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Contre-je : genre et énonciations minoritaires en littérature

Contre-je : genre et énonciations minoritaires en littérature

Publié le par Marc Escola (Source : Nicolas Duriau)

Colloque prévu pour les 20, 21 et 22 novembre 2024 – ENS de Lyon

// L'appel est prolongé jusqu'au 24 juin 2024.//

Historiciser le « je »

Le tournant du XVIIIe siècle, qui voit « l’étroite et nécessaire union des Lumières et de la liberté » (Condorcet, 1791), coïncide avec une reconfiguration de l’instance narrative et poétique du « je » – dans les littératures occidentales, au moins. Ce nouveau rapport au sujet, étroitement lié à l’affirmation de l’individu dans la société républicaine, trouve une implantation littéraire paradigmatique dans le romantisme. « Je » – lyrique ici – associé à la proclamation de l’universalisme devient, selon les mots de Friedrich Hegel (1818-1829), à la fois porteur d’une « révélation de l’âme individuelle » et d’idées qui « conservent une valeur générale », reflétant les « sentiments vrais de la nature humaine ». « Je me flatte de me faire souvent oublier en racontant ma propre histoire », écrit Germaine de Staël dans Dix années d’exil (1820). Ce nouveau paradigme de l’« égotisme » (Stendhal, 1832), appelé à s’actualiser du Cercle d’léna à l’expression de soi contemporaine, implante dans la littérature un « je » à la fois individuel, autonome et représentatif d’une universalité. Toutefois, s’il est défini en termes narratifs et poétiques, ce dernier témoigne d’un régime d’historicité singulier : celui de siècles majoritairement marqués par l’(hétéro-)sexisme et le colonialisme qui, suite au progrès du libéralisme, participent à l’affirmation de différents systèmes de domination – dont le genre, la classe et la race sont trois modalités matérielles et symboliques significatives. C’est rappeler, avec Jean-François Lyotard (1979), qu’à  l’exception de quelques contre-discours, le « récit des Lumières, où le héros du savoir travaille à une bonne fin éthico-politique, la paix universelle », est essentiellement andro-/européocentré.

Le positionnement problématique des philosophes des Lumières a fait l’objet de plusieurs travaux récents. Si, dans De l’esprit des lois (1748), Montesquieu tourne en ridicule les arguments des esclavagistes et si, dans Candide (1759), Voltaire dénonce les procédés barbares liés à l’esclavage, il est vrai que leur défense de la liberté semble avoir pour sujet principal un homme blanc, aux dépens des sujets « minorisés » que sont les femmes et les non-Européens – parmi d’autres. Des associations anti-esclavagistes voient le jour en Angleterre et aux États-Unis tandis que la société des Amis des Noirs est fondée en France à la veille de la Révolution. Mais la cohabitation de la dénonciation de l’esclavage avec le mythe du « bon sauvage » (ou de l’« homme dans l’état de nature », Rousseau, 1755) rend l’émergence de voix dissidentes malaisée. Aujourd’hui, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer un « universalisme » né durant les Lumières, dont l’Occident se serait attribué le monopole et dont l’impact est toujours sensible. Selon Mame-Fatou Niang et Julien Suaudeau (2022), est en jeu ici non pas « l’universalisme comme projet pour l’humanité, mais une idéologie de l’universel au service de la supériorité européenne ». Ces mêmes penseur·euses nous invitent à tendre vers l’idéal césairien d’un « universalisme à la mesure du monde », en d’autres termes, un « universel » auquel diverses régions du monde ont contribué et à visée inclusive du plus grand nombre. C’est tout le propos de l’historien sénégalais Mamadou Diouf (2023) dont l’entreprise vise à replacer l’Afrique dans « le temps du monde ». Au XXe  siècle, la négritude est un mouvement que l’on associe largement à des figures masculines là où les contributions de Suzanne Césaire, des soeurs Nardal ou encore d’Amy Jacques Garvey à la pensée d’un sujet féminin caribéen (voir le concept de « liane féministe » d’Anny-Dominique Curtius, 2020, pour penser l’écoféminisme de Suzanne Césaire) – contributions pourtant essentielles – ont largement été passées sous silence. Ceci signale la démultiplication des processus d’oppression et d’effacement de sujets « minorisés » au sein de groupes eux-mêmes traditionnellement minoritaires.

