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Études théâtrales et sciences humaines et sociales (Montpellier)

Études théâtrales et sciences humaines et sociales (Montpellier)

Publié le par Marc Escola (Source : Cyprien Deve)

Ce colloque a pour objet les relations entre les études théâtrales et les sciences humaines et sociales (SHS). L’objectif est de penser les études théâtrales comme un objet, une discipline – voire une hyper-discipline – et un champ, à la fois scientifique et artistique, et d’en interroger la pluridisciplinarité qui les constitue : quel est le rôle des SHS dans la formation aux études théâtrales ? Comment le théâtre constitue-t-il un outil heuristique des SHS ? Quelle place les études théâtrales accordent-elles à l’interdisciplinarité ?

Argumentaire

Paris, 1959, la création de l’Institut d’études théâtrales marque un tournant dans l’enseignement universitaire du théâtre (Brun, Guérin, Mervant-Roux, 2019 : 19). S’ouvre alors un champ d’études nouvelles par sa séparation de l’enseignement littéraire. Sa spécificité serait de porter sur un objet — le théâtre — plutôt que sur une méthode. Si d’autres disciplines dont la scientificité est discutée (Veyne, 1978) se constitueraient pareillement, la plupart inscrites dans le champ des sciences dites dures (Feyerabend, 1988) autant que dans celui des sciences humaines et sociales (SHS) revendiquent une scientificité à partir de la méthode plutôt que de l’objet.

Parallèlement, à la constitution de ce champ, le théâtre en tant qu’objet gagne en légitimité à travers des travaux de recherche conduits en SHS. La théorie théâtrale prend de l’intérêt pour penser le monde (Lacoue-Labarthe, Nancy, 2013). Le théâtre se voit appliquer des méthodes exogènes aux études théâtrales, à l’image de l’économie (Baumol, Bowen, 1966) ou de la sociologie (Menger, 2011), tandis que des fertilisations croisées sont opérées de sorte à faire émerger de nouvelles perspectives (inter-)disciplinaires au sein même des études théâtrales telle la sociologie du théâtre (Duvignaud, 1999). D’autres cas exemplaires, néanmoins controversés, érigent le théâtre en modèle heuristique pour penser les interactions sociales et la sociologie des organisations (Goffman, 1992) ou usent abondamment de la métaphore théâtrale pour éclairer la compréhension anthropologique d’évènements mondes pourtant sans liens originaux avec le théâtre (Bromberger, 2003) ou encore servent de modèle pour repenser l’interdisciplinarité comme « mise en scène du savoir » (Resweber, 1981). Cette question des études théâtrales comme objet, comme discipline ou comme champ pluridisciplinaire scientifique et artistique n’a de cesse de faire l’objet de réflexions à l’intérieur même du champ (Mervant-Roux, 2006 ; Plassard, 2006).

L’interdisciplinarité serait constitutive des études théâtrales. Suivant Patrice Pavis, dans une perspective quelque peu théâtro-évolutionniste, celle-ci aurait connu quatre stades : l’âge de l’interdisciplinarité sémiologique (1968-1978), l’âge de l’interdisciplinarité post-structuraliste (1968-1978), l’âge de l’anthropologie théâtrale — qui est à distinguer de l’anthropologie du théâtre (Giacché, 1999) et ne relève pas d’une approche scientifique du théâtre, mais d’une démarche d’artiste (Barba, 2004) —, des cultural et performance studies (1988-1998) — ces dernières s’inscrivant néanmoins dans une acceptation typiquement états-uniennes du spectacle vivant (Schechner, 2008, Pradier, 2008), et enfin l’âge qu’il appelle de ses vœux de « réhistoricisation » de la recherche (1998-2008).

Ce que Patrice Pavis poserait comme constat soulève plusieurs remarques : d’une part, si le théâtre se présente comme « hypermedia » (Kattenbelt, 2006), média anthropophage ou absorbant tous les autres pour se constituer, par effet d’homologie, les études théâtrales seraient à considérer sous une forme d’hyper-discipline ; d’autre part, ces dernières décennies, le développement universitaire des études théâtrales conduit à leur restructuration en champ pluridisciplinaire par le recours aux SHS : histoire du théâtre, anthropologie du théâtre, sociologie du théâtre, socio-économie du théâtre, etc.). Dans l’environnement universitaire marqué par la concurrence symbolique, cette pluridisciplinarité suppose des formations, des positionnements et des spécialisations individuelles de la part des chercheur·se·s et enseignant·e·s-chercheus·e·s. En attesterait la diversité des travaux s’appuyant sur des approches sociologiques (Hamidi-Kim, 2013), économiques (Poirson, 2011), juridiques (Biet, 2002), de philosophie politique (Neveux, 2019), d’écologie (Sermon, 2021) et cognitivistes (Philippe-Meden, Roche-Fogli, 2019).

