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Sacré et divin : quelles frontières ? (Institut Catholique de Toulouse)

Sacré et divin : quelles frontières ? (Institut Catholique de Toulouse)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Christophe Balagna)

            

Sacré et divin : quelles frontières ?

Institut Catholique de Toulouse

9-10 mars 2023

               Depuis 2018, la Thématique de Recherche « Cultures, Herméneutique et Transmission » de l’UR CERES de l’Institut catholique de Toulouse explore le thème des Voies du sacré et du divin[1]. Plusieurs journées d’étude, qui se sont déroulées en interne, ont préparé les thématiques autour desquelles nous avons décidé d’organiser une grande rencontre entre chercheurs en sciences humaines et sciences religieuses désireux d’approfondir notre connaissance du sacré et du divin et notre relation, intime et personnelle, culturelle et collective, profane et religieuse à ces deux notions.
                Intrinsèquement, la définition du terme sacré ne va pas de soi. Le mot latin sacer paraît désigner « celui ou ce qui ne peut être touché sans être souillé, ou sans souiller ». Il semblerait que cette binarité du terme sacer soit à l’origine du double sens de sacré. De plus, il faut rappeler que le sacré n’est pas obligatoirement lié à la religion puisqu’à l’époque préhistorique, par exemple, il a existé des communautés humaines rassemblées autour de quelque chose de sacré mais sans religion, sans théologie[2]. Aujourd’hui, dans nos sociétés sécularisées, la frontière entre sacré, divin et religieux paraît si fine, si ténue que les différences, fondamentales, entre ces trois termes sont inaudibles, voire impensées. 
                Au fil du temps, l’extension du sens du terme sacré a ainsi permis l’apparition de sens dérivés. D’une part, le sacré désigne quelque chose ou quelqu’un « à qui on doit un respect absolu, qui s'impose par sa haute valeur » et ce ou celui « qui revêt une importance primordiale et à quoi il ne faut pas toucher ». D’autre part, le sacré signifie « exécré, maudit ». L’étymologie du dernier sens est assez transparente. Si on touche à quelque chose qui est intouchable, on commet un sacrilège et on se fait maudire. Il s’agit ici d’un transfert de sens impliquant la relation cause-effet.   
                En effet, l’idée que nous nous faisons du sacré – et de sa relation au divin et au religieux – varie en fonction d’une personne, d’une culture et d’un système des valeurs individuel et collectif. De ce fait, les acceptions du sacré sont nombreuses, hétéroclites, imprécises, voire contradictoires. Rappelons que dans la littérature d’inspiration religieuse, le terme sacré a plusieurs acceptions : « lié à la religion » ; « en rapport avec l’exercice d’un culte » ; « consacré à la divinité » ; «consacrant la divinité » ; « venant de la divinité » ; « inspirant l’effroi » ; « légitimant le sacrifice » ; « interdisant le sacrifice » ; « relevant de l'ordre » ; « lié à un rite » ; « ce qu'on ressent en face de quelque chose qui nous submerge et nous dépasse » ; «ressentiment d'une transcendance » ; « pur » ; « inspirant une attitude respectueuse » ; « ineffable »... Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle donne une idée sur la façon dont la notion de sacré est appréhendée dans le système de représentations religieuses. Comme on peut le voir, le sacré est souvent mis en relation avec les médiations utilisées pour gagner accès au divin : l’exercice d’un culte, des rites, le sacrifice… Quelle est donc la frontière entre sacré et divin ? Comment détacher le sacré du divin ? Est-ce aujourd’hui possible dans nos sociétés plus ou moins laïcisées ?[3]
                  En effet, avec le temps et le développement des sociétés laïques, la distinction entre le sacré et le profane et entre le sacré et le divin s’est estompée. L’acception « ce ou celui à qui on doit un respect absolu, qui s'impose par sa haute valeur » s’est répandue par extension sur tout ce qui a du sens et de la valeur et qui est considéré comme intouchable ou inviolable aux yeux d’un individu ou d’une société. Dans ce sens, le sacré n’est pas une chose en soi, mais un certain regard sur quelque chose ou quelqu’un. C’est bien l’acception du sacré en termes de respect, de sens et de valeur qui caractérise les représentations non religieuses du sacré.
                Néanmoins, la conceptualisation laïque du sacré fait encore appel au domaine religieux et au divin. Ceci n’est pas étonnant dans la mesure où le cerveau humain se base nécessairement sur des concepts connus. La présence des concepts religieux dans la représentation du sacré laïc trouve sa justification dans le principe de l’économie cognitive. Le coût cognitif est moindre si une chose est conçue en termes d’une autre. D’une certaine façon, on tend à faire du neuf avec du vieux. Pour la mémoire, cela signifie concrètement qu’il y a moins de représentations à stocker puisqu’on peut recycler des représentations déjà existantes. La sacralité se manifeste implicitement dans les rites laïques. Les cérémonies étatiques, comme par exemple, l’inauguration du président, le dépôt des gerbes de fleurs à la tombe du soldat inconnu.
                Selon Régis Debray, le sacré est « ce qui impose le sacrifice et ce qui interdit le sacrilège »[4]. Pour lui, le sacré n'existe pas en soi. C’est « ce que nous sacralisons ! […] Ce n'est pas un absolu intemporel et mystérieux qui nous surplombe ou nous englobe, mais un certain rapport, daté et localisé, entre une collectivité et des objets, des lieux ou des personnes ». Le sacré est « ce qui revêt une importance primordiale et à quoi il ne faut pas toucher »[5]. 
                Qu’est-ce qui est donc intouchable dans la société contemporaine ? Cette question est primordiale car la représentation du sacré varie considérablement. Pour certains c’est le droit de grève et le devoir de mémoire. Pour d’autres, c’est le patrimoine, la liberté de la parole ou encore les vacances ou une tasse de café. Le sacré est ce à quoi ou celui à qui on doit un respect absolu, qui s'impose par sa haute valeur. 
                À partir de ce constat, les membres de la TR « Cultures, Herméneutique et Transmission » proposent de privilégier certains axes de travail qui ont été abordés lors de journées d’études. Il conviendra donc de les approfondir en convoquant aussi le profane et le religieux. On peut citer quelques thèmes :

