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Oraliture et littérature algérienne, des

Oraliture et littérature algérienne, des "arts de la parole" aux "valeurs sociales". Identités, mémoire et représentations (Biskra, Algérie)

Publié le par Marc Escola (Source : Mounir Hammouda)

Colloque national :

Oraliture et littérature algérienne, des « arts de la parole » aux « valeurs sociales » :

Identités, mémoire et représentations

 Le 20 novembre 2024 à la Faculté des Lettres et des Langues de l’Université Mohamed Khider de Biskra - Algérie

Solibo évoque les images qui expriment la différence qui existe entre la parole et l’écrit, visant à relativiser l’impact de l’écrit sur la vision du monde qui en découle. Pour lui, l’essentiel, ce n’est pas le support graphique, mais la parole qui justifie l’acte d’écriture car à l’origine comme à la fin, il y a la parole. Il disait : « Oiseau de Cham, tu écris. Bon. Moi, Solibo, je parle. Tu vois la distance. Dans ton livre… Tu veux capturer la parole à l’écriture, je vois le rythme que tu veux donner, comment tu veux serrer les mots pour qu’ils sonnent à la langue … On n’écrit jamais la parole, mais des mots, tu aurais dû parler. Ecrire, c’est comme sortir le lambi de la mer pour dire : voici le lambi. La parole répond : où est la mer ? Mais l’essentiel n’est pas là ? Je pars, mais toi tu restes. Je parlais, mais toi tu écris en annonçant que tu viens de la parole. Tu me donnes la main par-dessus la distance. C’est bien, mais tu touches la distance[1]».

A partir du XIIIe et jusqu'aux XVIe-XVIIe siècles, on assistait à une querelle entre oralité et écriture, due à la lente prise de conscience des potentialités de cette dernière. L’écrit et l’oral se repoussaient, sémantiquement, dans la tradition intellectuelle séculaire. Cette contestation repose sur l’adage latin selon lequel « Verba volant, scripta manent » [Les mots s’envolent, les écrits restent] qui constitue le fondement de la civilisation occidentale, peut-être même le secret de son succès historique, de sa logique et de sa technique. Ainsi, l’écrit a peu à peu remplacé l’oral au point d’en devenir le seul conservatoire véridique alors que l’oral est demeuré celui de la civilisation des peuples sans écriture, donc primitives. Alors, qui dit parole, dit tradition orale.

Ainsi, l’effort des premiers intellectuels des sociétés orales, taxées de primitives, a été de reconsidérer l’oralité, de s’y ressourcer et de s’y reconnaître pleinement. La tradition orale devient pour eux un moyen de fierté, car elle est un immense patrimoine culturel riche. Les contes, mythes, chants, devinettes ou proverbes qui le constituent sont aptes à être fidèlement transcrits, traduits, sauvegardés, codifiés, parcourus et étudiés au même titre que les documents écrits. 

La « littérature orale » est une expression créée en 1881 par Paul Sébillot, elle est défini par le dictionnaire Larousse comme l’« ensemble des fables, des légendes, des récits qui appartiennent au fonds primitif d’un peuple et se transmettent oralement par la tradition[2] ». Dans sa brochure Comprendre la littérature orale africaine, Samuel-Martin Eno Belinga définit la littérature orale « comme d’une part l’usage esthétique du langage non écrit et, d’autre part, comme l’ensemble des connaissances et les activités qui s’y rapportent »[3]. La définition de Belinga méconnaît clairement l’existence de l’écriture comme élément constitutif fondamental de la littérature. Pour lui, celle-ci n’en est qu’un support matériel (cahier, livre, document, archive), alors que l’oral est conçu comme une mine d’informations et d’actions significatives.

Mais la littérature orale, abordée par Ernst Mirville, a été remise en question, y compris par celui-ci qui voyait en elle « une pointe [...] de mépris ou de dépréciation[4] » par rapport à la littérature écrite, et soulignait également l’oxymore qu’elle véhicule : la contradiction entre les deux termes qui la constituent. En effet, parler de « littérature orale » s’est mettre au même piédestal la littérature et les productions orales qui ne sont pas fixées et transmises à l’aide de l’écriture, statut qui les rend inabordables par la plupart des approches littéraires. Adoptées par les écrivains et les artistes africains pour revendiquer leurs productions littéraires non écrites mais créées pour être racontées, exprimées et partagées puis transmises à nouveau avec le goût de la parole.

