Le merveilleux médical chez Balzac et ses contemporains
Colloque international organisé avec le soutien du GEB (Groupe d’Études balzaciennes) et du LISAA (Littératures, Savoirs et Arts)
Le 8 novembre 2024 à l’université Gustave Eiffel et le 9 novembre 2024 à la Maison de Balzac
Date de tombée (deadline) : le 25 février 2024
Dans le premier tiers du XIXe siècle, alors que les croyances religieuses se fissurent et qu’un certain positivisme scientifique se développe, le paranormal et les phénomènes surnaturels occupent paradoxalement une place importante dans la littérature romanesque[1]. Tel est le cas de Balzac, de manière ostentatoire dans ses romans de jeunesse comme La Dernière Fée puis, de manière plus discrète et en accord avec la poétique du roman de mœurs, dans La Comédie humaine.
La rédaction du grand œuvre balzacien est contemporaine d’avancées médicales importantes ; la maladie n’est alors plus considérée comme une fatalité, selon l’analyse de Michel Foucault[2]. Si la médecine revêt sous la Restauration une dimension plus scientifique suite au développement des sciences exactes au XVIIIe siècle, elle n’atteint cependant pas les progrès de la médecine expérimentale de la seconde moitié du siècle sous l’impulsion en particulier de Claude Bernard.
Balzac se situe au croisement de ces deux médecines, de la première moitié et de la seconde moitié du siècle. Ses fictionnalisations du médical[3] annoncent-elles le passage de l’une à l’autre ? Dans quelle mesure nuance-t-il l’opposition entre science et mysticisme ? Chez lui, par exemple, la notion d’occultisme ne réfère pas systématiquement au mysticisme mais à une approche scientifique, dont l’écheveau est jugé méconnu : il est, pour lui, des connaissances que la science a tort de mépriser et doit au contraire découvrir. Ce « docteur es-sciences magiques »[4], encore intéressé par les théories anciennes des humeurs, des tempéraments et de l’écoulement des fluides, ne cesse de mettre en scène la puissance du psychique sur le physique, déplaçant le merveilleux vers un réalisme fantastique[5]. De même, selon la thèse de Nicole Gibrat-Meunier[6] sur Esquirol et Balzac, La Comédie humaine participe également des évolutions de la psychiatrie, encore balbutiante sous la Restauration et la monarchie de Juillet.
Ce colloque s’interrogera sur les savoirs scientifiques et médicaux dans l’œuvre balzacienne mais aussi chez d’autres auteurs de son époque. Les communications prendront en considération les tensions et rapports entre le merveilleux et le médical[7] mais aussi entre des formes de mysticisme encore attestées et les sciences naissantes.
Les perspectives suivantes pourront être explorées dans les œuvres de Balzac et de ses contemporains :
- Les liens entre merveilleux et science, l’interprétation psychiatrique du merveilleux, le mysticisme, l’occultisme, le spiritisme.
- La somatisation, les pouvoirs de la « volonté » sur le corps, le somnambulisme, l’hypnose, l’inconscient individuel ou collectif, dont les pouvoirs commencent à être soupçonnés.
- La langue et le style du merveilleux médical.
- Les réceptions du merveilleux médical de Balzac (écrits scientifiques ou romanesques en France et en Europe).
Les propositions (de 2000 signes espaces comprises, environ) et les titres de communication, accompagnés d’une notice bio-bibliographique, seront à adresser à christelle.girard@univ-eiffel.fr avant le 25 février 2024.
Colloque international organisé par Christelle Girard (Université Gustave Eiffel, LISAA, Groupe d’Études balzaciennes) avec le soutien du GEB et du LISAA
Comité scientifique : Juliette Azoulai (Université Gustave Eiffel), Thomas Conrad (ENS), José-Luis Diaz (Université Paris Cité), Philippe Dufour (Université de Tours), Jacques-David Ebguy (Université Paris Cité), Tim Farrant (Université d’Oxford), Victoire Feuillebois (Université de Strasbourg), Bernard Gendrel (UPEC), Carmen Husti (Université Gustave Eiffel), Mireille Labouret (UPEC), Anne-Marie Lefebvre (Université Toulouse-II Le Mirail), Michel Lichtlé (Sorbonne Université), Bertrand Marquer (Université de Strasbourg), Paule Petitier (Université Paris Cité), Nathalie Preiss (Université de Reims Champagne-Ardenne), Gisèle Séginger (Université Gustave Eiffel)
[1] Voir le dossier Le Merveilleux, dirigé par Alain Vaillant dans la revue Romantisme, vol. 170, no 4, 2015, et notamment les articles de Corinne Saminadayar-Perrin (« Un merveilleux réaliste ? »), Paule Petitier (« La réinvention du merveilleux dans l’histoire romantique ») et Alain Vaillant (« Le merveilleux en question(s) »).
