la deuxième partie de l’ouvrage (« Voiles et signes. Poétique du désir sexuel féminin »), l’autrice cherche à mettre en évidence la spécificité de l’écriture romanesque : la réflexion sur les enjeux discursifs et idéologiques de la représentation du désir féminin laisse alors place à des analyses plus littéraires. L’autrice s’appuie ainsi sur des outils narratologiques et stylistiques pour mettre en lumière la place accordée au désir féminin dans la fiction. Le premier chapitre de la deuxième partie (« Pourquoi représenter le désir féminin ? ») présente le désir sexuel des femmes comme un thème structurant de l’écriture romanesque et propose une typologie des différentes fonctions narratives du désir féminin. Successivement allégorie politique, ressort comique, ou motif d’excitation pour le lecteur, le désir sexuel des femmes participe activement à la dynamique de l’intrigue.
6Ce deuxième temps s’intéresse également aux contraintes que doivent affronter les romanciers lorsqu’il s’agit d’écrire sur la sexualité féminine. Le roman naturaliste tente de justifier l’écriture de la sexualité en littérature par la recherche du vrai et sa fonction didactique, revendiquant une « rhétorique de la transparence » (p. 106) afin de se prémunir contre les accusations d’obscénité. Néanmoins, force est de constater que la bienséance et la censure obligent les romanciers à évoquer le désir des femmes de façon détournée. Les analyses de l’autrice dévoilent les détours stylistiques par lesquels passent ces auteurs, et révèlent leurs enjeux non seulement poétiques mais aussi idéologiques.
Les voiles de la subjectivité masculine
« Poétique de l’oblicité » (p. 107) : allégories, silences et déplacements
7Lucie Nizard parvient judicieusement à mettre en évidence les relations entre procédés d’écriture et subjectivité des auteurs masculins, faisant de la question du genre un enjeu poétique. Les chapitres deux et trois de la deuxième partie, consacrés à la « figuration oblique » et à « l’art du double sens », montrent comment ces procédés déterminent l’écriture du désir féminin dans le roman de mœurs en même temps qu’ils nuisent au désir d’objectivité des auteurs. L’autrice évoque un « travail stylistique de voilage [qui] contribue tout à la fois à une dissimulation pudique et à une recherche formelle, combinant éthique et esthétique » (p. 107). L’étude génétique des manuscrits de Madame Bovary qu’elle propose est en ce sens révélatrice, puisqu’elle permet d’illuster « un voilage méthodique de l’obscénité » (p. 113) grâce au travail de polissage du texte, l’objectif étant d’« [édulcorer] les passages sexuels en les stylisant » (p. 114). Ces procédés de « voilage » requièrent une participation active du lecteur, qui doit se transformer en véritable herméneute pour saisir les références intertextuelles, les allusions cryptées, et restituer les ellipses. Il résulte ainsi de cette poétique un véritable plaisir du décodage qui repose sur une connivence entre le lecteur et le romancier, qui sont le plus souvent des hommes.
8Les métaphores sont quant à elles symptomatiques du rapport que les auteurs masculins entretiennent avec le désir sexuel des femmes : les comparaisons animales, les personnages monstrueux de sorcières ou encore d’ogresses sont autant d’images « [révélatrices] d’imaginaires tourmentés par le désir féminin » (p. 121). Les angoisses irrationnelles d’une masculinité menacée surgissent dans la fiction et mettent à mal l’écriture positiviste du désir à laquelle les auteurs réalistes et naturalistes aspirent. Les écrivains — qui s’appuient paradoxalement sur le discours médical — s’engagent ainsi dans une « entreprise de mythification qui sert la construction d’un imaginaire irrationnel » (p. 43). Réduisant les femmes à des types, fabriquant des monstres, ils affirment le caractère anormal d’une sexualité féminine cauchemardesque, insatiable et menaçante par l’écriture.
« On doit donc être mère ou maîtresse » (p. 64)
9Cette figuration monstrueuse du désir féminin dans le roman est étroitement liée au rapport ambivalent que les écrivains et les médecins instaurent entre désir et féminité. Le deuxième chapitre de la première partie (« Désir féminin : oxymore ou pléonasme ? ») met en lumière la perspective essentialiste qui domine les représentations de « la femme » dans le second xixe siècle et qui la soumet à des injonctions contradictoires dans le domaine sexuel. Si certains auteurs insistent sur la chasteté des femmes, d’autres conçoivent le désir comme « le fondement ontologique du féminin » (p. 48). Partant, la pudeur constitue un impératif censé protéger les femmes de leur propre concupiscence, ce qui aboutit à une inégalité érotique entre hommes et femmes face au désir.