- le caractère sacré de la diversité culturelle, dont on cherchera à préciser la valeur épistémologique. Si, a priori, la notion de sacré, contrairement à celle de religion, est présente partout sur la Terre, suffit-elle à faire de la diversité culturelle et du « patrimoine mondial » un concept accepté par tous ? ;

- l’aspect sacré que le discours peut revêtir, moral ou immoral, auprès de l’individu ou du groupe (liberté, fraternité, sont-elles, par exemple, des valeurs sacrées ? Chez qui ?), (existe-t-il une dimension sacrée dans le discours politique ?), (assiste-t-on à une désacralisation des valeurs morales dans notre société mondialisée à l’économie libérée ?), (toute vie est-elle sacrée ? Cela concerne-t-il l’animal ? La nature ?), (la langue est-elle un objet sacré dans les sociétés maltraitées, étouffées par un pouvoir autoritaire ?) ;

- le lien entre sacré et arts (comment la musique au cinéma participe-t-elle à la sacralisation et à la désacralisation de l’image ?), (de quelle façon sacré et divin se combinent-ils pour donner à l’œuvre d’art une dimension universaliste, onirique et poétique ?), (sacrifice et sacré, violence et sacré sont-ils des thèmes prédominants dans la littérature du XIXe au XXIe siècles ?) ;

- la relation entre le sacré et le corps, ce dernier pouvant être considéré comme un lieu de la représentation divine ou comme le réceptacle d’une liturgie du sacré, à la fois dans les textes religieux et dans la littérature profane…
               

            Au travers de ces nombreux thèmes de réflexion, et de ceux que voudront privilégier les contributeurs au colloque, nous souhaitons mieux cerner les significations, nombreuses et complexes, du sacré, notamment dans ses relations avec le divin, de manière à éclairer notre relation, ambivalente, à ce qui impose le respect et l’intouchabilité, selon l’heureux mot de Jacques Derrida[6]. Régis Debray a-t-il pleinement raison quand il dit que « Le sacré fait frontière, et la frontière fait du sacré» ? [7] 

 
Le calendrier fixé est le suivant :
20 décembre 2022 date limite pour l’envoi des propositions

Merci d’adresser conjointement votre proposition de communication de 5000 signes maximum ainsi qu’une brève notice biobibliographique (en fichier séparé) avant le 20 décembre 2022 à l’adresse suivante : christophe.balagna@ict-toulouse.fr

mi-janvier 2023
Résultats de l’évaluation scientifique des propositions et notification aux participants.

9-10 mars 2023
Colloque au sein de l’Institut catholique de Toulouse. Les articles retenus par le comité scientifique feront l’objet d’une publication aux Presses universitaires de l’ICT, collection « Humanités ».

Coordinateur et informations :
Christophe Balagna (TR1, UR CERES, Institut catholique de Toulouse)
christophe.balagna@ict-toulouse.fr


Comité scientifique :
Christophe Balagna (ICT)
Régis Courtray (Université de Toulouse 2 Jean-Jaurès)
Encarnación Medina Arjona (Université de Jaén)
Bernadette Mimoso-Ruiz (ICT)
Jean-Michel Poirier (ICT)

Responsable :
Thématique de Recherche « Cultures, Herméneutique et Transmission »,
CERES, Institut catholique de Toulouse 31, rue de la Fonderie, 31000 Toulouse
https://www.ict-toulouse.fr/presentation/


 
[1] https://www.ict-toulouse.fr/presentation/
https://hal.archives-ouvertes.fr/ICTRECHERCHE-TR1
[2] Selon les mots de Régis Debray, « Que faut-il entendre par sacré ? », dans Revue des Deux Mondes, octobre 2016, pp. 92-102.
[3] https://www.ict-toulouse.fr/wp-content/uploads/2021/10/Revue-ICT-Lab-2021-mail.pdf
[4] R. Debray, Jeunesse du sacré, Paris, 2012.
[5] Id.
[6] Jacques Derrida et Gianni Vattimo, La Religion, Paris, 1996.
[7] R. Debray, « Que faut-il entendre par sacré ? », art. cit., p. 99.