Les études théâtrales dans leur renouvellement sont redevables aux praticiens des arts de la scène pour avoir appréhendé le théâtre dans une vision moins textocentrée voire « dramaturgocentrée » (Danan, 2017), en faveur de sa triple dimension performative (Grotowski), spectaculaire (Brook) et dialogique sinon symbiotique (Pradier, 2007). Si, dans le premier vingtième siècle, le corps a pu être remis au cœur des préoccupations scéniques par les réformateurs du théâtre tant par l’école russe (Autant-Mathieu, 2007) que par l’école française (Philippe-Meden, 2017), les études théâtrales pour l’étude de la pensée du corps vécu, vivant, expérimenté, etc., voient émerger des perspectives scientifiques interdisciplinaires innovantes irriguées par la phénoménologie pour l’émersiologie (Andrieu, 2020 ; Andrieu, Thomas, 2017), la somaesthétique (Shusterman, 2007) et les écosomatiques (Bardet, Clavel, Ginot, 2018) et l’anthropologie modale et réflexive (Laplantine, 2005, 2021).

Pistes possibles de communications

Sur la formation

  • Le rôle des SHS dans la formation aux études théâtrales : des cours spécifiques d’initiation/d’introduction à différentes disciplines relevant des SHS sont-ils inclus dans les cursus, ou dispensés par des enseignant·e·s issu·e·s des SHS autres que les études théâtrales ?
  • La formation des enseignant·e·s en études théâtrales : dans quelle mesure une direction ou co-direction de thèse avec un·e directeur·trice de thèse provenant des SHS influence-t-elle la recherche doctorale ?

Sur les usages du théâtre dans les SHS

  • L’utilisation du théâtre comme outil conceptuel, heuristique, dans les SHS (ex. : La mise en scène de soi dans la vie quotidienne, cf. Goffmann).
  • Quel point de vue spécifique du théâtre se dégage-t-il lorsque des chercheur·se·s l’étudient depuis leur discipline de référence, par exemple depuis la sociologie, la philosophie ou la littérature ?

Sur la structuration de la « discipline » des études théâtrales

  • Les études théâtrales avant les études théâtrales : l’historiographie des études théâtrales présente parfois la discipline comme issue d’une scission d’avec le champ de la littérature. Cette conception est-elle pertinente ? Existerait-il une tradition antérieure sinon contemporaine de l’avènement des études théâtrales émergeant d’autres disciplines (histoire, sociologie, philosophie, etc.) ?
  • Quelle place les espaces de recherches en études théâtrales (colloques, revues, etc.) accordent-ils à l’interdisciplinarité ?
  • Quelle est la part de collaboration entre les études théâtrales et les autres SHS ? Est-ce qu’il existe certaines revues plus interdisciplinaires que d’autres ?

Études théâtrales et pertinences scientifiques

  • La pensée des études théâtrales, à l’heure du nouveau régime climatique, se limite-t-elle aux SHS ? Quelle place pour les STEM ?
  • Une hiérarchie implicite des SHS est-elle prégnante dans l’usage qu’en font les études théâtrales ?
    Quid, en études théâtrales, des SHS mineures/minorées propres aux champs scientifiques des STAPS, des arts plastiques, de la psychologie, etc., ou des SHS qui, en raison des connaissances scientifiques spécifiques qu’elles requièrent, possèdent un fort coût d’entrée (neurosciences) ?

Ces pistes possibles de communication ne sont pas exhaustives.

Conditions de soumission

Les propositions de communication de 500 mots max. comprendront une problématique, les principales questions, les sources, les repères épistémologiques et méthodologiques utiles, ainsi qu’une bibliographie de 5 références pertinentes et 5 mots-clés.

Les propositions de communication seront accompagnées d’une notice bio-bibliographique comportant les rattachements institutionnels, axes de recherche et trois références bibliographiques significatives.

L’ensemble sera rédigé en police Times New Roman 12, sans interlignes.

Le titre de la proposition de communication sera placé en haut à droite en gras. Le nom du ou des auteur·trice·s, leurs institutions et leurs mails professionnels, apparaîtront à droite sous le titre.

Le document sera envoyé avant le 3 juillet 2024 par voie numérique en fichier attaché sous le format word aux adresses suivantes :

iris.carre-drean@univ-montp3.fr,
- guillaume.cot@uni-montp3.fr,
- cyprien.deve@univ-montp3.fr
- pierre.philippe-meden@univ-montp3.fr

Le document portera le nom du premier auteur sous la forme : prénom_nom.docx (exemple : marcelle_dupont.docx).

Les communications seront d’une durée de vingt minutes maximum.

L’inscription au colloque est gratuite. Les transports et hébergements sont à la charge des participant·e·s.

Contacts : guillaume.cot@univ-montp3.fr et pierre.philippe-meden@univ-montp.fr, iris.carre-drean@univ-montp3.fr et cyprien.deve@univ-montp3.fr

Organisateur·ice·s

- Iris Carré-Dréan UPVM3
- Guillaume Cot UPVM3
- Cyprien Dève UPVM3
- Pierre Philippe-Meden UPVM3

Comité scientifique


- Fabienne Barthélémy, Université de Reims - Champagne-Ardennes
- Arianna Bérénice De Sanctis, Université de la Côte d’Azur
- Sylvain Ferez, Université de Montpellier
- Tiphaine Karsenti, Université Paris 10 - Nanterre
- Tiziana Leucci, CNRS
- Éric Perera, Université de Montpellier
- Martial Poirson, Université Paris 8 – Vincennes-Saint-Denis
- Jean-Marie Pradier, Université Paris 8 – Vincennes-Saint-Denis
- Carolane Sanchez, Université de Franche-Comté