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La constitution de corpus en diachronie longue, entre tradition philologique et analyse quantitative. ConCorDial 2024 (ENS Lyon)

La constitution de corpus en diachronie longue, entre tradition philologique et analyse quantitative. ConCorDial 2024 (ENS Lyon)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Raphaël Luis)

La constitution de corpus en diachronie longue, entre tradition philologique et analyse quantitative

ConCorDiaL 2024,

Lyon, les 7-8 novembre 2024

Depuis ses origines, la linguistique diachronique entretient des liens intimes avec la linguistique de corpus, les diachroniciens ne pouvant par définition faire appel à leur compétence de locuteurs et devant s’appuyer sur des données attestées et authentiques pour travailler (Marchello-Nizia 2004, Prévost 2020). Les corpus numériques diachroniques et/ou de textes anciens se sont ainsi considérablement développés, et en France, Frantext et la Base de français médiéval ont joué un rôle moteur dans ce mouvement initié dans les années 1980. Ces corpus se sont généralement construits sur des éditions imprimées et ont connu un développement distinct de celui des éditions numériques natives, plus focalisées sur la transposition numérique de l’apparat critique et de la représentation des sources primaires souvent manuscrites dans une perspective philologique. Cette dissociation, qui recouvre en partie les frontières disciplinaires entre linguistes et littéraires, s’est notamment traduite en France par la création de deux consortiums distincts dans le cadre de l’infrastructure nationale de recherche Huma-Num, à savoir un consortium pour les corpus linguistiques (aujourd’hui CORLI, CORpus, Langues et Interactions) et un autre pour les éditions de texte et l’analyse littéraire et stylistique (aujourd’hui ARIANE, Analyses, Recherches, Intelligence Artificielle et Nouvelles Éditions numériques). On peut se demander si la dynamique actuelle des approches quantitatives en littérature (Bernard et Bohet 2017, Diwersy et al. 2021, Barré, Camps et Poibeau 2023) et si la création de données linguistiques nouvelles sous forme numérique ne rendent pas cette bi-partition désormais en partie artificielle.

L’essor exponentiel des corpus numériques est par ailleurs à l’origine d’une surabondance, voire d’un « déluge » de données (Habert 2005 : 41), et même si cette tendance est moins forte dans le cas des corpus de langues anciennes – l’accès aux données primaires n’étant pas aussi immédiat que pour les données langagières contemporaines –, ces corpus ne cessent de grossir en taille et en diversité. Les outils permettant le traitement, l’annotation et l’interrogation des textes, ont en parallèle considérablement enrichi les corpus textuels et leur exploitation numérique. Toujours plus gourmands en données (cf. les avancées récentes de l’IA et des agents conversationnels), les outils du Traitement automatique des langues ne font qu’amplifier la demande d’accroissement et favorisent en même temps le développement des méthodes statistiques en linguistique de corpus et dans l’analyse des données textuelles (Lebart, Pincemin et Poudat 2019).

C’est dans ce contexte et dans la lignée du premier colloque ConCorDial (Grenoble 2022, https://concordial2022.sciencesconf.org) que cette seconde édition propose d’approfondir la réflexion sur les corpus numériques en diachronie longue, en articulant constitution et analyse de corpus et en poursuivant les échanges entre créateurs et utilisateurs de données langagières.

Axe 1 : Traitement des corpus numériques diachroniques

L’accumulation de données numériques oblige à faire face au défi de leur hétérogénéité interne. Cette hétérogénéité dérive de la diversité des sources qui peuvent avoir différentes provenances avant d’être réunies dans un corpus particulier. Elle peut concerner aussi bien la qualité de numérisation des textes, que leur format numérique (XML ou autre), les métadonnées qui permettent de les décrire et bien sûr aussi leurs annotations linguistiques. À ces facteurs généraux, peuvent s’ajouter pour les périodes les plus anciennes les variations graphiques et morphologiques qui compliquent la reconnaissance des formes et le travail des outils de TAL. On pourra s’intéresser aux différentes façons de traiter cette hétérogénéité en fonction des usages escomptés et des contraintes (techniques, financières, etc.) qui s’imposent.