Le concept de littérature orale va être repris et retravaillé par Ernst Mirville qui souligne que l'opposition de l'écrit et de l'oral n'est pas uniquement une opposition de moyens de communication mais également une opposition de langues et de situations socio-économiques et culturelles de sociétés qui se proclament modernes pour se distinguer de celles considérées comme primitives. Donc, cette confusion terminologique incita Mirville à lancer un autre concept pour qualifier ce genre de production : L’Oraliture. L’origine du terme « Oraliture » et sa création se justifient, donc, par rapport la littérature orale. L’Oraliture représente la culture transmise par l’oralité : contes, mythes, chansons, proverbes, devinettes, adages… Ce terme a été inventé en premier par Paul Zumthor[5] au début du XXe siècle. Mais, dans les années 1960, selon Maximilien Laroche, pour remédier aux problèmes épistémologiques établis par l’expression « littérature orale », Mirville proposa le concept d’ « Oraliture » (en 1974), composé du préfixe « oral » et empruntant son suffixe à la littérature. Il précise que la tradition orale repose en grande partie sur ce qu’il appelle les « arts de la parole », constituant un genre à part entière qu’il nomme le « genre oraliturel ». 

Il annonce dès lors : « cette fois. J'ai utilisé ce concept d'oraliture pour analyser des œuvres aussi bien populaires que savantes, orales ou écrites. Je le crois effectivement plus opératoire que celui de littérature orale. J'ai entendu des collègues angolais employer, dans le même sens, le terme « oratura ». Je demeure persuadé qu'oraliture traduit fort bien un parallélisme de la littérature et de ce qu'on appelait « littérature orale ». Si oratura semble bien fixer l'attention sur la voix (os, oris) oraliture, par la terminaison, attire davantage cette attention sur l'analogie avec la littérature, donc avec l'écriture qualifiée de traditionnelles[6] ». Dix ans après, dans une interview accordée à Pierre-Raymond Dumas pour la revue Conjonction, Mirville définit enfin son concept, il déclare que « l'oraliture est l'ensemble des créations non écrites et orales d'une époque ou d'une communauté, dans le domaine de la philosophie, de l'imagination, de la technique, accusant une certaine valeur quant à la forme ou au fond[7] ». 

« Littérature orale » ou « oraliture », qu’importe le nom attribué à ce genre de production, il s’agit ici de l’ « expression esthétique par voie orale, des valeurs sociales d'un peuple transmises verbalement à travers les générations. Ce qui signifie en principe qu'elle s'occupe de ce qui est dit avec beauté et art dans la tradition orale, sans oublier le contenu qui y est enfermé[8] ». Parmi les diverses formes que peut prendre l'oraliture, Mirville précise : « les contes chantés, les contes devinettes, les prières, les chansons sacrées, les chants de travail, les chants de carnaval ou de rara, les chansons politiques, les audiences. [9]». De surcroît, nous pouvons étendre la définition de Mirville aux mythes, aux récits mythologiques, aux adages, aux aphorismes, aux maximes, aux formules magico-religieuses, aux proverbes, aux sentences, aux histoires drôles et facéties, aux comptines, aux récits inspirés par l'actualité, aux cris des marchands, et à bien d'autres (voir Mouralis, 1975).

À travers ce colloque, nous proposons aux chercheurs d'aborder les problèmes/la manifestation de l'identité algérienne et de dévoiler sa structure en soubassement de toutes les productions (littéraires, artistiques, culturelles, cinématographiques, théâtrales…etc.). Il s'agira également d'étudier l'Oraliture comme miroir et archive de la société, de sa fonction, de sa représentation et de sa manifestation dans la construction de l’identité et de la mémoire collective.

Les intéressés accorderont de l'attention aussi aux différents genres de l'Oraliture et à leur organisation structurelle, lesquels se veulent des manifestations orales qui s'opèrent dans un cadre où la voix, la gestuelle, la scène et l'image de soi ont pour effets d'influer sur leur réception. 

Axes thématiques :

Identités, genres, structures et esthétique dans l’oraliture algérienne ;
Oraliture et littérature, l’usage de l’oraliture dans la littérature algérienne ;
Didactique et oraliture, l’usage de l’oraliture dans le système éducatif.
Cultures orales : Légendes, épopées, mythes, contes populaires et récits personnels

1- Sur le conte :

·      Réinventer l’art de conter

·      Le conte remémoré, la lecture racontée

·      Le contage pour une réinvention d’une écoute collective socialisante

·      Le conte, vecteur d’éternité et d’immémorialité

·      Le conte d’animaux et écologie

·      Littérature de jeunesse et iconotexte : le conte imagée et textualité de l’image

·      Oraliture, réflexion sur une mise en œuvre contemporaine des contes maghrébins et africains

·      De l’oral à l’écrit : un tournant ontologique et anthropologique contemporain dans l’art du contage

2- Sur le mythe :

·      Retour du mythe et résurgence de l’imaginaire des symboles dans les littératures francophones

·      Le pouvoir des structures mythiques et des images symboliques sur les comportements sociaux et les pratiques culturelles.