10Ainsi les sempiternels archétypes de la mère et de la putain demeurent-ils structurants dans les romans. La figure maternelle est érigée comme un idéal et une dissociation progressive s’opère entre désir féminin et maternité : les personnages de mère deviennent des femmes sans désir au terme d’un transfert du désir sexuel au désir d’enfant. Opposées à cet « idéal de la mère sans sexe » (p. 64), les personnages féminins qui se caractérisent par un désir jugé excessif ou déréglé sont associés à une forme de stérilité, en témoignent les fausses-couches de Germinie Lacerteux, de Thérèse Raquin, ou de Renée dans La Curée. Dès lors que le désir des personnages féminins entre en conflit avec les représentations des auteurs masculins, ces derniers les dépeignent dans la fiction comme les jouets de leurs pulsions. Elles sont finalement punies de diverses manières dans le roman de mœurs du second xixe siècle, que Lucie Nizard décrit comme un « univers laïcisé où le pardon chrétien est remplacé par l’inflexible destin biologique » (p. 85). Qu’elle soit soumise aux mouvements de la nature ou « vierge-mère », la figure essentialisée de la femme construite par les imaginaires masculins du xixe siècle ne peut qu’entretenir un rapport agonistique avec son désir.
11La quatrième partie de l’ouvrage (« Libérations ») envisage néanmoins la possibilité d’une relation apaisée entre les femmes et leur désir. Dans le dernier temps de sa réflexion, l’autrice s’intéresse en effet aux liens complexes qui existent entre émancipation féminine et désir sexuel. Partant, elle envisage la sexualité féminine d’un point de vue politique. Son développement sur le personnage d’Edmée de Mauprat permet par exemple de mettre en lumière le rêve d’un désir féminin à l’origine d’un monde plus juste à travers l’écriture d’un « idéal courtois républicanisé » (p. 200). Sand établirait ainsi une corrélation entre liberté de la femme et liberté du peuple. À travers les analyses qu’elle propose, Lucie Nizard montre qu’il existe chez certaines autrices, comme Renée Vivien ou Colette, la possibilité de s’affranchir du désir masculin. Bien que quelques voix subversives se fassent entendre, l’autrice souligne toutefois la rareté de l’engagement pour la liberté sexuelle des femmes : la seconde moitié du xixe siècle demeure tiraillée entre rêve d’égalité érotique et méfiance lancinante envers le désir féminin.
12La démarche de Lucie Nizard permet ainsi de lever le voile sur la poétique érotique des romanciers : en s’appuyant sur les outils propres à l’analyse littéraire, sans négliger la spécificité des œuvres étudiées, elle parvient à mettre en lumière une pensée genrée du désir féminin qui s’élabore au sein de l’écriture romanesque. La prise en compte des études de genre et des questionnements actuels sur le désir féminin dans son travail lui permettent finalement d’aborder avec un regard neuf la représentation littéraire de la sexualité féminine.
Le genre, « catégorie utile d’analyse » littéraire6
Repenser l’écriture du désir féminin après #MeToo
13Alors que le mouvement #MeToo engendre depuis 2017 une prise de conscience collective sur les questions de consentement et de violences sexistes et sexuelles, plusieurs chercheurs et chercheuses ont réfléchi ces dernières années à l’influence de ce mouvement sur l’étude et l’enseignement des œuvres littéraires7. Si d’aucuns craignent l’écueil d’une lecture anachronique et d’un figement interprétatif qui réduiraient les textes à de simples représentants d’une culture du viol, Lucie Nizard prend son parti et nous invite à changer le regard que nous portons sur la littérature sans pour autant délaisser l’analyse de la forme ou les enjeux esthétiques. Dès l’introduction, l’autrice s’attache à souligner l’apport des débats contemporains dans sa réflexion, affirmant que « les interrogations de notre époque, mises en miroir avec celles de jadis, permettent un double éclairage réciproque : si les romans de la période 1857-1914 livrent des sens nouveaux à l’aune des questions inédites qui leur sont posées, les représentations actuelles du féminin se dessillent à leur tour dans cette confrontation » (p. 15). Loin de restreindre le sens des textes, la question des violences sexuelles et les études de genre permettent au contraire d’en saisir les ambivalences et la complexité.
