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De la présence du passé et de l’absence :exil et migrance dans les productions culturelles des mondes arabe et amazigh (Boca Raton, Floride)

De la présence du passé et de l’absence :exil et migrance dans les productions culturelles des mondes arabe et amazigh (Boca Raton, Floride)

Publié le par Marc Escola (Source : Naïma Hachad)

Nouvelle date butoir : 15 octobre 2024

De la présence du passé et de l’absence :

Exil et migrance dans les productions culturelles des mondes arabe et amazigh

De l’Algérie au Liban et à la Syrie, les régimes coloniaux, ainsi que les transformations administratives et territoriales qui en ont découlé, ont engendré d’irréversibles déplacements géographiques et culturels dans les parties Sud et Est du bassin méditerranéen. Ces phénomènes, induits par des altérations brutales imposées à des communautés qui avaient, historiquement et socio-culturellement, développé des relations spécifiques à leur territoire, ont conduit à une redéfinition des liens à la terre natale, ainsi qu’à l’élaboration de nouveaux imaginaires et conceptualisations de l’appartenance. L’introduction de la langue du colonisateur utilisée dans l’administration, dans l'éducation ou pour l’ascension sociale a, elle aussi, contribué aux ruptures des liens familiaux, sociaux et culturels. A l’exil langagier et culturel se sont ajoutés, dans certains cas, des déplacements forcés de populations ou des départs vers les métropoles, qui ont entraîné d'autres formes d'acculturation et de reconfigurations identitaires. Dans la période post-coloniale, les crises politiques et économiques qui ont secoué cette région et les guerres qui l’ont ravagée ont exacerbé les phénomènes migratoires et provoqué de nouvelles vagues de départs. Volontaires ou forcés, ceux-ci, ont donné lieu à d’autres réalités de l’exil comme celles de l’émergence de cultures diasporiques, d’existences hybrides, ou de l’entre-deux. Le durcissement des mesures anti-migratoires depuis les années 1990 a eu pour résultat la production d’un nombre toujours plus grand de « clandestins ». Les politiques sécuritaires et l’instabilité sociopolitique et économique ont également conduit à la normalisation de camps de réfugiés avec la multiplication des deux côtés de la Méditerranée de ce que l’anthropologue Michel Agier désigne comme des « hors-lieux », à savoir des lieux confinés en dehors des appareils juridique et politique.   

La condition exilique qu’Edward Saïd décrit comme une « fissure à jamais creusée entre l’être humain et sa terre natale » continue ainsi d’être explorée et problématisée dans les productions culturelles des mondes arabe et amazigh. Depuis la deuxième moitié du XIXe siècle, elle constitue une des thématiques centrales de la chanson populaire, de la poésie et de la littérature. Plus récemment, on la retrouve dans le cinéma et les arts visuels qui, eux aussi, conceptualisent et témoignent de la ghurba. Ce terme qui, en arabe, partage la même racine que les mots « étrange » et « étranger », désigne l’éloignement et la séparation, mais dénote également la solitude et le mal-être loin de la terre et de la communauté natales ainsi que la nostalgie pour celles-ci. Ce sont ces sentiments caractéristiques de la ghurba qui expliquent notre recourt au terme migrance et non à celui de migration dans la mesure où, comme l’explique Alexis Nouss, « La désinence –ion indique une opération ou une production dont la valeur tient dans le résultat ou dans le produit, tandis que –ance insiste sur le processus en ce qu’il est constant et inachevé/inachevable ». La ghurba serait donc une condition (de l’)inachevable où le moi s’appréhende comme étranger de par la fissure creusée entre lui et sa terre natale ; c’est aussi une expérience de l’étrangeté du moi qui, en terre étrangère, maintient en lui présent le passé d’avant le départ. 

Notre symposium propose donc d’explorer les poétiques de l’exil et de la migrance dans les productions culturelles du monde arabe et amazigh des bassins Sud et Est de la Méditerranée, en se concentrant sur la problématique du (rapport au) lieu. En ce premier quart du troisième millénaire où les privilégié.e.s traversent les distances spatio-temporelles à une vitesse toujours plus grande, on assiste à une augmentation tout aussi sidérante du nombre de migrants et de réfugié.e.s. Ce sont les expériences de ces derniers qui nous intéressent. Notre approche prend donc une distance critique vis-à-vis de la célébration de l’expérience exilique comme forme de libération et cherche à s’ancrer dans une approche géocritique qui revisite l’expérience migratoire ou exilique comme des vécus inachevés/inachevables de la séparation, de la perte, du déracinement et parfois, du ré- enracinement. 

Suggestions pour des axes de réflexion :

Poétiques de la ghurba
Articulations, pensées et théories autochtones de l’exil
Narrations de l’exil
Exil langagier
Exil culturel
Exil en temps de « crise migratoire »
Poétique de l’exil en temps de disparition de l’exil comme catégorie politique
Géographie/topographie de l’absence
Départ, entre-deux, retour et impossibilité du retour
Migration, émigration, immigration et exil : nuances et connexions.
Exil/migrance et genre, classe, ethnicité et orientation sexuelle
Camps, zone de transit, et « hors-lieux ».  
Les contributions, en français ou en anglais, porteront de préférence sur un corpus francophone mais peuvent établir des comparaisons avec des œuvres arabophones, anglophones, a amazighophones ou autres qui permettraient de mieux cerner la problématique explorée. 

Le symposium aura lieu la troisième semaine de février (20 et 21) 2025 à Florida Atlantic University, à Boca Raton en Floride. Les propositions de communication d’environ 300 mots, accompagnées d’une brève notice biographique, doivent être envoyées à Carla Calargé (ccalarge@fau.edu) et Naïma Hachad (hachad@american.edu) avant la date limite du 15 octobre 2024. Il est prévu que le symposium mènera à la publication d’un collectif ; aussi les auteurs des propositions retenues doivent-ils s’engager à envoyer une version complète de leur article (environ de 6000 mots) avant le premier mai 2025. 

Pour toute information supplémentaire s’adresser à Carla Calargé et/ou à Naïma Hachad.