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Partout et en tous temps ? Les lieux propices au harcèlement sexuel avant #metoo (ENS Paris Saclay)

Partout et en tous temps ? Les lieux propices au harcèlement sexuel avant #metoo (ENS Paris Saclay)

Partout et en tous temps ? Les lieux propices au harcèlement sexuel avant #metoo.

 Le projet AVISA (https://avisa.huma-num.fr/s/avisa/page/accueil), démarré en 2020, a pour objet d’écrire l’histoire du harcèlement sexuel en Occident sur la longue période. Ses membres se sont, dans un premier temps, interrogé sur les termes utilisés pour rendre compte de cet impensé du droit jusque dans les années 1980. Dans le cadre de cette étude initialement sémantique, il est apparu que la définition juridique initiale du harcèlement sexuel limite les manifestations de ce dernier à la sphère professionnelle. Dans les années 1980-1990, il fait en effet son entrée sur la scène juridique et médiatique comme « un abus d’autorité en matière sexuelle dans les relations de travail » notamment aux États-Unis avec l’affaire Anita Hill contre Clarence Thomas (1991) et à la même époque en France[1].

 La définition aujourd’hui internationalement admise, comme en atteste son usage par l’ONU femme, ne limite pas cette violence sexuelle au monde du travail. Dans ces termes, le harcèlement sexuel « se réfère aux comportements très suggestifs impliquant des contacts physiques non consensuels, des attouchements, pincements, frottements à connotation sexuelle contre le corps d’une autre personne. Il peut aussi faire allusion à des comportements non directement physiques, comme des sifflets, des commentaires de caractère sexuel sur le corps ou l’apparence d’une personne, à des demandes de faveurs sexuelles, des regards soutenus et des fixations sur toute autre personne, le fait de la suivre ou de la guetter, ou encore à des actes d’exhibitionnisme »[2].

 Cette définition, qui est la nôtre depuis le début du projet, s’intéresse aux actes et non à l’espace-temps dans lequel ils se déroulent. Après l’interrogation de la figure du harceleur au début de l’année 2024, et donc du « qui » harcèle, ce colloque se posera donc la question du « où » et du « quand ». Poursuivant les travaux précédents du projet AVISA, les communications sont invitées à envisager l’ensemble des lieux propices à ce type de comportements et à en dresser une cartographie sur la base de dénonciations et témoignages privés (archives, correspondances…) et publics (livres de conduite, presse) mais également à travers l’analyse d’œuvres littéraires, artistiques et médiatiques. Existe-t-il des espaces et des temps favorisant le harcèlement sexuel ou se produit-il « partout, à toute heure » ? Peut-on observer des transformations des éventuels espaces « propices » à travers le temps ? Ces endroits sont-ils différents selon les genres des œuvres, les nationalités de leurs auteurs, la période de production ? En quoi les saisons, le calendrier, la météo ou l’horaire peuvent-ils ou non transformer un lieu protecteur en lieu de tous les dangers, réel ou ressenti ? 

 Le travail artistique et littéraire de ce contexte du harcèlement mérite également d’être interrogé : comment les arts ont-ils représenté ces espaces-temps et avec quels dispositifs ? Les films par exemple positionnent ils les scènes de harcèlement dans des endroits clés, et si oui lesquels ? Quel rôle joue la description littéraire dans la perception du harcèlement, entre voile et révélateur, entre réalisme et dramatisation ?

 Ce colloque explorera donc dans un premier temps la sphère professionnelle en sollicitant des sources nouvelles qui révèlent la dangerosité de la domesticité, de l’atelier, de la manufacture, de l’entreprise, de l’école, de l’université, de l’hôpital, d’un plateau de cinéma etc… pour les femmes. La liste reste précisément à construire et ne sera sans doute jamais exhaustive. Au sein des différentes structures, certains secteurs sont-ils davantage présentés comme favorisant le harcèlement sexuel ? Et dans ces espaces professionnels, peut-on observer des lieux spécifiques comme étant plus dangereux que d’autres ?