14La notion du consentement devient ainsi un enjeu central de l’écriture du désir féminin. Alors que le dernier chapitre de la deuxième partie met en évidence le caractère inexprimable du désir sexuel féminin, c’est dans la troisième partie de l’ouvrage (« Le désir en question ») que cet enjeu est traité avec précision par l’autrice ; contraintes par la pudeur à ne pas exprimer leur désir, les femmes seraient forcées de résister au désir masculin pour préserver leur vertu. Tout en rappelant l’héritage des romans libertins du xviiie siècle, modèle littéraire de cette « esthétique de la résistance inutile » (p. 170), Lucie Nizard met en lumière la confusion entre désir et consentement féminins dans l’imaginaire collectif : « Les discours sociaux du second xixe siècle opèrent des superpositions entre le désir féminin, presque toujours postulé comme une donnée indubitable, et l’absence de consentement, bafoué en raison de ce désir supposé qui justifierait les initiatives sexuelles masculines » (p. 163). Le viol apparaît comme la conséquence du désir féminin dans l’imaginaire du second xixe siècle, un constat qui conduit l’autrice à étudier ce qu’elle nomme « La comédie du viol ». Son étude du « combat amoureux », des « résistances de convention », prétendument trahies par le langage infraverbal des victimes, et de « l’abandon voluptueux », participe à historiciser la notion de consentement tout en dévoilant les topoï littéraires qui lient de façon systématique érotisme et violence.
15Le concept de male gaze joue par ailleurs un rôle central dans la réflexion de l’autrice. Théorisé par Laura Mulvey en 1975 pour l’analyse filmique, il postule que la représentation des femmes au cinéma est déterminée par et pour le désir masculin. Sa pensée se fonde sur la psychanalyse pour montrer que le cinéma s’appuie à la fois sur la scopophilie et le narcissisme du spectateur masculin pour mettre en scène ses personnages féminins. Lucie Nizard choisit d’appliquer cette notion aux textes littéraires et entend montrer comment « la théorie de Mulvey peut nous aider à penser ce point de vue dominant dans la littérature du second xixe siècle » (p. 255). Dans la deuxième partie, le détour par le roman pornographique, « miroir grossissant des fantasmes de ses lecteurs » (p. 101), permet à l’autrice de mettre en lumière les mécanismes qui assurent l’excitation du lecteur masculin, comme le dispositif voyeuriste, la réification des corps et le fantasme de disponibilité sexuelle des femmes dont résulte la négligence de leur consentement. Au-delà du genre pornographique, Lucie Nizard constate tout au long de son ouvrage la « disproportion genrée du droit à la formulation du désir » (p. 134) : dans la majorité des cas, le désir des personnages féminins est observé, raconté et interprété par des hommes. L’identité genrée de l’auteur, la focalisation et la réception des textes sont autant de facteurs qui déterminent l’écriture du désir sexuel féminin. Néanmoins, quelques voix dissidentes et féminines se font entendre.
Les voix féminines du désir
16Le refus du corpus androcentré et la prise en compte du point de vue féminin en littérature permettent à Lucie Nizard de ne pas restreindre son raisonnement au discours dominant sur le désir féminin. Tandis que l’ensemble de sa réflexion s’appuie sur des textes écrits aussi bien par des hommes que par des femmes, la dernière partie de l’ouvrage accorde une place toute particulière aux écrivaines. L’autrice écarte de son analyse l’idée d’une écriture typiquement féminine qui relèverait d’une approche essentialiste afin de saisir à la fois la diversité et la singularité des autrices évoquant le désir féminin dans leurs textes. Elle émet toutefois l’hypothèse d’une « nouvelle éthique érotique » (p. 253) émergeant des romans écrits par des femmes. S’appuyant sur des autrices comme Renée Vivien, Colette ou André Léo, elle questionne le surgissement d’un female gaze dans la fiction. Leur représentation du désir, moins violente, moins phallocentrique, propose « une manière de mettre en lumière des subjectivités féminines et à travers elles la possibilité d’un regard féminin de désir qui ne soit aveuglé ni par le trouble, ni par l’hystérie » (p. 262). Le regard féminin qu’elles portent sur la sexualité participe d’une écriture alternative du désir sexuel qui rompt avec les conventions littéraires et les attentes traditionnelles des lecteurs. En se jouant des codes et des topoï, ces autrices proposent de nouveaux modèles de sexualité fondés entre autres sur le désir sexuel assumé, la complicité sororale, voire les plaisirs lesbiens.
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17Les Voiles du désir féminin représente une contribution significative à l’étude de l’écriture du désir féminin au xixe siècle. Tout en éclairant les interactions complexes entre les différents discours de l’époque, l’autrice souligne avec finesse les singularités de l’écriture romanesque, aussi bien féminine que masculine, en proposant des analyses précises et nuancées qui mettent en lumière les enjeux idéologiques et poétiques des textes qu’elle étudie. Elle montre enfin les nouvelles perspectives interprétatives qu’offrent les débats actuels et les études de genre en littérature : si les mots des romanciers jettent un voile sur le désir féminin, Lucie Nizard parvient brillamment à dévoiler les mécanismes de contrôle et de mythification du désir des femmes à l’œuvre dans le roman de mœurs du second xixe siècle.