Ces questions pourront également être abordées sous l’angle de la compatibilité et de l’interopérabilité entre différents corpus. Les référentiels communs (concernant les balises, les métadonnées, la segmentation lexicale, les lemmes, les jeux d’étiquettes morphosyntaxiques, les annotations syntaxiques ou sémantiques, etc.) sont une manière de répondre à cet objectif qui devient de plus en plus nécessaire à mesure que les corpus se multiplient. Dans ce cadre, les enjeux de la perennité et de la sauvegarde des données sont également à prendre en compte. On pourra notamment se demander comment concilier une exigence de normalisation avec le respect de la diversité et de la richesse des données d’origine (comment, par exemple, utiliser un jeu d’étiquettes multilingue sans appauvrir l’étiquetage d’une langue particulière ?).

La dimension historique sur le temps long pourra faire l’objet d’une réflexion spécifique, la variation diachronique étant d’autant plus importante que le corpus couvre une vaste période et se manifestant à tous les paliers de traitement. Comment gérer les évolutions qui touchent les genres textuels (apparitions/disparitions, évolutions à l’intérieur d’un genre donné, les genres étant historiquement situés et évoluant dans le temps, cf. Winter-Froemel 2023) ? Doit-on utiliser les mêmes lemmes quelle que soit la période ou se fonder sur des dictionnaires propres à chaque état de langue ? Comment traiter les changements dans la segmentation en unités lexicales et l’émergence de locutions grammaticalisées ?

Les questions soulevées ici ne sont pas exhaustives et toutes les propositions de communication abordant la constitution et le traitement de corpus diachroniques seront examinées.

 Axe 2 : Méthodes quantitatives et qualitatives pour l’exploitation de corpus diachroniques

Les méthodes quantitatives étant de plus en plus utilisées sur tous les plans de l’analyse linguistique (lexique, phonologie, morphologie, syntaxe, etc.) et se diffusant dans le champ des études stylistiques (stylèmes, phraséologismes) et littéraires (topiques, motifs narratifs, etc.), on pourra interroger leur impact sur les corpus numériques diachroniques : comment tenir compte de ces usages dans la sélection, la préparation, la description et l’organisation des données ? quelles méthodes et quels outils employer pour le repérage et l’interprétation quantitative des données ?

Dans ce cadre, on pourra s’intéresser plus spécifiquement aux apports et aux limites de l’annotation linguistique et se demander quels types d’enrichissements privilégier pour faciliter les recherches diachroniques, quel niveau de granularité adopter, quel équilibre viser entre quantité et qualité des annotations, etc.

Les méthodologies quantitatives spécifiquement adaptées à l’analyse diachronique feront l’objet d’une attention particulière. On pourra notamment traiter des différents types de variation, des spécificités du facteur diachronique ou des manières de cibler ce facteur particulier ou au contraire de décrire la façon dont il interagit avec d’autres (Hilpert et Gries 2016). De même, les nouvelles possibilités offertes par les outils de périodisation automatique (Gries et Hilpert 2008, Diwersy et al. 2017), ou les méthodes permettant de mesurer et d’interpréter des tendances (Hilpert et Gries 2009), etc. pourront être présentées.

L’articulation entre méthodes quantitatives et analyse qualitative sera également prise en compte, de même que la dimension philologique des données construites pour une exploitation linguistique ou littéraire.

Conférences invitées

Sascha Diwersy (Université Montpellier, UMR Praxiling)
Thierry Poibeau (CNRS, UMR Lattice)
Céline Poudat (Université Côte d’Azur, UMR BLC)

Modalités

La durée des présentations sera de 30 minutes suivies d’une discussion de 10 minutes. Le colloque se déroulera en mode hybride (présentiel souhaité pour les intervenants). Les langues de communication acceptées sont le français et l’anglais.