 Ce colloque portera également son regard sur d’autres espaces de sociabilité mixte, des veillées des campagnes au bains publics en passant par les domaines nobles ou royaux, les cours, les salons, les tavernes, les théâtres, les églises, les salles de cinémas…. Mais également les lieux par essence violents comme les zones de guerre. La rue et les transports en commun seront bien sûr aussi à examiner, d’autant qu’en France l’alinéa 6 de l’article 14 de la loi n°2023-22 du 24 janvier 2023 prévoit que désormais l’outrage sexiste et sexuel commis « dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou au transport public particulier ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs » est spécifiquement puni. Comment le harcèlement sexuel se produit-il dans ces espaces collectifs, comportant parfois des témoins nombreux ? Et comment les récits qui en sont fait tiennent-ils compte des espaces de sociabilité mixte et les décrivent-ils ainsi que les interactions qui s’y déroulent ?

 Nous invitons également les communications à examiner les espaces privés dont on sait qu’ils constituent aujourd’hui le lieu privilégié des agressions sexuelles[3]. Comment analyser la sphère privée ? Comment est-elle décrite en littérature, en peinture, au cinéma ? La chambre à coucher est-elle une zone à étudier spécifiquement ?

 Enfin, la question de l’architecture et du design des lieux et des bâtiments pourra aussi être posée : comment les transformations de l’espace privé et public et de leurs infrastructures transforment-elles en retour les manifestations du harcèlement et le sentiment de sécurité ou d’insécurité ? Quels récits en sont fait ? À ce titre, le colloque pourra interroger spécifiquement le rôle que la lumière et le regard jouent dans les manifestations du harcèlement, sa perception et les émotions qu’ils suscitent. 

 Nous nous proposons d’explorer ces questions selon les axes suivants :

-       Les facteurs matériels et culturels de vulnérabilité des femmes dans ces espaces.

-       La désanctuarisation des espaces refuges (églises, hôpitaux, …)

-       Les systèmes de prévention contre le harcèlement sexuel mis en place dans ces espaces.

-       Le traitement esthétique de ces espaces dans la littérature et les arts.

-       Le traitement médiatique de ces espaces-temps.

Dès ses origines, le projet AVISA ambitionne de croiser les périodes, les disciplines, les regards et les méthodologies. Le projet accueille donc des communications en littérature, philosophie, sociologie, études cinématographiques et audiovisuelles, histoire des idées, géographie, histoire… Nous accueillerons donc les propositions dans cette perpective pluri et interdisciplinaire.

Merci d’envoyer vos propositions, d’une longueur de 3 000 signes maximum, avant le 1er juillet 2024 à :

armel.dubois-nayt@uvsq.fr, anneclaire.marpeau@gmail.com, rejane.vallee@univ-evry.fr.

Le colloque se déroulera les 17 et 18 Octobre 2024 à l’ENS Paris Saclay, 4 avenue de Sciences, 91 190 Gif-sur-Yvette.

Comité scientifique :

Jean-Christophe Abramovici (Professeur de littérature française, Sorbonne Université), Mathilde Bombart (Professeur de littérature française, Université de Lyon 2), Olivier Caïra (Maître de Conférences, Université d’Évry-Paris-Saclay), Line Cottegnies (Professeur de littérature britannique de la première modernité, Sorbonne Université), Didier Lett, (Professeur d’histoire médiévale, Université Paris-Cité), Hélène Marquié (Professeure en arts du spectacle et en études de genre, Université Paris 8-Vincennes-Saint Denis)

The AVISA project (https://avisa.huma-num.fr/s/avisa/page/accueil), launched in 2020, aims at writing the history of sexual harassment over a long period of time. It began by examining the terms used to refer to a reality that did not exist in the eyes of the law prior to the 1980s. The first stage of this research, that focused on semantics, has shown that, when it was eventually defined in law, it was initially limited to the professional sphere. In fact, in the 1980s and 1990s, it entered the judicial arena and the media as “power abuse in the workplace about sexual matters” particularly in the US with the case Anita Hill vs Clarence Thomas as well as in France.