·      Mythe, texte oral « dilemmatique » (selon Lévi-Strauss)

·      Mythes, Rites et Oralité

·      Mythologie et synchronicités : de la mythocritique à la Mythanalyse

3- Sur l’oraliture / oralité :

·      L’Oraliture et la répétitivité stéréotypique de la parole

·      L’oralité, inspiration héritière d’une mémoire ancestrale                 

·      Oraliture : Culture orale et narration mémorielle

·      Intégration des marques de la tradition orale dans la littérature

·      Oraliture et récits d’enfance maghrébins

·      L’Oraliture : l’écrit et/ou la survivance de la parole

·      L’Oraliture : voyage de l’oral à l’écrit dans les littératures francophones

·      La littérature de terrain : littérature orale narrative

·      Oraliture : Archive de la société, représentation et construction d’une mémoire collective.

·      Oraliture et manifestations orales : cadre de la voix, gestuelle, scène d’énonciation, et l’image de soi

·      Oraliture et les écrivains de la migritude

·      Recréer l’oral dans l’écrit

·      Oraliture et littérature dans les textes maghrébins et africains

·      Oraliture et dynamique des genres : Généricité entre l’inter et le trans dans l’aventure de l’écriture du nouveau roman (maghrébin et africain)

·      L’écriture, berceau de la mémoire orale      

·      Oraliture et sphère culturelle : de la Sémiosphère à la coopération textuelle.

Calendrier de soumission :

15 septembre 2024 : date limite pour l’envoi des propositions de communication (résumé de 300 à 500 mots, 5 mots-clés, notice biobibliographique de l’auteur) ;

20 septembre 2024 : notification de l'acceptation de la proposition ;

Prière d’envoyer les résumés à l’adresse suivante : sihem.guettafi@univ-biskra.dz

Présidente du colloque :

Dr. Sihem Guettafi, Université de Biskra.

Comité scientifique :

Dr. Khaled Guerid, Université de Biskra (président du comité scientifique).

Pr. Abdelouahab Dakhia, Université de Biskra.

Pr. Aini Bettouche, Université de Tizi Ouzou.

Pr. Amel Maouchi, Université de Constantine 1.

Pr. Aziza Benzid, Université de Biskra.

Pr. Chahrazade Lahcen, Université de Laghouat.

Pr. Dalila Belkacem, Université d’Oran 2.

Pr. Nabila Bedjaoui, Université de Biskra.

Pr. Nadjiba Benazouz, Université de Biskra.

Pr. Mounir Dakhia, Université de Biskra.

Pr. Chafika Femmam, Université de Biskra.

Pr. Nacereddine Benghenissa, Université de Biskra.

Pr. Foudil Dahou, Université de Ouargla.

Pr. Souhila Ourtirane, Université de Sétif 2.

Pr. Youcef Atrouz, Université d’Annaba.

Dr. Dounia Djerou, Université de Biskra.

Dr. Houda Aouiche, Université de Biskra.

Dr. Ismail Slimani, Université de Bordj Bouareridj.

Dr. Souad Baba Saci-Redouane, Université de Sétif 2.

Dr. Khadidja Ghemri, Université de Biskra.

Dr. Lazhar Benaissa, Université de Biskra.

Dr. Louisa Hachani, Université de Ouargla.

Dr. Mounir Hammouda, Université de Biskra.

Dr. Nadjette Ouamane, Université de Biskra.

Dr. Nassima Belazrag, Université de Biskra.

Dr. Salim Khider, Université de Biskra.

Dr. Tarek Khireddine, Université de Biskra.

Dr. Yasmine Achour, Université de Biskra.

Dr. Hafida Kasmi, Université de Ouargla.

Dr. Naouel Hamel, Université de Biskra.

Dr. Sabrina Melouah, Université d’Annaba.

Dr. Siham Zerari, Université de Biskra.

Dr. Sonia Saouli, Université de Biskra.

Dr. Soraya Refrafi, Université de Biskra


 
[1] CHAMOISEAU, Patrick, Solibo Magnifique, Editions Gallimard, Paris, 1988.
[2] Définition citée par Anne Marchand, « Mythes ? Contes ? Légendes ? De quoi parlons-nous ? », dans Société de Mythologie Française, En ligne, , consulté le : 30 avril 2019.
[3] ENO BELINGA, Samuel. Martin. La littérature orale africaine. Éditions Saint Paul, 1978, p.7.
[4] DUMAS, Pierre-Raymond, « Interview sur le concept d'oraliture accordée à Pierre-Raymond Dumas par le docteur Ernest Mirville », Conjonctions, N° 161-162, mars-juin 1984, p. 161.
[5] Spécialiste de l’histoire culturelle médiévale
[6] DUMAS, Pierre-Raymond, op. Cit., p.162.
[7] Ibid.
[8] NGIJEL-NGIJOL, « La parole agréable », in Revue Notre librairie, n° 99 octobre-décembre 1989, clef, 1990, p. 23.
[9] DUMAS, Pierre-Raymond, op. Cit., p.162.