[2] Michel Foucault, Naissance de la clinique, PUF, « Quadrige » Grands Textes, 2009.
[3] Voir Anne-Marie Lefebvre, Le Type du médecin dans La Comédie humaine d’Honoré de Balzac, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 1999 ; Ead., Balzac, la médecine à l’œuvre, Berlin, Éditions universitaires européennes, 2015 ; Nathalie Preiss, Les Physiologies en France au XIXe siècle. Étude historique littéraire et stylistique, Mont-de-Marsan, Editions InterUniversitaires, 1999 ; Mireille Labouret (dir.), Mal, maladie dans La Comédie humaine, L'Année balzacienne, vol. 17, n° 1, 2016 ; Thomas Conrad, Bernard Gendrel, Mireille Labouret, Michel Lichtlé, Nathalie Preiss (dir.), « Balzac et le vivant », Séminaire Balzac en perspective(s), École Normale Supérieure, 45, rue d’Ulm, 2022-2023.
[4] Selon l’expression de Moïse Le Yaouanc, Nosographie de l’humanité balzacienne, Maloine, 1959.
[5] D’après le rappel de Philippe Hamon, « Todorov distingue le fantastique proprement dit, défini par une hésitation continue entre réel et surnaturel (donc conservant un élément réaliste comme pôle d’opposition interne), du merveilleux (monopole permanent du surnaturel) et de l’étrange (où le surnaturel est expliqué rationnellement), « Un discours contraint », in Roland Barthes, Léo Bersani, Philippe Hamon, Michael Riffaterre, Ian Watt, Littérature et réalité, Paris, Seuil, « Points », 1982, p. 126-127.
[6] Nicole Gibrat-Meunier, La Psychiatrie d'Esquirol et la psychiatrie de Balzac, Thèse de doctorat, Paris VII, 1974. Sur les rapports entre la littérature et l’aliénisme au XIXe siècle, voir Jean-Louis Cabanès, Didier Philippot, Paolo Tortonese (dir.), Paradigmes de l’âme. Littérature et aliénisme au XIXe siècle, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2012.
[7] Voir Gisèle Séginger, « Alfred Maury. Religion et médecine », in Les Religions du XIXe siècle, Sophie Guermès et Bertrand Marchal (dir.), 2011 ; Ead., « Des mots pour le dire : le miracle et les crises mystiques dans les textes d’Alfred Maury et de Gustave Flaubert », Magie. Enchantement et désenchantement, Colloque de la Société des dix-neuvièmistes, Université d’Oxford (Christ Church), 28 mars 2023. Nous nous permettons également de référer à notre communication, « Balzac, un enchantement médical », Magie. Enchantement et désenchantement, op. cit. Voir, en outre, Pierre Bayard, Maupassant, juste avant Freud, Paris, Minuit, 1994 ; Andrea Carlino et Alexandre Wenger (dir.), Littérature et médecine : approches et perspectives (XVIe-XIXe siècles), Genève, Droz, 2007 ; Bertrand Marquer, Les Romans de la Salpêtrière. Réceptions d’une scénographie clinique : Jean-Martin Charcot dans l’imaginaire fin-de-siècle, Genève, Droz, « Histoire des idées et Critique Littéraire », 2008 ; Jean-Paul Thomas, La Plume et le scalpel. La médecine au prisme de la littérature, Paris, PUF, 2008 ; Carmen Husti, « “Le miracle n’a pas eu lieu !” : mystique et science dans Lourdes d’Émile Zola », Magie. Enchantement et désenchantement, op. cit. ; Lucie Gournay et Lionel Dufaye : « Le Horla : l’esprit ailleurs ou la construction du point de vue au prisme de la traduction », ibid. Nous renvoyons enfin au colloque international à venir, organisé par Florence Fix, Barbara Innocenti et Michela Landi, Le pouvoir du médecin : portraits, discours, influences, Florence, le 27 octobre 2023 et Rouen, le 29 mars 2024.