La proclamation de l’immanence créatrice – blanche, masculine, hétérosexuelle et cisgenre – est le corollaire historique d’une exclusion du/par le langage, qui s’impose au long du XIXe siècle – et ce, pour nombre de locuteur·ices socialement déterminé·es comme dominé·es. Dans La Petite soeur de Balzac, en 1989, Christine Planté a montré combien le « je » féminin, dans les œuvres poétiques écrites par des hommes, a participé à confisquer la parole aux femmes plutôt qu’à la leur donner. Enfermées dans l’ordre du « particulier » ; associées à des qualités telles que la « sincérité », la  « sensibilité » et la « spontanéité » ; perçues comme incapables d’atteindre au monde des idées ou de produire des récits à vocation « universelle », les femmes ont été écartées du règne du « général » – et d’autant plus après l’émergence d’une « démocratie exclusive » théorisée par Geneviève Fraisse (1989). Le « je » féminin, tel qu’il est construit par les écrivains, est une instance, sinon autobiographique, nécessairement « univoque ».

On sait d’ailleurs que l’idée de Progrès du genre humain, jusqu’aux thèses bio-sexistes et racistes de Cesare Lombroso (1876) ou de Pauline Tarnowsky (1889), par exemple, a contribué à généraliser cette conception « moderne » des instances énonciatives à des textes anciens ou non-occidentaux, au détriment de la prise en compte des variétés historiques et géographiques des modes d’expression du sujet. Claude Calame (2006) a décrit l’effet délétère de cette application du « je » libéral, héritier des Lumières, « anim[é] par des individus autonomes, égaux, capables d’être insérés avec des possibilités égales dans le jeu du marché », à l’interprétation des textes sapphiques, ainsi réduits à une double lecture « personnelle » ou « individuelle » et « féminine » – approche différentielle (et discriminante) de la « féminité », comme les médecins, les juristes et d’autres relais de la « parole autoritaire » (Bakhtine, 1978)  l’ont naturalisée au XIXe siècle. Prétendre à l’« universalité », c’est-à-dire « inclure, parler pour, intégrer toute position marginale ou exclue d’un discours donné, c’est affirmer que ce discours particulier [« universel »] ne rencontre nulle part de limites, qu’il est capable de domestiquer tous les signes de la différence et qu’il le fera », met en garde Judith Butler dans Ces corps qui comptent (1993).

Habiter le « je »

Alors même que le « je » prend sa valeur moderne, il tend à devenir une instance hostile à l’expression de tout individu « marginal » – qui n’entre pas dans la « norme ». Les sociologues ainsi que les féministes des années 1960-1970, en France ou aux États-Unis, ont théorisé ce phénomène, avec lequel les écrivain·es LGBTQI+ et/ou racisé·es ont à négocier et auquel plusieurs auteur·ices ont réfléchi, dès la fin du XIXe siècle. Dire « je » d’un point de vue a priori extérieur à la sphère de l’« universel », c’est convoquer, avant toute prise de parole, un ensemble de représentations objectivantes, définies de l’extérieur pour soi, qui surinvestissent et restreignent tout acte énonciatif auto-déterminant. Dire « je » en voulant atteindre malgré tout à l’universalité, c’est souvent devoir se nier en tant que sujet situé dans un espace saturé par le « discours hégémonique » (Angenot, 1986, 1989). C’est cette double contrainte qui pousse Adrienne Rich à écrire, en 1985, dans son poème Natural Resources : « There are words I cannot choose again: / humanism / androgyny ». On le constate alors : énoncer le « je », c’est faire advenir un ordre du langage pré-déterminant (« l’ordre du langage respire hors de moi », disait la poétesse québécoise France Théoret, 1978) ou pré-définissant ce qui a droit de cité chez l’« humain » – lettré, en l’occurrence. Ainsi Rich renonce-t-elle activement à ces mots dont l’usage est connoté ; d’autres autrices, à la même époque, choisissent au contraire de réinvestir leur sens : on pense au pastiche de Montaigne formulé par Annie Leclerc, en 1974, qui affirmait « di[re] “je” faute de pouvoir dire “nous” ou “elles” », ne sachant si elle était bien capable (sujet elle-même située) de porter en elle « la forme de la féminine condition ».