Les résumés doivent comprendre entre 300 et 500 mots (sans compter les références bibliographiques) et seront rédigés dans la langue de communication. Ils doivent être déposés sur le site de la conférence (https://concordial.sciencesconf.org) en deux versions : une version anonymisée (à copier-coller dans le formulaire) et une version précisant le nom et l’affiliation de l’auteur ou des auteurs dans un document Word ou PDF. Merci d'utiliser le modèle de document proposé. 

Frais d’inscription :

Les frais d’inscription seront communiqués à l’ouverture de l’inscription (entre 40 et 60 €).

Exonération :

participants en ligne
membres des laboratoires organisateurs
doctorants

Calendrier :

Date limite de soumission de résumé : 15 mai 2024
Retour des évaluations : 1er juillet 2024
Soumission de la version définitive des résumés : 1er octobre 2024
Inscription au colloque : du 1er septembre au 1er octobre
Colloque : du 7 au 8 novembre 2024

Références

Barré Jean, Camps Jean-Baptiste et Poibeau Thierry (2023) « Operationalizing Canonicity: A Quantitative Study of French 19th and 20th Century Literature », Journal of Cultural Analytics, vol. 8, n° 3. ‹DOI : 10.22148/001c.88113›.

Bernard Michel et Bohet Baptiste (2017) Littérométrie. Outils numériques pour l’analyse des textes littéraires, Paris, Presses Sorbonne nouvelle.

Diwersy Sascha et al. (2021) « La phraséologie du roman contemporain dans les corpus et les applications de la PhraseoBase », Corpus, n° 22. ‹DOI : 10.4000/corpus.6101›.

Diwersy Sascha, Falaise Achille, Lay Marie-Hélène et Souvay Gilles (2017) « Ressources et méthodes pour l’analyse diachronique », Langages, vol. 206, n° 2, p. 21‑44. ‹DOI : 10.3917/lang.206.0021›.

Gries Stefan et Hilpert Martin (2008) « The identification of stages in diachronic data: variability-based neighbour clustering », Corpora, vol. 3, p. 59‑81. ‹DOI : 10.3366/E1749503208000075›.

Habert Benoît (2005) « Face à la disette dans la profusion », Scolia : Sciences Cognitives, Linguistiques et Intelligence Artificielle, vol. 19, n° 1, p. 41‑61. ‹DOI : 10.3406/scoli.2005.1065›.

Hilpert Martin et Gries Stefan (2016) « Quantitative approaches to diachronic corpus linguistics », In M. Kytö et P. Pahta (éd.), The Cambridge Handbook of English Historical Linguistics, Cambridge University Press, p. 36‑53. ‹DOI : 10.1017/CBO9781139600231›.

Hilpert Martin et Gries Stefan (2009) « Assessing frequency changes in multistage diachronic corpora: Applications for historical corpus linguistics and the study of language acquisition », Literary and Linguistic Computing, vol. 24, n° 4, p. 385‑401. ‹DOI : 10.1093/llc/fqn012›.

Lebart Ludovic, Pincemin Bénédicte et Poudat Céline (2019) Analyse des données textuelles, Québec, Presses de l’Université du Québec.

Marchello-Nizia Christiane (2004) « Linguistique historique, linguistique outillée : les fruits d’une tradition », Le français moderne, n° 1, p. 58‑70.

Prévost Sophie (2020) « Une grammaire fondée sur un corpus numérique », In C. Marchello-Nizia, B. Combettes, S. Prévost et T. Scheer (éd.), Grande grammaire historique du français, Berlin, Mouton de Gruyter, p. 37‑53.

Winter-Froemel Esme (2023) « Discourse traditions research: foundations, theoretical issues and implications », In E. Winter-Froemel et Á.S. Octavio de Toledo y Huerta (éd.), Manual of Discourse Traditions in Romance, De Gruyter, p. 25‑58. ‹DOI : 10.1515/9783110668636-002›.