Yet, the definition which is internationally accepted today, as evinced by its adoption by UN women, does not limit this form of sexual violence to the workplace. In these broader terms,  “Sexual harassment is any unwelcome sexual advance, request for sexual favour, verbal or physical conduct or gesture of a sexual nature, or any other behaviour of a sexual nature that might reasonably be expected or be perceived to cause offence or humiliation to another, when such conduct interferes with work, is made a condition of employment or creates an intimidating, hostile or offensive work environment. While typically involving a pattern of behaviour, it can take the form of a single incident. Sexual harassment may occur between persons of the opposite or same sex. Both males and females can be either the victims or the offenders”.

Since the beginning of the project, this definition has also been ours and, as a result, we have focused on the acts themselves without paying much attention to the space and time in which they take place. In early 2024, we looked at the figure of the “harasser” and therefore examined the “who”. The forthcoming conference wishes to turn to the “where” and the “when”.

Following on previous research carried out as part of the AVISA project, we welcome papers that will consider places conducive to this type of behaviour and help map them out on the basis of denunciations and private testimonies (archives, correspondence, etc…) as well as public ones (conduct books, the press, etc…) but also through the analysis of literary, artistic or media art work.

Were there in the past, recent and distant, spaces and times where and when sexual harassment was customary or did it happen everywhere and at all times? Can we see changes in those high-risk spaces and times over the years or centuries? In literature, are those spaces different according to the genres of the works, the nationalities of the authors, the periods of production? How can the seasons, the calendar, the weather or the time of day transform a shelter into a place of real or perceived danger?

The artistic and literary work around the context of harassment also deserves to be scrutinized. How have the arts represented these time-spaces and with what devices? Do films, for instance, place harassment scenes at particular key moments in the plot and if so what are they? What part does the literary description play in the perception of harassment? Does it veil or unveil it? Does it do so with realism or drama? 

This conference will therefore begin by exploring the professional sphere through new sources that reveal how dangerous for women some workplaces were: private and royal households, workshops, factories, businesses, schools, universities, hospitals, cinema sets, artist studios etc… The list has yet to be drawn up and will probably never be exhaustive. Within the various organizations considered, it will be interesting to discuss whether certain activity sectors or physical areas are represented as higher-risk zones.

The conference will also look at other spaces of gender mix from country wakes to public baths via noble and royal estates, courts, salons, inns, playhouses, churches and cinemas… but also places that are violent by nature such as war zones. Of course, the streets and public transport will also be examined, all the more so as they have been granted a specific legal status for “sexist or sexual abuse” in the French legal system since 2023. How does sexual harassment manifest itself in public spaces under the eyes sometimes of many witnesses? And how do the accounts of such incidents consider the gender mix in such spaces and the interactions that take place there? 

We also invite papers that will examine private spaces, where we know most sexual assaults occur today. How should we deal with the private sphere? How is it depicted in literature, painting and films? Should the bedroom be a particular area of interest?

Finally, the question of architecture and of the design of places and buildings can also be raised. How does the transformation of private or public spaces and of their infrastructures change in turn the way sexual harassment manifests itself and the feeling of safety or insecurity? How is that story being told? In this respect, we invite papers examining the role of light and gaze involved in sexual harassment but also its perception as well as the emotions it arouses. 

We suggest exploring all these questions along the following lines:

-       The material and cultural factors that make women vulnerable in those spaces.

-       The de-consecration of safe havens (churches, hospitals, etc…)

-       The systems put in place to prevent sexual harassment in these spaces.

-       The aesthetic treatment of the spaces in literature and the arts.

-       The media treatment of these spaces and times.

From the outset, the Avisa project has sought to adopt a transdisciplinary approach that crosses periods, disciplines, perspectives and methodologies. The project therefore welcomes papers in literature, philosophy, sociology, film and audiovisual media studies, art history, the history of ideas, geography and of course history etc… We look forward to proposals that will adopt this multidisciplinary and interdisciplinary perspective.

If you would like to contribute a paper, please send a short title and an abstract of up to 250 words to  armel.dubois-nayt@uvsq.fr, anneclaire.marpeau@gmail.com, rejane.vallee@univ-evry.fr by 1er juillet 2024.

 The conference will be held on 17-18 October 2024 at ENS Paris-Saclay, 4 avenue des sciences, 91190 Gif sur Yvettes.