C’est dans une perspective à la fois linguistique, poétique et politique que Monique Wittig définit le sujet « minoritaire ». Elle esquive ce « je » en forme de « contre-je » mais ce sont d’autres pronoms qu’à partir de sa lecture féministe d’Émile Benveniste (1966-1974) elle pourvoit de nouvelles significations – contre-on, contre-elles, contre-j/e et contre-tu, pourrait-on dire. Wittig, qui s’intéresse à la « subjectivité sans être-sujet » (« subjectivity without subjecthood », selon l’analyse d’Annabel Kim, 2018) d’un langage à investir poétiquement avant qu’il ne contraigne le « je » dans des catégories doublement grammaticales et sociales, et ne limite sa liberté d’auto-détermination, cherche à investir d’autres places possibles pour l’énonciation du sujet afin, en somme, d’offrir la possibilité d’un autre « je ». Ainsi, selon la perspective wittigienne, le sujet « minoritaire » est celui qui s’engouffre dans « le champ (de bataille) privilégié qu’est la littérature où s’affrontent les tentatives de constitution du sujet » (comme elle l’explique à partir de l’étude des textes de Djuna Barnes, 1982). Autrement dit, l’énonciation « minoritaire » n’est pas tant une affaire d’identité sociale – point de départ potentiellement essentialiste que l’autrice rejette vigoureusement, qu’elle soit définie par soi ou par les interactions sociales vécues (être femme, être lesbienne, etc.) – que de situation ou de perspective poétique critique. L’énonciation « minoritaire » est donc une forme d’« agentivité », soit de « capacité [à] faire quelque chose avec ce que l’on a fait de moi » (Butler, 2006) : elle est l’expression d’une puissance d’agir qui, forcée de dé/restructurer un langage en principe « inhabitable », libère une voie contre l’impossibilité linguistique, discursive et sociale que le langage lui oppose.

Ce geste, qui consiste à prendre « sa part du logos », implique, dans sa recherche d’une « voie de sortie hors d’identités imposées », un ensemble de détours, voire, dans son impossibilité même, un « renversement » dont l’un des effets est de donner à explorer « d’autres modes d’être que la norme (romanesque, logocentrique, unitaire) que posent les classiques » (Terdiman, 1985 ; Martinière, 2008). Certains sujets littéraires, érigés en clichés, peuvent se voir « contre-appropriés » : par exemple, si de nombreuses figures de prostituées, dont la parole est communément volée – ou « mythifiée », écrirait Roland Barthes (1957) – par les « romanciers de la prostitution » au XIXe siècle, sont réduites à des objets idéologiques au service de valeurs que ces derniers défendent, telles que le Bien ou le Mal, il semble que ces personnages aient permis à des courtisanes comme Liane de Pougy de se dire comme telle – avant même les témoignages ou les revendications de Grisélidis Réal, Virginie Despentes ou de Nelly Arcan en faveur du travail du sexe au tournant du XXe siècle. « Voilà pourquoi ce livre est tout entier construit par associations, d’où le ressassement et l’absence de progression, d’où sa dimension scandaleusement intime », écrit Arcan dans Putain (2001) : « Mais s’il fait appel à ce qu’il y a en moi de plus intime, il y a aussi de l’universel, quelque chose d’archaïque et d’envahissant, ne sommes-nous pas tous piégés par deux ou trois figures, deux ou trois tyrannies se combinant, se répétant et surgissant partout, là où elles n’ont rien à faire, là où on en veut pas ? »

Lorsque la prise de parole devient négociation avec la possibilité même de parler, elle produit souvent un effet de « sape » sur l’instance énonciative elle-même. C’est précisément le cas du narrateur des Enfants de minuit de Salman Rushdie (1981) qui, certes, dit « je », tout en évoquant la difficulté à occuper cette instance du fait de sa nature plurielle et de l’acte d’écriture, lui-même malaisé : « il y a tant d’histoires à raconter, trop, tant de vies, d’événements, de miracles, de lieux, de rumeurs, tous entrelacés [...] j’ai été un avaleur de vies ; et pour me connaître, moi seul, il va vous falloir avaler également l’ensemble ». Éclatement, déplacement, resignification, dislocation, noyautage, sabotage, entreprises multiples de redéfinition du sujet logocentré, soit autant de phénomènes discursifs (ou, plus largement, sémiologiques) qui traduisent la nécessité de refondre une instance masculine d’autorité-authority, à la fois faussement « autonome », « univoque » et « universelle », pour la rendre « habitable » à nouveau.

Recevoir le « je »

Nul besoin de remonter au roman du XIXe siècle, ni de se circonscire à la parole de travailleur·euses du sexe actuel·les pour voir ou entendre s’exprimer un « contre-je » dont le discours dominant définit les conditions d’existence « paradoxales » – au sens étymologique de παρά (para, « contre »), δόξα (doxa, « l’opinion »). Les notions de « diversité »  et de « représentation » sont aujourd’hui au cœur du débat public, en particulier sur les réseaux sociaux, et font l’objet de nouvelles exigences de la part des lecteur·ices les plus jeunes. Le concept de « own voice » (« leur propre voix » ou « voix authentique »), formulé sur Twitter en 2015 par l’autrice Corinne Duyvis, sert notamment à identifier et à promouvoir les œuvres pour lesquelles l’auteur·ice et son ou ses personnages partagent une même identité « minorisée » – en termes de genre, de classe et de race, mais aussi de sexualité, de culture, de religion ou de handicap. D’abord conçu comme un outil – et hashtag – de recommandation de lectures au sein de la campagne numérique #WeNeedDiverseBooks ou, plus largement, dans les répertoires de fictions « diverses », son utilisation s’est depuis étendue pour devenir une étiquette marketing « fourre-tout » dans l’industrie du livre – ce qui ne va pas sans soulever des questions sur l’imprécision de l’expression ou sur des situations inconfortables et potentiellement dangereuses, non seulement pour les auteur·ices (coming out forcés, par exemple), mais aussi pour ses dérives « tokénisantes » (politique du quota) dans certaines maisons d’édition et collections. Par ailleurs, la tendance répandue qui vise à lire les écrits et productions de sujets racisés comme nécessairement autobiographiques, comme s’il s’agissait de témoignages à valeur sociologique ou documentaire (de Faïza Guène à la poésie africaine-américaine en passant par le rap !), signale bien la difficulté pour ces derniers à habiter le « je » de la fiction au même titre que d’autres écrivain·es. Les interrogations littéraires et politiques que soulève ce moment éditorial s’inscrivent dans certaines œuvres elles-mêmes : dans Yellowface (2023), la prise en charge de l’instance énonciative par une narratrice antipathique et non fiable permet à Rebecca F. Kuang de remettre en question l’idée d’une norme objective d’authenticité à laquelle les écrivain·es contemporain·es devraient se conformer, et d’interroger les histoires que chacun·e d’entre eux·elles serait autorisé·e ou non à (d)écrire.

Contrer le « je »

Ce colloque, Contre-je : genre et énonciations minoritaires en littérature, propose d’explorer les diverses entreprises de « sape » des instances énonciatives (en particulier des « discours de savoir-pouvoir », Foucault, 1976), qu’elles soient poétiques ou narratives. Il ne s’agit pas seulement d’affirmer que « je est un(e) autre » pour les énonciations minoritaires – ce qu’il est toutefois bon de rappeler, Planté, 2002 –, mais également d’observer comment ces prises de parole dissidentes, qui sont autant de prises de position politiques, « agissent » sur les conditions d’énonciation du sujet, dont elles redéfinissent les marges/normes pour faire entendre un discours « en propre ». Ceci implique de tordre une instance énonciative socio-historiquement située par le positionnement qu’occupent des sujets « majoritaires » (doxographes ou « entrepreneurs de morale », « qui créent les normes [...] et qui les font appliquer », Becker, 1961) – dans le champ sexuel, notamment – mais aussi de devenir maître·sse du discours habituellement tenu par ce « je » sur « l’autre ».

La formule « contre-je » doit conduire à éclairer non seulement ce que la « réitération » de certains discours – au double sens derridien de « répétition » et d’« altération » du signe  (« phallogocentrique », en particulier, Derrida, 1972) – produit de resignification des imaginaires des sujets minoritaires, mais aussi – et surtout – la manière dont cette « réitération » induit un sabotage de l’instance narrative et poétique elle-même – que ce sabotage ait pour cause un déplacement, une démultiplication, un éclatement ou une dissolution des référents du « je » ; une expropriation/réappropriation des « pratiques énonciatives de référence » (issues du discours religieux, médical ou juridique, Bordas, 2013) ou, plus largement, des pratiques hétéro-désignatives ; un renversement des points de vue, sexisés ou racisés ; une critique explicite de toute « hégémonie discursive » (Angenot, 1986, 1989) ou universelle ; etc.