ScC: Jean-Christophe Abramovici ( Professor of French Literature, Sorbonne University) Mathilde Bombart (Professor of French Literature, Lumière University Lyon 2), Olivier Caïra (Associate Professor, Évry University-Paris-Saclay), Line Cottegnies (Professor if Early Modern British Literature, Sorbonne University), Didier Lett, (Professor of Medieval History, Paris-Cité University), Hélène Marquié (Professor of Performing Arts and Gender Studies, Paris 8 University-Vincennes-Saint Denis).

Bibliographie partielle/Partial Bibliography :

Jean-Pierre Baroux, H Chartreux, Les Porcelainiers de Limoges en grève, Institut C.G.T. d'histoire sociale du Limousin, 1981.

Julie Berebitsky, Sex and the Office: a History of Gender, Power, and Desire, New Haven, Yale University Press, 2012.

Mary Bularzik, « Sexual harassment in the workplace : Historical notes », 12 Radical America, 25, 1978, p. 28-38 ,

André Chadourne, Les Cafés-concerts, Paris, E. Dentu, 1889.

Sylvie Cromer, Le Harcèlement sexuel en France - La levée d'un tabou : 1985-1990, Ministère du Travail, du Dialogue social et de la Participation, La documentation française, Paris, 1995.

Simone Delattre, Les Douze heures noires. La Nuit à Paris au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 2000.

Faye E. Dudden, « Serving Women: Household Service in Nineteenth Century America », Middletown, Conn., Wesleyan University Press; Scranton, Harper & Row, 1983, p. 213-219.

Anne Martin-Fugier, La Place des bonnes. La domesticité féminine à Paris en 1900, Paris, Grasset, 1979.

Laura Gowing, Domestic Dangers: Women, Words, and Sex in Early Modern London, Oxford, OUP, 1996.

Elizabeth D. Heineman (dir.), Sexual Violence in Conflict Zones. From the Ancient World to the Era of Human Rights, Philadelphia-Oxford, University of Pennsylvania Press, 2011.

Steven Hindle, « The Shaming of Margaret Knowsley: gossip, gender and the experience of authority in early modern England », Continuity and Change, 9.3,1994, p. 391-419.

Marie-Victoire Louis, Le Droit de cuissage : France, 1860-1930, Paris, Éditions de l'Atelier, 1994.

Morgane Muscat, « Les itinéraires féminins face aux « dangers de la ville » : configurations romanesques d’un rapport genré à l’espace public urbain », Dix-huitième siècle, vol. 55, no. 1, 2023, p. 33-46.

Yves Raibaud, La Ville faite par et pour les hommes, Paris, Belin, 2015.

Juliette Rennes, Métiers de rue. Observer le travail et le genre à Paris en 1900, Paris, EHESS, coll. « représentations », 2022.

Kerry Segrave, The Sexual Harassment of Women in the Workplace, 1600 to 1993, Jefferson, N.C., London, McFarland, 1994.

—, Beware the Masher: Sexual Harassment in American Public Places, 1880-1930, Jefferson, North Carolina: McFarland & Company, Inc., Publishers, 2014.

Anne-Marie Sohn, Chrysalides. Femmes dans la vie privée (XIXe-XXe siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 1996, 2 vol. Notamment le volume II.

Danièle Tartakowski (dir.), Histoire de la rue. De l’Antiquité à nos jours, Paris, Tallandier, 2022.

Pour plus d’éléments bibliographies, voir / For further bibliographical information, see: https://avisa.huma-num.fr/s/avisa/page/bibliographie

 

  
[1] Liaisons Sociales, Législation sociale (Rueil-Malmaison, France), n°67743, 1er décembre 1992 ; Laura Cottingham, « L’affaire Anita Hill- Clarence Thomas », Nouvelles Questions Féministes, 14. 4, 1993, p. 13-36
[2] https://www.unwomen.org/fr/what-we-do/ending-violence-against-women/faqs/types-of-violence
[3] https://arretonslesviolences.gouv.fr/je-suis-professionnel/chiffres-de-reference-violences-faites-aux-femmes