En guise d’illustration, dans le roman Carpentaria d'Alexis Wright (2006), autrice aborigène australienne, émerge au sein d'un passage écrit à la troisième personne du singulier un « nous » : « What a turnout! Gee whiz! We were in really serious stuff now. We were burning the white man's very important places ». À cet énoncé explicite s'articule au plan énonciatif l'émergence du pronom « nous », instance qui porte la voix d’un sujet aborigène pluriel, pensé d’emblée comme un collectif, qui vient se positionner « contre », si ce n’est dynamiter le « je » de l'homme blanc. De nombreux textes de littérature postcoloniale ou s’inscrivant dans des traditions narratives non-occidentales donnent à voir des « agentivités » non humaines et en cela, font écho aux travaux de Jane Bennett sur la « matérialité vibrante » (« vibrant matter », 2010). C’est ainsi que le feu, dans le roman de Wright, est doté d’une « agentivité » propre, à l’intersection de l’humain, de l’animal et du non-humain : « We watched full of fascination at the fire’s life, roaring like a fiery serpent, looking over to us with wild eyes, pausing, looking around, as if deciding what to do next ».

Outre une posture individuelle ou collective éventuellement adoptée en réaction aux rôles de genre traditionnels – entre autres –, il importe d’explorer ce que les textes littéraires, de l’Antiquité à nos jours, qui mettent en situation des sujets minoritaires produisent comme effets de « polyphonie » (Bakhtine, 1978) et de reconfiguration des instances énonciatives. Comment contredisent-ils les formes « majoritaires » de définition du sujet ; pourquoi ouvrent-ils d’autres voies d’explorations poétiques ou narratives ? Ces quelques pistes de réflexions doivent inviter chacun·e à porter un regard au-delà – et en deçà – des frontières occidentales et modernes, pour appréhender d’autres modes de narration et, partant, d’autres implications ontologiques du « je ».

Les propositions de communication (d’environ 400 mots, à laquelle une notice bio-bibliographique doit être adjointe), qui présenteront une étude de cas assortie à un appareil théorique qui pose la question de l’« énonciation minoritaire » en termes d’analyse du discours ou de poétique, peuvent répondre à des interrogations aussi diverses que : 

  • quelles formes, quels sens le « contre-je » dont nous proposons l’étude prend-il dans la production d’auteur·ices « minorisé·es », toutes époques et périodes confondues ? ;
  • de quel(s) discours cette énonciation prend-elle le contrepied, selon les œuvres étudiées et leur co(n)texte de production comme de réception ? ;
  • par quels mécanismes (socio-)linguistiques, rhétoriques ou stylistiques cette ex/réappropriation des discours dominants est-elle actualisée (soit par la création de néologismes, soit par le recours à des figures comme la syllepse, l’énallage ou l’antonomase) ? ;
  • dans quels genres de textes (épique, lyrique, tragique ou dans le roman, par exemple) cette dé- ou re-structuration du langage se déploie-t-elle et selon quelles ressources poétiques ou narratives intrinsèques aux genres en question ? ;
  • cette entreprise de « sape » du « je » moderne répond-elle à une posture ou à un projet exprimé explicitement par les auteur·ices autour de certaines de leurs œuvres (comme dans certains « égo-documents ») ? ;
  • certaines de ces entreprises ont-elles ouvert, à leur époque, ou ouvrent-elles aujourd’hui la voie à une (contre-)tradition littéraire, dont les textes actualiseraient la démarche par des jeux d’allusions, de citations, de détournements, ou par autant de relations intertextuelles ? ;
  • quelles sont les conditions matérielles et symboliques qui favorisent l’affirmation de ces voix dissidentes – en termes de genre, de classe ou de race – dans le champ littéraire, en particulier dans le monde éditorial et médiatique (et dans quel monde éditorial et médiatique précis) ? ;
  • qu’en est-il des (sous-)genres littéraires qui sont très peu, voire ne sont pas investis à la première personne du singulier ? ; 
  • etc.

Ce colloque est partiellement adossé à l’ANR « études littéraires de genre », associée à l’ENS de Lyon et au laboratoire HiSoMA. 

Les propositions de communication devront être envoyées avant le 24 juin 2024 à l’adresse suivante : contre.je.colloque@gmail.com.

Comité d’organisation : Camille Islert (ENS de Lyon - HiSoMA), Christophe Cusset (ENS de Lyon - HiSoMA), Manon Berthier (UPEC - LIS), Jaine Chemmachery (Sorbonne Université - VALE), Nicolas Duriau (ULB - Philixte/STRIGES) et Aurore Turbiau (Lyon 2 - Passages XX-XXIe).

Bibliographie indicative

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